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Trépas - Salomé

Première nouvelle sur Salomé, qui fait très clairement référence à un événement qui se déroule durant En noir et blanc. Salomé est peut-être le personnage qui me ressemble le plus dans la première partie du roman et j'ai un attachement tout particulier à elle. Clairement, j'aurais préféré qu'il ne lui arrive pas ce qu'il arrive, mais ce n'est pas moi qui décide, ahah. Attention, au risque de me répéter, "Vingt-six nouvelles" est classée dans la catégorie "contenu mature", et il y a dans cette nouvelle une scène sexuelle explicite. Voilà qui est dit. 

***

Temporalité : juillet 2012


Je m'étais sentie comme une conne lorsque Cyril s'était défilé. À peine m'étais-je levé de la balancelle, mes larmes avaient commencé à couler. J'avais espéré naïvement qu'il me rattrape, mais il n'en avait rien fait, et j'étais désormais là, seule comme une conne à me demander ce que je pourrais boire. N'ayant jamais bu une seule goutte d'alcool de ma vie et au vu de la quantité disponible, je me sentais incapable de choisir un mélange acceptable. Mes yeux finirent par se poser sur la bouteille de vodka et au vu de la couleur, je me mis à m'imaginer que ça devait aller avec tout. De plus, d'après mes quelques connaissances, il me semblait qu'il s'agissait d'un alcool plutôt neutre en goût, étant issu de la pomme de terre. Je remplis la moitié du gobelet et ajoutai du jus de pomme.

La première gorgée me brûla littéralement, mais je me forçai à finir d'un seul coup mon verre. J'avais besoin de tout oublier, là maintenant. Je me servais ensuite un deuxième verre et essayais de retrouver mes amies que j'avais lâchement abandonnées pour un connard quelques dizaines de minutes plus tôt.

Je retrouvai Eulalie, Clémence et Mahaut en train de discuter près du home cinéma.

Clémence se pencha sur mon verre pour le renifler lorsque je m'incrustai.

« C'est pas que du jus de pomme, ça. Ça va ?

— Ouais, répondis-je, évasive. »

Je sentais l'alcool commencer doucement à me monter à la tête, à moins que ce ne soit la bouffée du joint que j'avais pris en compagnie de Cyril un peu plus tôt. Un joli brouillard commençait à m'anesthésier peu à peu. Je commençai à avoir du mal à suivre leur conversation et je ne répondais plus que par onomatopée en buvant de grandes gorgées régulièrement de mon gobelet. Je n'étais pas sûre que ma quantité d'alcool soit raisonnable, le jus de pomme masquait à peine le goût infect.

Je terminai mon verre en moins de dix minutes et abandonnai les filles une seconde fois.

« T'es sûr que ça va ? s'inquiéta Eulalie me retenant par le bras.

— On a qu'une vie ! m'écriai-je en me dégageant de son emprise. »

Elle me laissa partir, suspicieuse.

À peine avais-je rempli mon nouveau verre que ma vision se troubla, mon cerveau n'était qu'un épais brouillard et j'avais la terrible sensation d'effectuer tous mes gestes au ralenti. Cherchant du regard les filles, je ne les trouvai pas et jetais mon dévolu sur le canapé vide qui n'attendait que moi au milieu de la pièce. Je me laissai couler doucement dans le moelleux du tissu, reposant ma tête lourde, je sentais le sommeil me gagner. Au moins je ne penserais plus à Cyril qui s'était joué de moi ces derniers mois. C'était comme s'il m'avait fait espérer un avenir avec lui et qu'il avait fini par tout piétiner. J'avais trop attendu pour ne pas être en colère.

Un corps que je ne reconnus pas s'installa à mes côtés. Lorsqu'il posa sa main sur mon épaule, je ne cherchai pas à me défaire du contact, cela eut l'effet de m'apaiser un peu. Quelques secondes plus tard, ses lèvres se posèrent sur les miennes. Un mélange de tabac froid et d'alcool me chatouilla les narines sans que je ne sache s'il s'agissait de mon haleine ou de la sienne. Je sentis une chaleur grandir en moi, ce baiser me faisait du bien et j'essayai d'y répondre du mieux que je pouvais. J'avais trop attendu ça et je ne pouvais m'empêcher d'imaginer qu'il s'agissait de Cyril.

« Tu en as envie ? » me demanda-t-il lors nos bouches se séparèrent à regret.

J'ouvris les yeux et reconnu Dimitri, un ami de Cyril. Je ne lui avais jamais parlé et il ne me plaisait pas physiquement, de plus je n'appréciai pas ses manières, mais sa présence suffisait à me réconforter un peu. Sans que je ne puisse plus réfléchir à ses paroles, j'articulai difficilement un oui. Sitôt, il se leva et m'entraîna avec lui. La rapidité du mouvement fit tourner ma tête et une désagréable sensation que j'allais vomir m'envahit. Je n'étais pas habitué et je du me retenir à la cloison la plus proche pour éviter de m'évanouir.

« Ça va ? Tu es sûre que ? » me demanda Dimitri qui s'était approché.

J'hochai la tête. Je ne savais plus ce que je faisais et je savais qu'une partie de mon cerveau me répétait que j'allais regretter le lendemain matin, mais j'avais envie de tout éteindre et de laisser simplement mon corps réagir.

Il prit ma main délicatement et m'entraîna une fois de plus à un étage supérieur. Il entra dans une première pièce et j'y découvris une petite chambre sortie tout droit d'un magasin de décoration. Elle avait l'air d'être entièrement neuve. Il ferma la porte à clé derrière moi et une lueur de panique m'anima. Cependant, il reprit bien vite ses baisers qui m'apaisèrent et pendant qu'il jouait avec ma bouche, ses mains descendirent sur mes hanches. À travers le tissu de ma robe, je sentais ses caresses et j'avais envie de m'y abandonner totalement. Nous nous déplaçâmes vers le lit qui se trouvait au milieu de la chambre et nous y basculâmes.

Dimitri se positionna au-dessus de moi et continua ses caresses. Sa bouche descendit de mon visage pour s'égarer dans mon cou ce qui m'éveilla des petits gémissements. C'était agréable. Mes mains se faufilèrent dans sa nuque et frottèrent délicatement le bas de son cuir chevelu. Sans m'avertir, il fit glisser une de ses mains sous ma robe et se mit à me caresser la cuisse ce qui m'arracha un petit cri de surprise.

« Si tu n'en as pas envie, on peut s'arrêter là. »

J'ouvris les yeux pour le fixer et d'un mouvement de tête, je le rassurai. J'avais envie de continuer, j'en avais marre de réfléchir et d'attendre. Je m'étais toujours imaginé que ma première fois se déroulerait dans les bras de Cyril, mais ça avait été une erreur de le penser. Je m'étais préservée avec mes précédents petits-amis, parce que l'image du rouquin obsédait mes pensées lorsque nous devenions plus intimes, mais il n'y avait plus de raison de rester chaste.

Les doigts de Dimitri s'arrêtèrent sur mon entrejambe que je sentis à travers de ma culotte s'humidifier. Il glissa un doigt sous le vêtement et titilla mes parties intimes. J'étouffai un petit cri. La minute d'après, il retirait son tee-shirt et ma robe et je me retrouvais en sous-vêtement devant lui. Par réflexe, je cachai ma poitrine de mes bras, mais avec une douceur infinie il les repoussa pour déposer ses lèvres et me couvrir de baisers. Je sentais mes tétons durcirent sous l'excitation et il en profita pour retirer mon soutien-gorge et les mordiller. Je me laissai faire, impossible de résister. Il grogna lui-même de plaisir et je sentis son sexe durcir contre ma cuisse. Tremblante par l'excitation et la peur que me procuraient ses nouvelles sensations, je ne savais pas quoi faire.

Il finit par retirer son pantalon et se montra en boxer devant moi. Loin du monde gêné, il me guida et plaça ma main sur son sexe. Je le caressai doucement, ayant peur de mal faire. C'était la première fois que j'allais aussi loin, généralement nous nous contentions de caresses à travers les vêtements. Après quelques instants, il fit glisser son boxer puis ma propre culotte avant de se pencher sur son pantalon qui gisait par terre pour en récupérer un préservatif. J'avais les yeux rivés sur sa verge en érection. C'était la première fois que j'en voyais une et je ne pouvais m'empêcher d'être impressionné.

« Toujours partante ? me demanda-t-il une dernière fois. »

Fermant les yeux, je lui murmurai un oui. Il déchira l'emballage et mit en place le préservatif, puis il se plaça au-dessus de moi et d'un coup sec, il entra en moi. J'eus l'impression que mon corps se déchirait de l'intérieur, je ne pus m'empêcher de crier et les larmes me montèrent aux yeux sous l'effet de la douleur. Il tenta d'y aller plus doucement et après quelques minutes, il commença des va-et-vient. Au fil des mouvements, la douleur s'effaçait progressivement, mais je sentais encore les frottements.

Au bout de quelques minutes, il se retira dans un râle excessif et se débarrassa du préservatif avant de s'allonger à mes côtés. Les larmes perlant à mes yeux, je m'enroulais dans la couverture et me retournais pour qu'il ne me voie pas. Les sanglots s'épaissirent et je les sentis couler lentement sur ma joue avant de s'écraser sur le drap. J'entendis Dimitri quitter discrètement la chambre et me retrouvais seule.

Je n'étais pas plus avancé qu'une heure auparavant et j'avais la sensation d'avoir gâché ma première fois. Mon entrejambe me brûlait.


Je me rattrapai au matelas. J'avais l'impression que j'allais vomir, aussi je fis un effort pour ne pas faire de gestes brusques. Je finis par me pencher pour récupérer mes vêtements et les enfilai à la va-vite. Je n'avais aucune envie de rester plus longtemps dans cette chambre et je comptais bien ne plus jamais revenir dans cette maison. Mon cœur était meurtri.

Rabattant les couvertures sur le lit, je remarquai deux petites taches de sang séché. Je fus honteuse encore une fois de me rappeler ce qui s'était passé, aussi les je les recouvrai d'un coussin. Je quittai finalement la pièce et entrepris de descendre le plus discrètement possible les escaliers. La maison entière semblait encore endormie, le salon était dans un état terrible : des gobelets, des serviettes et autres sachets traînaient à même le sol, et je remarquai une silhouette endormie sur le canapé.

Mes yeux s'accrochèrent à la terrasse. Cyril fumait une cigarette et je pouvais l'apercevoir à travers la baie vitrée. Heureusement pour moi, tourné dans l'autre sens, il ne pouvait pas me voir, mais je pouvais reconnaître ses cheveux roux rassemblés en un chignon négligé à des kilomètres. Mon cœur se serra à cette vision et je me résolut de partir avant qu'il ne se retourne et me remarque. À tous les coups, il viendrait me voir, alors que c'était trop tard.

Enfilant mes chaussures qui étaient restées dans le hall d'entrée, je quittai la maison sans un bruit et prit la direction de chez moi. Je serais de retour avant midi, l'heure du sacro-saint déjeuner dominical.

À peine eu-je passé le pas de la porte que ma mère me sauta dessus. Ma tête me faisant encore souffrir, je remarquai que je n'avais pas pris le temps de me brosser les dents avant de partir et que mon haleine devait ressembler à celle d'un chacal mort. Je priai silencieusement pour que ma mère ne le remarque pas, mais c'était bien mal la connaître.

« Mademoiselle Montand, auriez-vous bu et fumé cette nuit ? hurla-t-elle. »

Je ne savais pas mentir à ma mère, si bien qu'elle me renvoya immédiatement dans ma chambre en me priant de me changer et de prendre une douche afin de ne pas pervertir toute la maison. J'obtempérai, de toute manière, je n'avais pas vraiment de quoi me défendre.

Sous la douche, je sentis une nouvelle fois mon entrejambe douloureux et je le frottai avec vigueur pour essayer d'effacer tous les bouleversements de la nuit. Je n'avais pas envie de m'en rappeler et je souhaitai juste passer à autre chose le plus vite possible, mais c'est comme si la brûlure était là pour me permettre de ne pas oublier. Je sentis mes larmes coulées en même temps que l'eau sur mon corps, sans que je ne puisse les arrêter.

De retour dans ma chambre, j'avais juste envie de m'enfouir sous les couvertures pour ne plus jamais en ressortir, mais je ne pouvais pas faire ça, pas quand l'horloge du réveille-matin indiquait onze heures quarante-six et que ma mère allait m'appeler pour passer à table dans moins de dix minutes.

Je pris un instant devant le miroir pour me regarder : j'avais les traits tirés de quelqu'un n'ayant pas dormi assez et les yeux rougis d'une personne ayant trop pleuré. Cela semblait me correspondre assez bien. Immédiatement, mes pensées se tournèrent à nouveau vers Cyril et j'eus tout le mal du monde de les retenir. J'avais besoin d'exprimer ma rage et ma tristesse au monde entier, mais je n'avais personne à qui me confier. Comme d'un accord silencieux, je n'avais jamais parlé de ma relation avec Cyril à mes amies. Peut-être par égoïsme, peut-être par mon manque d'assurance qui aurait fait qu'elles ne m'auraient pas cru, j'avais eu envie de garder cela pour moi sans le partager.

Le repas fut désespérément lent, je n'avais qu'une seule envie : dormir tout l'après-midi, mais ma mère prenait un malin plaisir à faire durer le supplice. Elle me forçait à reprendre des pommes de terre, un petit morceau de viande, n'oublie pas le fromage et évidemment que j'ai fait un gâteau. J'enfonçai l'une après l'autre les bouchées sans saveur dans ma bouche. De temps en temps, elle me lançait des regards assassins, mais je m'efforçai de les ignorer en fixant mon assiette. Mon père ne disait rien, cela faisait longtemps que j'avais compris qu'il craignait par-dessus tout ma mère et qu'il ne cherchait donc plus à s'interposer au risque de ne pas partager son avis. Mon frère, encore trop jeune, mangeait avidement tout ce qui se présentait dans son assiette. C'est à ce moment-là que j'en voulais à ma sœur d'être partie. Elle avait toujours été la seule à tenir tête à ma mère, peu importe les représailles. Ainsi, il était normal qu'elle ait déserté la maison dès qu'elle l'eut pu, mais je regrettais amèrement qu'elle n'ait pas pu me prendre avec elle.

Une fois la dernière bouchée avalée, avec le plus grand mal tant mon mal de ventre était tenace, je les abandonnai pour retourner dans ma chambre. Ma mère avait proposé une balade pour l'après-midi, mais mon père avait eu le courage de dire qu'il souhaitait simplement se reposer. J'avais senti la rage folle dans le regard de ma mère, mais elle n'avait rien dit.

Une fois dans ma chambre, j'osai allumer l'ordinateur portable que j'avais reçu à Noël dernier. Je n'étais pas censé pouvoir aller sur des sites comme Facebook parce que mes parents l'avaient annoncé comme un « ordinateur de travail », mais j'outrepassais allègrement cette règle idiote. J'avais l'idée, peut-être un peu naïve, que Cyril m'aurait peut-être envoyé un message d'excuse. Lorsque je vis la petite notification m'indiquer que j'avais un nouveau message, mon cœur s'emballa, mais s'arrêta aussi net lorsque je remarquai qu'il s'agissait d'Eulalie. M'ayant perdue hier soir, elle s'inquiétait et me demandait si tout s'était bien passé pour moi.

Je ne savais que lui répondre : que j'avais couché avec un mec qui ne me plaisait pas du tout pour oublier un garçon dont j'étais folle amoureuse, mais dont je ne lui avais jamais parlé – elle serait vexée – et que je regrettai affreusement et qu'en plus j'avais des douleurs horribles. Je ne pouvais pas décemment lui dire ça, bien que ce fût la vérité. Je m'empressai de lui répondre que tout allait bien, j'étais simplement monté me coucher et que j'étais partie ce matin, de peur de me faire engueuler par ma mère. Elle me répondit à la vitesse de l'éclair par un smiley qui faisait un clin d'œil. Cette fille était toujours la première à répondre, elle devait être tout le temps sur les réseaux sociaux.

Je refermai la page Facebook, je n'avais rien de plus à y faire. J'avais regardé longuement la petite icône de la photo de profil de Cyril, mais il était hors-ligne. Il n'y avait aucune chance qu'il vienne me parler pour s'excuser. Je ne savais même pas quand nous nous reparlerions. En dehors du lycée, nous ne nous adressions jamais la parole. Il y avait bien eu cette fois où par un curieux hasard je m'étais retrouvée à poser pour ses photos. Par nostalgie, j'ouvris le tiroir de ma table de nuit et prit mon journal intime. J'y avais glissé les photos qu'il m'avait offertes. Ou plutôt qu'il avait simplement déposé dans mon casier sans jamais m'en reparler. Je caressai du bout des doigts celle qui était devenue ma photo de profil — je n'avais même pas changé entre-temps. Je me trouvai vraiment belle sur celle-ci, même avec cet affreux anorak que ma mère me forçait à porter en hiver. Il avait réussi à jouer avec les lumières et celles-ci, délicates, éclairaient mon visage. Je riais, heureuse du moment. Il n'y avait eu que lui qui aurait pu me faire paraître aussi belle, ce n'était pas ce que j'avais ressenti dans les yeux de Dimitri la veille, par exemple. Il était bien ironique de me voir autant sourire sur ces photos, lorsqu'à présent je pleurai pour la même raison. Cyril.

Je me détestais d'être tombée dans son jeu, parce que j'étais de plus en plus persuadée que ce n'était que ça. Et comme pour tous les garçons, alors que ça commençait à devenir réel, ils perdaient leur courage et s'enfuyaient lentement. Connaissant sa réputation sulfureuse et notamment avec les filles, je ne m'étais pas imaginé qu'il peut être de cette trempe-là. Et pourquoi m'avait-il un jour emmené dans cette salle avec les plantes, dans les combles du lycée ? Si j'avais pu revenir une seule fois en arrière, c'était à ce moment précis que j'aurais voulu être envoyé. Tout paraissait si léger et si beau, avec le recul, j'aurais peut-être dû tomber une approche à ce moment-là parce qu'il me paraissait accessible. Mais sur cette balancelle dans le jardin de Hamilton, il m'avait donné la même impression. Peut-être m'aurait-il là aussi repoussé à côté de toutes ces plantes ? Il n'aurait pas osé. Je me rendais bien compte que c'était à ce moment précis que j'étais totalement tombée amoureuse de lui, si auparavant je n'étais pas sûre de mes sentiments – surtout lorsque j'avais des petits-amis, bien qu'il obsédât mes fantasmes et mes nuits –, je lui avais laissé mon cœur. Et deux mois après, hier soir, il l'avait piétiné, réduit en miettes et fracassé. Il n'aurait pas pu me faire plus de mal qu'en restant indifféremment à mes avances. Je crois que j'en étais au point où j'aurais préféré qu'il me repousse purement et simplement. J'aurais survécu à un « Salomé, je crois que nous deux ça ne va pas être possible » plutôt qu'il ne réagisse pas. Peut-être n'avais-je pas été assez entreprenante ? J'aurais dû essayer de l'embrasser tout de suite ? Mais je ne me sentais pas plus courageuse. Ou peut-être avais-je été trop entreprenante ? Je me rendais bien compte du ridicule de la situation, vu son expérience avec les filles, il n'y avait pas de geste « trop entreprenant ». Il était urgent que j'arrête de me tracasser, même si je n'y pouvais rien.

Finalement ma mère du réussir à convaincre mon père, car elle m'appela une dizaine de minutes plus tard pour nous signaler que nous partions en promenade. Je soupirai bruyamment tout en m'extirpant de mon lit. Je n'étais pas assez en forme pour faire une balade, mais je ne pouvais pas prétendre être malade pour y échapper. Elle m'aurait fait un laïus sur les méfaits de l'alcool, du tabac, de la drogue, du sexe, des jeux vidéo qui rendaient violents et je ne sais quoi encore pendant plus d'une heure. Ce n'était pas la première fois, et c'était bien pour ça que j'étais assez au courant. Et j'avais aussi entendu ceux qu'elle avait enseignés à ma sœur, et on voyait le résultat. Laure n'avait pas remis les pieds à la maison depuis plus d'un an, j'entendais parfois leurs rares conversations téléphoniques et ma mère finissait toujours par s'emporter en l'injuriant de fille ingrate. Je savais que ça ne touchait plus ma sœur, mais je ne pouvais m'empêcher de me sentir mal pour elle.

Enfilant des chaussettes puis mes chaussons, je descendis en traînant des pieds, ce qui n'eut comme effet que d'agacer ma mère un peu plus.

« Et avec le sourire, ma fille ! s'écria-t-elle. »

Mon père avait le même entrain que moi, seul mon frère semblait apprécier l'idée. Bien qu'il se soit déjà pris des remontrances pour ses notes ou quelques bêtises insignifiantes avec ses amis, il n'avait aucune idée de ce qui l'attendait, et j'eus de la peine pour lui. J'aurais voulu éviter de lui infliger tout cela, mais je savais très bien que je ne pourrais pas. J'espérais juste qu'il se révélerait être de la trempe de ma sœur et non de la mienne et que ça lui permettrait de se rebeller un peu contre l'autorité parentale. À l'heure actuelle, il buvait littéralement les paroles de ma mère sauf dans les disputes.

Nous commençâmes à travers le lotissement pour rejoindre la parcelle de forêt située à l'ouest. Comme durant nos trajets habituels, nous passâmes devant la maison de Cyril. Je ne bus empêcher mon cœur de bondir et de m'imaginer que derrière l'une de ces fenêtres sombres, il se terrait dans sa chambre, l'esprit traversé par les mêmes pensées que moi. Mais c'était ridicule. Il ne pensait pas à moi, et d'ailleurs si j'avais voulu le rendre jaloux en couchant avec Dimitri, il ne devait pas être au courant à l'heure actuelle. Ça m'étonnerait que Dimitri ne dévoile toute sa vie sexuelle, même s'il en paraissait toujours très fier.

Rien qu'à l'idée de repenser au fait que j'avais – enfin, selon certains – perdu ma virginité, je me mis à rougir. Mon petit frère le remarqua immédiatement, et j'essayai de le faire taire. Heureusement, ma mère marchait un peu plus en avant et elle n'eut pas vent de la conversation. Je n'avais pas envie qu'elle devine ce que j'avais fait, j'avais reçu suffisamment de recommandations sur ma vie sexuelle de sa part, et si je l'écoutais, il valait mieux attendre encore quelques années, histoire que je sois bien installée. Cela me faisait doucement rire, car je savais qu'elle avait rencontré mon père alors qu'elle avait déjà vingt-sept ans et ils s'étaient mariés deux ans plus tard. Il m'étonnerait fort qu'ils aient attendu le mariage pour consommer, surtout que ma sœur était née six mois après leur union.

Ma balade me semblait s'étirer sur des kilomètres.

Il était quasiment dix-huit heures lorsque nous rentrâmes enfin. Ma mère avait fait en sorte qu'elle dure le plus longtemps possible en faisant des poses régulièrement sous prétexte de profiter des paysages et avait rallongé plusieurs fois le trajet en voulant emprunter des « raccourcis ». Nos vacances familiales commençaient la semaine suivante et je n'étais toujours pas prête mentalement à passer deux semaines enfermées dans un minuscule appartement avec ma famille, surtout sans ordinateur portable. Dans les cas-là, seule la lecture m'aidait à m'échapper, mais ma mère trouvait toujours un moyen pour m'arracher des mains le livre que je lisais. C'en était toujours paradoxal, parce qu'elle souhaitait toujours que j'aie les meilleures notes, mais souffrait d'un syndrome d'infériorité dès que je m'instruisais.

Avant le repas, je pus profiter seule du calme que m'apportait ma chambre. Je rallumai mon ordinateur, dans l'espoir qu'il m'ait aperçu devant sa maison et qu'il souhaite me parler, mais il n'y avait rien. Je sentis une nouvelle fois les larmes coulées et la douleur à l'entrejambe se raviva. Je me sentais sale et j'eus l'envie de prendre une nouvelle douche pour me purifier. Je me retins et contentai de passer une lingette pour bébé à l'endroit qui me faisait mal, cela apaisa légèrement ma brûlure, mais je n'arrivais pas à l'ignorer.

Le bruit de la notification attira mon regard et j'eus la surprise de constater un nouveau message de ma meilleure amie.

« Clémence m'a dit qu'elle t'a vu en compagnie de Dimitri hier soir, c'est vrai ?!!! »

Elle avait ajouté un smiley qui semblait être choqué. J'hésitai quelques secondes. Cela finirait par la vexer vraiment si je continuai à lui cacher des choses inutilement. Il était peut-être temps que je me livre sur d'autres choses, surtout qu'il n'y avait désormais plus rien à dire sur ma relation avec Cyril, celle-ci étant morte et enterrée.

Je pianotai rapidement.

« C'est vrai.

— Vous avez fait UN TRUC ????!!!!! »

Je soupirai. Nos premières fois étaient un sujet qui revenait régulièrement dans nos discussions. Eulalie avait couché pour la première fois avec un ami de son cousin l'été dernier alors que Clémence, Mahaut et moi étions toujours vierges, ce qu'elle ne manquait jamais de nous rappeler. Elle trouvait toujours cela incroyable que je sorte avec des mecs, mais qu'il finisse toujours par ne rien se passer. Je n'essayai même pas de lui expliquer que c'était ma volonté et que le plus souvent la rupture en était la conséquence. Cela m'avait beaucoup affecté les premières fois, mais j'avais fini par m'y faire : on ne reste pas avec une fille qui n'a pas envie de le faire à l'heure de l'adolescence.

Je répondis par l'affirmative avant qu'elle ne m'assaille de questions.

« C'était COMMENT ???! »

« T'as eu mal ???? »

« POURQUOI AVEC DIMITRI ? »

Alors que t'es sorti avec plein d'autres mecs. Je complétai moi-même sa dernière phrase. Je ne savais pas si j'avais réellement envie d'un interrogatoire à ce moment-là, mais je ne pouvais pas laisser tomber ma meilleure amie. Je répondis donc brièvement à ses interrogations en essayant de ne pas mentir. Mais je n'avais aucune envie qu'elle sache que j'avais fini par pleurer à la fin de l'acte. Je me demandai d'ailleurs si Dimitri l'avait remarqué. Dans tous les cas, ça ne l'avait pas concerné puisqu'il était parti quelques instants après.

Le fait d'en parler avec elle et de revenir sur les détails me fit mal au cœur. J'avais l'impression de m'être trahie, d'avoir trahi la Salomé qui fantasmait tous les soirs sur sa première fois avec Cyril. Parce que même si notre relation avait toujours avancé avec le plus de précautions possible, j'avais toujours cru ça possible au fond de moi. Et je ne savais pas qui avait la responsabilité de l'échec : moi ou Cyril ? Après ce qui c'était passé hier soir, tout ce que j'avais cru encore possible s'était définitivement envolé et il semblait absolument impossible que cela puisse arriver. Mais j'avais eu le choix de refuser de coucher avec Dimitri, je ne pouvais même pas dire qu'il m'y avait forcé. Prévenant, il m'avait demandé plusieurs fois. Il ne pouvait pas deviner que je n'étais plus en état de dire non et que c'était une sorte d'automutilation. Je l'avais utilisé pour me faire du mal.

Mes larmes coulèrent à nouveau et je fermai l'ordinateur. Je n'avais plus le cœur à répondre aux interrogations d'Eulalie et elles devraient attendre. Reposant l'objet au pied de mon lit, je me glissai sous les couvertures, les étirant sur moi tout entière. J'aurais voulu disparaître, que mon corps entier soit aspiré par l'amas de linge de lit. Le volet entrefermé tamisait la lumière du soleil. J'avais envie de m'endormir directement et ne plus jamais repenser à la veille.

J'avais accepté de venir à la soirée sans imaginer une seule seconde ce qu'il pourrait y advenir. J'avais même été enthousiaste, et j'avais attendu avec impatience le moment où je pourrais retrouver Cyril. J'avais plus ou moins préparé mon plan et j'avais cru être capable de faire avancer notre relation. Je me rendais à compte à présent à quel point j'avais été naïve et puérile d'avoir pu avoir de tels espoirs.

La fatigue accumulée et la pression mentale exercée toute la journée me firent tomber dans un profond sommeil en quelques secondes. Je me réveillai en sursaut, de retour à la soirée de Hamilton. Il faisait nuit, mais derrière la porte-fenêtre je voyais distinctement Cyril assis sur la balancelle qui vacillait doucement au gré des ondulations du vent. J'avais envie de le rejoindre, de lui sauter dans les bras, de l'embrasser, tout ce que je n'avais pas pu faire la veille, mais mes pieds restaient désespérément cloués au sol comme pris dans une colle imaginaire. Les larmes comptaient à monter à mes yeux et je sentis rapidement les premières coulées sur mes joues. Soudain, je le vis se lever et alors qu'il commençait à marcher vers la baie vitrée, il fut rejoint par un groupe d'amis. Essayant d'attirer son attention, je le vis rire aux éclats et finir par les suivre dans la direction opposée. Je sentis ma bouche qui voulait hurler, mais ma gorge était sèche et aucun bruit n'en sortait. J'étais toujours paralysée.

Je m'effondrais.

« Salomé, on mange ! »

La porte de ma chambre s'ouvrit brutalement et je devinai la silhouette de ma mère dans l'entrebâillement. Reprenant mon souffle après ce rêve qui avait été saisissant de réalisme, je me redressai sur mon lit et la regardai fixement.

« Tu me feras le plaisir de descendre prestement, jeune fille » glissa-t-elle avant de s'évanouir, laissant la porte grande ouverte. Je repoussai les couvertures et essayai de me lever. J'avais l'impression que mon corps se trouvait prisonnier d'une chape de plomb. Je repensai à mon rêve et mon cœur se serra, j'avais l'impression que Cyril m'avait abandonné une seconde fois. Qu'il m'avait laissé tomber ! Je sentis ma vue se brouiller, ma gorge se coincer et immédiatement je me penchai en avant pour vomir toute la bile que je pouvais. Je m'effondrais sur le sol de ma chambre, désespérée. J'aurais voulu mourir que d'affronter la honte qui me terrassait. 

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