Cinquante-et-unième virage
Cinquante-et-unième virage.
Virus fit de son mieux pour suivre le rythme de Knife, commençant à courir derrière lui. Or, dès les premières minutes de la course, il sentit son cœur battre plus fort et sa gorge s'assécher. Rapidement, il les battements de son cœur résonnèrent dans ses tempes et ses poumons brûlèrent.
— Je... je peux plus...
Il arrivait à peine à parler.
— Allez, encore un peu. Tout est dans la tête, l'enjoignit Knife en ralentissant ses foulées pour se tenir à sa hauteur.
Virus était rouge comme une tomate, pas à cause de la gêne pour une fois. Il manquait d'oxygène. Il n'en pouvait vraiment plus. Il lui semblait que tout son corps brûlait : gorge, muscles, jambes, cuisses... Il avait l'impression qu'il allait s'évanouir s'il continuait.
— Putain, jura-t-il en serrant les dents.
Il s'arrêta net et se laissa tomber à genoux sur le bitume de la rue (heureusement, c'était une rue résidentielle avec très peu de passage). Cette fois, c'était fini. Ses poumons étaient en feu.
Il fixa le vide, essayant de reprendre son souffle, mais il n'arrêtait pas d'haleter. Et il avait chaud. Pendant un instant, il se demanda même s'il allait vomir tellement il était essoufflé.
En se rendant compte qu'il ne le suivait plus, Knife fit demi-tour et revint vers lui à la course.
— Ça va ?
Il essaya d'articuler :
— Mon cœur... bat... tellement... fort.
Knife regarda l'écran de son téléphone.
— Humm... tu as couru sept minutes sans t'arrêter. Ce n'est pas si mal pour un début.
Virus s'allongea à même le sol, attendant que ça se calme. Il ne pouvait rien faire d'autre après tout.
— On refait un sept minutes ensuite ?
Il le fusilla du regard.
— Tu es fou !
Knife s'esclaffa.
— OK, OK, mais dans ce cas, sept minutes sera la marque à battre pour les prochaines fois.
— Les prochaines fois ? croassa-t-il avec désespoir.
— Comment veux-tu améliorer ton endurance si on ne le fait qu'une seule fois.
Il gémit. Virus savait qu'il n'y aurait pas un miracle qui lui donnerait un meilleur cardio du jour au lendemain, mais... l'espoir faisait rêver.
— Je ne peux plus bouger.
Knife lui tendit la main pour l'aider à se remettre sur ses pieds.
— Tu te relèves ou est-ce que je suis obligé de te porter jusqu'au QG ?
Virus leva les deux bras et jeta un regard suppliant à Knife :
— Porte-moi.
Il ne pensait pas que Knife allait vraiment le faire. Il pensait que le biker allait lui rire au nez et l'obliger à marcher, mais à sa grande surprise, Knife se pencha et passa un bras sous ses genoux, l'autre sous le haut de son dos, le soulevant comme s'il ne pesait rien.
— Hé !
Tout le monde allait voir que Knife le portait ! Et s'il croisait quelqu'un sur la rue ? Cette personne n'allait-elle pas s'imaginer des trucs bizarres ?
— Quoi ? C'est toi qui as demandé.
— J'ai changé d'idée ! protesta-t-il.
Knife haussa les épaules.
— Trop tard.
— Mais...- !
— Si tu te débats, je te lâche.
Cette simple menace suffit à lui retirer toute envie de tenter d'échapper à cette position. Knife était grand : s'il tombait de si haut, il allait assurément se faire mal, encore plus sur l'asphalte.
Résigné, il soupira et passa ses bras autour du cou de Knife.
— Si quelqu'un nous voie, je te tue.
Le visage de Knife prit une allure effrayante.
— Tu crois en être capable ?
Pendant une fraction seconde – si vite que Virus ne pouvait pas être certain d'avoir bien entendu –, il lui sembla que la voix de Knife était devenue plus grave... plus comme celle de Greg... ?
Mais ce ne devait être que son imagination, puisque Knife s'esclaffa juste après.
— Je trouve que tu prends un peu trop la confiance, microbe. Oublies-tu que je m'appelle « Knife » ?
Virus fit la moue avant de secouer la tête.
— OK, je ne fais pas le poids au combat, c'est sûr. En revanche, avec un clavier et un écran, je peux ruiner des vies entières.
Et c'était d'ailleurs parfois bien plus effrayant.
— Alors... qu'est-ce que tu ferais ?
— Je peux faire des tas de choses. Je peux fabriquer un faux certificat de décès et te déclarer mort. Je peux effacer ton existence dans tout les registres du gouvernement et dans tous les systèmes informatiques.
— Hum... j'adorerais.
— Je peux fermer tout tes comptes en banque. Je peux générer du faux contenu compromettant et tout mettre en ligne. Ruiner ta réputation.
Knife plissa les yeux tout en continuant à marcher en direction du QG.
— On me voit déjà comme un monstre, il n'y a rien de plus à ruiner.
— Je pourrais pirater ton téléphone, faire en sorte qu'il joue une musique horrible comme Baby Shark en boucle sans que tu ne puisses l'arrêter.
Knife marqua une pause.
— Ah, voilà qui commence à être vraiment effrayant. Mais il me suffirait de me débarrasser du téléphone.
Virus ne s'avoua pas vaincu dans ce petit jeu.
— Je peux aussi pirater ceux qui t'entourent. Je pourrais te faire croire que tu as reçu un message de la part de Wolf ou de Danger. Je pourrais leur faire dire des choses horribles... ou t'envoyer dans une fausse mission. Je pourrais faire croire à un espion, monter les gens les uns contre les autres. Te faire tuer par un autre... ou te faire bannir.
Knife sourit, amusé.
— Machiavélique.
Virus lui retourna son sourire avec fierté. Il fit mine d'être faussement modeste :
— Je sais, je sais... !
— J'espère rester dans tes bonnes grâces alors.
— Oh... tu réussis plutôt bien jusqu'à maintenant.
Virus baissa la voix :
— ... surtout au lit.
Knife le regarda avec étonnement pendant que le plus jeune faisait semblant de n'avoir rien dit, esquivant son regard.
— Je ne pensais pas que ça te plaisait à ce point.
Cette fois, Virus releva la tête. Il voulait jouer les innocents, mais pas à n'importe quel prix. Il lui semblait important que Knife ait conscience d'une chose :
— Crois-moi, tu ne m'aurais pas touché si ça ne me plaisait pas. Et je ne serais pas resté.
— Et moi qui me retenais.
— N'importe quoi.
Quel menteur, celui-là ! pensa Virus en roulant les yeux. Les nuits précédentes ne lui avaient pas du tout donné l'impression que Knife « se retenait », bien au contraire.
— Si je ne me retenais pas, tu ne serais plus du tout en mesure de marcher, gronda Knife.
À nouveau, Virus eut l'impression que sa voix changeait légèrement, devenant plus grave, mais une fois de plus, il se dit que ce devait être dans sa tête. Il devenait parano avec tout ces changements d'alters.
— Alors, tu as intérêt à prendre tes responsabilités et me porter.
— C'est ce que je suis en train de faire.
En vérité, il n'avait jamais eu d'aussi bon sexe de toute sa vie. Et il s'en fichait s'il était détruit ou qu'il avait mal aux hanches. Ça en valait le coup.
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