Chapitre 21-2
— Qu'est-ce que tu as en tête ? lui demandai-je en chuchotant à la place de Rem, qui malgré son air déterminé, paraissait un peu perdue.
— La neutraliser en silence, nous expliqua-t-il d'une voix pressante. Quand vous sortez de votre corps, vous pouvez agir sur votre environnement ? demanda-t-il à Rem, qui apparemment, commençait à comprendre où il voulait en venir.
— Oui mais...
— Vous m'expliquerez plus en détail après ! la coupa-t-il, nous n'avons pas beaucoup de temps.
— Non, vous devez m'écouter ! insista-t-elle en dégageant brusquement ses mains de celles de Connors. Moi j'y arrive mais cela m'a demandé des années de pratiques et d'entraînements. Vous, vous n'y parviendrez pas, pas en si peu de temps. Expliquez-moi votre plan et j'y vais.
— Vous pouvez être blessée sous votre forme...astrale ? lui demanda-t-il en hésitant sur la formulation.
— Oui et non, en fait...
— Vous m'expliquerez les subtilités plus tard, là on n'a pas le temps. Alors, risquez-vous d'être blessée, voir tuer ?
— Oui, répondit-elle dans un souffle.
— Merde ! Ca ne marchera pas. Vous ne savez pas assez vous battre pour vous mesurer à Lévantis sans arme. Ce serait du suicide.
— Et si elle se contentait de t'ouvrir la porte ? demandai-je, mon esprit tournant à cent à l'heure pour trouver une solution. Tu pourrais le faire ? demandai-je à Rem en me tournant vers elle.
— Oui sans problème. Mais avant qu'elle ne me voit...ça ce n'est pas certain.
— Tant pis, on prend le risque. Si tu peux nous avoir l'effet de surprise ce sera parfait. Sinon...on improvisera.
Rem approuva d'un signe de tête avant de s'éloigner de nous pour aller s'assoir par terre, dans le coin le plus éloigné de la porte. Elle positionna ses jambes en tailleurs, ferma les yeux et commença à respirer profondément par le ventre. Nous attendions, anxieux, le regard passant de Rem à la porte. Si cela prenait trop longtemps, tout notre plan déjà bancal risquait de tomber à l'eau.
J'étais sur le point de proposer à Connors de tenter autre chose, quand une forme bleutée translucide se détacha du corps de Remeï, avant de se relever pour se dresser devant nous. Peu à peu, elle prit forme et consistance sous nos yeux, jusqu'à ce que l'on ait l'illusion d'avoir la vraie Rem face à nous. C'était...troublant.
Consciente de l'urgence de la situation, elle ne nous parla pas et se contenta de traverser la petite pièce d'un pas rapide avant de franchir le mur comme si ce n'était que de l'eau.
— Incroyable ! entendis-je Connors chuchoter les yeux écarquillés.
En effet, à voir comme ça, c'était époustouflant, voir effrayant. Connors réalisait-il vraiment que maintenant il avait accès à toutes les mutations et les pouvoirs possibles et imaginables des changeants qu'il allait rencontrer ? Durant une fraction de seconde la tête me tourna. C'était une capacité extraordinairement puissante, en de mauvaises mains, elle pourrait être redoutable ! Heureusement que Connors était un type bien, sinon les conséquences d'un tel pouvoir auraient pu être désastreuses.
— Tiens-toi prête et reste derrière moi, m'ordonna-t-il dans un murmure en se plaçant derrière la porte.
Le panneau coulissa dans un chuintement, qui me parut assourdissant, à peine une seconde plus tard. Connors se précipita à l'extérieur sans un bruit. Lévantis nous tournait le dos, la tête baissée vers quelque chose qu'elle tenait dans ses mains. Sans émettre le moindre son, Connors la rejoignit en trois longues enjambées fluides et sans aucune hésitation passa son bras en travers de la gorge de Lévantis pour l'immobiliser.
Pendant une fraction de seconde je crus qu'il avait réussis, mais vive comme l'éclair, elle se dégagea in-extrémis, passa sous l'épaule de Connors tout en lui assénant un puissant coup de poing dans les côtes. Il se plia brièvement en deux sous la douleur avant de se redresser aussitôt pour lui faire face, se retrouvant nez-à-nez avec le canon d'une arme braqué sur sa tête.
— Tu me prends vraiment pour une débutante Connors, tu me déçois, lui balança-t-elle avec un mépris évident. Tu me croyais vraiment assez bête pour ne pas anticiper votre pathétique tentative ?
— Pour être franc je ne sais plus vraiment quoi penser de toi, Lévantis ? La personne que je croyais connaître n'aurait jamais agi comme tu l'as fait, alors...j'ai tenté ma chance.
— Ce que tu dois regretter amèrement, maintenant ! ricana-t-elle tout en obligeant Connors à reculer vers moi.
— Absolument pas ! Je n'obéirai pas à tes ordres et tu le sais. Alors tue-moi tout de suite ou baisse ton arme et explique-moi ce qu'il se passe exactement ! lui ordonna-t-il en la regardant dans les yeux.
Je vis son regard se durcir tandis qu'elle le forçait toujours à reculer vers la pièce où se trouvait encore Remeï, endormie et vulnérable. Tout le corps de Connors était tendu et prêt à l'action mais il ne semblait pas avoir peur. En mon fort intérieur, je ne pensais pas qu'elle tirerait, il était trop précieux. Mais lorsque Connors s'arrêta sur le seuil de la porte, refusant d'entrer à l'intérieur, je vis l'index de Lévantis se contracter sur la détente et sans réfléchir je passais à l'action.
— Baisse-toi ! criai-je à Connors alors que je percutais violement Lévantis sur le côté pour la déséquilibrer.
Son corps résista quelques infimes secondes avant de basculer vers le sol. Horrifiée, je nous vis tomber au ralenti, la main de Lévantis toujours crispée sur la crosse de l'arme de nouveau pointée sur Connors, lui-même à terre. Si le coup partait maintenant, même accidentellement, il serait tué sur le coup. Je ressentis la secousse du coup de feu avant même d'entendre le son étrangement assourdi de la détonation. Avec une appréhension folle, mes yeux cherchèrent Connors du regard. Il était sain et sauf, son regard surpris braqué sur Remeï, debout entre nous deux, sa main refermée sur le canon du pistolet.
Sans un bruit, sa projection se désintégra devant nous tandis qu'une plainte sourde s'élevait de la petite pièce adjacente. Encore shootée à l'adrénaline qui venait d'affluer en masse dans mes veine, je me relevai avant d'assommer Lévantis d'un coup de crosse sans aucun remord, avant de m'empresser de rejoindre Connors, déjà auprès de Rem. Par acquis de conscience je restais dans l'embrasure, surveillant Lévantis du coin de l'œil, au cas où elle se réveillerait plus vite que nécessaire.
— Comment elle va ? demandai-je à Connors d'une voix inquiète.
— Tu devrais venir voir, me dit-il d'une voix blanche.
— J'ai assommé Lévantis mais...
— Je m'en occupe. Niveau premiers secours tu es beaucoup plus qualifié que moi, ça ne fait aucun doute.
J'acquiesçai d'un signe de tête, tandis que nous échangions nos places.
— Merci, me murmura-t-il alors que nous nous croisions.
— Tu parles, j'ai faillis te faire tuer ! lui répondis-je, un peu honteuse de mon manque de réflexion préalable.
Je m'agenouillai près de Rem, sans le regarder, ni même attendre une réponse de sa part, à vrai dire je n'étais même pas certaine qu'il m'ait entendu. Remeï était très pâle et sa respiration saccadée et heurtée paraissait avoir du mal à sortir de sa poitrine. Elle tenait sa main blessée dans son autre main, si bien que je ne parvenais pas à me rendre compte des dégâts.
— Rem, il faut que tu me laisses regarder ta main. Rem, tu m'entends ?
Elle ouvrit lentement les yeux. La douleur profonde qu'elle ressentait se lisait dans son regard.
— Il n'y a...rien à voir, parvint-elle à prononcer dans un souffle heurté.
Puis joignant le geste à la parole, elle écarta doucement et précautionneusement sa main gauche, révélant une main droite...parfaitement intacte !
— Mais...je croyais que tu pouvais être blessé même sous ta...ton autre forme ? m'exclamai-je incrédule face à ce spectacle imprévu.
— C'est le cas, en quelque sorte, en pire. Je ressens chaque coup, chaque blessure que mon corps projeté reçoit, comme si j'y étais réellement. La douleur est réelle, mon corps et mon esprit la perçoivent comme telle, même si la blessure n'apparait pas sur mon...vrai corps, m'expliqua-t-elle d'une voix toujours altérée par la douleur, tandis qu'elle replaçait sa main gauche sur son poignet droit en serrant fort.
— Qu'est-ce que tu fais ? ne pus-je m'empêcher de lui demander, lorsqu'une plainte s'échappa d'entre ses lèvres.
— Je comprime la plaie pour endiguer l'hémorragie, me répondit-elle dans un murmure à peine audible.
— Mais, Rem, tu n'as rien à la main.
— Visuellement non, mais mon corps est vraiment blessé. Il va falloir plusieurs jours pour que mes « deux corps » ne soient de nouveau en phase. N'essaies pas de comprendre, c'est...compliqué, même pour moi.
Je ne dis rien. Ce qu'elle m'expliquait était trop abstrait et irréel pour que mon esprit l'accepte sans broncher. Je suivis donc son conseil et essayai de nous plus chercher à résoudre ce problème incompréhensible.
— Est-ce qu'il y a au moins quelque chose que je puisse faire pour t'aider ? lui demandai-je, me sentant inutile et surtout coupable devant sa souffrance évidente qui n'était dû qu'à mon impulsivité et à ma bêtise.
— Aide-moi à me relever s'il te plait, me demanda-t-elle avec un petit sourire forcé mais sincère malgré tout.
Je m'empressai de lui apporter mon aide en prenant bien garde à ne pas toucher, ni même effleurer son bras virtuellement blessé.
— Tu n'y es pour rien, me dit-elle tandis que nous cheminions lentement vers la porte. Tu as bien fait de la maîtriser, elle allait tirer. Si tu ne l'avais pas déséquilibré, je n'aurais pas pu intervenir et Connors serait mort.
C'est à cet instant qu'un cri retentit, nous figeant toutes les deux sur place.
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