Chapitre 30
Mathilde :
Avec la bonne excuse d'être clouée au lit par une maladie terriblement contagieuse, je ne vais plus au lycée depuis trois jours. Enfin, cette maladie s'appelle plus précisément le cœur brisé, et fort heureusement, mon père a su faire preuve d'indulgence en voyant la tête de déterrée que je me trimbale depuis mardi. Une fille de ma classe avec qui j'ai un peu sympathisé à la rentrée passe le soir pour m'amener les devoirs, c'était la condition pour que je reste faire la larve tranquillement à la maison, alors je m'y suis pliée. Cependant, assise en tailleur sur le lit, cette fois, ce n'est pas Émilie que j'attends, mais Sarah. Après qu'elle m'ait laissé trois messages et qu'elle ait tenté de m'appeler plusieurs fois je me suis résolue à la voir.
Après tout, avant que j'établisse de la distance entre nous, elle était mon amie et de loin, la meilleure que j'avais, alors pourquoi ai-je choisi de m'engager dans une illusion romantique plutôt que de rester auprès des filles ? Je n'en sais absolument rien. Ceci étant, ressasser le passé n'aide pas à avancer, j'en ai fait l'expérience ces trois derniers jours à être hantée par les souvenirs nauséabonds que Théo m'a laissés. En bas, j'entends la sonnerie retentir. Les battements de mon cœur s'accélèrent, je me sens tellement nulle d'avoir agi ainsi avec Sarah que je redoute le moment où elle sera en face de moi. Et puisque j'ai clairement la flemme d'aller lui ouvrir, je passe la tête par la fenêtre et crie son prénom. Depuis les marches du perron, je la vois lever les yeux et me sourire.
— Tu viens m'ouvrir ?
— Y a pas moyen, je suis en pleine fusion avec mon lit, mais tu peux entrer c'est ouvert.
Elle lève son pouce dans ma direction, sa silhouette disparaît et la porte claque. Je me détends, si Sarah a fait l'effort de venir jusqu'ici, je n'ai aucune raison d'angoisser sur l'idée qu'elle peut avoir de mes agissements. Elle n'a jamais émis de jugement à mon égard, pourquoi
— Tu viens m'ouvrir ?
— Y a pas moyen, je suis en pleine fusion avec mon lit, mais tu peux entrer c'est ouvert.
Elle lève son pouce dans ma direction, sa silhouette disparaît et la porte claque. Je me détends, si Sarah a fait l'effort de venir jusqu'ici, je n'ai aucune raison d'angoisser sur l'idée qu'elle peut avoir de mes agissements. Elle n'a jamais émis de jugement à mon égard, pourquoi le ferait-elle maintenant ? Suivant le fil de cette logique, je ferme la fenêtre, m'emmitoufle sous la couverture.
— Alors petite fleur, tu déprimes ? Sourit Sarah en franchissant le pas de la porte.
Elle se précipite sur le lit, me serre dans ses bras. Son élan d'amour me surprend, mais après coup, je me souviens qu'il en a toujours été ainsi entre nous, avant que ce ne soit moi qui prenne de la distance.
— Tu sais que je suis vraiment désolée... Pour tout. Je m'entends renifler, la tête dans ses cheveux, soulagée que sa chaleur comble soudainement le vide dans ma poitrine.
— C'est rien Mathilde, je t'en veux pas une seule seconde. Mais... J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé dans ta tête pour que tu réagisses comme ça. Je veux pas te bousculer ni rien, mais je comprends pas comment t'as pu croire que je ne t'apporterais pas mon soutien dans toute cette histoire et j'aimerais bien que cette fois, tu me dises les choses...
Je ne pensais pas qu'elle me pousserait vers ce sujet-là d'entrée de jeu, mais plus vite on l'abordera, plus vite je pourrai lui tourner le dos.
— Je veux bien t'expliquer... Mais, tu promets de ne pas me juger ?
— Mathilde, je ne l'ai jamais fait, et je ne le ferai jamais.
Sarah reste fidèle à elle-même contrairement à moi. J'esquisse un sourire, ferme les yeux pour laisser revenir tous ces souvenirs que je m'efforce d'oublier.
— Ok, dans ce cas-là, je vais te raconter l'horrible et merveilleuse soirée que j'ai vécue mardi...
Mardi 26 septembre.
Ce que j'aime le mardi, c'est partager mon heure de trou entre quatorze et quinze heures avec Théo. Normalement, il a cours, mais ces derniers temps, il se fout bien d'en sécher quelques-uns tant que c'est pour la bonne cause comme il dit et si moi je ne m'étais jamais permis de le faire par le passé, aujourd'hui, la tentation de rester avec lui se fait plus forte. Théo est si doux. La première fois, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une combine, mais au fil des jours, cette réalité s'estompe et je préfère me fier au jugement de mon cœur.
— Bon, je crois qu'on va devoir bouger... Je souffle, alors que Théo est focalisé sur les mèches de mes cheveux qu'il enroule autour de ses doigts.
Il pousse un petit gémissement contrarié quand je lui signale qu'il faut qu'on aille en cours.
— J'ai pas envie d'y aller...
Il plante un baiser sur ma joue, je frémis.
— Y a pas le choix...
— Bien sûr qu'il y a le choix. Mathilde, t'imagines pas à quel point c'est douloureux de te voir deux tables plus loin à chaque fois et de me dire que même avec une distance si petite, je me sens trop loin de toi. Tu me fascines, je me repasse en boucle chaque instant où je t'ai vue sourire pour que l'heure passe plus vite, mais ça fait que la rendre plus longue et tortueuse. Te savoir si loin et si près, ça me tue.
Sa déclaration me coupe le souffle. Il n'arrête pas de me dire des choses comme ça et ce qui m'a fait croire en la sincérité de ses paroles c'est que Théo ne se contente pas de mots. Je le sais quand je croise son regard, quand ses yeux crient tout l'amour qu'il me porte et qu'il s'efforce de refréner à cause du jeu. Qui l'eût cru d'ailleurs ? Pas moi en tout cas, et pourtant, je constate que derrière son masque, il est loin d'être celui qu'il prétend. Si j'ai accepté l'attirance qu'il suscite en moi, c'est parce qu'au fond, je suis prête à prendre le risque de le croire pour comprendre ce qui l'a amené à jouer au Virginity Game. Il semble si différent des autres, si différent de ce qu'il laisse paraître.
— Tu sais quoi, j'ai quelque chose pour remédier à ce qui te torture l'esprit.
Ses yeux s'illuminent aussitôt, son sourire s'agrandit.
— Oh Mathilde, tu as toute mon attention.
— Eh bien, je me dis qu'on peut peut-être prendre la voiture et aller chez toi...
Je laisse ma phrase en suspens, complètement hypnotisée par l'étincelle qui grandit dans son regard. L'attraction qui s'exerce entre nous parle la plupart du temps à ma place et contrairement à ce qu'on pourrait croire, je ne le regrette jamais.
— Attend, t'es sérieuse ? Mais... Et ton exposé cette aprèm ?
— C'est pas faute de m'y faire penser, mais je l'ai pas fait de toute façon, donc raison de plus pour qu'on se barre d'ici !
Je tends ma main vers Théo pour l'aider à se relever, il la contemple sans bouger, comme si un présent s'offrait à lui.
— Mathilde, t'ai-je déjà dit que tu es la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie ?
Et sur ces paroles qui font vibrer la moindre de mes cellules, il saisit ma main qu'il parcourt de baisers.
— Je crois bien avoir déjà entendu ce genre de mensonges sortir de ta bouche en effet.
Sa moue vexée me fait sourire, il n'aime pas quand je fais allusion au rôle qu'il pourrait jouer. Pourtant, cette fois, il ne m'embrasse pas ou ne fait pas mine d'être blessé plus longtemps. Il me fixe avec un air sérieux, ses mains viennent encadrer mes épaules fermement, je ne suis centrée que sur lui.
— Mathilde, je sais que tu dis ça pour rire, seulement je veux pas te laisser croire que je suis simplement le joueur que je laisse paraître. Avec toi... Je suis bien. Et c'est la première fois que j'ai envie de faire les choses correctement, sauf que j'ai pas la moindre idée de comment m'y prendre tu vois... Alors je sais pas trop comment faire ni...
Je l'interromps en pressant mes lèvres contre les siennes, geste qui a tôt fait de nous apaiser l'un comme l'autre. Je sens les muscles de ses bras se détendre et relâcher mes épaules pour finalement prendre possession de tout mon corps qu'il ramène contre son torse avec tendresse.
— Je sais tout ça Théo, et je sais lequel est le vrai toi parmi tous les mots et les actes que tu sèmes, c'est pour cette raison que je te fais confiance.
Dans un coin de ma tête, ma conscience me dit que je pourrais regretter mes paroles, seulement, Théo m'a retourné le cerveau de la plus agréable des façons. Je n'ai pas honte de m'avouer à moi-même qu'au-delà du désir que j'éprouvais au début, je suis en train de tomber amoureuse de lui, peu importe le degré d'absurdité, j'aime celui qu'il n'ose être qu'avec moi.
— On y va ? Me demande-t-il entre deux baisers qu'il dépose sur mon front.
Je souris, hoche la tête en glissant ma main dans la sienne.
Quand on arrive chez lui, la maison entière est nôtre, il n'y a pas âme qui vive. Même pas un petit chat qui traîne dans le jardin ou le salon. Juste lui, moi, et la quantité infinie de désirs qui n'a cessé de s'accentuer durant le trajet. À peine avons-nous franchi le seuil de sa chambre que je me précipite contre lui, avide de goûter à ses lèvres encore et encore jusqu'à me noyer dans leur douceur.
— Mathilde... attends.
Je me détache doucement de lui, constate qu'avec l'élan de passion qui m'a entraînée, nous avons basculé sur son lit.
— J'ai vraiment très envie de toi, mais je veux pas qu'on fasse une connerie ou quelque chose que tu regretterais...
La sincérité de ses paroles et l'hésitation qui marque le timbre de sa voix, me mettent dans une confiance totale qui, en fait, ne m'a jamais quittée en sa présence.
— Je t'aime. Je lui avoue, droit dans les yeux.
C'est un peu comme le test ultime que ma conscience souhaite m'imposer. Si l'étincelle dans son regard le trahit, je saurai que je faisais fausse route, mais si jusque-là tout est vrai comme je le pense et l'espère du fond de mon cœur, je n'arrêterai pas. Et il suffit d'une seconde pour que les dés soient jetés. Quand mon aveu percute Théo, sa poitrine se soulève plus que d'ordinaire avant que je ne fasse la rencontre d'un tout nouveau sourire qui m'achève littéralement.
— Je t'aime aussi.
Et là, c'est l'euphorie générale dans tout mon corps. Quelque chose de différent se dégage dans le fond de ses yeux, comme si j'étais sa rédemption, l'éclat précieux dans sa vie, comme il n'a de cesse de me le dire. Puis, d'une même entente, nous entreprenons de reprendre là où nous en étions. Je m'extasie d'enfin pouvoir assouvir les désirs tenaces qui me strient le ventre quand je suis avec lui. Le plaisir semble partagé, du moins, son sourire me le concède et sa douceur me l'assure.
Je fais une pause dans ma narration pour reprendre mon souffle, mais surtout, pour retenir les larmes qui me brûlent les yeux.
— Jusque-là, je t'avoue que j'arrive vraiment pas à faire le lien avec la réalité... De ce que tu m'en dis, Théo avait l'air vraiment fou de toi, si ça se trouve il fait semblant de s'en foutre pour le jeu justement. Lance hypothétiquement Sarah, qui ne m'a pas interrompue une seule fois.
J'esquisse un maigre sourire qui ne fait pas long feu.
— Si seulement l'histoire s'arrêtait là je te l'accorde, mais je t'ai pas raconté le pire...
Faire ma première fois avec un joueur n'était même pas pensable. Offrir ma virginité à l'homme que j'aime était une idée plus plaisante, mais je n'aurais jamais imaginé combiner les deux. Cependant, je suis amoureuse de Théo, le joueur dont je suis le pion, mais dans la situation actuelle, je ne vois plus les choses ainsi. Et peut-être ai-je tort, mais à cet instant, douillettement blottie contre son torse, je m'en fous.
— Mathilde ?
— Mmh ?
— Tu es déjà tombée amoureuse avant ?
— Non jamais. Pourquoi ?
Théo rit dans sa barbe, se redresse, l'atmosphère change brutalement.
— Parce que ça se voit putain. Je devrais te remercier de m'avoir donné ce que je voulais aussi rapidement, ça me permet d'établir un nouveau record, mais en fait, j'ai quand même un peu de peine.
Sur le coup, je ne comprends pas. Du moins, j'espère qu'il s'agit d'une blague, mais le silence se prolonge sans qu'il cherche à se rattraper. Théo se lève du lit, m'offre une vue imprenable sur son corps nu. Je le trouve magnifique, mais cette fois, cette pensée s'accorde à un sentiment dévastateur qui me tord les tripes.
— En fait non, je vais arrêter de mentir.
Il se baisse, ramasse son caleçon par terre. Je suis incapable de prononcer un mot, trop focalisée sur l'ascenseur émotionnel qu'il suscite en moi. Une once de soulagement me frôle.
— Je ressens aucune peine.
Et ce sentiment vire aussitôt en une envie irrépressible de vomir. Au lieu de me laisser abattre par ce revers de médaille, je sors du lit, m'habille en vitesse. Mes pensées ne cessent de tourner en boucle, est-ce réel ? Puisque Théo a fixé sur son visage un masque rigide, je suppose que oui, seulement, il m'apparaît bien plus faux de cette façon que lorsqu'il «jouait» avec moi.
— Alors tout ce qui s'est passé entre nous, c'était des conneries ? Ça faisait partie du jeu ?
— T'es longue à la détente. Soupire-t-il avant de poser son regard sur moi, atterré de me voir si surprise et chamboulée. Rah, j'oubliais à quel point ce moment est chiant. Écoute Mathilde, t'es pas la première à me faire ces yeux-là et dans un sens, je serai peut-être pas le dernier mec à te prendre pour une conne, donc t'as qu'à te dire qu'au fond, c'est plutôt une bonne chose. À l'avenir, tu seras peut-être moins naïve.
Ses paroles sont la goutte d'eau qui fait déborder. Néanmoins, je conserve un minimum de fierté pour ne pas me laisser démolir petit bout par petit bout sans agir.
— C'est sûr que je m'attendais vraiment pas à ce genre de chute. Mais peu importe ce qui te reste en réserve et que tu dois me cracher au visage pour me démolir ou je ne sais quoi, j'ai quelque chose à te dire moi aussi.
Il soupire, fait mine d'adopter une posture blasée qui ne lui va vraiment pas. À cet instant, ce qui me fait le plus de mal, c'est de le voir redevenir quelqu'un qu'il n'est pas. Seulement, il jongle entre plusieurs personnages pour me perdre, et ce qu'il ne prend pas en compte, c'est qu'il se perd sûrement tout autant.
— Vas-y, fais-moi un de tes jolis petits discours, je crois que j'ai eu à peu près toutes les versions possibles et imaginables.
Énième coup de couteau dans le cœur. C'est douloureux, cependant, je sais que je m'en remettrai.
— T'es ridicule d'agir de la sorte. Je commence, la voix légèrement tremblante, puis voyant l'air nonchalant qu'il se coltine, je prends sur moi. Je vais pas perdre mon temps à te supplier pour que tu me donnes des explications, je crois que la réponse va faire son chemin d'elle-même jusqu'à moi, mais ce que je veux te dire Théo, c'est que peu importe à quel point je suis blessée et déçue par ce que t'es en train de faire, c'est toi le plus à plaindre.
Et exactement comme je m'y attendais, mes paroles ne font, en effet, pas partie du registre auquel il est habitué. Ce changement de position a l'air de légèrement le perturber, mais il se reprend avec un ton plus dur.
— Qu'est-ce que tu me racontes comme merde encore ?
S'il pose la question, c'est qu'au fond, cette merde l'intéresse. J'esquisse un sourire triste.
— Eh bien, disons que c'est ok. Je suis tombée en plein dans le panneau, je t'ai accordé ma première fois parce que je te faisais confiance et tu viens de détruire chaque petit bout de mon âme, mais le temps va m'aider à avancer. Je sais qu'un jour tu seras plus qu'un souvenir et je serai libre d'ouvrir mon cœur à tout ce qui vient. Seulement toi, tu restes bloqué dans ton petit personnage minable qui ne connaît, en fin de compte, rien à rien. Alors oui, c'est toi le plus à plaindre. Parce que tu patauges dans de la merde, et visiblement, t'en es satisfait. Donc, reste dans tes mensonges et tes petites manigances si ça te chante, en tout cas, moi je te remercie de m'avoir offert une histoire à laquelle j'ai pris plaisir de croire.
Même si dans un sens je bluffe, parce que tout ce que j'ai dit est, justement, plus facile à dire qu'à faire, ne rien laisser paraître en valait largement le coup pour voir le visage sidéré de Théo. Je suis prête à parier, qu'aucune avant moi ne lui a dit ça. Un peu fière, je m'approche de lui avec tout de même cette hâte dans le fond de mon cœur de partir en courant.
— Tu pourrais m'enlever le collier maintenant ?
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Hey mes petits louuups !
Huhuhu voilà un chapitre qui expose d'une façon un peu particulière ce qui s'est passé entre Théo et Mathilde.
Vous en pensez quoi ?
Moi je pense qu'après ça, Sarah ne va pas rester sans rien faire... héhéhé
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