— Dites-nous qu'il y a une autre sortie ? entendis-je Rem marmonner non loin de moi, le teint gris et le souffle court.

— Pour ça, aucun souci, ce n'est pas ce qui manque ! Ce qui signifie également qu'ils peuvent nous prendre à revers à tout moment. Il suffit d'une porte mal fermée... alors, ne trainons pas !

Le soulagement initial de savoir que nous n'étions pas coincés bêtement dans une pièce sans issu céda vite la place à la réalité dangereuse qui nous entourait. Aiguillonnée par cette triste constations, je me relevai, tandis que Connors aidait un Hector tremblant à faire de même.

— Tu es blessé ? lui demandai-je, avisant les taches rouge sombre qui maculaient à présent ses vêtements et sa peau.

— Quelques égratignures, rien de grave, me rassura-t-il avec un petit sourire. La plupart ne m'appartient pas.

— Vous avez été griffé ou mordu ?! s'exclama l'un des volontaires qui nous accompagnaient et dont je n'avais pas retenu le prénom. Il risque de se transformer, il ne peut pas rester avec nous ! commença-t-il à paniquer en se tournant vers Sean.

— Rien à craindre, il est immunisé.

Devant l'air ahuri des trois volontaires, je compris que Sean ne leur avait rien dit pour Connors. Pourtant leur mission était bien de nous aider à ramener du matériel médical pour Myna ? Ce manque d'information m'étonnait...

— Vous n'étiez pas quatre ? demandai-je sans réfléchir, encore un peu perdue dans mes pensées.

— Ilan n'a pas survécu, me répondit abruptement Sean en me lançant un regard grave emplit de colère et de rancœur, comme si j'étais seule responsable de cet état de fait dramatique mais malheureusement prévisible.

Perturbée par son hostilité évidente mais consciente de ma bourde, je suivi le mouvement sans un mot lorsqu'il nous fit une nouvelle fois signe de le suivre jusqu'à une double porte à battants typique des bâtiments de soins des anciens. Il nous fit inutilement signe de nous arrêter alors qu'il débloquait avec mille précautions les verrous et glissait prudemment un œil dans l'entrebâillement. Instinctivement je retins mon souffle durant les longues secondes que durèrent son observation et ne relâchai mon souffle que lorsqu'il finit par ouvrir la porte, nous faisant ainsi comprendre que la voie était libre.

— Ce type ne m'inspire aucune confiance, me chuchota soudain Nel à l'oreille alors que nous nous apprêtions à sortir à notre tour, fermant la marche.

— Pourquoi as-tu cautionner cette petite balade, alors ? Tu l'as pourtant côtoyé plus que nous ?

— On est dehors, non ? En ce qui me concerne, pari réussi ! me répondit-il en passant devant moi.

Cet échange me laissait une drôle d'impression. Hormis Connors et Rem, je n'avais confiance en personne dans ce groupe hétéroclite et vu la mission quasi suicide qui nous attendait, ce n'était guère rassurant. Nous avancions rapidement mais prudemment, histoire d'être le plus discret possible dans cet environnement pesant et trop silencieux. Pourtant ce dernier aspect aurait dû être rassurant, nous prouvant qu'aucun éveillé ne traînaient dans le coin, néanmoins je ne pouvais me départir d'un sentiment de malaise constant qui ne me quittait pas.

Nous parcourions des couloirs aux carrelages sales, couverts de poussière, de crasse et de tâches diverses et les différentes pièces que nous dépassions étaient dans un chaos indescriptible. Alors que nous tournions un nouvel angle, un panneau à demi décroché et portant l'inscription Pathologie en lettres presque effacées, attira mon regard alors que nous tournions dans la direction opposée.

Une double porte, vitrée dans sa partie supérieure, fermait le couloir que nous venions d'emprunter et qui se terminait en cul-de-sac. Après un énième coup d'œil prudent au travers des carreaux fracassés, Sean nous fit signe d'entrer. Nous nous trouvions dans un labo. Les paillasses carrelées et rivées au sol avaient résisté au passage du temps et aux horreurs qui avaient dû se dérouler dans ces lieux, puisqu'elles trônaient toujours bien que dépouillées de tous leur matériel.

— Qu'est-ce qu'on fait là ? demandai-je en balayant des yeux l'endroit sinistre et dépourvu de toutes fournitures nécessaires à notre mission. Ce labo est vide !

— Il est peut-être vide, mais il est surtout sûr et facilement sécurisable, même pour une équipe réduite. Cela en fait donc, le choix tout indiqué. Sans compter qu'il est central et donc pratique pour aller faire de la reconnaissance.

— Vous voulez qu'on se sépare ? l'interrogea soudain Rem d'une voix blanche et stupéfaite.

L'écho de sa voix paru résonner longtemps dans le silence soudain qui suivi son accusation déguisée.

— Oui, je veux que l'on se sépare. La nuit ne durera pas indéfiniment et si vous voulez atteindre le générateur, nous n'avons pas vraiment le choix.

— Pourquoi ne pas nous l'avoir dit avant ? intervint Connors en se rapprochant discrètement de Rem et moi.

— Pour éviter ce genre de suspicion et tergiversation infernales qui nous aurait fait perdre un temps précieux sans résoudre le problème ! lui balança-t-il d'un ton acide. Maintenant que vous êtes devant le fait accompli, vous avez deux choix : Vous acceptez ? Ou vous vous débrouillez tout seul ?

— Ce n'est pas vraiment ce que j'appelle un choix, baragouina Nel dans sa barbe, son regard suspicieux et méfiant braqué sur Sean.

— Josef restera ici avec Hayden, Rem et deux de mes hommes. Vous trouverez de quoi faire une prise de sang et tout le matériel nécessaire dans la pièce juste à côté. Les autres viennent avec moi. Si tout se passe bien, nous devrions en avoir pour deux heures tout au plus. On se retrouve ici.

— Et si ça se passe mal ? On est sensé faire quoi ?

— Restez en vie et attendez-nous ! me répondit-il avec un petit sourire cynique en sortant aussitôt de la pièce.

— Il plaisante là ? me souffla Rem.

— Je n'en ai pas l'impression non, lui répondis-je d'un ton lugubre tandis que Connors s'approchait de moi, l'air soucieux et inquiet.

— Hors de question que je vous laisse seules ici avec Nel et Josef pour unique défense.

— Est-ce qu'on a le choix ? Je n'aime pas ses manières, mais il a raison. Le plus important c'est le générateur. Hector n'y arrivera jamais vivant sans protection et Nel... sera mieux ici avec nous.

— Tu ne lui fais toujours pas confiance ?

— Non. Ce type la joue Solo depuis le début. S'il a l'occasion de se débiner pour sauver sa peau, il le fera, c'est ici qu'il causera le moins de tort si cela se produit.

— Tu te trompes sur lui, intervint Rem d'une voix peinée, s'éloignant aussitôt avant que je n'aie le temps de m'excuser ou de prononcer le moindre mot pour la retenir.

— Merde ! murmurai-je tout bas.

— Je pense qu'il vaut mieux que je reste. Je vais...

— Non, vas-y, c'est notre dernière chance. Si je n'avais pas promis... je serais venue avec vous.

— Tu es certaine ?

— L'endroit à l'air sûr. Même si l'attente dans ce décor de film d'horreur risque de sembler interminable, on ne bougera pas. C'est à toi de faire attention, lui dis-je gentiment en me fendant même d'un petit sourire pour faire bonne mesure.

Je ne pouvais pas lui avouer que tout cela ne me plaisait pas du tout et même de moins en moins, tandis qu'une impression dérangeante et malsaine se renforçait en moi. Je n'avais qu'une envie, partir d'ici au plus vite. Se séparer était une très mauvaise idée, même si je comprenais le raisonnement de Sean.

— Pourquoi ne pas prendre le matériel nécessaire et faire les prises de sang une fois que nous serons de retour ? demandai-je soudain à Sean au moment où Connors et lui s'apprêtaient à sortir de la pièce.

— Et si vous mourrez en route ? On aura plus que nos yeux pour pleurer !

— Je peux aussi me faire tuer ici ! lui rétorquai-je du tac au tac devant son petit sourire ironique.

— Pourquoi ce changement soudain ?

— Se séparer est une très mauvaise idée, lui répondis-je essayant de faire passer dans ma voix toute la conviction que je ressentais, alors qu'un vilain frisson me traversait.