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Prologue


Avril 1905

Penchée par-dessus le bastingage, Lady Rose adressait silencieusement ses adieux à l'île de Crète dont le crépuscule crénelait d'or et de sang les contreforts rocheux.

En dépit de tous les efforts déployés par l'horizon pour attirer l'attention de chaque marin à bord du Delphia, Evander, lui, n'avait d'yeux que pour la jeune femme, cette mèche noire échappée de son chignon bas, voletant contre sa joue pâle, chatouillant l'arc de ses cils... Que n'avait-il choisi d'embrasser une carrière d'officier militaire plutôt que de devenir second capitaine sur un navire marchand ! Il n'aurait alors pas été obligé de museler ces émotions qu'il sentait de plus en plus vives et brûlantes chaque jour. Certes, il pouvait se targuer d'avoir franchi trois fois le Cap Horn à seulement vingt-cinq ans, mais cet exploit répété ne lui vaudrait jamais le droit d'épouser une Lady digne de ce nom, quand bien même celle-ci venait de s'auto-déclarer vieille fille avant l'heure.

Il s'apprêtait à quitter le pont pour inspecter les quartiers d'équipage lorsqu'un regard un peu trop appuyé de la part d'un matelot l'interpella. Ce dernier observait la jeune femme – sans animosité, mais sans aménité non plus.

Que faire ? Evander n'avait jamais directement parlé à Lady Pritchard, il s'était contenté de l'observer de loin, mais peut-être était-il essentiel de devenir son ami le temps de son séjour à son bord. Les marins qui ne voyaient pas les femmes comme un porte-malheur avaient tendance à les considérer comme de simples marchandises, et même si le Delphia mesurait plus de quatre-vingt mètres de long pour près de quatre mille mètres carrés de voilure, il ne serait jamais assez vaste pour soustraire sa passagère à d'éventuelles tentatives d'intimidation ou de séduction trop poussées. En revanche, si Evander devenait son ami, tout l'équipage considèrerait la jeune femme sous sa protection – car, c'était certain, nul n'oserait toucher à la protégée du Chien de bord.

Sa décision prise, il descendit du pont arrière pour aller se présenter, après des semaines à terre où il avait pris soin de rester à bonne distance de peur de ne faire qu'aggraver son état émotif – en pure perte, de toute évidence.

Rose ne l'entendit pas venir. Le charme des vieilles pierres et des poussières du passé retenait encore son esprit dans les ruines de Knossos. Entre les façades monumentales et les cryptes secrètes, sa mémoire errait toujours. Quel dommage que la mission archéologique se soit achevée si vite ! Son frère avait hâte de rentrer pour récupérer sa prime auprès du British Museum, alors qu'elle aurait tout donné pour s'installer définitivement sur l'île et mener là, seule, ses fouilles sur l'un des sites les plus riches de la civilisation minoenne. Mais Auguste avait fortement insisté pour qu'elle rentre à la capitale, arguant que ce n'était pas digne d'une Lady, vieille fille auto-déclarée ou non, que de s'installer en célibataire loin de ses parents. Qu'allait-on penser d'elle, voyons ? Rose aurait bien rétorqué qu'elle se souciait de l'avis de ces hypocrites comme de sa première ombrelle en papier, néanmoins, la sirène du départ avait coupé court à sa tentative d'argumentation.

— Lady Pritchard ? intervint une voix douce et masculine.

Elle provenait d'un très grand homme, si grand que Rose fut forcée de lever la tête pour l'observer droit dans les yeux sans qu'un bout de son misérable et inutile chapeau ne lui coupe la vue. Le torse musclé, le visage ombré de barbe brune, il aurait pu dissimuler l'horizon rougissant à l'aide de ses seules épaules. Ses traits respiraient l'honnêteté et désamorçaient la menace de son impressionnante allure.

— Je vous souhaite la bienvenue à bord du Delphia. Nous n'avons pas eu l'honneur d'être présentés : Evander Jones, second capitaine, pour vous servir.

— Enchantée. Lady Rose Pritchard.

Après une révérence imposée par la courtoisie la plus élémentaire, Rose se demanda ce qu'il pouvait bien lui vouloir. À sa grande surprise, l'homme ne s'attarda pas en ronds de jambe inutiles et demanda tout de suite :

— Vous n'avez pas accompagné votre frère, Lord Auguste, lors du voyage à l'aller, je me trompe ? Je ne vous ai pas vu sur le pont. À moins que vous n'ayez passé votre temps avec lui, enfermée dans la cabine ?

— Quelle horrible perspective, grimaça-t-elle en observant à nouveau la silhouette de l'île de Crète qui, de minute en minute, se diluait un peu plus dans le lointain. Non, reprit-elle. Pour le voyage aller, mon frère a jugé préférable que je fasse une partie du voyage en train, de Paris jusqu'en Grèce, car les femmes ont prétendument le pied peu marin. L'expérience a démontré qu'il était le plus féminin de nous deux en la matière.

Evander camoufla son rire en quinte de toux et répondit sur le même ton :

— Oui, il passera sûrement le voyage retour en cabine aussi.

— Et comme nous partageons cet espace de repos, mais que je ne suis pas intime avec lui au point de le materner, je crains de passer le plus clair de mon temps sur le pont. J'espère que cela ne gêne pas ?

— Oh, non, pas du tout. Nous pouvons même vous installer dans un coin qui ne gênera pas la manœuvre, ce qui ne devrait pas être difficile à trouver sur un voilier de fer.

— En effet, j'ai rarement vu navire aussi long... cela dit, les précédents bâtiments sur lesquels j'ai navigué étaient en bois, je suppose que ceci explique cela ?

— Vous supposez bien.

Il lui adressa un charmant sourire que Rose captura du coin de l'œil, avant que de le voir soudain s'effacer.

— Qu'y a-t-il ? s'enquit-elle en regardant dans la même direction que lui.

Il répondit, et pas qu'à elle :

— Maelström à tribord ! Maelström à tribord !

Rose se pencha afin d'observer le phénomène, mais le peu qu'elle entrevit aspira toutes les couleurs de son visage : un tourbillon d'au moins dix mètres de diamètre se formait à droite du navire. Il grandissait de seconde en seconde, bouche dentelée d'écume vorace. Hypnotisée par la démonstration de puissance des abîmes, Rose faillit protester lorsqu'Evander la tira par le bras pour l'éloigner.

— Il ne faut pas rester là. Je vais vous conduire à la cabine supérieure, les officiers sur la dunette ne seront pas loin en cas de besoin.

— Et vous, serez-vous proche ?

Elle lui serra le poignet, soudain pétrifiée de terreur à la vue de cette gueule marine qui s'ouvrait de plus en plus grand.

— Jamais très loin. Je vous le promets.

Jusque là couvert par le vent qui sifflait à leurs oreilles, le bruit de l'eau se transforma en rugissement, couvrant même le martèlement des pieds sur le pont d'acier. Le maître d'équipage hurla des ordres sous le regard inquiet du capitaine, et les marins s'égayèrent dans les gréements de fer.

Tout en courant à la suite d'Evander vers la cabine, sa main gantée réfugiée dans la main calleuse et amicale, Rose se demanda comment un tel prodige avait bien pu se produire, juste sous leur nez, sans que nul ne s'en aperçoive. Elle faillit tomber dans les escaliers à cause des franges de sa robe de voyage, dont la longueur pourtant raccourcie l'empêchait de courir à grandes enjambées. Maudissant ses atours, elle se laissa enfermer dans la cabine sombre, ne saisissant que les derniers mots du capitaine à son second :

— Préparez-vous à voyager de Charybde en Scylla.

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