Chapitre 29-1
— Peu importe qui l'a préparé, je ne pense qu'il veuille notre mort. J'ai trop faim et froid pour refuser, me dit Nel d'une voix toujours tremblotante en se redressant avec difficultés.
Je m'approchai et lui tendis une brochette, avant d'en proposer une à Rem qui l'accepta non sans une légère hésitation.
— Je n'aurais pas mieux dit, commenta Lynch en se saisissant à son tour de l'un des deux bâtonnets restants, avant de croquer dans la chair tendre sans la moindre hésitation. C'est délicieux, s'exclama-t-il pour nous encourager à sauter le pas.
Je me rassis à ma place et posant l'écorce sur le sol, tentai l'expérience à mon tour. Délicieux était bien en dessous de la vérité ! compris-je à la seconde où la chair juteuse rencontra mes papilles. Je n'avais jamais rien mangé d'aussi gouteux et riche en saveurs, c'était à tomber. Nous finîmes tous en un rien de temps, momentanément rassasiés et rassérénés. Je reposai le bâton sur l'écorce aux côté de la tête et de l'arête principale que je n'avais pas mangée et c'est là que je les vis.
Interloquée et électrisée par ma découverte, je saisis l'écorce faisant tomber les déchets sur le sol, avant de l'approcher de la lumière tremblante du feu.
— Qu'est-ce que tu fais ? me demanda Gabe surpris par mon manège insolite.
Je ne lui répondis pas, désireuse de bien comprendre ce que j'avais sous les yeux avant de leurs en parler. Là, gravés à même le bois, des dessins grossiers semblaient me narguer.
Trois rectangles verticaux plus ou moins haut, entourés d'un demi-cercle approximatif ; suivit d'une flèche barrée, pointée vers un autre demi-cercle où les rectangles étaient tronqués et entourés de sortes de bonhommes difformes et d'oiseaux grossièrement représentés. (Dessin en Annexe 1, à la fin du segment).
— Hayden, qu'est-ce que tu regardes ?
— Tu penses que c'est quoi ? répondis-je à Gabe en lui tendant l'écorce, un peu ébranlée par ce que cela pouvait impliquer.
Il s'en saisit et je vis ses yeux s'écarquiller légèrement lorsqu'ils se posèrent sur les dessins grossiers.
— Tu penses que c'est un message ?
— Quoi d'autre ?
— Mais de quoi parlez-vous ? nous demanda Nel d'une voix inquiète et frustrée.
Pour toute réponse, Lynch se contenta de lui tendre l'écorce avant de se retourner vers moi.
— Il signifierait quoi, selon toi ?
— Je crois que la grosse croix en travers de la flèche est assez claire ! lui répondis-je assez sèchement.
— Oui mais dans quel véritable but ? me répondit-il sur le même ton. Nous avertir parce que c'est dangereux ou simplement pour nous empêcher d'aller là où ils vivent car ils ne veulent pas de nous ?
— Je suis la seule à me demander ce que sont ces espèces de...personnages ? On dirait des monstres, commenta Rem d'une voix blanche.
— Ca ressemble beaucoup à nos têtes lorsque ces oiseaux de malheurs nous sont tombés dessus ! ironisa Lynch en se rasseyant lourdement.
— C'est peut-être juste pour nous mettre en garde contre les oiseaux ou...
— Non, je ne pense pas, commentai-je enfin. C'est un avertissement. Ils doivent nous surveiller depuis le début puisqu'ils ont l'air de savoir où nous voulons nous rendre.
— Dans ce cas pourquoi ne pas nous le dire en face ? Pourquoi ne se montrent-ils pas ?
— Je ne sais pas Nel, peut-être ont-ils peur de nous ?
— Dans ce cas, pourquoi nous prévenir ? argumenta Gabe.
— Sauf si, comme tu l'as suggéré, c'est une ruse pour nous éloigner ? lui répondit Rem en sortant une bouteille d'eau du sac à dos posé près d'elle.
— La question principale à se poser serait, ruse ou pas est-ce qu'on y va ? dit avec raison Nel, que son aventure aquatique semblait avoir rendu beaucoup plus réfléchis et sympathique, tout en buvant une longue gorgée d'eau à la bouteille que venait de lui faire passer Remeï.
— Avons-nous vraiment un autre choix ? murmurai-je en m'adossant lourdement à la paroi, sentant subitement la fatigue m'envahir.
— Si on se reposait ? suggéra Lynch en se levant avant d'aller s'assoir près de l'entrée, une arme sur les genoux. Dormez, je passerai le relais dans une heure ou deux.
Personne ne trouva la force, ni l'envie de le contredire et c'est sans aucun effort que je sombrais dans un sommeil lourd, trop épuisée pour rêver. Ce fut un léger appel d'air qui me réveilla. Aussitôt en alerte, j'ouvris cependant lentement les yeux, mais ce n'était que Rem qui allait prendre son tour de garde, les yeux encore emplis de sommeil. Lynch apparut alors dans mon champ de vision, la bouteille d'eau à la main.
— Tiens, tu n'as pas bu tout à l'heure, il faut t'hydrater, me dit-il d'une voix éreintée avant de s'assoir à mes côtés.
Je bus lentement quelques gorgées d'eau tiède, avant de refermer lentement les paupières espérant re-sombrer facilement dans le néant. Dormir c'était tellement simple, plus d'horreurs, de peurs, d'incertitudes, ni de décisions à prendre...durant quelques heures, j'étais enfin en paix.
— Quel est ton ressentis ? Tu crois que l'on doit continuer ? me murmura Gabe, sa bouche à quelques centimètres de mon oreille.
— Tu me poses la question à moi, ou à mon soi-disant don de préscience ?
— Aux deux je suppose, même si le second n'est pas sensé fonctionner ici, me dit-il en m'attirant doucement contre lui.
— Arrête, qu'est-ce que tu fais ? me rebiffai-je en résistant à sa traction.
— Je te propose de t'installer plus confortablement, c'est tout.
— C'est tout ! Tu es vraiment sûr de ça ?
— Oui Hayden, me répondit-il dans un soupir las. Je suis juste épuisé et s'appuyer l'un contre l'autre sera plus confortable et plus agréable que ce bois dur et rugueux.
Me rangeant à ses arguments, je laissai ma tête reposer sur son épaule, non sans une légère réticence. Je ne comprenais pas mes sentiments, ni mes réactions à l'égard de cet homme. C'était peut-être dû à son comportement ambivalent à mon égard, soufflant le chaud ou le froid selon son bon plaisir. En fait, je ne savais pas réellement à quoi m'en tenir avec lui, réalisai-je alors que l'on se mettait à me secouer doucement.
— Hayden, il fait jour. Debout la marmotte, me murmura-t-il en effleurant mes cheveux de sa main avant de repousser doucement ma tête et de se lever.
Le matin ? Déjà ! me dis-je interloquée en ouvrant les yeux. Je n'avais même pas eu la sensation de m'être rendormie. Encore groggy de sommeil et toute enraidie par ma position peu confortable sur le sol dur, je me levai lentement. Le feu était éteint et la pièce vide, tandis qu'une douce lumière filtrait par l'ouverture en fente. Je me glissai prudemment à l'extérieur, plissant mes yeux pour les habituer progressivement à la lumière de l'aube.
Je trouvais Nel et Rem autour d'un nouveau feu qu'ils venaient à l'évidence d'allumer eux-mêmes, un récipient de fortune remplit d'eau chauffant sur les flammes.
— On a pensé qu'un peu d'eau bouillie serait idéale pour nettoyer nos égratignures, commença Rem.
— C'est surtout qu'un petit génie à penser à glisser un paquet de café soluble dans l'un des sacs, continua Nel avec un petit sourire. Rien de tel pour bien commencer la matinée.
Ils parlaient normalement et me regardait avec un léger sourire aux lèvres, mais leurs postures et leurs bouches étaient crispées.
— Où est Lynch ? demandai-je en le cherchant du regard, convaincue qu'ils me cachaient quelque chose.
Il ne pouvait pas être loin, me raisonnai-je, il venait de sortir. Pourquoi avais-je cette drôle de sensation que quelque chose clochait tout à coup ?
— Il s'est éloigné pour tenter de joindre les autres, me dit enfin Rem, toujours aussi mal à l'aise.
— Remeï, qu'est-ce que tu me caches ? lui demandai-je, employant son prénom entier volontairement.
— Il ne voulait pas que tu t'inquiètes c'est tout, commença Nel.
— Allez-y, crachez le morceau ! aboyai-je à court de patience.
— Cela fait au moins deux heures qu'il essaye...sans résultat, lâcha-t-elle enfin d'une voix triste et consternée.
***
Annexe 1
Attention ! Interdit de se moquer de mes talents de dessinatrice !!O_Q!! Mais si allez, lâchez-vous, c'est gratuit !!^o^!!
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