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Les jolies décisions - Catherine

Voici l'avant-dernier texte des personnages de la première partie, et on commence avec le joyeux de Catherine, donc on terminera évidemment sur une note négative, désolée ! Catherine est un personnage différent de tous ceux que j'ai présenté, parce qu'elle est plus âgée que les autres. Elle a déjà quasiment trente ans, et j'ai eu du mal à la saisir. Notamment à cause de sa relation particulière avec Cyril. Ce n'est peut-être pas hyper bien explicité ici, mais je pense que ça s'éclairera avec le vrai roman, pour cette histoire, il n'y a pas besoin d'en savoir beaucoup plus. Il y a des passages où je suis clairement pas fière, mais c'est comme ça, ça reste des nouvelles pour m'amuser, alors ça fera l'affaire :)


Temporalité : novembre 2012 - février 2013


« Tu serais prêt du coup ?

— À quitter l'armée ? »

Stéphane me regarda, l'air perdu. Je me mordis la lèvre.

« Ça veut dire que toi, tu es prête ?

— Je crois. »

Il me sourit, mais n'avait pas l'air heureux pour autant, il restait perplexe.

« C'est un peu bizarre non, de me dire ça maintenant.

— Parce que tu repars demain ?

— Oui, affirma-t-il. Je veux dire, on aurait pu plus en discuter, là on ne va pas se revoir pendant cinq mois, ça va être compliqué de parler de ça par téléphone. Ou par lettres.

— Je sais. »

Il me regarda, hésitant, comme s'il allait dire quelque chose qui risquait de me blesser, je le sentais.

« C'est justement pour ça non ? Que tu m'en as pas parlé avant. »

Je rougis. Il n'avait pas besoin d'avoir la réponse, c'étaient des questions rhétoriques.

« Je comprends. »

Il posa sa main sur mon bras. Sa présence avait toujours eu quelque chose de rassurant, même lorsque nous n'étions pas encore vraiment ensemble.

« Je comprends, vraiment. En parler maintenant nous laisse le temps d'y réfléchir encore avant de nous en reparler, mais... non, rien laisse tomber. »

Je ne savais pas quoi lui répondre parce que je ne savais pas où il voulait en venir, alors je lui obéissais et je vins me blottir contre lui. Il referma son étreinte sur moi et je sentis la chaleur que procurait ce contact. Je l'aimais, vraiment. Soudainement, il se détacha légèrement pour me fixer.

« Tu vois encore ce...

— Cyril ? demandais-je, surprise.

— Ouais. Parce que si on décide d'avoir un enfant, il vaudra peut-être mieux, enfin tu sais... »

La fin de sa phrase se perdit dans le silence.

« Il s'en va cet été. Je pense qu'abréger notre relation avant ne changera rien.

— Effectivement, approuva-t-il. S'il part, réellement.

— Il partira, affirmai-je, sûre de moi. »

Vu le peu d'informations qu'il m'avait donné, Cyril était d'autant plus déterminé à quitter la région dans quelques mois. Et même si ce n'était pas le cas, je n'aurais aucun mal à mettre un terme à notre liaison si ça devait être le cas. Ça m'était déjà arrivé par le passé, et je n'avais pas hésité. Pour sauvegarder le couple que je formais avec Stéphane, j'étais prête à tout.

« Parfait, alors. »

Stéphane m'embrassa sur le front puis me lâcha vraiment cette fois. À chaque fois que nos corps se désunissaient, je ressentais comme une sensation de manque qui durait plusieurs minutes. C'était ça, jadis, qui m'avait fait comprendre qu'il y avait peut-être plus que je ne voulais me persuader entre nous.

« J'vais vraiment devoir aller préparer mes affaires. Le bus est à six heures demain. »

J'hochai la tête, je savais déjà tout ça.

« Après... »

Il se rapprocha à nouveau de moi et je sentis l'excitation montée à l'intérieur de mon corps.

« On peut toujours essayer une première fois... »

Il frôla mon bas-ventre, je maîtrisai un petit rire.

« J'ai mes règles dans trois jours, aucune chance que je tombe enceinte. Mais je suis pas contre un peu d'entraînement. »

Il me sourit avant de disparaître de la pièce, je soupirai. Il allait me manquer encore une fois, surtout qu'il n'était rentré que dix jours cette fois. Et que je savais que durant les cinq prochains mois, il ne serait pas là et raterais donc Noël et mon anniversaire. Et le sien. Et celui de notre relation, même si ça m'importait peu, autant que la Saint-Valentin. Les relations à distance n'avaient jamais été mon fort, si bien que ça avait été un réel soulagement lorsque je lui avais annoncé être prête pour la maternité. Cela signifiait également son retour au pays, définitif.

Je le rejoins dans la chambre, où il était en train de fourrer dans son sac, quelques vêtements. La plupart du temps, son uniforme suffisait. Cependant s'il voulait profiter de ses jours de repos, il lui était préférable d'avoir quelques habits plus confortables et surtout passe-partout.

« Tu comptes donner ta démission quand ? lui demandai-je. »

Il se retourna, surpris. Il ne m'avait sans doute pas entendu rentrer.

« Ce n'est pas vraiment une démission. Je peux demander une sorte de retraite anticipée. Ou je peux demander à ne plus être envoyé en mission.

— Si tu choisis la deuxième option, s'il y a un conflit, tu risques d'y être envoyé quand même, non ?

— Oui, avoua-t-il. »

Il n'était peut-être pas si prêt que je le pensais.

« Je pense demander une retraite anticipée. Parce que dans le deuxième cas, y'a moyen que je sois muté autre part en France aussi, et je pense pas que tu veuilles quitter le cabinet, ici. »

Je secouai la tête négativement. Je me plaisais bien dans la ville, et il était vrai que j'appréciai ma vie professionnelle. Le notaire que j'assistai m'avait embauché, non pas que pour classer son courrier, mais également dans l'espoir de me former pour me laisser le cabinet dans quelques années, lorsque lui-même quitterait la profession. C'était un vieil homme adorable que je n'avais pas eu de mal à considérer comme mon grand-père, et même si ça ne faisait que dix-huit mois que j'y travaillai, j'avais vraiment pris goût à tout ça. L'abandonner me donnerait l'impression de le trahir.

« Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que la demande aboutisse. Je pense que si je la donne lors de mon prochain retour, ils m'enverront une dernière fois sur le terrain et ensuite je serais libéré. Alors que si je la donne maintenant, il y a des chances pour que ce soit ma dernière mission.

— Je vois. Si nous nous rendons compte que finalement nous ne sommes pas prêts, ce serait trop anticipé.

— Voilà. Si ça te convient.

— C'est bon. Même si je tombe enceinte lors de ta prochaine permission, je pense que je pourrais survivre aux premiers mois de grossesse avant ton retour. »

Il me sourit, rassuré. Nous étions sur la même longueur d'onde. Comme toujours. Je m'assis sur le lit pour le regarder finir de préparer ses affaires. Je n'avais pas préparé ce que je lui avais dit quelques minutes auparavant. Bien sûr, cela faisait déjà quelque temps que nous en parlions, un an peut-être, mais je n'avais jamais pris le temps d'y réfléchir réellement, même quand j'étais seule. Le fait de le savoir sur le départ m'avait déboussolé au point que j'avais compris que je souhaitais qu'il reste. Et pour qu'il reste, il n'y avait presque une seule possibilité. L'enfant à venir n'était pas un moyen à mes yeux, je le désirai ardemment, mais je savais qu'il participerait aussi à ancrer notre couple.

Stéphane sortit de la chambre pour déposer son sac ainsi préparé dans le couloir de l'entrée. Il revint dans la pièce quelques secondes plus tard, et me rejoignis sur le lit.

« Du coup, tu penses quoi de cette idée d'entraînement ? »

Je gloussai et il me fit basculer sur le lit pour venir se positionner au-dessus de moi.

J'entendis le réveil de Stéphane et me retournai pour sentir une dernière fois le contact de sa peau, cependant lorsque j'ouvris les yeux, le soleil commençait à entrer dans la chambre par les persiennes et j'étais seule depuis des heures. Le radio-réveil m'indiquait qu'il était quasiment midi, et je pestai pour sortir du lit. Je n'aimais pas traîner et faire de grasse mâtinée, mais nous étions restés éveillés une bonne partie de la nuit pour poursuivre notre entraînement. J'espérai que Stéphane n'ait pas eu trop de difficulté pour se lever, mais dans le pire des cas il pouvait piquer une petite sieste dans le bus ou dans l'avion cet après-midi.

Je rejoignis la cuisine où m'attendait un adorable post-il jaune fluo sur le frigo. Je l'y arrachai et y lisais les quelques mots d'amours qu'il m'avait laissés avant de partir. Il me faisait toujours ça, mais d'habitude ils étaient mieux cachés, preuve qu'il était peut-être pressé ce matin. Je fis rapidement le tour de l'appartement pendant que le café coulait. Il semblait toujours tellement vide lorsqu'il repartait, mais c'était vrai qu'il n'y avait pas beaucoup d'affaires qui me rappelaient Stéphane. C'était sa volonté. Je ne savais pas exactement pour quelle raison, il répétait souvent que c'était pour que je ne sois pas triste s'il ne revenait jamais, mais à la réflexion, je pensais juste que c'était pour qu'il ne s'attache pas trop à l'appartement. Si ce n'était qu'un lieu de transition, il avait moins de mal à repartir. J'espérai tout de même que lorsqu'il reviendrait définitivement, il arriverait à s'approprier les lieux. Nous l'avions choisi ensemble, après tout.

Un deuxième post-it – rose flashy pour celui-ci – m'attendait à la salle de bain sur la paroi de la douche. Il n'y avait qu'un cœur dessiné à la hâte, mais l'attention me fit sourire. Le bip de la cafetière m'indiqua que ma boisson était prête et je me hâtai dans la pièce qui embaumait désormais de l'odeur amère de cette dernière. Assise seule sur la petite table, je fus triste pour la première fois. Les premiers jours étaient toujours les plus durs, et si généralement, je préférai les passer seule, je ne réfléchis pas beaucoup plus longtemps et contactai Cyril. Je savais qu'il travaillait le samedi et que je ne devais pas m'attendre à une réponse de sitôt, si bien que ma surprise fut grande lorsque mon portable vibra quelques minutes plus tard.

« Pas possible pour ce soir. Demain, ou plutôt lundi. »

Je pianotai rapidement un « lundi d'accord » avant de reposer l'appareil loin de moi. Je n'aurais sans doute pas de nouvelles de Stéphane avant le lendemain matin, ça ne servait à rien que j'attende quelque chose. Je ferais mieux de faire un peu de ménage dans l'appartement, et de prendre ma douche avant.

Lorsque Cyril prit congé le lundi suivant, je repensai à la discussion que nous avions eue avec Stéphane juste avant son départ. Étais-je vraiment prête à devenir mère ? Je savais que c'était quelque chose qui m'avait toujours attiré, cependant je ne savais pas si c'était une bonne idée. En ce moment, on n'arrêtait pas de nous matraquer avec les problèmes de surpopulation, les enfants qui crevaient dans les orphelinats du tiers-monde. Stéphane y était souvent confronté, mais il n'en parlait jamais. En France, dans les années 2010, il apparaissait clairement que vouloir donner la vie était un rêve égoïste, cependant je savais que j'en avais terriblement envie. Un petit nous, qui apprendrait de chacun de ses parents. Un petit nous, que nous pourrions éduquer comme nous avions toujours rêvé d'être éduqué. Le problème était de savoir si j'étais prête.

Je me retournai dans le lit, toujours nue sous les couvertures, en me disant que je ferais bien d'aller fermer la porte à clé, mais j'avais terriblement la flemme de me lever. La soirée m'avait épuisée. Et même la faim qui me tenaillait ne me donnait pas plus l'envie de sortir de mon confort. Je n'étais pas sûre d'être prête à être mère si je n'avais pas envie de m'occuper de moi-même. Bien sûr, ça n'avait pas grand-chose à voir, mais j'essayai de me mettre dans la situation. Si là, à ce moment même, mon bébé se mettait à pleurer à l'autre bout de l'appartement, aurais-je le courage d'aller le voir, de le prendre dans mes bras, de la bercer jusqu'à ce qu'il s'apaise ? Comme pour se jouer de moi, j'entendis distinctement les pleurs d'un bébé. La fenêtre du salon était ouverte, l'hiver n'étant pas encore arrivé. Il devait s'agir d'un enfant sur la place ou dans un des immeubles voisins.

Péniblement, je me levai. Je glissai un peignoir sur moi et je me traînai jusqu'au salon pour fermer la fenêtre. Le fait que ces cris me dérangeaient, c'était peut-être la preuve que je n'étais pas encore prête finalement, avant de me rappeler que c'était ce qui m'avait fait me lever. Les paroles se répétaient en boucle dans ma tête, je sentais depuis longtemps que Stéphane était prêt, lui.

Stéphane m'appela pour la première fois une dizaine de jours après son départ. Je pris l'appel, légèrement fébrile, mais je refusai qu'il sache mon malaise. J'avais peur que nous devions déjà discuter de notre discussion, mais il n'y fit aucune allusion. Pourtant, j'avais envie de lui en parler. Je finis par me jeter à l'eau.

« Tu y as déjà réfléchi du coup ?

— De quoi ? »

Il venait de m'expliquer que la première semaine avait été compliquée parce qu'ils venaient d'enchaîner les coupures d'eau et je me rendis compte à présent de quelle manière j'avais amené la conversation. Pourtant, pendant qu'il me parlait de ses différents collègues et des missions qu'il devait effectuer, je ne l'écoutais qu'à moitié.

« Au bébé...

— Ah... »

Je l'entendis être surpris et légèrement déçu dans le combiné. Le réseau n'était pas très bon non plus, en plus de cela, il était cinq heures du matin chez lui.

« Je... Je pensais que nous n'en reparlerions pas tout de suite en fait. Je n'y ai pas beaucoup plus réfléchi depuis le départ et... »

Là encore, j'avais l'impression qu'il s'apprêtait à me dire quelque chose qui allait me faire mal.

« J'ai quand même plus l'impression que c'est toi qui ne sais pas encore, plutôt que moi. Je te l'ai dit, je suis prêt à quitter l'armée. »

J'encaissai. Même à des milliers de kilomètres, il savait encore très bien lire en moi.

« Je... Je sais, expliquai-je.

— Tu penses que tu as besoin que nous en parlions ou que toi tu réfléchisses ? Je ne veux pas t'influencer.

— Je suis un peu perdue. »

Un silence s'installa, mais il ne tarda pas à le briser.

« Je comprends. Écoute, si tu veux que nous en parlions ensemble, il n'y aucun problème. J'ai envie de t'aider à prendre la bonne décision. Mais, sans savoir si c'est vraiment ce que tu veux, je risque de t'influencer, et je ne veux pas que nous nous disputions pour ça, donc la meilleure solution c'est encore que nous n'abordions pas le sujet tant que tu n'es pas sûr de vouloir en parler avec moi ?

— Oui... »

C'était sans doute une des plus grandes forces de notre couple. Nous ne cherchions jamais le conflit, et je ne savais pas si c'était quelque chose qui découlait de sa profession en tant que militaire, mais Stéphane désamorçait toujours la bombe avant qu'il n'y un seul risque qu'elle explose. C'était une des raisons pour laquelle je l'admirai aussi.

« Tu as raison, repris-je. Je suis désolée, surtout qu'avec la distance, c'est difficile de pouvoir vraiment se parler. Pour l'instant, il faut que je réfléchisse seule. »

Je l'entendis marmonner ce qui devait être un acquiescement, puis il prit rapidement congé de moi, car on avait besoin de lui. Il m'embrassa et raccrocha.

Stéphane avait raison. Je n'avais pas encore envie d'en discuter avec lui. Je devais être sûr de mon choix et ne pas céder pour lui faire plaisir. Avais-je vraiment envie d'avoir un bébé maintenant ? Je me posai réellement la question, lorsqu'au repas de Noël, je voyais ma sœur épuisée. Elle venait de nous annoncer qu'elle attendait son deuxième enfant, pendant que le premier était en train de gambader sur ses deux petites jambes potelées récemment apprivoisées et en profitait pour porter à sa bouche le moindre objet qu'il trouvait sur sa route. Son père, aux cernes aussi marqués que sa conjointe, passait son temps à lui courir après, en répétant inlassablement :

« Joshua, arrête ! »

J'étais épuisée rien que de les voir, même si je savais qu'avec Stéphane nous disposerions de toutes les ressources et de la patience nécessaires pour élever un petit humain qui ne désirait qu'apprendre. Bien sûr, lorsque ma sœur avait évoqué sa nouvelle grossesse dès l'apéritif – pour justifier son refus de la coupe de champagne – ma mère m'était immédiatement tombée dessus.

« Et toi ? C'est pour quand ? Tu penses aussi à nous faire un petit-fils ? Et d'ailleurs, pourquoi Stéphane est encore une fois absent ? Il le fait exprès de passer Noël loin de nous ? »

D'aussi longtemps que je m'en souvienne, ma mère avait toujours été douée pour nous rendre mal à l'aise et pour réclamer ce qu'elle pensait lui être due. Et dès que je lui avais présenté mon premier petit ami, et que j'étais donc en mesure de lui offrir les petits-enfants si souvent souhaités, elle n'avait jamais hésité à me les demander, régulièrement. Je jetais un coup d'œil à mon beau-père, mais il détourna le regard. Il n'aimait pas prendre parti dans ce genre de discussion, et je le comprenais. Cela faisait vingt ans qu'il vivait avec ma mère et il avait appris à ne pas se mêler de ces sujets. Cependant, je voyais bien son regard pétillant de grand-père lorsqu'il posait le sien sur le petit Joshua. Même s'il n'était pas notre père biologique, il avait été un père de la substitution fantastique et nous ne pouvions lui enlever le fait qu'il était le grand-père à part entière de ces bouts de chou.

« Stéphane ne choisit pas ses ordres de mission, essayai-je de raisonner ma mère, tout en l'éloignant des questions embarrassantes.

— Et les enfants ? Il va devoir arrêter quand vous en aurez ! »

Je m'engageai dans une pente glissante et je le savais. Rien que de lui en parler me donnait envie de jeter l'idée aux oubliettes, à jamais.

« Je... On en a discuté. Oui il arrêtera lorsque nous aurons des enfants.

— Donc c'est dans vos projets ! »

Ma mère applaudit et sautilla de joie dans son fauteuil, comme si je venais de lui annoncer quelque chose de merveilleux. Je m'en voulais de toujours jouer la rabat-joie, mais elle ne m'en laissait pas le choix.

« Je n'ai pas dit que c'était dans nos priorités. »

Elle me lança un regard noir et Estelle, ma sœur, compatit. Heureusement qu'elle avait décidé de s'y mettre avant moi, cela me donnait un peu de répit.

« Vous savez déjà si c'est une fille ou un garçon ? »

Ma mère se détourna de moi pour reporter son attention sur ma sœur. Après tout, c'était elle qui allait lui donner son prochain petit-enfant.

« Une fille, lâcha Sylvain tout en rattrapant Joshua qui s'enfuyait vers le couloir.

— Je... balbutia ma sœur, avant de se mettre en colère. Sylvain ! »

L'homme se retourna vers elle et s'excusa rapidement.

« Oui c'est une fille. Mais on ne voulait pas que ça se sache si rapidement. J'imagine que ça ne sert à rien de te demander ça maman, mais si tu pouvais quand même ne pas le crier sur tous les toits trop vite... »

Ça ne servait à rien de lui demander ça, demain à la première heure, toutes ses amies, nos tantes, nos cousines et je ne sais pas qui encore seraient déjà au courant.

« Le choix du roi, commenta mon beau-père, d'une voix lasse.

— Oh, et vous avez décidé de l'appeler comment ?

— Nous avons déjà choisi, c'était le prénom qu'aurait porté Joshua si ç'avait été une fille, mais nous ne le dirons pas. Seule Kate est dans la confidence. »

En m'étouffant avec ma coupe de champagne, j'essayai de prévenir ma sœur de ne pas dire ce genre de choses, mais trop tard, le mal était déjà fait. Avec pareille information, ma mère allait m'interroger jusqu'à ce que je lui dise. Le problème étant que ma sœur me l'avait effectivement dit, quelques années auparavant, je me rappelais parfaitement le moment, mais je ne me souvenais absolument plus du prénom. Peut-être quelque chose qui commençait par un « e », mais je n'avais pas une très bonne mémoire.

« Je ne m'en souviens plus, glissai-je en espérant que cela suffise à ma mère. »

Mais en voyant le sourire qu'elle affichait, elle n'avait sans doute même pas entendu la dernière phrase que je venais de prononcer. Je soupirai, la soirée s'annonçait longue, et moi qui pensait avoir un peu de répit, ma mère n'allait pas me laisser une seule seconde.

En rentrant chez moi le surlendemain, la première chose à laquelle je pensais était le prénom. Emma. Je m'en souvenais parfaitement maintenant alors que durant toutes les festivités, rien ne m'était revenu en mémoire. Heureusement, ça m'avait permis de ne pas craquer. Cependant toute cette histoire m'avait ébranlé. En dehors du fait que s'occuper d'un jeune enfant était une tache harassante – Joshua m'avait réveillé deux fois par nuit minimum –, la Catherine de mon adolescence, toujours en rébellion contre ma mère, n'avait plus la moindre envie d'avoir un enfant rien que par esprit de contradiction. Je me demandais si je devais prévenir Stéphane, mais nous n'avions toujours pas reparlé de ce thème dans nos dernières discussions et ce n'était sans doute pas le bon moment. Surtout que la prochaine fois que nous nous appellerons, ce serait pour nous souhaiter un joyeux Noël. J'avais l'impression que mes envies jouaient au yo-yo. Une fois, j'étais totalement sûre de vouloir être mère, la fois suivante, c'était hors de question, je ne me sentais absolument pas à la hauteur.

J'avais pu discuter rapidement avec ma sœur alors que ma mère était sortie acheter les derniers ingrédients pour sa recette, cependant elle ne m'avait pas été d'un grand secours. Je lui avais demandé à quel moment elle s'était sentie prête à passer le cap, et elle m'avait simplement répondu que ce genre de chose se « sentait ». C'était trop vague pour que je sache si je ressentais la même chose. Je n'avais pas insisté plus longtemps, elle avait été vite rappelée par son fils qui avait besoin de ses bras. Je la voyais comme une mère fatiguée, cependant je voyais bien en l'observant que la joie qui l'irradiait lorsqu'elle tenait le petit garçon dans ses bras était palpable. C'était sans doute là ce qu'elle voulait dire par « je le sentais ».

Au cours du mois de février, cependant, je sentis un déclic. C'était presque imperceptible, mais au fond de moi je le sentais. La veille, j'avais été prise d'une violente nausée dont je n'avais pas su expliquer la provenance, et directement j'avais pensé à une éventuelle grossesse. J'étais sous stérilet depuis presque un an, mais je savais qu'aucun moyen de contraception n'était fiable à cent pour cent. Ma première crainte avait été de me dire que le bébé était peut-être celui de Cyril, puis je m'étais rappelé qu'à chaque rapport, nous doublions la protection par un préservatif, car nous n'étions pas exclusifs. Il y avait donc peu de chance qu'un double incident se soit produit pile pendant mon pic de fertilité. La seule possibilité d'explication d'une grossesse était que la paternité revenait à Stéphane, et instinctivement, j'avais caressé mon ventre encore plat. Était-il possible que j'aie pu faire un déni de grossesse ? Dans tous les cas, j'avais eu un sentiment de bonheur.

J'avais bien vite déchanté lorsque j'avais effectué un test de grossesse et qu'il s'était révélé négatif. Cependant, la main tenant toujours fermement le petit bâtonnet, j'avais senti que s'il y avait eu bébé, je l'aurais accepté. Ce n'aurait pas été exactement le bon moment, puisque Stéphane n'avait pas encore quitté l'armée et que je n'avais pas fait attention à ma consommation ces derniers temps, mais j'aurais été prête. Cette pointe de déception qui était née dans mon bas-ventre au moment où je lisais le résultat du test me montrait que dans un sens, ce bébé je l'aurais accueilli avec plaisir. C'était comme une grande étape, et j'étais presque prête à sauter sur mon téléphone pour prévenir immédiatement Stéphane. Je me ravisai cependant assez vite, non seulement je ne pouvais pas l'appeler en plein milieu de l'après-midi, mais en plus, nous avions décidé d'en parler entre nous une dernière fois avant de se lancer dans l'aventure. Je ne pouvais pas prendre la décision pour nous deux. Cependant, je savais qu'au prochain appel, j'étais prête à en discuter avec lui.

« J'ai réfléchi Stéphane » lui lançai-je, seulement quelques minutes après le début de la conversation.

Il n'avait pas besoin d'être devin pour savoir de quoi je parlais. Je l'entendis reprendre son souffle à l'autre bout du combiné.

« Tu as réfléchi dans le sens tu sais ce que tu veux ou dans le sens, tu veux en discuter avec moi ?

— Les deux, mais plutôt la deuxième option. Ce serait bien qu'on en soit sûr avant que tu reviennes, histoire que je puisse décider de me faire retirer le stérilet.

— Ce ne sera pas... trop dangereux avec Cyril ? demanda Stéphane. »

J'avais déjà réfléchi à la question, mais dans tous les cas, il était de toute manière impossible que je continue à voir Cyril pendant que Stéphane était à la maison.

« Oui, ne t'inquiète pas. Je ne le verrai pas quand tu seras là, évidemment.

— Oui, comme toujours en fait. Et après ?

— Nous nous protégeons toujours d'un préservatif de toute manière. Je sais qu'il couche avec d'autres filles.

— D'accord. Je ne sais pas pourquoi je t'embête sur ce sujet, je sais que tu y as déjà réfléchi et je te fais confiance sur ce genre de choses. Je crois que j'essaye juste d'éviter le sujet ?

— Pourquoi ? »

Un silence s'ensuivit, et je n'avais pas envie de le rompre.

« Je t'avoue, j'ai peur.

— Peur de la possibilité de devenir père prochainement ?

— Il n'y a pas que ça. J'ai peur de quitter l'armée, j'ai toujours connu ça et... ça va me faire un grand vide, je pense. Il va falloir que je trouve comment rebondir après ça pour notre bien à tous les deux... à tous les trois, se reprit-il.

— Je comprends. Mais tu trouveras, non ?

— Sans doute, me rassura-t-il. Mais tant que ce n'était pas concret, je n'ai pas encore commencé à y réfléchir, je t'avoue. »

J'accusai le coup, mais je comprenais dans un sens.

« Donc tu ne te sens pas prêt à quitter l'armée, en vrai ?

— Non. Je suis prêt pour devenir père, mais je ne suis pas encore sûr de toutes les conséquences que cela implique. Cependant, je le ferai. Je ne me vois pas de toute manière continuer. »

Je sentais qu'il avait autre chose à me dire, si bien que je continuai à me taire.

« J'ai toujours su que je devais me préparer à ce moment, mais aussi fort soit mon envie de ce bébé, j'ai toujours eu peur que cela arrive. J'espère que tu ne m'en veux pas.

— Non, je ne t'en veux pas. »

C'était vrai. Qu'importe ce qui se passait, je n'arrivais jamais à lui en vouloir. La compréhension était une autre force de notre couple, et c'était grâce à ça que nous en étions arrivés à un tel point dans notre relation. Jamais nous ne remettions en question ce que l'autre pouvait ressentir.

« Mais toi, tu es prêt à en discuter avec moi ? Tu n'as pas peur que je puisse t'influencer ?

— En vérité, Kate, j'ai déjà pris ma décision il y a longtemps. C'est le fait de la mettre en application qui me fait peur, mais je surpasserai ça, ne t'inquiète pas. »

Je lui faisais confiance, il avait embrassé cette carrière exactement pour la même raison, je savais qu'il serait capable de la quitter de la même manière.

« Kate, je t'aime. »

Sa déclaration me toucha, cependant nous dûmes rapidement mettre fin à notre conversation, n'ayant pas plus de temps à m'accorder. Je ressortais de la conversation plus déboussolée que je l'étais. J'avais l'impression que nous nous refilions la patate chaude. Dès que l'un d'entre nous était sûr, c'était l'autre qui se mettait à douter. Nous nous en sortirions jamais si nous continuions comme ça. J'avais moi-même l'impression de ne plus être sûre de cette envie de maternité, si cette dernière n'allait pas de pair avec le bonheur de Stéphane. Je ne voulais pas le priver de quoi que ce soit à aucun moment. Heureusement que j'avais gardé précieusement enfoui dans un tiroir de la salle de bain mon test. Le serrer entre mes doigts me rappela que mon désir était toujours présent.

La même semaine, Stéphane m'envoya un message en pleine nuit. Du moins, durant ma nuit, chez lui c'était encore le soir. Il m'envoyait rarement des messages, l'écrit n'était pas idéal pour faire passer des idées et nous finissions toujours par ne plus nous comprendre. Cependant, celui-ci était étonnamment limpide.

« On ne pourra pas s'appeler cette semaine, nous allons partir en mission. J'ai parlé à mon supérieur, c'est OK. »

Je fermai les yeux et relus une seconde fois le court texte. Il n'y avait pas beaucoup d'indications, mais assez pour m'informer qu'il avait pris une décision et qu'il était prêt. J'avais envie de l'appeler immédiatement pour que nous puissions en parler de vive voix, mais je ne pouvais pas. Outre le fait que c'était impossible pour des questions techniques, le message avait été reçu plus de cinq heures auparavant, il devait déjà être indisponible maintenant, il y avait aussi le fait que ça ne s'était pas forcément bien passé lors de nos précédentes discussions. Cette semaine de déconnexion totale pourrait nous aider à nous faire à l'idée. Nous faire à l'idée que nous serions bientôt réunis et peut-être parents. Je jetais un coup d'œil à la chambre qui avait accueilli la veille Cyril. Je ne m'imaginai pas encore dans ce lit, Stéphane à mes côtés, et un petit être dans nos bras que nous cajolerions. Pourtant, il faudrait commencer à s'y faire parce que ce serait bientôt notre quotidien.

J'avais clairement envie de pleurer et de rire en même temps et je me retrouvai dans la salle de bain à sortir pour la énième fois le test de grossesse planqué. Bientôt, je pourrai le jeter, car je n'en aurais plus besoin. Bientôt, à la place de celui-ci serait un nouveau qui afficherait un joli plus. C'était une sensation presque grisante, alors que je n'étais pas encore enceinte, j'avais comme l'impression de l'être. Dehors, le soleil commençait à luire, les beaux jours refaisaient leur apparition et je savais que nous approcherions d'autant plus du retour de Stéphane. Je ne voulais pas me précipiter, parce qu'il nous restait de longues semaines à tenir, mais je savais que cela nous rapprochait de la fin. Je sentais que nous venions de prendre la plus douce et plus jolie décision de toute notre vie. 

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