On a été pourchassé, traité comme des bêtes de foire, puis comme des criminels et maintenant vous voulez nous envoyer en première ligne...mais pour quoi au juste ? Oui, pour tous nous sauver, je sais, je crois que nous savons saisi le concept ! ajouta Lynch d'un ton ironique à l'instant où Lovory se retournait vers lui pour lui répondre, un air exaspéré sur le visage. Mais comme vous devez déjà le savoir, votre nouveau monde idyllique est empli de monstres et d'autres dangers inconnus ! Qu'espérez-vous que nous trouvions dans cet enfer ?

— De l'aide...tout simplement ! s'exclama-t-elle d'une voix exaspérée et tremblante, scotchant tout le monde une nouvelle fois. Lorsque Monroe est mort, j'ai eu accès aux archives qu'il gardait jalousement pour la première fois et ce que j'y ai appris m'a stupéfié et m'a aussi redonner espoir...surtout quand j'ai appris que vous aviez réussi à traverser.

— Allez-y crachez le morceau ! m'énervai-je, lasse de toutes ces palabres inutiles.

— Nous ne sommes peut-être pas les seuls à avoir survécu au grand cataclysme, lâcha-t-elle. Le dispositif ingénieux qui a généré le dôme de protection autour de notre ville, a été installé dans trois autres villes.

— Comment pouvez-vous savoir ça après tout ce temps ?

— Nos ancêtres d'avant la catastrophe avaient tout prévu. Les noms et emplacements des autres villes protégées, l'estimation du temps d'isolement nécessaire, les explications techniques...

— Ils avaient mal fait leur boulot de toute évidence, puisque vous n'arrivez même pas à déconnecter ce fichu dôme de protection ! railla Oliver, apparemment dans le même état d'énervement que nous tous.

— Avec le passage du temps, les fichiers ont été endommagés ! C'est déjà une chance que nous ayons réussi à en récupérer assez pour avoir quelques infos.

— C'est bien beau toutes ces révélations croustillantes, mais ça ne nous dit pas ce que vous attendez de nous exactement ?

— C'est simple ! On attend de vous que vous rejoigniez une autre de ces villes et demandiez à ces habitants comment désactiver le champ de protection.

— Qui vous dit qu'ils ont eu autant de chances que nous ? Peut-être qu'ils sont tous morts ? Peut-être qu'ils ont désactivé leur dôme et sont partie depuis longtemps ? Ou alors, ils sont dans la même galère que nous...ou pire...

— Dans ce cas, il vous suffira de pousser jusqu'à l'emplacement suivant !

— Mais bien sûr, c'est tellement simple pour vous de dire ça, vos petites fesses bien planquées derrière votre bureau ! On parle de quelles distances au juste ?

Lovory baissa les yeux sur ses chaussures, signe évident que la réponse n'allait pas nous plaire.

— De plusieurs centaines de kilomètres, avoua-t-elle dans un souffle sans oser nous regarder.

Un silence consterné suivit ses paroles, avant qu'un concert de récriminations en tout genre ne commence à se faire entendre, tout le monde essayant de parler en même temps. J'étais la seule à demeurer silencieuse, curieusement insensible à toutes les implications de ce que je venais d'entendre. Une seule chose occupait véritablement mon esprit, la trahison de Connors. Je devais lui parler, comprendre pourquoi il avait fait ça...j'avais besoin d'en avoir le cœur net. Sans compter l'envie impérieuse de quitter cette pièce étouffante et ces tergiversations stériles. Car pour moi, le problème était simple et la solution limpide.

— On a le droit d'y réfléchir au moins, ou c'est un ordre déguisé ? demandai-je d'une voix forte et froide malgré le maelstrom de sentiments qui tournoyait sous mon crâne.

— Bien sûr que vous pouvez prendre le temps de la réflexion, ça fait beaucoup de choses à digérer...

— Sans aucun garde, ni caméra ? la coupai-je abruptement.

Je la vis hésiter, tandis que les autres se rapprochaient de moi, sentant qu'un tournant décisif approchait.

— Vous comprenez que...

— Comment pouvons-nous vous faire confiance si la réciproque n'est pas vraie ? Vous n'avez jamais eu l'intention de nous laisser le choix, c'est ça ?

— Mais non, pas du tout, nous...

— Prouvez-le alors ! Laissez-nous retourner dans notre...chambre, coupez les caméras et surtout aucun garde devant la porte ou même dans le couloir. Et libérer les changeants...maintenant ! Sinon, arrêtez-nous...ce n'est pas négociable !

— Elle parle en votre nom à tous ? demanda soudain Lovory d'une voix dure et le visage fermé alors que son garde du corps réapparaissait soudain comme par magie à ses côtés.

La tension était à son comble dans la pièce, on jouait enfin carte sur table et nous allions bientôt savoir à quelle sauce nous allions être réellement mangé.

— Oui, répondirent tous mes compagnons à l'unisson, hormis Lada, toujours étrangement silencieuse et prostrée.

J'avais perdu la chance de demander à Lovory ce qu'elle pouvait bien avoir, car son comportement n'était pas normal.

— Très bien, qu'il en soit ainsi ! Garde !

Je sentis mes compagnons se raidirent autour de moi, prêts à toutes les éventualités. La tension monta encore d'un cran supplémentaire lorsque les portes s'ouvrirent déversant une douzaine de gardes armés dans la salle.

— Veuillez les escorter jusqu'à leurs appartements et ensuite...évacuez l'étage.

Surprise, je lançai un regard à Lynch tout aussi surpris et visiblement septique que moi. Néanmoins, nous ne dîmes rien et suivîmes les hommes hors de la pièce en silence. Connors n'était nulle part en vue et même si j'avais envie de connaître ses raisons, me retrouver en sa présence à cet instant précis n'aurait pas été bon pour sa santé !

Nous regagnâmes nos quartiers en silence. Une fois à l'intérieur, un des hommes qui semblait être en contact avec Lovory via une oreillette, neutralisa les caméras devant nous, puis sortit en laissant la porte ouverte, histoire que nous nous rendions bien compte du départ des gardes. Nous attendîmes quelques instants, en nous lançant des regards circonspects. Lorsque plus aucun bruit de botte ne parvint à nos oreilles, Isy s'empressa d'aller refermer la porte avant de se retourner vers nous.

— On fait quoi ?

— On se barre d'ici ! dit aussitôt Ophélia.

— Pour aller où ? lui répondit Lynch. Il n'y a plus de garde à cet étage mais ne doute pas qu'ils nous attendent de pieds ferme à celui du dessous !

— Tu ne comptes quand même pas accepter sa proposition ? s'étonna Oliver.

— Et pourquoi pas ? intervint Blake pour la première fois. Qu'avons-nous à y perdre ?

— À part la vie ? Pas grand-chose c'est sûr ! ironisa Isy dans un petit rire sarcastique.

— Parce que tu la trouve bien ta vie à l'heure actuelle, toi ? Dans cet endroit vicié où l'air est de plus en plus irrespirable, traquée comme une bête de foire parce que tu es différente ! C'est une mission suicidaire c'est vrai, mais quel autre choix avons-nous ? Personne ne peut le faire à notre place apparemment ! Alors, entre mourir ici en ne faisant rien, ou mourir dehors en essayant de faire quelque chose...personnellement mon choix est tout fait.

— Tu n'as pas tort Blake, mais tu es un soldat. Tout le monde n'a peut-être pas ton goût inné du sacrifice ! lui rétorqua Lynch d'un ton acide. Personnellement je suis d'accord avec toi, mais je pense que chacun est libre d'agir selon ses choix et sa conscience.

— Je suis partant bien sûr rétorqua aussitôt Oliver, même si je préférerai ne pas être sous les ordres de cette...femme.

— Le problème est que nous n'avons pas le choix, c'est elle qui a les infos. Nous ne pouvons pas nous risquer de l'autre côté sans un minimum de préparation...On voit ce que ça a donné la dernière fois !

— Je viendrai aussi, dit Isy d'un ton décidé.

— Moi aussi, bien évidemment ! ajoutai-je d'une voix farouche ayant pris ma décision depuis longtemps, me rendis-je compte à l'instant où je formulais ma réponse.

— Je serais des vôtres également ! retentit soudain la voix de Connors alors qu'il ouvrait la porte et pénétrait dans la pièce.

Avant que quiconque n'ait eu le temps de réagir, Lynch bondit, le saisissant à la gorge avant de la plaquer violemment contre le mur.