Chapitre 23-2
Nous nous écartâmes, anxieux, résignés et un peu impatients aussi, du moins pour ce qui me concernait. Mieux valait le danger et l'incertitude, que l'attente interminable et l'inaction.
Une fois tout ce que nous avions pu dénicher discrètement, réparties entre la dizaine de sac à dos en notre possession, nous nous regroupâmes, fébriles. Mis à part les membres de notre groupe (l'effet de surprise était passé), tous les autres avaient les yeux rivés sur la nature luxuriante qui apparaissait dans l'aube naissante de l'autre côté de la barrière protectrice. Durant quelques secondes, l'émerveillement surpassa l'appréhension et la peur dans leurs regards. Mais cela ne durerait pas, nous le savions bien, me dis-je en croisant le regard de Lynch.
— Mis à part Lévantis et ses hommes, qui feront la traverser dans le même groupe que moi et Blake, les autres vous êtes libre de vous répartir comme bon vous semble, annonça Lynch en distribuant les sacs à dos à environ une personne sur deux.
— Il faudrait se répartir en fonction des sacs, plutôt, non ? demanda un des changeant dont je ne connaissais toujours pas le prénom.
— Inutile, car nous ferons la répartition une fois de l'autre côté.
— Comme cela, on limite le risque qu'un groupe décide de partir en douce à peine la barrière franchie ! lui expliqua Isy d'une voix caustique assortie d'un clin d'œil moqueur.
Le garçon lui renvoya un coup d'œil torve et sans un mot de plus, alla se placer à côté de Connors. En moins de dix minutes, ce qui était déjà long, les deux groupes furent enfin constitués. Une tension palpable régnait dans la pièce rendant l'atmosphère étouffante.
— Hayden, c'est quand tu veux, me dit Lynch.
Sans aucune hésitation, je lui saisis la main et invitai les autres à faire de même. Je vérifiai d'un bref coup d'œil que le groupe de Connors m'imitait. Mais pas d'inquiétude à avoir de ce côté, ce dernier avait les yeux braqués sur moi.
Je me concentrai, fermai les yeux et...ne rencontrai qu'un grand vide. Je ne ressentais rien. Aucune piste pour me guider, rien pour m'aiguillonner...je ne savais plus comment faire ! En fait je n'avais jamais vraiment su, me dis-je en sentant la panique me gagner. Une petite pression sur ma main me fit rouvrir les yeux et je plongeai aussitôt dans le regard de Rem, qui se trouvait à ma gauche.
— Pourquoi je n'y arrive pas ? lui murmurai-je le plus doucement possible pour ne pas alarmer les autres.
— Sûrement parce que tu es moins dans l'urgence absolue que toutes les fois précédentes, me répondit-elle sur le même ton. Un conseil, au début, ne ferme pas les yeux. Si l'endroit où tu veux te rendre est visible, fixe-le et projette-toi là-bas...
— Elle sait ce qu'elle fait ou pas ?! s'exclama l'un des gardes de Lévantis, faisant sursauter tout le monde.
— Toi, la ferme ! lui rétorqua Isy du tac-au-tac. Mais si tu préfères rester là, je peux t'arranger ça !
Sentant l'agitation grandir, je me dépêchai de me reconcentrer, renonçant à tenter de les rassurer, je risquai de faire pire que mieux vu mon éloquence naturelle.
— Tu vas y arriver, m'affirma Rem avec un sourire doux au moment où je braquai mon regard sur l'extérieur et sa végétation luxuriante et...
***
Ce sont l'air incroyablement pur et les exclamations qui fusèrent soudain autour de moi, qui me firent comprendre que nous étions passés. Comme ça, en une fraction de seconde, sans même que je ne m'en rende compte !
J'ouvris les yeux (que j'avais fermés malgré tout) prudemment, m'attendant au retour de bâton...mais rien, si ce n'était la douce caresse du vent frais sur mon visage. J'inspirai à plein poumon cet air chargé d'oxygène, qui nous faisait prendre un peu plus conscience de la gravité de la situation pour ceux restés de l'autre côté.
Partout où se portait mon regard, je ne voyais que des visages réjouis et des sourires...excepté chez les membres de notre groupe, déjà à la recherche d'armes et en alerte maximale. Connors, qui était lui aussi passé sans encombre, à mon immense soulagement, s'approcha de moi en attrapant un sac à dos tombé au sol au passage.
— Tiens, ne reste pas sans arme, me dit-il en extirpant un pistolet qu'il me tendit crosse en avant.
— Pourquoi serais-tu le seul à décider de qui aura les armes ? s'écria aussitôt Lévantis, un sourire mauvais et retors sur ses jolies lèvres bien dessinées.
Sans se concerter, tous les porteurs d'une arme les braquèrent sur Lévantis et ses hommes, Lynch allant même jusqu'à appuyer le canon de son révolver sur sa tête, faisant ternir son sourire arrogant.
— Si tu tiens à la vie, tu ferais mieux de la fermer, lui susurra-t-il d'un ton venimeux. Toi et tes hommes, vous allez vous placer là, où l'on pourra bien vous voir, les mains en évidence, leur ordonna-t-il en leur indiquant un grand chêne.
Ils s'exécutèrent à contrecœur, tandis qu'Isy et Oliver se plaçaient de part et d'autre de leur petit groupe, arme à la main.
— Il ne m'a semblé, à aucun moment, avoir prétendu que nous serions en démocratie une fois de l'autre côté ! débita-t-il d'une voix dure. C'est nous qui déciderons de la répartition des sacs et uniquement lorsque vous aurez répondu à une question : Qui est avec nous, ou non ?
Cela commença par des murmures prudents, pour se muer rapidement en un grondement inquiétant tandis que Nel, le regard froid, s'avançait au-devant de Lynch.
— Ce n'est pas du tout ce que nous avions convenu, énonçât-il. On avait dit que chacun serait libre de faire ce qu'il voudrait une fois de l'autre côté. Sinon, quel avantage de partir en douce sans renfort, ni préparation ?
— Nous voulons surtout que vous preniez le temps de réfléchir, intervint Connors, prenant le relais de Lynch comme s'ils s'étaient concertés à l'avance. Pour le moment vous êtes exaltés par la liberté, l'air pur et cette nature magnifique, mais ça ne durera pas. Nous ne sommes restés que quelques heures la dernière fois et l'une d'entre nous y est restée, ce qui aurait été mon cas aussi sans le pouvoir de régénération d'Hayden que j'avais « emprunté » sans le savoir.
— Tout ça on le sait déjà, Connors. Où veux-tu en venir exactement ?
— Au fait, que vous avez besoin de nous si vous voulez avoir une chance de survivre, répondit Lynch à sa place. Nous allons effectuer la mission. Pas parce que Lovory nous l'a ordonné, mais parce que c'est juste. Juste pour tous ceux que nous avons laissés derrière nous et qui vont mourir lentement empoisonné par l'air vicié. Mais aussi, parce qu'après une nuit passée ici, vous serez ravi d'avoir un endroit sain où vous réfugier, faites-moi confiance.
— Alors, réfléchissez et choisissez, enchaîna Connors. Si vous voulez partir de votre côté, nous ne vous retiendrons pas et vous donnerons vivres et armes pour vous défendre dans la mesure de nos possessions, comme promis. Mais vous avoir à nos côtés seraient un grand plus, ajouta-t-il avec ferveur avant de contourner le petit groupe de Lévantis pour venir me rejoindre.
Il me prit la main et m'entraîna un peu à l'écart où nous fûmes vite rejoins pas Lynch et Blake, Isy et Oliver étant restés à la surveillance de Lévantis et de ses sbires.
— C'était quoi ça ? leur demandai-je d'une voix mesurée pour ne pas être entendu du reste du groupe, ce qui au brouhaha qui nous parvenait, ne risquait pas grand-chose.
— Un coup de bluff bien travaillé, me répondit Lynch dans un soupir fatigué. Les avoir sur le dos sera plus un obstacle qu'une aide, mais j'ai beau ne pas les porter dans mon cœur, les laisser aller au-devant d'une mort certaine ne m'amuse pas. Après ce sera leur choix, mais nous aurons fait notre maximum.
L'afflux d'oxygène, le stress et la fatigue de la traversée, me terrassèrent soudain sans prévenir et je sentis une terrible lassitude m'envahir. Légèrement étourdie, je m'assis dans l'herbe haute et grasse, dérangeant au passage une colonne de fourmis. Les insectes, au lieu de fuir comme ils l'auraient fait d'ordinaire, redressèrent leurs têtes tentant de m'intimider avant de finir par se réorganiser et repartir. Ces spécimens, bien plus gros que la normale, n'avaient pas un comportement habituel. Je sentis une appréhension glacée s'emparer de moi tandis que je me relevais rapidement, me demandant avec inquiétudes sur quels bizarreries et autres horreurs risquions-nous encore de tomber.
___________
Voilà, je suis de retour, les vacances sont finies...enfin presque :-) Je suis encore en mode light pour une semaine ou deux quand même, histoire de me reposer et de recharger les batteries avant la rentrée ^.^ Nouveau chapitre la semaine prochaine ;-)
Bisous, bisous <3
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro