Anna
Mon père passe dans ma chambre et me réveille. Il est cinq heures. Il part au travail. Je me redresse dans mon lit. Quand j'entends la clé dans la serrure, je me lève. Je vais fermer le canapé-lit où il dort avant de me préparer du thé. Heureusement que l'année prochaine, je pars à l'université et que j'aurai ma propre chambre grâce à la bourse d'étude. C'est un peu égoïste, mais je veux pas finir comme mon père: cinquante-cinq ans, ouvrier sur les chantiers, le dos en vrac, abandonné par sa femme pour un autre, couvert de dettes, dormant dans le salon parce que mon ex femme a aussi abandonné ma fille. Quand je serai chirurgien dentiste, je lui paierais un deux pièces et la voiture de ses rêves. Une revanche sur ma mère, c'est tout.
Je prends une douche et enfile les derniers vêtements propres qu'il me reste. Il faudra que j'aille à la laverie après les cours. Je mets ma montre et je vois qu'il est déjà sept heures passé. Je pars en direction du lycée qui est à environ vingt minutes à pied.
Une fois devant la grille du lycée, j'ignore tous les gens que j'y vois. Je me dirige vers la salle de mon premier cours de la journée: TP de physique-chimie. C'est la matière dans laquelle j'excelle le plus. Il faut dire que c'est assez fascinant. Je m'installe et le prof me lance un sourire de pitié.
-Il n'est pas encore huit heures, tu devrais patienter dehors avec tes camarades, au lieu de...
-Je préfère attendre ici.
Il hoche la tête, l'air désolé. Il ne faut pas qu'il le soit. Les gens de cette classe sont des abrutis. Tous ce qu'ils savent faire c'est des embrouilles et de l'harcèlement. Je préfère penser à mon avenir. J'ai autre chose à faire que de me mêler à leurs conneries.
D'ailleurs en voilà deux qui arrivent. Mon trinôme de chimie.
-Salut Anna.
-Salut.
Je ne supporte pas la voix mielleuse de Julie. Ça m'hérisse le poil.
-Ah ma chérie !, hurle Chloé à côté de moi.
-Tu sais qu'on est en cours...
Elle me toise. Sympa, connasse. Voilà les deux pétasses que je dois supporter pendant deux heures. Et bien sûr, je fais tout le travail à leur place. En parlant de ça, le prof distribue le travail. Je m'y mets tandis que les deux autres discutent. Elles sont pathétiques.
Le TP terminé, je rends la feuille au prof et quitte la salle. J'arpente la cour à la recherche de ma meilleure amie, Emma, dans une autre classe.
-Alors ce TP ? Tu bosses toujours pour trois ?
-Toujours. On ne change pas les bonnes habitudes.
-Les populaires... tout dans l'apparence, rien dans le citron.
-Et toi ?
-Littérature anglaise, anglais... la routine. Un peu chiant. À part ça, j'ai regardé les sorties du box office, c'est déprimant.
-Ouais, y a rien. On devrait peut-être juste aller à la bibliothèque.
-Encore ?
-Les chocolats chauds sont abordables et l'entrée est gratuite. Puis, on s'ennuie jamais.
-Faisons ça alors.
Après un passage aux toilettes, c'est direction le cours d'anglais. Emma m'aide. Elle est bilingue. Depuis qu'on bosse ça ensemble, j'ai de bien meilleures notes.
Archibald s'assoit à côté de moi, un grand sourire aux lèvres. Il est sûrement une des seule exceptions de cette classe. Il remet ses cheveux en place et ça m'arrache un sourire. Il est mignon. Dommage qu'il n'est pas l'air plus intéressé que ça par moi... Je me re concentre.
Le cours est passé plutôt vite. Maintenant, contrôle de maths. Je connais tout sur le bout des doigts. Finger in the nose, comme ils disent. Alvin s'assoit à côté de moi. Il a pas intérêt à copier. S'il connaît pas les réponses, qu'il ne s'imagine même pas en obtenir une seule de ma part. La prof donne les contrôles. Je lis toutes les questions avec attention et je rédige directement sur ma feuille. Le brouillon c'est pour ceux qui doutent de leurs capacités.
Je lève la tête alertée par du bruit. Des cris, des tirs. Le lycée est attaquée ou je suis en train de rêver ? Je tourne la tête vers Alvin, terrorisée. Suis-je la seule à entendre ça ? Son regard me signifie que non. La prof se lève et regarde ce qu'il se passe.
-Putain...
Kylian se lève et se tire. Je n'ai même pas prêté attention à ce qu'il disait. Je n'ai pas rêvé. Il y a bien quelqu'un qui attaque le lycée. Mais qui ? Pourquoi ? Tout se mélange dans ma tête.
Je me cache sous ma table par réflexe. Je pense à mon père. Si je venais à disparaître, il se ferait sauter le caisson...
Du bruit. Des pas. Des coups de feux. C'est donc ça le son de l'enfer ? Je récite la prière du « Notre Père », en murmurant et en fermant les yeux. Si ça doit me servir, c'est bien maintenant. Que Dieu me vienne en aide. Quelqu'un fait irruption dans la classe. Je plaque mes mains contre mes oreilles. Les pas partent plus loin dans la classe. J'ouvre les yeux et tourne légèrement la tête. La prof nage dans une marre de sang. Je suis horrifiée. Ma bouche s'ouvre en grand mais aucun son ne sort. Calme-toi, Anna. Tu dois t'en sortir. Tu ne dois pas mourir ici. Pas maintenant. Pas comme ça. Je regarde de nouveau devant moi. L'assaillant parle avec les gens de la classe. Cette voix... je la reconnais... Je me re saisi. Ce n'est pas le temps d'enquêter sur qui est le tueur. Il faut que je me barre. Je me tourne légèrement et regarde la porte grande ouverte juste à côté de moi. Ça passe ou ça casse.
Par petits pas, je m'avance vers la sortie. Une fois sortie de la salle, je me lève et me mets à courir, direction les escaliers. Je dois quitter cet endroit au plus vite. L'assaillant est toujours dans la salle, le temps qu'il descende, j'aurai réussi à me sauver.
Je traverse la cour à toutes jambes, arrive au portail et l'escalade. Je continue toujours de courir jusqu'au café le plus proche.
-Au secours ! Au secours !
-Qu'est-ce qu'il passe ?
-Prévenez la police, quelqu'un attaque mon lycée ! Il est armé et il a déjà fait des victimes, vous devez faire quelque chose !
-D'accord, d'accord... Assis-toi ici, on va faire le nécessaire.
Le gérant du café part, son téléphone déjà collé à l'oreille tandis que son employé me sert un verre d'eau.
-Tu es en sécurité ici.
Je hoche la tête. Je prends mon portable et laisse un message vocal à mon père.
J'attends longtemps. Du moins, ça me semble être une éternité. Je vois pleins de voitures passer. Puis j'ai un appel de mon père.
-Anna, ma chérie, tu vas bien ? Je viens d'avoir ton message.
-Je vais bien. Tu vas voir les infos sûrement. Mais ne t'en fais pas, je me suis échappée, et je suis saine et sauve dans un café.
-Bien. Ça me soulage.
-Je...
-Reste là tant que je travaille. Je viendrais te chercher. Commande ce que tu veux, je paierai quand je viendrai.
-Tu es sûr ?
-Certain. Je veux que tu restes là-bas.
-D'accord.
Il raccroche en me disant qu'il doit absolument retourner travailler. En attendant qu'il vienne, je discute avec le personnel. Ils me posent des questions sur ce que je veux faire plus tard, sur ce que j'étudie. Tout ça me semble irréel.
Quand mon père arrive, il me saute au cou. Ça fait des années qu'il ne m'a pas serré aussi fort dans ses bras. Je me mets à pleurer.
-On peut rentrer, s'il-te-plaît...
Il ne me répond pas mais prend ma main. Le gérant lui dit que nous ne devons rien. Alors, nous rentrons chez nous. Je me sens comme une petite fille qui a peur de l'orage. J'ai survécu à une tuerie dans mon lycée.
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