Chapitre 13
Le vent qui passait au travers de la fenêtre de la voiture fouettait mes cheveux violemment. Le moteur rugissait tel un lion qui gronde, et l'asphalte chauffait en-dessous des roues. Les bâtiments défilaient, tous identiques, en une ligne blanche dont rien d'extraordinaire ne se dégageait. Il était un peu triste, je dois avouer, de voir que tout se ressemblait. Quelques fois, je voyais en haut, un volet peint en rouge ou en bleu, mais c'étaient bien là les seules fantaisies qu'on pouvait trouver dans ce quartier morose et monotone. Assurément, je me dis que je n'aurais pas aimé vivre là.
Cela faisait quelques années que nous avions décidé d'habiter cette ville. Au début, Léa trouvait ça un peu embêtant. Je me souvins que, lorsqu'on lui apprit la nouvelle, une larme discrète avait coulé sur son visage. Personne n'avait rien dit, mais je l'avais tout de suite remarqué, et ça me peinait pour elle. Pour moi, le changement ne fut pas si brutal, mais quelque chose m'embêtait, sans que je n'arrive à mettre le doigt dessus.
Je replaçai une mèche rebelle avant de regarder mon téléphone portable. Installé en tant que passager, je relevai un œil vers le rétroviseur. À l'arrière, Lucas se trémoussait, anxieux. Je voyais bien qu'il ne parvenait pas à garder son calme...
– Alors ? Me lança-t-il.
– Pas encore, grognai-je.
– Putain, mais c'est pas vrai ! S'exaspéra mon ami.
Je ne répondis rien, rangeant l'appareil dans ma poche, puis reportai mon attention sur la route. Il avait exactement dit ce que je pensais. Cela faisait trente minutes que nous étions dans le véhicule.
– Et vous cherchez quoi, exactement, les amis ? Ça fait une demi-heure qu'on roule, dit Jordan.
– Quelque chose d'assez... personnel, répondis-je.
– Vraiment ?
– Oui.
Jordan haussa les épaules, abandonnant son interrogatoire. Je ne voulais pas lui révéler ce que nous devions faire, je ne savais même pas si j'en avais le droit. Je ne désirais pas impliquer mon ami dans cette affaire sordide, ni le mettre en danger de quelque manière que ce soit.
J'adossai ma tête sur le siège, et poussai un soupir d'agacement. Je n'arrivais pas à y voir clair. Je savais très bien ce que j'avais à faire, mais je ne savais pas par où commencer. Dans mon esprit, comme dans le ciel, des nuages gris apparaissaient pour rendre le monde mélancolique.
– Le temps commence à tourner à l'orage... commenta Lucas. Je n'aime pas ça. De toute façon, je n'ai jamais aimé l'orage.
– Tu te souviens de cette fois, où t'as carrément sursauté quand un éclair venait de tomber ? Demanda Jordan. Tu buvais, et tu t'en es mis plein sur ton tee-shirt.
– Ah, ah, ah, ricana Lucas, sarcastique. C'est vrai, c'était une folle soirée ! Hilarant. Tu vois, j'en ris encore.
– Notre pauvre Lulu manquerait-il d'humour ? Ricanai-je sans joie.
– Toto !
– Pardon, pardon. Mais j'avoue, c'était assez drôle.
– Assez pour que monsieur puisse rire ? Tu sais qu'on peut compter les fois où tu ris vraiment sur les doigts d'une main ? Répliqua Lucas.
– Même en comptant chaque être humain dans cette ville, il n'y aurait pas assez de mains pour déterminer le nombre de fois où tu ris bêtement, lançai-je. Alors
– C'est vrai, c'est vrai. Mais comme on dit, une journée sans rire, c'est une journée perdue !
– Si tu le dis.
Pendant quelques secondes, seule la radio fut audible, crachotant faiblement une musique américaine dont le nom m'échappait. Soudain, le portable de Lucas commença à vibrer. Puis, une musique commença à se faire entendre, friviole et légère. Il regarda l'expéditeur, puis leva les yeux vers moi :
– C'est ... ? commençai-je à le questionner.
– Ma sœur, répondit-il.
– Toute cette sonnerie pour un seul message ? S'amusa Jordan. Et c'est quelle musique, d'ailleurs ?
– Popipo de Miku Hatsune.
– Sympa ! Commenta Jordan en se mettant à siffloter les notes joyeuses.
Lucas approuva, puis reporta son attention sur son téléphone. Je pris le mien, pour regarder si je n'avais pas reçu une notification ou un message.
Cela faisait plusieurs heures que j'avais décidé de notre plan d'attaque, et donc, de notre première étape. Rassembler la guilde. Je savais que ce serait une étape compliquée, parce que Genesis n'est pas uniquement un réseau francophone : il s'étend sur le monde entier.
Il ne s'agissait donc pas de réunir quelques individus ayant une passion commune, mais bien un groupe, bien plus brumeux ou éloigné, ce qui rendait la tâche particulièrement compliquée. J'ignorais encore réellement comment agir, ou si même je prenais la bonne solution. Cependant, je n'avais pas le choix. C'était, selon moi, la meilleure solution pour venir à bout de notre adversaire et pour repousser la menace.
Avant de partir, j'avais décidé de me rendre sur le site du jeu, épluchant conscienceusement toute partie du contexte historique de ce monde. J'y avais trouvé de nombreuses informations, certaines futiles, d'autres assez générales. J'y appris que ce monde était gouverné par une lignée d'empereurs. Je savais aussi que des généraux se répartissaient les différentes contrées. Cependant, des événements très étranges s'étaient passés depuis. Des terres entières se retrouvaient dévastées. Des vies entières étaient décimées.
Mais je savais aussi que, si cela touchait Genesis, ces catastrophes pouvaient aussi toucher notre planète. Un chaos total, voilà ce que serait notre planète si nous ne combattions pas ces monstres. L'humanité serait réduite à obéir aux démons, puis serait exterminée. La Terre deviendrait un champ de ruines. Tout serait perdu.
Soudain, mon téléphone sonna. Je jetai un coup d'oeil, désespéré d'attendre. Revenge m'avait prévenu qu'un de ses amis nous contacterait, et c'était vrai. J'avais reçu, un peu plus tôt dans la journée, un message me disant que, pour atteindre notre objectif, il fallait venir à l'expéditeur, qui se trouvait dans notre ville. Voilà pourquoi nous nous trouvions dans la voiture de Jordan.
Sur mon écran, une enveloppe était dessinée en gros. Je cliquai dessus. Elle commença à s'ouvrir...
« Je suis heureux de voir que tu agis vite. Je vais te dire où me voir. Il y a trop de monde pour se voir en ville. Trop dangereux. Destination : Le Lac. Et laisse ton ami repartir chez lui.
Ninuq. »
Le message était signé Ninuq, qui était, apparemment, un ami de Revenge. Je ne me souvenais pourtant pas de ce personnage sur le RPG. Était-ce un PNJ ? Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre.
Je regardai Lucas, le nez plongé sur son téléphone, avant de reporter mon attention vers la route.
– Jordan, s'il te plaît, tu peux nous emmener près du Lac, à quelques kilomètres de la ville ?
– Ouais, si tu veux... Mais pourquoi ce changement ?
– Un ami m'a proposé de me voir là-bas. On devait se voir en ville, mais il y a trop de monde pour lui.
Jordan acquiesça, puis prit la route indiquée. Comme la première fois, il ne nous fallut pas plus de vingt minutes pour nous y rendre. Le paysage linéaire défilait sous nos yeux, sans que je n'y prête vraiment attention. Bientôt, l'horizon urbain s'effaça, avec ses bâtiments, son agitation, ses voitures et ses commerces, pour laisser place à la nature, aux arbres secoués par le vent d'été, et par les feuilles mortes emportées par la brise dans les champs. Le chant des oiseaux traversait le ciel, et malgré le grondement du moteur, nous pouvions l'entendre assez clairement. Le ciel nuageux s'écartait sur des rayons solaires qui tombaient en demi-teinte sur les troncs fleuris.
Jordan arrêta la voiture près du Lac. Je sortis, claquai la porte. Lucas fit la même chose. Je fis un signe à mon ami, le remerciant pour nous avoir permis d'y arriver rapidement. Lorsque la poussière soulevée par le départ de la voiture retomba à terre, j'inspirai un grand coup.
Nous commençâmes à faire face à la grande clairière. Je misais beaucoup sur cette rencontre avec ce fameux personnage, sans même savoir à quoi m'attendre. Une certaine excitation, celle d'un jour qui semblait essentiel à notre existence, monta en moi. Un seul regard posé sur mon ami, et je sus qu'il en était de même pour lui, malgré ses efforts pour le cacher. Un petit sourire discret ornait son visage fin, et je ne pus m'empêcher d'y répondre.
Si vous avez une fratrie, il est très probable que vous ayez envie de les défendre et de les protéger coûte que coûte, au péril de votre vie. C'était exactement ce que ressentait Lucas. Comment puis-je l'expliquer sans même être à sa place ? Peut-être était-ce parce que nous étions amis ? Connectés ? Il est vrai que nous avions un lien si fort et si puissant qu'il me suffisait d'un regard pour le comprendre.
Je me souviens. Au début de notre relation, j'avais érigé des barrières mentales afin qu'il ne puisse vraiment lire en moi. Comment décrire Lucas ? C'est le genre de garçon à vous approcher et à vous dire de but en blanc qu'il vous apprécie et qu'il veut devenir votre ami, jusqu'à même s'introduire dans vos pensées. Parce que Lucas avait cette faculté de lire dans les yeux des autres êtres humains. Ses iris d'émeraude pénétraient votre cœur comme un couteau dans du beurre. Impossible de lui résister.
J'avais bien essayé, mais sans réussir. Je n'aimais pas le bruit ; j'étais, à moi tout seul, ce silence obscur des bibliothèques. C'est ce que Lucas me dit, parfois, quand nous ne sommes que tous les deux et que je ne lui parle pas, quand je reste à contempler l'horizon. Il s'agissait peut-être d'un reproche, mais je savais que dans l'éclat de ses yeux, il me disait de ne pas changer.
Moi aussi, même si je pouvais lui reprocher bien des choses, dont son comportement enfantin, je n'imaginais pas un jour qu'il ne puisse ni rire, ni faire de blagues stupides, ni même me faire sourire.
– Tho-mas ! Je te parle, tu m'écoutes ?
– Hein ?
Je cessai de regarder le ciel, pour me tourner vers mon ami. Durant ma petite tirade intérieure, je n'avais pas fait attention, et j'observais l'horizon, probablement d'un œil las et absent, parce que je n'avais entendu ni les pas de Lucas, ni sa voix retentir à la frontière de la clairière. Je lui souris vainement et lui demande de répéter. Un air préoccupé est peint sur son visage.
– Je te disais qu'on est bientôt arrivé, mais je sens...
– Ouais. C'est une odeur bizarre, un peu âcre, mais je crois que c'est de la magie.
Une brume légère et odorante flottait entre les arbres, prenant nos gorges. Plus nous pénétrions dans la clairière, et plus cette odeur s'intensifiait. À travers les ombres des arbres, une silhouette s'avança. Je me mis sur mes gardes, quand ...
– Bonjour ! Belle journée, pour faire une petite marche, n'est-ce pas ?
Un randonneur, un homme approchant de la quarantaine, avec des cheveux coupés au bol, à l'air robuste et montagnard, nous faisait un petit signe de la main et souriait de toutes ses dents. Mon cœur faillit lâcher.
– Bonjour monsieur, répondit Lucas. Oui, vraiment, n'est-ce pas Toto ?
– Oui, oui, dis-je.
– L'odeur de la forêt est prenante, vous ne trouvez pas ?
– Si.
– Bon, eh bien, je vais vous souhaiter une bonne journée mes petits. Prenez garde à ne pas vous tordre la cheville, ce serait malheureux ! Vivez votre jeunesse !
Quand il se retourna pour continuer sa petite course, je ne pus me retenir de souffler qu'il y avait des tarés partout...
Je ne pus continuer plus longuement cette réflexion. Le Lac était devant nous. Et au bord de ce dernier, un homme se tenait droit. Il portait un blouson en cuir, des gants. Lorsqu'il nous aperçut, un grand sourire se peignit sur son visage ; il réhaussa ses nouvelles lunettes du bout de l'index, puis tendit les bras.
– Bonjour, les enfants. Je ne pensais pas que l'on soit obligé d'agir si tôt, mais je suis heureux de voir que vous êtes venus.
Mon cœur lâcha une seconde fois. Lucas me regarda, puis regarda l'homme, puis retourna ses yeux vers moi. À la vitesse à laquelle je devenais pâle, et comment il semblait choqué, il venait de comprendre. Nous parvînmes à balbutier :
– Bon... Bonjour, Monsieur Quinn.
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NDA : Hey, hey, hey ! :D Comment allez-vous ? En tout cas, moi, ça va ! :D (# Youtubeur en début de vidéo xD)
J'espère que vous avez passé un bon moment en lisant ce treizième chapitre. Aujourd'hui, on retrouve de vieux personnages ! Alors ? Surpris, contents, étonnés ? Bon, certes, Jordan fait le chauffeur, mais bon, j'aime bien ce personnage xD
J'ai glissé pleiiin de références dans ce chapitre... Saurez-vous les reconnaître ? :D Je répondrai à une question de celui ou celle qui saura les identifier.
On se retrouve bientôt pour le 14e chapitre :D
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