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Chapitre 46-1


Elle s'arrêta devant Gabe, le souffle court et les mains crispés sur son ventre rond. Ce dernier, au prix d'une immense concentration, parvint à ravaler son pouvoir à la dernière seconde. Mais cet effort venait de lui couter cher, à tel point qu'il en chancela et ne réussi que de justesse à ne pas s'écrouler. Anxieuse, j'observai les réactions de Sean et de ses hommes, mais heureusement, ils ne semblaient rien avoir remarqué.

Je reportai mon attention sur Myra et Jin, qui continuaient à s'observer et à se fixer comme si le monde qui les entourait n'existait plus. Tout le monde était figé et lorsque Myra avança d'un pas, les hommes de Sean restèrent sans réaction, ne sachant pas comment réagir. En revanche dès l'instant où Jin l'imita, ils réaffirmèrent leurs prises sur leurs armes presque comme un seul homme. C'est alors qu'un spasme tordit le ventre de Myra et qu'elle s'écroula dans un gémissement de douleur.

— Plus un geste ! Restez tous où vous êtes ! hurla Sean, alors que par reflexe, nous nous précipitions tous les quatre à son secours. Toi aussi Josef !

Nous nous figeâmes, inquiets et consternés, comprenant qu'il ne plaisantait pas lorsqu'il braqua son fusil sur la poitrine de Josef.

— Mais Sean, tu as perdu la tête ou quoi ?! Tu vois bien qu'elle ne va pas bien ! plaida Josef d'une voix aussi choquée qu'angoissée, son regard fixé sur sa sœur qui se tordait de douleur sur le sol dur et rocheux.

— Je suis certain que c'est une ruse !

— Quoi ?! ne pus-je m'empêcher de m'écrier ! Une ruse ! Mais vous êtes aveugle ou quoi ?! Cette femme est en train d'accoucher !

Un gémissement pathétique sortit des lèvres de Myra pile à cet instant, tandis qu'une nouvelle contraction la terrassait. N'y tenant plus, je fis un pas en avant. Tous les fusils se braquèrent immédiatement sur moi et Jin en profita pour tenter de rejoindre sa compagne. La détonation me tétanisa. La balle tirée par Sean frappa le sol à quelques centimètres de Jin, le stoppant net.

— La prochaine ne ratera pas sa cible, alors reste où tu es !

Jin s'immobilisa, son regard torturé fixé sur Myra. Je pense que s'il n'avait pas eu peur qu'elle se prenne une balle perdue, il aurait tenté sa chance quand même et en contemplant le visage de Sean, je compris que c'était exactement ce qu'il attendait. Une excuse pour le descendre. Ni tenant plus et quasiment certaine qu'il ne me tirerait pas dessus, je fis un pas en avant.

— Il y a quelque chose que vous ne comprenez pas dans l'ordre simple « ne bougez pas » ? aboya-t-il à mon intention, sans pour autant cesser de viser Jin.

— Il est hors de question que je laisse quelqu'un souffrir devant moi sans rien faire, alors que je peux l'aider ! lui répondis-je en faisant les derniers pas qui me séparaient encore de Myra.

— Vous n'êtes pas médecin !

— Je suis ce qui s'en rapproche le plus, à plusieurs kilomètres à la ronde ! Alors fermez-là et laissez-moi faire mon boulot ! aboyai-je à mon tour en m'agenouillant près de la jeune femme.

Son front était moite lorsque je posai ma paume sur sa peau, mais malgré cela, elle n'avait pas de fièvre, ce qui était déjà un bon point.

— Myra, écoutez-moi. Calmez-vous et prenez de grandes inspirations, lui murmurai-je doucement à l'oreille en posant mes mains sur son ventre.

Je la vis lutter pour se calmer et obéir à mes instructions. Au bout de quelques minutes d'effort, son souffle s'apaisa légèrement et les traits de son visage se détendirent, bien que les contractions continues. Un léger brouhaha avait commencé à s'élever autour de nous, depuis le moment où j'avais rejoint Myra. Apparemment, les hommes de Sean n'appréciaient que moyennement de devoir menacer une femme enceinte. Sean, quant à lui, ne paraissait pas éprouver ce dilemme puisque son arme était toujours braquée sur nous.

— Comment elle va ? me demanda Jin, d'une voix débordante d'anxiété.

— Je pense que le travail est commencé, mais sans examen plus poussé, je ne peux pas me prononcer davantage.

— Très bien, emmenez-là à l'infirmerie, ordonna soudain Sean à deux de ses hommes. Et vous, vous l'accompagnez !

— C'est hors de question ! lui répliquai-je aussitôt, sentant le piège grossier que nous tendait Sean. Si vous voulez que j'accompagne Myra, les autres me suivent, sinon je ne bougerai pas d'ici.

— Qui vous a dit que je vous laisserai le choix ?

— Sean, mais tu as perdu la tête ?! s'exclama Josef. Laisse Hayden aider Myra.

— Mais c'est ce que je fais. C'est elle qui refuse.

— Elle refuse car elle sait que dès qu'elles auront le dos tourné, tu nous abattras comme des chiens, intervint Jin de sa voix sourde et rocailleuse.

Durant leurs échanges, le souffle de Myra s'était apaisé ainsi que son rythme cardiaque et la fréquence des contractions refluait doucement.

— Pour quand est le terme estimé ? lui chuchotai-je à l'oreille en me penchant pour dissimuler nos visages à Sean et compagnie.

— Environ trois semaines, me répondit-elle sur le même mode.

La crise était passée et elle n'avait pas perdu les eaux. Je commençais à penser que je m'étais inquiéter pour rien. Ce n'était probablement qu'une fausse alerte provoquée par sa course et le choc de voir Jin vivant. Autour de nous, la tension semblait croître et s'épaissir, plus pesante à chaque seconde qui s'écoulait. Si certains de ses hommes étaient stressés et indécis, ce n'était clairement pas le cas de Sean. Il me voulait, moi et personne d'autre, je le voyais à son regard. Il comptait se servir de moi comme vaccin vivant et se débarrasser par la même occasion de toutes les personnes susceptibles de lui ravir sa place de leader.

— Vous n'allez pas accoucher tout de suite, dis-je précipitamment à Myra. Mais faites semblant, lui chuchotai-je, prenant ma décision en quelques secondes.

Elle me fixa quelques instants, interloquée, puis le sérieux et le trouble de mon regard, lui firent comprendre que la situation était grave.

— Sauvez-le, me dit-elle en serrant mon bras, avant d'émettre un cri déchirant digne d'un oscar.

Alors que tous les regards convergeaient de nouveaux vers nous, détournant momentanément l'attention de tout le monde, je me tournais vers Lynch, cherchant son regard. Il comprit ce que j'avais en tête à la seconde où ses yeux croisèrent les miens.

Je me couchai sur Myra pour la protéger de mon corps, à la seconde où je sentis le pouvoir détonner. La vague d'énergie s'abattit en vague concentriques, soufflant tous les êtres vivants présent comme des quilles. Étant déjà au sol, l'énergie ne fit que me traverser, épargnant Myra que j'entendis tout de même hoqueter. Je me redressai presque aussitôt, aidant la jeune femme à se relever.

— Allez vite vous mettre à l'abri, lui enjoignis-je alors que je m'empressai d'aller aider Gabe, sonné par le contrecoup, à se redresser.

Évidemment, elle ne m'obéit pas et dans un petit cri déchirant alla s'accroupir auprès des corps inertes de Jin et Josef.

— Qu'est-ce que vous leur avez fait ?

— Rien de grave, je vous l'assure. Ils sont juste assommés mais c'est passager, ils vont reprendre leurs esprits dans quelques instants, lui expliqua Lynch d'une voix essoufflée alors que Jin remuait déjà.

— Si tôt, m'exclamai-je en jetant un regard affolé vers Sean et ses hommes.

— Je les ais protégés au maximum. Tous mon pouvoir était concentré vers l'avant, ils n'ont écopé que du contrecoup. Nous devrions avoir le temps de nous enfuir avant que les autres ne se réveillent. Mais il ne faut pas trainer.

Nous étions en train de rejoindre Jin et Josef, groggys mais de nouveau sur pieds, lorsque la première balle nous frôla. Horrifiés, nous nous retournâmes juste à temps pour voir Sean, à moitié avachi sur le sol et le regard flou, pointer son arme vers nous et appuyer sur la détente. Il nous manqua, mais continua à vider son chargeur alors que nous nous mettions à courir. La galerie étant trop loin pour que nous puissions l'atteindre, nous bifurquâmes sur la droite, longeant le lac tout en essayant d'éviter les balles. Sean, encore sous l'effet du pouvoir de Lynch, tremblait de tout son corps et visait très mal, raison pour laquelle il n'avait encore touché aucun d'entre nous. Mais ça ne durerait pas, compris-je avec horreur lorsqu'un projectile frôla Jin pour la seconde fois.

— On n'a plus le choix ! cria soudain Josef, alors que de nouveau fusil se joignait à la fête. Il faut sauter !

Sans réfléchir et n'ayant d'autres alternatives, nous le suivîmes et plongeâmes dans le l'eau.


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