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Tournent les vies - Dimitri

Qui aurait cru qu'avec tant de mal à écrire la première nouvelle sur Dimitri, j'enchaîne sur la deuxième et dernière directement ? En fait, c'est parce que je n'ai pas pu exprimer tout ce que je voulais avec la première que celle-ci est née. Sans doute la seule des vingt-six nouvelles à ne pas tourner autour d'un thème sentimental (même si on dirait pas au début), j'ai enfin pu explorer ce que je voulais avec ce personnage, qui me paraît beaucoup plus juste et touchant dans cette nouvelle. En espérant que vous l'aimiez, et finalement, Dimitri n'est peut-être pas si un con que ça. 

***

Temporalité : automne 2012


« J'ai une petite amie. »

Ce n'était pas la première fois que mon frère, Alexandre, disait cette phrase, cependant cela suffit à stopper net le repas et tous les regards se tournèrent vers lui.

« Ah oui ? demanda ma mère, enthousiaste. »

Cela me faisait du mal de l'admettre, mais depuis toujours mes parents buvaient littéralement les paroles de mon frère, leurs yeux brillants le regardant.

« Oui. Elle s'appelle Daphnée et j'aimerais vous la présenter. »

Mon père opina en avalant une nouvelle bouchée du gratin dauphinois de ma mère. Je préférais à la place me terrer sur mon siège et éviter de me faire remarquer. Je préférais que l'attention se retourne vers mon frère et nos pas sur mes récents résultats peu glorieux et sur ma capacité à obtenir mon bac ou non.

La question ne s'était jamais posée avec mon frère : il avait eu son bac mention très bien avec plus de 18 de moyenne générale à la satisfaction de tous. Je me rappelais du bonheur dans les yeux de mes parents à l'annonce des résultats. Ensuite, il était parti faire une prépa scientifique et était désormais dans une prestigieuse école d'ingénieur. Tout ce que je ne pourrais jamais faire.

« Tu pourrais l'inviter à passer un week-end ici, renchérit ma mère. Nous serions très heureux de la rencontrer. »

Alexandre hocha la tête et reposa ses couverts. Il entremêla ses mains.

« C'est ce que je comptais faire. Que diriez-vous du week-end dans deux semaines ?

— Nous serions ravis, enchaîna mon père. »

Personne ne regarda dans ma direction. Le plus souvent lorsque mon frère prenait la parole je devenais inivisble. Je n'avais jamais connu que cette situation depuis mon plus jeune âge. Même à trois ans, lorsque Alexandre cinq ans parlaient, je n'existais plus. J'aurais voulu me servir de cette situation à mon avantage, le problème étant que dès qu'il tournait le dos, les regards étaient à nouveau braqués sur moi, pleins de reproches et ne faisaient que me comparer à mon frère, beaucoup trop parfait.

J'en étais venu à la conclusion que je n'avais été qu'un accident pour mes parents qui étaient déjà trop comblés par la naissance de mon frère aîné. Je savais d'autant plus qu'ils avaient eu du mal à procréer et que sept ans s'étaient écoulés avant qu'ils ne tiennent Alexandre dans leurs bras pour la première fois. À côté de ça, le fait d'avoir un deuxième fils devait être totalement dérisoire. D'autant plus que le petit Alexandre avait été très fragile durant la première année de son existence et qu'il avait de nombreuses fois failli mourir. C'était du moins ce que j'en savais, je n'avais jamais osé demander plus d'indications à mes parents.

Le pire dans tout ça est qu'Alexandre n'avait jamais été méchant avec moi. Il avait été un grand frère absolument adorable toute mon enfance et je ne connaissais pas ces querelles fratricides. Il avait toujours été rassurant et là pour moi. Il prenait dans ses bras lorsque je tombais, me protégeais dans les cours de récréation, et vu que tout le monde l'idolâtrait, on me laissait tranquille. Je n'avais jamais eu à souffrir de ces bêtises, et il n'avait pas été un frère jaloux. Ce qui était compréhensif lorsque tous les regards sont déjà tournés vers vous. Nos parents étant chacun enfants uniques, nous étions également les seuls petits-enfants de nos grands-parents et mon frère, premier-né, la prunelle de leurs yeux. Je n'étais qu'un avorton gênant.

J'avais pensé trois ans auparavant que lorsque mon frère quitterait la maison pour de bon, ma vie deviendrait plus facile. Que je ne souffrirai plus de comparaisons inutiles. Mais cela s'était avéré faux. Mon frère continuait d'exceller dans tout ce qu'il entreprenait : il avait été major de promo deux années de suite et avait réussi à intégrer l'une des plus prestigieuses écoles suite à ses excellents résultats aux concours, mais en plus de cela il rentrait au moins deux fois par mois à la maison, pour nous faire part de ses prouesses extraordinaires et vanter sa vie parfaite. Il avait de nombreux amis proches, participait à des soirées, avait même quelques petites amies et trouvait toujours le temps de travailler assez. Tout cela m'épuisait.

Quand moi j'avais déjà du mal à mener une vie acceptable de front, tout lui semblait trop facile. J'étais persuadé de travailler trois fois plus que lui alors qu'il était en prépa, lui collectionnait les 18, quand moi je me contentais d'un 10,5 de moyenne générale et de commentaires passables sur mes bulletins. J'avais d'ailleurs choisi la filière scientifique dans le seul but de prouver à mes parents que j'en étais aussi capable, mais je n'en menais pas large. En première, les professeurs avaient tenté plusieurs fois de me faire me réorienter ou de me faire redoubler. J'avais dû me battre d'autant plus pour éviter tout ça.

Alors quant à ce repas de famille, je croisai le regard de mon frère me souriant, j'eus envie de le frapper. La violence était tout ce qu'il me restait, et je m'étais souvent exprimé – au grand, damne de mes parents à qui le frère aîné n'aurait jamais fait ça – avec mes poings. Mais bien sûr, je ne pouvais pas.

Les sourires de mon frère ne s'apparentaient qu'à du mépris dans mes pensées.

« Je suis sûre que tu vas l'adorer, Dimitri, lança-t-il à mon égard.

— Que fait-elle ? demanda ma mère, reportant mon attention sur mon frère.

— Elle est dans mon école, expliqua-t-il. Elle est présidente du BDE, responsable de la Trésorerie, et elle donne également des cours de tutorat dans des prépas scientifiques. »

En toute somme, elle était parfaite. Comme lui. Je l'imaginai déjà : belle blonde, à forte poitrine, taille mannequin, des yeux bleus et un sourire charmeur. Une petite voix fluette et douce pour narrer ses multiples vies. Les gens parfaits avaient vraiment le don de m'exaspérer.

« Je suis sûre qu'elle est charmante. Nous avons très hâte de la rencontrer. »

Mon frère nous avait déjà présenté une ou deux de ses petites amies quand c'était devenu un peu sérieux, il aimait toujours le même genre de filles. Magnifiques. Ce qui participait d'autant plus à ma jalousie maladive, parce que mon frère avait hérité de tous les jolis traits de cette famille. Lorsqu'on nous voyait côte à côte, personne n'aurait pu deviner que nous faisions partie de la même famille. Il était grand, athlétique, le visage ouvert. Ses grands yeux gris étaient rieurs et noyés sous une masse importante de cheveux or et sable. Moi-même, j'étais petit, trapu – j'avais beau me persuader qu'il y avait là plus de muscle que de gras – on ne me voyait pas comme ça.

La discussion continua sur les mérites de la nouvelle petite amie de mon frère à qui tout réussissait aussi bien qu'à lui – « vous vous êtes bien trouvé » n'avais-je pas pu m'empêcher de grincer – et je n'avais qu'une hâte : retourner dans ma chambre et ne penser qu'à la soirée qui venait. Cela aurait le mérite de me changer mes idées. Mais ma mère ne comptait pas là-dessus : elle m'obligea à rester jusqu'à ce que je me sois servi de sa traditionnelle tarte aux pommes, puis seulement, elle me renvoya dans ma chambre après m'avoir demandé quels devoirs j'avais pour la semaine suivante.

Depuis quelques semaines, ma mère – même si elle n'y comprenait rien – se faisait un plaisir de vérifier devoirs et révisions. Elle relisait les dissertations que je devais faire – sans me signaler d'éventuelles fautes – ainsi que les devoirs maison, elle vérifiait mes fiches et arrivait le plus souvent dans ma chambre sans toquer pour s'assurer que j'étais bien en train de travailler. La situation me pesait, et j'avais beau me répéter – comme mon frère le faisait déjà – que c'était parce que mes parents souhaitaient me voir réussir et obtenir mon diplôme — ça ne m'empêchait pas de leur en vouloir.

Ce fut mon frère pourtant qui entra dans ma chambre en premier cet après-midi-là, après avoir toqué. À ce détail, je sus immédiatement que ce n'était pas ma mère et l'invitait à entrer.

« Toujours en train de travailler petit frère ? me demanda-t-il en s'approchant du bureau.

Puis il fit demi-tour et ouvrit la seule fenêtre de la pièce.

« Ça sent le bouc ici, tu ne peux pas travailler dans un environnement pareil. »

J'avais envie de lui dire moi ce que je pensais être un environnement pareil où chaque seconde on est rabaissé parce qu'on n'est pas aussi bien que son grand frère avec lequel on fait tout le temps des comparaisons. C'en était épuisant.

« Je tenais à m'excuser pour ce midi. »

Il s'installa sur mon lit. C'était ça, mon frère, des excuses. Et avec sa gueule d'ange, il aurait pu faire n'importe quoi qu'il aurait été immédiatement pardonner. Mais ce n'était même pas ça, il n'aurait jamais fait intentionnellement quelque chose pour faire du mal à autrui. N'importe qui ne se serait pas excusé pour ce qu'il s'était passé au repas, sauf mon frère.

« J'ai eu l'impression de t'avoir blessé, continua-t-il.

— Tu sais que ce n'est pas ça, me plaignis-je en abandonnant mes cours.

— Si, je t'apporte un modèle malsain auquel tu te compares tout le temps. Nous n'avons rien à voir Dimitri, mais ce n'est pas grave. Tu es toi tout entier et tu ne dois pas te laisser marcher sur les pieds pour mes conneries. Tu as ta vie, et elle est tout aussi bien que la mienne. »

J'avais parfois l'impression que mon frère le faisait exprès et qu'il ne valait pas mieux que toutes ces autres personnes qui m'entouraient. Ne comprenait-il pas que ce n'était pas moi le problème ? Pas lui qui nous comparait, pas moi non plus. J'aurais tout donné pour que tout le monde arrête les comparaisons débiles et nous considère comme deux entités à part, ce que moi je faisais la plupart du temps. Même si la jalousie ressortait évidemment par moment, ce n'était pas très réglementaire de ma part. Ce n'était pas moi le problème.

« Alexandre, honnêtement. Sors de ma chambre s'il te plaît. »

Je savais qu'en prononçant ces paroles, je lui donnais raison, mais il n'y avait rien de plus insupportable que les gens qui fermaient les yeux naïvement. Mon frère avait beau être parfait, il avait tout de même ce gros défaut de penser que tout ne tournait qu'autour de lui.

« Tu te fais du mal à penser comme ça Dimitri. Les parents sont fiers de toi aussi, tu sais. »

C'était faux. Mais je me contentai de le fixer jusqu'à ce qu'il parte. Je sentais déjà que j'allais avoir des problèmes, car il n'allait pas tarder à en faire part à mes parents, mais tant pis. Les larmes de rage me montaient aux yeux. Je ne pourrais pas gérer dans deux semaines si sa petite-amie était présente. À tous les coups, elle ressemblerait tellement à Alexandre que ça en serait pareil.

La tornade ne tarda pas à arriver. Sans frapper, elle entra en colère dans ma chambre.

« Eh bien Dimitri. Je te prierai d'écouter un peu plus ton frère à l'occasion, je ne supporterai pas que vous ne vous entendiez pas. »

Je n'avais pas envie de me défendre et de lui rétorquer que la moindre tension entre nous avait été provoquée par elle et mon père. Elle s'approcha de mon bureau pour vérifier ce que je faisais. Mon livre de mathématiques ouvert devant moi et les nombreuses feuilles à petits carreaux devait la satisfaire. Mon ordinateur portable était fermé et posé sur mon lit, avec interdiction de m'en approcher tant que ce devoir maison n'était pas fini. Et j'avais encore du boulot.

« Nous n'avons pas eu le temps de te reparler de ton bulletin, Dimitri, mais sois-en sûr que nous le ferons. Nous avons été effarés de voir que tu n'atteignais toujours pas la moyenne dans les matières scientifiques. Tu sais, Dimitri, que nous n'avons pas le luxe de t'offrir les talents d'un professeur particulier, alors je te prierai de travailler beaucoup plus sérieusement que cela si tu ne veux pas te retrouver au chômage. »

« Alexandre pourrait m'en donner des cours particuliers, il fait bien du tutorat. Ou Daphnée tient, lançai-je.

— Dimitri Michel Fernand Patrice, énonça ma mère qui essayait de garder mon calme. Ton frère – et sa petite-amie – n'ont pas le temps pour tes sottises. Et si tu travaillais plus sérieusement, il n'y aurait même pas de questions à se poser. D'ailleurs en parlant de ça, je me demande s'il ne serait pas mieux pour toi de rester ici ce soir pour travailler à cette dissertation de philosophie que tu dois rendre.

— Maman, elle est pour dans deux semaines.

— Si tu la faisais maintenant, tu aurais tout le loisir de l'améliorer encore. Dans tous les cas nous en reparlerons Dimitri. »

À peine était-elle sortie que je m'affalais sur ma chaise de bureau qui était tout sauf confortable. Les soirées avec mes amis étaient les seules choses de passionnantes qui me restaient dans ma vie. Je n'avais pas allumé mon ordinateur portable pour jouer ou regarder une seule vidéo depuis bientôt une semaine, et je me couchai après avoir travaillé jusqu'à vingt-trois heures sans relâche. Mais ça ne suffisait toujours pas à me maintenir au niveau et je me demandais comment tous les autres faisaient. Travaillaient-ils toutes les nuits ou étaient-ils simplement plus doués que moi ? Heureusement, les professeurs avaient fini par comprendre que ce n'était pas par manque de volonté ou de travail que mes notes étaient toujours aussi faibles et ils ne faisaient que m'encourager. C'était la seule manière pour moi d'être soutenu, aussi dérisoire soit-elle.


Je retrouvai ma mère perdue dans les comptes familiaux à la table de la cuisine.

« Maman ? demandai-je, conscient que ce n'était pas trop le bon moment.

— Hum ? »

Elle releva à peine la tête dans la direction.

« Tu as réfléchi pour ce soir ?

— De quoi Dimitri ? Tu penses sincèrement que c'est le moment idéal pour savoir ?

— Je ne peux pas décommander à la dernière minute et j'ai beaucoup travaillé cet après-midi. Je travaillerais jusqu'à l'heure de partir, je te le promets.

— Hum. Ce ne sera pas suffisant Dimitri. Où en es-tu dans ton devoir de mathématiques ?

— J'ai fait environ la moitié.

— Tu aurais besoin de toute la soirée pour le finir.

— Maman, la suppliai-je. Je dois le rendre vendredi prochain. »

Elle soupira bruyamment puis finalement m'autorisa à me rendre la soirée, j'avais l'impression que c'était plus pour être débarrassé de moi que d'autres choses, mais cela me suffisait. Je pris deux gâteaux dans la boîte réservée à cet effet je me remontais dans ma chambre, la tasse à ma main. Je ne comprenais rien à ces foutus exercices de maths, j'avais atteint mes limites et je demanderais dès le lundi durant des heures libres à Hamilton de m'aider. Il s'en sortait beaucoup mieux que moi dans les matières scientifiques et je comptais toujours un peu sur lui pour me sortir d'un mauvais pas.

Je reposai ma feuille d'exercice et ouvrit le livre de philosophie que je devais lire pour la fin du mois. Nous avions un contrôle de lecture et sachant que je pourrais y gagner des points assez facilement, je faisais en sorte de faire des fiches détaillées. J'avançais lentement, mais au moins les derniers jours, je n'aurais qu'à les relire de sorte à aller plus vite. J'avais d'ailleurs établi un marché avec Hamilton qui me donnait un coup de main pour réviser ma physique si je lui donnais mes fiches. Il n'avait pas le moins du monde envie de lire ce foutu livre. Et moi non plus d'ailleurs.

Je somnolais presque lorsque mon portable vibra. Il était posé à côté de mon ordinateur sur mon lit et je me levai pour aller le récupérer. Il était déjà quasiment dix-neuf heures et il était l'heure pour moi de me préparer et de partir. C'était d'ailleurs Hamilton qui me demandait si je venais finalement. Je lui répondis par l'affirmative et me rendit dans la salle de bain. Cette dernière était occupée par mon frère et il sortit une serviette autour de la taille quelques minutes plus tard.

« Oh désolé, je pensais pas que tu voudrais y aller maintenant.

— Dégage Alexandre, lui dis-je en le bousculant pour qu'il se pousse. »

Je fermais à grand fracas la porte à clé et je l'entendis tambouriner.

« Attends, j'ai oublié mon portable à l'intérieur ! »

J'avisai d'un coup d'œil le téléphone posé sur l'évier. Je le déverrouillai et y découvrit qu'il avait reçu un message de sa petite amie : simplement une émoticône cœur. Cela m'arracha une grimace et je déverrouillais la salle de bain pour lui redonner son portable. Il me lança un « merci » qui n'avait rien de sincère et je pouvais être enfin seul.

Je redescendis une trentaine de minutes plus tard, fin prêt. Mes parents et mon frère se trouvaient dans le salon, en attendant que le plat chauffe. Je sentais la quiche aux poireaux dorer dans le four et j'étais bien content de ne pas rester ici.

« Tu sors encore ? me demanda mon frère qui avisait ma tenue. »

J'avais essayé de me faire beau et le fait qu'il se permette de me juger me rendait hors de moi.

« En quoi ça te gêne ?

— Dimitri ne parle pas comme ça à ton frère ! tonna ma mère. Il est encore temps de changer d'avis. »

Je grimaçai et murmurais un « pardon » dans la direction d'Alexandre, sans envie. Cependant cela satisfit ma mère qui me fit un geste pour me souhaiter à la fois une bonne soirée et me dire d'y aller. Je n'attendis pas mon reste et sortit précipitamment de la maison, juste à temps pour entendre Alexandre dire qu'à son âge, lui, ne sortait pas autant et que c'était comme ça qu'il avait réussi ses études. Je m'enfuyais définitivement avant qu'on ne me rattrape : c'était le meilleur moyen pour que mes parents m'empêchent de partir. Je le détestai et des larmes de rage coulèrent sur mes joues sans que je puisse le remarquer. J'avais envie de le frapper pour lui remettre les idées en place. Visiblement, Alexandre souffrait du syndrome des adultes qui oublient qu'ils ont aussi eu une vie pareille. Je me rappelais très bien parce que c'était il n'y a pas si longtemps et que je n'étais pas si petit que ça que mon frère sortait autant que moi, sinon plus. Il avait été considéré comme le roi de son lycée et ne se privait pas pour en jouer. Même s'il était tellement indifférent à tout ça qu'il faisait semblant que ça ne le touchait pas, il adorait sa place privilégiée et les avantages que tout ça lui offrait. Comme le fait d'être invité une fois par semaine en soirée.

Je me rappelais parfaitement la jalousie que je ressentais lorsque justement celui-ci sortait, m'abandonnant seul avec mes parents presque tous les samedis soirs. Surtout qu'ils en profitaient comme toujours pour chanter ses louanges et à quel point il avait raison de profiter de sa jeunesse au vu des bons résultats scolaires qu'il avait.


Le lendemain, je regrettai souvent — comme celui-là. Ma tête lourde tapait et j'avais l'impression que j'allais vomir toutes mes entrailles. Mais c'était un bien faible pris à payer au vu de tout ce que ça m'apportait. Et si je devais supporter ma mère crier, je préférais que ce soit dans le cadre-là.

Lorsque je me réveillai, je remarquai qu'il était déjà onze heures passées et que j'avais intérêt à me grouiller si je ne voulais pas louper un des seuls bus qui circulaient le dimanche pour me ramener chez mes parents. Ils n'habitaient pas très loin, mais je n'avais pas le courage de faire le trajet à pied.

Seul mon frère fut content de me voir rentrer, mes parents me glissèrent qu'ils s'inquiétaient même si je savais qu'ils s'inquiétaient plus de ne pas pouvoir manger à l'heure convenue que de mon absence, et nous passâmes à table rapidement.

Il était toujours compliqué d'avaler les petits plats de ma mère lorsque je rentrai de soirée, d'autant plus que le dimanche elle faisait toujours un effort surhumain pour nous servir de délicieux morceaux de viande marinés durant des heures entières. En temps normal, j'adorais la cuisine de ma mère – c'était le cadre que je détestai –, mais le dimanche en rentrant de soirée, c'était beaucoup plus compliqué.

« Dimitri, nous ne t'avons pas dit, commença ma mère. »

Je sentais que ça n'annonçait rien de bon.

« Nous avons pris rendez-vous avec ton professeur principal pour discuter de ton avenir. »

Je me mordis la langue en l'entendant dire ça. Mon avenir – en dehors de mes bulletins et de ma capacité ou non à obtenir mon foutu bac – était ce qui les préoccupait le plus. Et je les comprenais, il nous faudrait bientôt remplir nos vœux sur le logiciel du ministère et je n'avais pas encore réussi à savoir ce que je voulais faire de ma vie. J'étais absolument sur par contre que je voulais arrêter de marcher dans les pas de mon frère.

« Il me paraît assez compris de réaliser la même prépa que ton frère, cependant nous avons appris qu'il existait des écoles, moyennant finance, qui pourrait t'accueillir pour tout de même devenir ingénieur. »

Je grimaçai. Exactement ce que je ne voulais pas. J'osai sortir de ma léthargie.

« Je ne veux pas devenir ingénieur.

— Mais pourquoi ? s'enquiert mon père qui restait la plupart du temps silencieux.

— C'est une très bonne idée pourtant, expliqua mon frère qui savait de quoi il parlait.

— Ça ne m'intéresse pas. Je comptais plutôt faire un BTS...

— N'importe quoi me coupa ma mère. Nous ne t'avons pas soutenu jusqu'à là pour que tu finisses ta vie comme ouvrier ou caissier, c'est vraiment ce que tu veux ?

— Mais maman, un BTS, ça ne veut pas dire que je...

— Arrête ça, tu veux bien ? me coupa une nouvelle fois ma mère. Je sais que nos finances ne sont pas excellentes, mais rien ne t'empêche de faire un prêt étudiant pour te permettre de payer les frais d'entrée, nous t'aiderons bien sûr pour ce qui est du logement.

— Maman, tentais-je une nouvelle fois. »

Elle me coupa d'un geste. Je me demandais bien pourquoi ils avaient pris rendez-vous avec mon professeur principal si la question semblait déjà réglée dans leur tête. J'espérai simplement que ce dernier – qui avait toujours été plutôt conciliant à mon égard – leur permettrait de changer leur avis et qu'ils m'écoutent enfin.

Je n'avais certes pas d'idée très précise de ce que je souhaitais faire : du commerce ? De la vente ? Du marketing ? Mais je savais que les études longues ne m'aideraient pas. J'aurais tout le temps d'y repenser par la suite et je préférais commencer par quelque chose dans lequel j'avais confiance. La seule chose sur laquelle ils avaient raison c'est que je pouvais sans doute viser plus haut, mais c'étaient eux et mon frère qui avaient réduit ma confiance en moi. À toujours chercher l'excellence chez moi là où elle ne se trouvait pas, ils avaient oublié de regarder sur les côtés. Il y avait forcément des choses dans lesquelles j'étais doué. Ainsi, j'avais quasiment les meilleures notes de la classe en économie en seconde, et je me débrouillais plutôt bien en espagnol. L'anglais était plus compliqué pour moi, mais je m'en sortais en espagnol.

« Tu me feras le plaisir de finir ce devoir maison, également cet après-midi continua ma mère.

— J'ai prévu de le finir avec Hamilton, lâchai-je. Je me concentre sur ma lecture en philosophie.

— Dimitri, je ne vais pas te le répéter. Tu connais par cœur les coefficients et ce n'est pas la philosophie qui te permettra d'obtenir ton bac. Et tu n'as pas besoin de ton ami, je suis sûr que vous allez passer plus de temps à discuter qu'à rire et tu vas perdre un temps fou pour finir ce devoir. Revois tes priorités mon garçon.

— En prépa, le français et la philosophie étaient super importants pour se démarquer, maman, tenta de m'aider Alexandre. Quand on est tous des bêtes en maths et physique, il faut bien quelque chose pour être au-dessus du lot et c'était à ça que servaient ces matières.

— Certes, mais Dimitri n'a pas de concours à la fin de l'année. Il doit simplement obtenir assez de points pour avoir son bac, c'est très différent. C'est une question de calcul et il le comprendrait très bien s'il lui arrivait d'écouter en cours de mathématiques, ce qu'il ne fait pas. »

Elle ne cessait de me faire des reproches et de me rabaisser alors que j'avais envie de lui crier que j'étais enfin devenu l'élève irréprochable qu'ils attendaient de moi. Je devais avouer qu'au collège, je n'avais pas été certes le plus studieux, mais je m'étais rattrapé depuis l'entrée en seconde et j'avais l'impression qu'ils ne le prenaient pas en compte.


Mon frère ne tarda pas à toquer. Je savais qu'il n'allait pas tarder à retourner dans sa vie étudiante, le trajet étant assez long et j'étais simplement persuadé qu'il venait me dire au revoir. Je l'avais entendu descendre sa valise quelques minutes plus tôt.

Au lieu de me faire ses adieux, il s'agit sur mon lit.

« Tu sais, petit frère... »

Sa manière de m'appeler « petit frère » était devenue méprisante au fil des années, même si lui pensait tout de même que ça ne restait qu'une preuve d'attention. Je détestai ça.

« Nos parents s'inquiétèrent simplement pour toi. Tu n'as pas l'air de prendre très au sérieux tes études alors que c'est le plus important dans la vie, lorsque tu auras une bonne situation, tu seras heureux de ne pas avoir pris ça à la légère.

— Tu crois vraiment que je ne m'y intéresse pas ? lui demandai-je, les larmes aux yeux. »

Je lui montrais la tonne de papiers, cahiers et livres qui se trouvaient sur mon bureau. C'était impressionnant de voir à quel point je travaillai et que personne ne s'en rendait compte. Et lui menait sa vie parfaite, avec sa Daphnée, tout aussi parfaite que lui.

« Non, Dimitri, je ne te remets pas en cause. Je te dis juste que c'est important pour les parents. Regarde comment ils se sont démenés pour trouver une autre solution pour que tu puisses tout de même faire de bonnes études. Ingénieur est un poste super sympa. Tu as des responsabilités, un bon salaire et c'est très enrichissant. Tu peux d'ailleurs être ingénieur dans beaucoup de domaines : l'informatique, les maths, l'électronique, tout ce qui t'intéresse.

— Mais tu ne comprends pas, Alexandre. Ça ne m'intéresse pas. Je passe ma vie à essayer de le dire. Je ne veux pas devenir ingénieur.

— Parce que moi je le suis ? »

Il me donnait envie de lui sauter dessus avec ses questions bêtes, ne pouvait-il pas voir plus loin que le bout de son nez au lieu de toujours tout comparer à lui ? Il ne valait pas mieux que mes parents contrairement à tout ce que j'avais toujours pensé, ils avaient réussi finalement à lui faire un lavage de cerveau.

« Ça n'a rien à voir. Je pense juste que ce n'est pas fait pour moi. Ça ne m'intéresse pas.

— Tu n'as même pas essayé, lança-t-il. Tu devrais te trouver un stage, je suis sûr que ça te plairait.

— Je n'ai pas le temps, renchéri. Et honnêtement, je n'ai pas besoin de faire un stage avec des éboueurs pour savoir que ça ne me plaira pas. »

Il grimaça. Visiblement, la comparaison était bonne. Cependant, il ne se laissa pas démonter.

« Ça n'a rien à voir, je te promets que tu pourrais y trouver ta place. Et tu sais, quand on trouve sa place, il devient souvent plus facile de travailler. Regarde, quand je me suis débarrassée du français en terminale, je n'ai jamais eu d'autant meilleures notes.

— Tu es passé de 17,5 à 18, Alexandre.

— Tout de même. Je me sentais beaucoup plus à l'aise.

— Tant mieux pour toi. Maintenant s'il te plaît, laisse-moi. »

Il soupira, mais m'obéit et passa le pas de la porte sans même me dire au revoir. J'avais envie de pleurer tellement je me sentais seul et incompris de tous. Ce n'était pourtant pas si compliqué d'ouvrir les yeux et de remarquer que je souffrais. Ma dernière chance était que mon professeur principal soit de mon côté, mais même ça ce n'était pas gagné. J'étais vraiment dans un beau merdier et je ne savais pas comment m'en sortir. 

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