Chapitre 43-2
Devant moi, les yeux hagards et vitreux de l'homme, ou devrais-je plutôt dire de la créature, qui me faisait face, peinaient à se fixer sur quelque chose. Sa peau jadis certainement café-au-lait, avait viré au gris et d'horrible pustules recouvraient son épiderme, signes évidents qu'il était contaminé.
Surprise, mais surtout chanceuse, qu'il ne se soit pas immédiatement rué sur moi après avoir écarté son rival, je commençai à me déplacer lentement vers la gauche, en direction de la porte la plus proche.
Je venais à peine d'esquisser mon premier mouvement, qu'un grognement sourd s'échappa de ses lèvres, son regard se fixant soudain sur moi. Je me figeai. Les battements frénétiques de mon cœur emplissaient mes oreilles, oblitérant presque totalement les sons extérieurs. Raison pour laquelle je ne compris pas tout de suite pourquoi ses lèvres remuaient sans qu'aucun grognement inhumain ne sorte de sa bouche. Consciente que son comportement étrange me donnait une chance de m'enfuir, je fis quelques pas de plus vers la porte, avant de me figer brusquement.
Une suite de sons heurtés et incohérents s'échappait de ses lèvres, lui demandant un effort soutenu et visible, pendant que ses yeux tentaient toujours de fixer les miens. Un instant, je crus y discerner une lueur d'intelligence, juste avant qu'il ne pousse un grognement terrible en saisissant sa tête entre ses mains. Bien que toujours épuisée et terrifiée, je réussis à faire quelques pas supplémentaires en direction de la sortie. Ma main allait saisir la poignée lorsqu'il se redressa dans un cri de rage et de frustration et se jeta sur moi.
Par réflexe je me laissai tomber au sol, alors que ses mains venaient heurter le mur avec une violence extrême. J'allais tenter de me glisser entre l'une de ses jambes et le mur, quand il se laissa choir à son tour, m'évitant de justesse. Néanmoins, l'une de mes jambes se retrouva coincée par l'un des siennes, bloquant ma retraite stratégique.
— Q... qu... ec... quiiiii... sss... essaya-t-il de prononcer, son haleine fétide balayant mon visage, alors que je me reculai dans un cri.
Totalement paniquée, j'essayai de me dégager frénétiquement, mon pied gauche glissant sur le carrelage tandis que ma jambe pédalait dans le vide, l'autre toujours coincée sous lui. En appuis précaire sur mes mains, j'étais en train de gaspiller inutilement les dernières forces qu'ils me restaient. C'est alors que je remarquai le sang qui souillait son tee-shirt, autrefois blanc, sur le côté gauche de son abdomen et dans un flash, reconnu sa chemise !
C'était la créature qui avait attaqué Rem dans le labo ! Celle que Connors avait descendue et que nous avions supposé morte. Mais pourtant il aurait dû l'être ? Pourquoi était-il toujours vivant et surtout pourquoi m'avait-il aidé ? Ce pourrait-il que... Le souvenir de la seringue contenant mon sang, s'enfonçant dans la peau flasque, percuta mon esprit me laissant hébétée et pantelante. Mon sang serait-il en train de le guérir ? Non, c'était beaucoup trop rapide, et pourtant...
La réflexion m'aidant à endiguer momentanément ma panique, j'essayai de me calmer, l'examinant plus attentivement. Il était toujours vautré sur le sol, mais paraissait plus calme, moins agressif. Son regard trouble fixé sur moi, il paraissait chercher quelque chose.
— Vous savez qui vous êtes ?
Ma voix rauque et haletante paru déchirer le silence comme un coup de tonnerre. L'homme sursauta violemment et je profitai de son soubresaut involontaire pour dégager ma cheville et ramener ma jambe vers moi.
— Vous connaissez votre nom ? essayai-je de nouveau, tandis que je m'adossai plus confortablement au mur, avec des gestes lents et précautionneux, pour ne pas l'effrayer. Après tout, il était toujours susceptible de me sauter dessus.
— Comment vous appelez-vous ? Votre nom ? persévérai-je en accentuant bien les syllabes.
— Jjjj... postillonna-t-il péniblement en secouant la tête.
Un claquement sec retentit soudain, comme un écho infini dans les couloirs déserts. Proche, très proche de nous. Tellement qu'il couvra presque le bruit de course qui s'ensuivit. Aussitôt, l'homme se précipita sur moi, tellement vite que je n'eus pas le temps de crier, mais celui d'apercevoir ce qui s'avançait dans le couloir devant nous.
— Ne tire pas ! Il ne me veut pas de mal ! criai-je à Lynch dans un cri angoissé et libérateur, essayant d'écarter l'homme qui me protégeait toujours de son corps.
— Tu en es certaine ? me demanda-t-il d'une voix inquiète et soupçonneuse, en s'approchant de quelques pas.
L'homme se mit soudain à grogner, son agressivité dirigée vers Gabe qui le tenait toujours en joue, le doigt sur la détente.
— C'est un ami, expliquai-je à l'homme, même si je n'étais pas certaine qu'il puisse me comprendre, en posant doucement ma main sur son bras.
Ce contact me révulsait, mais sous ma paume, sa peau se révéla moins flasque et plus chaude que dans mon souvenir.
— Baisse ton arme, ordonnai-je doucement à Lynch. Il te prend pour une menace.
— C'est plutôt lui la menace. Hayden, cet homme est contaminé !
— Il vient de me sauver la vie, lui dis-je parvenant à me dégager enfin. Gabe, il est en train de guérir, lui dis-je tandis que je prenais appuis sur le mur pour me relever.
J'eus à peine le temps de me redresser qu'un voile blanc passa devant mes yeux. Alors que je tombai, je sentis des bras doux et chaud amortir ma chute.
— Hayden, tu es blessée. Dis-moi où exactement ? me demanda Lynch d'une voix anxieuse alors qu'il m'accompagnait en douceur jusqu'au sol, où il me prit dans ses bras.
J'aurais aimé lui répondre, mais j'avais l'impression irréelle de flotter hors de mon corps. Gabe était là, j'étais en sécurité, tout était pour le mieux. Je me sentais légère et tellement épuisée que même le plus simple des efforts me semblait insurmontable.
— Hayden ? Hayden ! entendis-je Gabe crier alors que sa voix me paraissait de plus en plus lointaine, la sensation de chaleur se renforçant, tandis que je sombrais dans des ténèbres douces et accueillantes.
***
Le réveil me paru beaucoup moins doux et accueillant lorsque mes paupières gonflées tentèrent de se lever. Une migraine d'anthologie ravageait mon crâne, me donnant la nausée. Cette dernière accentuée par la sensation de manège ressentie à la seconde où l'un de mes yeux parvint à s'entrouvrir.
La vue du plafond défoncé et déparé par une énorme tâche d'humidité, m'apprit que nous nous trouvions toujours dans la clinique abandonnée. Pourtant, le support sur lequel je reposais était mou et relativement confortable ce qui, dans mon cerveau ralentit, n'était pas compatible avec l'environnement.
Précautionneusement, j'entrepris de me relever, mais ma main gauche céda sous moi dès que je fis mine de m'appuyer dessus.
— Hey ! Doucement ! Les acrobaties, c'est peut-être un peu trop tôt dans ton état.
La voix de Gabe inquiète, mais relativement détendue, me rassura tandis que je retombais mollement sur le vieux matelas posé à même le sol.
— Où sommes-nous ?
— Dans l'une des rares pièces, sans fenêtre. La seule entrée est la porte, et ton nouvel ami y monte la garde. Tu es en sécurité... enfin pour le moment.
— Pourquoi... comment nous as-tu retrouvé ? Et...
— Tu es dans les vaps depuis un peu moins de deux heures et... Tu croyais vraiment que j'allais accepter de rester sur la touche ?
Son ton accusateur me transperça plus aisément qu'une flèche. La culpabilité avait ce pouvoir merveilleux de décupler le remord et toutes les sensations désagréables afférentes !
— Je voulais seulement te protéger, parvins-je à croasser maladroitement.
— Qui t'a protégé, toi ? Je ne vois personne dans les parages ! Où sont-ils tous passé ?
— Je suis tombée bêtement, ils n'ont pas eu le choix. Ils ont essayé mais... aucun moyen de m'atteindre. Tu... tu aurais de l'eau ? qu'émendai-je de ma voix desséchée.
— Oui, me répondit-il d'une voix radoucie. Mais dans ton état, je ne voulais pas me risquer à t'en donner sans ton approbation.
Un mince sourire effleura mes lèvres à l'idée qu'il avait au moins écouter mes conseils en termes de premiers secours.
— Tu as bien fait, mais aucun risque dans le cas présent. J'ai seulement besoin de repos, ma mutation fera le reste.
Il me sourit en retour, le soulagement allégeant momentanément ses traits tirés par la fatigue et l'inquiétude. Je bus quelques longues gorgées délicieuses à la bouteille cabossée qu'il me présenta. L'eau tiède coulant dans ma gorge comme un nectar de vie essentiel et délectable.
— Maintenant, repose-toi encore un peu. On monte la garde, me dit-il en reprenant la bouteille.
— Comment il va ?
— Encore désorienté, mais il reconnait ses amis de ses ennemis ? C'est l'essentiel pour le moment, tu ne crois pas ?
Soulagée et trop épuisée pour faire autre chose, je lui souris brièvement.
— Maintenant dors, je reste près de toi, me murmura-t-il alors que ses lèvres effleuraient les miennes.
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