Trente-huitième virage
Trente-huitième virage.
Même s'il avait déjà vu tout ce qu'il y avait à voir, par pudeur, Virus se détourna pendant que Knife se rhabillait.
Du coin de l'œil, il vit Wolf aider le biker à se lever. Il roula les yeux. Si Knife avait été en mesure de le baiser, il était parfaitement capable de marcher seul. À quoi jouait-il ?
— Je vais faire le check-out à la réception et je vous attends près des motos, dit-il avant de quitter la chambre avec un air agacé.
Wolf jeta un regard interrogateur à Knife l'air de dire « mais qu'est-ce qui lui prend ? », ce à quoi le motard aux cheveux rouges se contenta de répondre par un haussement d'épaules. Il ne comprenait rien.
Il s'était confessé à Virus, lui avait demandé d'être avec lui. Virus l'avait alors clairement rejeté. Alors, pourquoi réagissait-il ainsi maintenant que Knife lui disait ne pas avoir besoin de son aide ?
Quelle plaie, sérieux..., pensa-t-il en récupérant son sac.
— Ne t'en fais pas avec lui, dit-il en se tournant vers Wolf. On s'est un peu pris la tête, c'est tout.
Son ami plissa les yeux avec suspicion. Knife savait que Wolf se doutait de quelque chose – ils se connaissaient depuis bien trop longtemps pour que ce ne soit pas le cas –, mais refusa de s'expliquer plus en détails.
Ils quittèrent finalement tout les deux la chambre et rejoignirent Virus qui les attendait déjà sur le parking, près des deux motos, la sienne – une Harley entièrement noire, une peinture mate, idéale pour disparaître dans la nuit – et celle de Wolf – aussi une Harley, mais de couleur grise.
Knife s'avança en affichant un rictus moqueur :
— Aucune chance que je te laisse conduire ma moto une deuxième fois, microbe.
L'interpellé croisa les bras sur son torse et lui répondit froidement :
— Je monte avec Wolf.
Knife serra les lèvres, mais il ne dit rien. Non, il ne rêvait pas : Virus lui faisait bel et bien la tête. C'était quoi, son problème ? Ils venaient de coucher ensemble et il refusait de monter à moto avec lui ? Juste parce que Wolf était là, Knife se retint de faire une remarque, mais ce n'était pas l'envie qui manquait.
Pendant qu'ils s'affrontaient du regard, le troisième homme fronça les sourcils et désigna le cou de Virus du doigt. Le jeune homme eut un mouvement de recul et bégaya aussitôt.
— Je... je sais, c'est rouge, balbutia-t-il, je pense que je suis allergique au savon qu'ils ont mis dans la douche... ou peut-être à la lessive qu'ils ont utilisée pour les draps. C'est apparu juste après.
Knife détourna le regard pour masquer son expression moqueuse. Il était certain que Wolf n'allait pas avaler une chose pareille. Pourtant, son ami n'insista pas.
— Bon. On y va ? Plus vite on sera rentrés et loin de ce trou à rats, mieux je me sentirai.
Cette ville ne faisait que lui rappeler de mauvais souvenirs.
Les autres hommes acquiescèrent. Virus monta à l'arrière de Wolf et Knife enjamba sa propre moto.
***
Le trajet fut rapide. Ce n'était pas si loin. Ils auraient pu faire le trajet hier, mais après sa violente crise de dissociation et de panique, Knife n'aurait pas été en mesure de tenir les quelques kilomètres qui les séparaient de sa maison.
L'odeur des épinettes et de la terre était réconfortante. La silhouette des arbres qui entouraient la petite cabane suffisait à ce qu'il se sente détendu. Ce n'était pas un palace, mais c'était chez-lui. Et il s'y sentait infiniment mieux que nulle part ailleurs.
Les motos s'arrêtèrent sur le parking et Knife fut le premier à descendre. Il étira ses muscles en levant les bras au ciel.
— Vous entrez ? demanda-t-il en désignant la porte.
Wolf hésita, puis lui parla en langue des signes :
[Tu sembles être suffisamment remis. Je ne sais plus si ma présence est toujours requise. Danger voudra sans doute m'affecter à autre chose. Il m'a parlé d'une mission de l'autre côté de la frontière l'autre jour. S'il y a quoique ce soit, tu sais que tu peux toujours m'écrire.]
Virus ne parlait pas très bien la langue des signes, mais des quelques signes qu'il connaissait et à l'expression du visage de Knife, il lui semblait comprendre ce qui était en train de se passer. Et aussitôt, il sentit la panique l'envahir. Lui, seul avec Knife ? Après ce qui s'était passé entre eux ?
— Tu t'en vas ?!
Wolf hocha la tête.
— Danger a besoin de lui apparemment, spécifia Knife, pour une mission spéciale. Il est inutile que vous soyez deux à jouer les gardes malades pour moi dans une si petite cabane.
Il se tourna vers Virus et ajouta :
— Désolé, il faudra que tu me supportes encore un peu, mais il est vrai que je vais mieux. Danger pourra aussi te réaffecter à autre chose bientôt.
Et ce serait sans doute mieux ainsi. Il était sincère et vraiment désolé, car il vaudrait mieux que Virus soit loin de lui désormais. Il ne tenait pas à lui imposer ses problèmes... ni ses sentiments. Ce calvaire serait bientôt terminé.
Il était reconnaissant envers les Gun pour les avoir accueillis, Wolf et lui, parmi eux et leur avoir donné la famille qu'ils n'avaient jamais eue. Mais Knife s'était toujours débrouillé seul et il s'avérait que, parfois, cette nouvelle famille soit trop collante et trop protectrice.
Enfin, les ordres étaient les ordres. Et il ne pouvait pas aller contre la volonté de Danger.
— Je vais appeler Danger, répliqua Virus avec un air visiblement agacé.
Le jeune homme aux cheveux bleus les dépassa pour s'engouffrer dans la cabane le premier. Il espérait tirer la situation au clair. Peut-être qu'il pouvait convaincre Danger de choisir quelqu'un d'autre pour cette mission spéciale ? Après tout, à l'hôtel, il n'avait pas vraiment eu l'occasion de lui parler finalement, puisqu'il avait interrompu un moment d'intimité qu'il aurait voulu ne jamais interrompre entre son chef et son amant.
Seul avec Wolf, Knife le regarda longuement en croisant les bras. Il savait quand son meilleur ami mentait.
— Je sais que Danger ne t'a pas appelé pour une mission soi-disant « urgente », le confronta-t-il directement. Je sais aussi que tu sais faire la différence entre une réaction allergique et... autre chose.
Wolf arqua un sourcil et haussa les épaules, admettant sa culpabilité.
[Je pense que vous avez besoin de n'être que tous les deux.]
— Merci du geste... mais je crois que c'est foutu.
Son ami lui jeta un regard étonné.
[Pourquoi ?]
— Il m'a déjà rejeté.
Puis, merde, c'était déjà assez douloureux une fois. Il ne tenait pas à se faire rejeter une seconde fois.
[Les gens peuvent changer d'avis. Je ne suis pas expert, mais si je me fie à ce qui s'est sûrement passé entre vous cette nuit...]
Knife soupira.
— Même s'il a changé d'idée, ça ne fonctionnera pas. Je ne peux pas laisser les choses se faire au-delà de cette nuit...
[Pourquoi ?] l'interrogea à nouveau Wolf sans comprendre.
— Je l'aime et je ne veux pas qu'il voit à quel point je suis brisé en tellement de morceaux qu'on ne pourra jamais me reconstruire
Wolf le fixa, puis il hocha la tête avant de signer :
[Il a déjà tout vu. Et il resté.]
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