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Interlude


Bonsoir les amis ! ^-^

Enfin le premier Interlude de Vermilion ! 7700 mots, vous avez de quoi lire ce soir ! ^^

A votre avis, quel point de vue aura-t-on ici ? ;)


Bonne lecture ~ ♥


********************************


"Mais à quoi ça sert ?" Demandai-je, lassé, tandis que ma mère serrait son écharpe autour de son fin cou.

Elle me lança un coup d'œil.

"Sur le long terme, acheter des poches reviendra plus cher qu'acheter un humain au prix fort. Mets ton manteau, allez.

-J'ai pas envie de venir.

-Jungkook." Me gronda-t-elle.

Je soupirai et obéis, attrapant ma grosse veste à la volée tandis qu'elle ouvrait la porte.

"Ne prenez pas un petit maigrichon, je veux qu'il soit apte à travailler tous les jours jusqu'à ce qu'il ne soit trop vieux pour le faire."

Ma mère lança un regard désintéressé vers mon père, qui s'apprêtait à s'absenter, encore.

"Pour qui tu me prends ? Je sais ce que je fais." Grogna ma mère avant de sortir de la maison.

Je traînai les pieds derrière elle, les mains dans les poches. Je ne me sentais pas très bien à l'idée de venir, je ne savais pas pourquoi. Je n'avais pas trop compris ce que j'allais voir ; des humains en vente ? Comme dans un magasin ?

Ma mère démarra la voiture et s'engagea sur la route. Je fixai le paysage défiler à travers ma fenêtre.

"Je veux pas d'un humain à la maison." Tentai-je.

Elle prit une inspiration.

"Jungkook, tu as dix-huit ans maintenant. Cesse de faire l'enfant.

-Mais pourquoi est-ce que je dois venir ? Demandai-je, agacé.

-Parce que tu vas le choisir aussi, avec moi.

-Pourquoi ? J'ai rien demandé !

-Parce que quand je ne serai plus là, tu hériteras de cet humain. Il faut qu'il te convienne."

Je fixai son visage froid un instant.

"J'achèterai des poches, plus tard. Conclus-je, peu attiré par l'idée de devoir cohabiter avec un humain jusqu'à ma mort.

-Non, on ne sait même pas d'où vient tout ce sang, comment il est transporté ou traité. Avoir un humain a énormément d'avantages. Son sang sera toujours chaud et on peut le nourrir de sorte à ce qu'il soit de bonne qualité, il peut fournir un travail quotidien pour nous, et ça fait très classe, d'avoir un humain. Évidemment, toi, ça te passe au-dessus, tu ne te rends pas compte de tous les efforts que je mets pour que notre famille garde une belle image auprès de Namjoon.

-Namjoon ? C'est qui ?

-Peu importe."

Je détournai le regard et croisai les bras, ennuyé.

"Je fais ça pour nous, Jungkook.

-Tu pourrais faire autre chose avec ces économies.

-C'est ce que mamie aurait voulu que je fasse avec l'héritage.

-Elle est morte. Alors tu ne peux pas le savoir."

Ses mains pressèrent le volant.

"Ça suffit. Plus un mot."

Je la détaillai encore, elle et sa froideur, son expression figée, ses sacrifices par amour pour notre famille qui commençaient à me dégoûter, et sortis mon téléphone pour faire passer le temps.

Parce que si je parlais encore, j'allais devenir méchant.

**

La place était bondée.

On se marchait presque dessus, c'est ce qui poussa ma mère à agripper mon poignet et à me tirer à sa suite pour ne pas me perdre. On slalomait un peu entre les gens, qui se mettaient sur la pointe des pieds, qui discutaient, hurlaient parfois pour s'entendre, et plus l'on avançait, plus j'entendais une seule et même chose.

Des prix criés à plein poumons.

"Dépêche-toi, ça a déjà commencé, les meilleurs doivent déjà être pris." Grogna ma mère.

Elle me tira plus vite, et je manquai de trébucher.

Plus l'on s'approchait de l'événement, moins je me sentais serein. J'avais une étrange boule au ventre qui grossissait. Je n'aimais pas cette sensation. La main de ma mère sur mon poignet me brûlait la peau.

J'avais l'impression que le vent soufflait dans mon dos, lui aussi, et me poussait vers l'avant.

Comme si peu importait ma volonté ; je devais continuer de marcher, d'avancer, de me retrouver devant tous ces gens.

"On y est."

Elle me lâcha, et mon ventre heurta doucement une grille.

"Eh ! Dépassez pas !" Beugla un homme, mais ma mère l'ignora.

Elle plissa les yeux et se mit à regarder attentivement devant elle. Je l'imitai, et soudain, mes yeux atterrirent sur une rangée de personnes enchaînées aux mains.

Je regardai vivement ma mère ; l'inquiétude me prenait réellement tout le corps, car je crois que je ne voulais finalement pas vraiment être mêlé à tout ça. Quand j'étais plus petit, j'avais rêvé de participer à une vente, voir des humains que je voyais si peu souvent dans les rues, voir comment ils se comportaient.

Mais, aujourd'hui, je crois que j'aurais donné n'importe quoi pour m'en aller.

L'air m'oppressait d'une drôle de manière, les cris faisaient bourdonner mes oreilles.

Et les regards, face à moi, tordaient mon estomac.

Des femmes, des hommes, des adolescents, et même des enfants. Ils devaient être au nombre de trente. C'était bien moins que ce que j'avais imaginé. Ils étaient collés, serrés entre eux, et chacun avait une paire de menottes qui me semblait assez lourde. Leurs mains étaient ainsi liées. Leurs regards étaient différents des uns et des autres.

Parfois perdu, ou curieux, dans l'incompréhension, apeuré, parfois cherchant de l'aide.

Les adultes semblaient ceux apeurés.

Les adolescents, comme moi, même si j'avais encore l'apparence d'un enfant de dix ans, me semblaient être ceux qui ne comprenaient pas.

Et les enfants étaient complètement hébétés.

"Excusez-moi ! Monsieur ! Celui-ci, c'est combien ?!" Hurla ma mère pour se faire entendre, en pointant un adolescent.

Ce dernier croisa notre regard, et je déglutis lorsque ses pupilles inquiètes me sondèrent, comme si j'allais lui donner une réponse.

Je me sentis lâche de détourner les yeux.

"Celui-là vaut bien plus que ce qu'une bonne femme comme vous peut bien s'offrir ! S'amusa grossièrement ce qui semblait être l'organisateur, un homme moustachu, de taille moyenne et mince, habillé d'un pantalon à pinces, d'une chemise et d'un veston abîmé.

-Je vous demande pardon ?"

Je posai une main sur son bras pour ne pas qu'elle s'emporte. Elle se dégagea de ma prise et, au même moment, quelqu'un hurla un prix pour le même adolescent.

"Adjugé ! Détachez-moi cet humain-là, et apportez-le au jeune couple sur la droite."

Quand je relevai les yeux vers lui, je manquai de grimacer en réalisant qu'il me regardait encore. Je serrai les dents, aussi perdu que lui. Je savais ce qui se passait contrairement à lui, mais comment le lui dire ?

"Ne négligez pas les enfants, vous pouvez les éduquer comme vous l'entendez, et ces derniers sont les moins chers !" Intervint l'homme moustachu, car tout le monde ne s'intéressait qu'aux adolescents et aux adultes.

La raison était simple ; ces derniers pouvaient déjà travailler. Les enfants, eux, il fallait d'abord les élever, et cette responsabilité, personne n'en voulait.

Encore moins ma mère.

"Chef ! Il en restait un, caché au fond de la tente là-bas !"

Mon attention fut attirée par un homme, encore plus vieux que l'autre. Devant lui se trouvait un enfant, dos à moi. Je ne voyais que ses cheveux châtains, sa petite taille, sa maigreur, et ses tremblements. Il pleurait, je l'entendais d'ici, pourtant il était encore assez loin.

"Attache-le et mets-le devant, pour qu'il soit visible."

Le petit garçon fut attaché par des menottes si lourdes qu'il tomba en avant. Je fronçai les sourcils et détournai le regard de cette vision.

"Je m'en vais."

Je me tournai brusquement, mais ma mère me rattrapa par l'épaule.

"Hors de question, tu dois m'aider à choisir, Jungkook. Prends tes responsabilités."

Je ne savais pas, à ce moment-là, que c'était loin d'être la dernière fois que l'on me disait cela.

Ma mère me ramena vivement à la grille, et je tentai de me dégager.

"Lâche-moi !

-Mais qu'est-ce qui te prend ?"

On commençait à attirer l'attention. Je m'en moquais.

Elle attrapa ma nuque et me rapprocha vivement de son visage. Ses yeux rouges me firent tressaillir.

"Tu vas te calmer immédiatement, ou je te jure que j'en parlerai à ton père."

Ma colère, encore présente, se cacha derrière la peur. Je savais qu'elle attendait que je baisse les yeux. C'est ce que je fis au bout de quelques secondes de lutte.

"Bien." Fit-elle, avant de se remettre face à la grille.

Vaincu, je me tournai de nouveau vers les humains, et relevai les yeux, les poings serrés.

Les deux grands yeux que je croisai étaient aussi larmoyants que les premières gouttes de pluie de l'après-midi.

Mon cœur s'éteignit seul, je cessai de réfléchir sans réellement le vouloir, comme si tout mon être était parcouru d'un frisson si puissant que jamais je ne le ressentis dans son entière intensité. Tout ce que je savais, c'était que j'étais figé.

Le temps sembla s'arrêter. Les gens, les cris, les regards des autres, tout cela devint sombre, lointain.

Je ne voyais que lui.

L'enfant que l'on venait de placer devant les autres, à tenter de rester droit malgré ses menottes lourdes, trop lourdes pour ses poignets si fins, pour son âge, sa taille, son poids.

Il me dévisageait comme s'il me connaissait.

Mes mains pressèrent la grille jusqu'à ce que mes phalanges en blanchissent. L'eau de la pluie s'échouait sur mon visage et sur le sien, mais lui comme moi n'en avions que faire.

Sa peau était aussi blanche que la neige, ses cheveux châtains me rappelaient la couleur du bois clair des meubles de ma chambre, ses yeux étaient noirs et éteints comme une nuit de solitude mais dans laquelle, pourtant, on pouvait croiser un seul lampadaire, qui trahissait la lueur d'une étincelle dorée.

Jamais dans ma vie je n'avais vu un humain si étrange.

Il tremblotait dans le froid, sous la pluie, et j'eus la drôle d'envie de le mettre à l'abri.

Tout le monde le regardait, n'est-ce pas ? Ou n'était-ce que moi ?

Je quittai enfin ses yeux, difficilement, pour porter un œil autour de nous, et même si personne ne lui accordait vraiment attention, je crus voir des milliers d'yeux sur son visage, et la colère grimpa sans que je ne l'invoque.

Je voulais que les autres cessent de le regarder.

Qu'ils cessent de poser leurs yeux dégoûtants et intéressés sur cet enfant.

"Jungkook ?" Murmura ma mère.

Elle attrapa mes joues.

"Ça va ? Jungkook ? Tu trembles."

En effet. Je tremblais.

Ma mère fronça les sourcils en détaillant mes yeux, puis les siens s'arrondirent.

"Jungkook, tu- qu'est-ce que tu ressens ?"

Elle parlait plus bas, drôlement méfiante.

"Je...

-Tes yeux sont rouges, ils brillent, je ne les avais jamais vus si vermillon."

Puis elle se tourna, et croisa le regard du petit garçon. Elle me fixa de nouveau.

"Non, je- je pensais qu'il mentait, qu'il voulait nous faire peur-

-Qui ça ?

-Namjoon, je..."

Elle me dévisagea de nouveau, hébétée, effrayée.

"Non, Jungkook, je te promets que- que je vais te protéger."

Ses propres yeux devinrent aussi rouges que les miens. Son pouce caressa le dessous de mon oeil droit et, violemment, elle se retourna :

"Vous, là-bas ! Je prends cet enfant, peu importe son prix, cet enfant est à moi !"

Quand un homme sourit malicieusement, visiblement heureux de faire de l'argent sur un enfant qu'il devait considérer comme inutile et invendable, je perdis le contact visuel avec le petit garçon. Il se fit malmener par ses grosses menottes, qu'on lui enlevait grossièrement.

Et, au loin, l'ombre d'un homme, assis sur un toit de maison, attira mon attention.

Toujours aussi chamboulé, l'estomac retourné et les yeux inconsciemment écarquillés, je le détaillai.

Il m'adressa un sourire franc.

Puis un clin d'œil inquiétant.

**

"Joyeux anniversaire Jungkook !"

Le gâteau fut déposé devant moi. Je regardai vaguement les bougies qui formaient un "19".

Ma mère se tritura les doigts, attendant une réaction.

"Merci." Répondis-je rapidement.

Les invités -ses amis- et mon père de qui elle venait de se séparer, ce qui jetait un froid visible autour de la table, se regardèrent entre eux, comme si j'étais étrange à ne pas réagir, à ne pas m'enthousiasmer et souffler les bougies.

Pour éviter le malaise, elle ôta ces dernières et les secoua pour les éteindre avant de s'éclaircir la gorge.

"Bon ! Et si tu ouvrais tes cadeaux pendant que je découpe le gâteau, hein ?"

Et si on ne fêtait pas cet anniversaire inutile ?

"Merci." Marmonnai-je encore lorsque l'on mit devant moi une pile énorme de cadeaux.

J'avais envie de rentrer chez mon père et de monter dans ma chambre, de m'y enfermer comme je le faisais toujours, et de ne plus jamais en sortir.

Ou de ne plus jamais me lever.

Après avoir ouvert tout ce que l'on m'offrait, des choses plus inutiles les unes que les autres, j'en découvris une dernière, tout en bas de la pile. Je retins un soupir, sinon ma mère m'aurait probablement fait la morale pendant des heures après que les invités aient quitté la maison, puis déchirai le paquet.

Un livre.

Le lien vampire-humain : réalité ou mythe ?

"Oh, Jungkook s'intéresse à la légende du lien ? C'est bien mon garçon, étudier notre Histoire c'est important ! Sourit une amie de ma mère.

-Vous l'avez bien élevé." Affirma un homme.

Je les entendais à peine, car je fixai le livre en empêchant mes mains de trembler.

Des milliers de recherches sur Internet, des heures dans des libraires -le peu que l'on avait en Atlantide- avaient été vaines, je n'avais jamais rien trouvé sur le lien. Jamais.

Et voilà qu'aujourd'hui on m'offrait un livre qui semblait vouloir répondre à toutes mes questions.

Je les regardai un à un.

"C'est de qui ? Demandai-je.

-De- de moi." Sourit ma mère.

Sa réponse me parut étrange, mais je m'en moquais. Je voulais lire maintenant. Que tous ces gens inutiles rentrent chez eux, je voulais découvrir ce bouquin. Maintenant.

Ma mère débarrassa tous mes cadeaux, mais je gardai mon livre sur mes cuisses. Je me forçai à manger une part de gâteau, puis lançai des regards insistants vers mes parents, attendant qu'on m'autorise à m'éclipser, ou qu'ils congédient enfin tous ces gens dont je me fichais.

Il n'y a qu'à toi que je pense sans cesse.

Là, juste sous mes pieds.

Et c'était une raison qui me poussait aussi à vouloir m'en aller. Marcher sur le parquet comme si sous mes chaussures tu n'étais pas en train de pleurer. Comme si personne n'entendait tes cris, tes "maman", "papa", "venez m'aider".

Je regardai chacun des invités en me demandant s'ils ne se rendaient vraiment pas compte qu'un enfant de huit ans était en ce moment même enfermé dans une cave, sous cette table.

Et je me fis alors la réflexion qu'il n'y avait peut-être vraiment que moi qui l'entendais.

Il fallut encore deux bonnes heures avant qu'ils ne s'en aillent. Mon père resta plus longtemps, et je dus patienter sur le sofa que mes deux parents divorcés ne terminent leur altercation dans la cuisine. Moi, j'étais déjà plongé dans mon livre.

Et à chaque lettre, chaque mot, chaque phrase, mes yeux s'apparentèrent à des billes. Je sentais les frissons désagréables de la peur courir dans mes veines, jusqu'à ma nuque, ce qui me fit sursauter, avant que je ne referme violemment l'ouvrage.

Mes yeux tombèrent sur la trappe de la cave, là, à quelques pas.

Je déglutis et fixai la poignée. Ma main me grattait ; j'avais envie d'ouvrir. Et, d'un autre côté, rencontrer de nouveau ses yeux d'enfant perdu m'inquiétait.

Un an maintenant que mes parents se sont séparés, que j'habitais avec mon père absent, et froid quand il était présent. Un an que tu m'as regardé avec tes yeux si cruels. Comme si tu avais su exactement comment me tourmenter pour le restant de mes jours.

Je serrai les dents et griffai la couverture du livre de mes ongles.

Non.

Tu ne m'auras pas. Pas comme ça. Ni toi, ni Namjoon, personne ne me dictera mon destin.

"Personne." Chuchotai-je en dévisageant la trappe close.

Je sentis mes yeux crépiter, mais je me calmai lorsque mon père revint dans la pièce principale.

"On y va, Jungkook."

Je hochai la tête, attrapai seulement mon livre et, sans même chercher à prendre mes autres cadeaux, suivis mon père à l'extérieur, la vitesse avec laquelle il marchait ne me permettant pas de saluer ma mère.

**

Je refermai mon livre sur la sociologie quand j'entendis la sonnerie retentir. Deux voix, celle de mon père et une autre que je ne croyais pas avoir déjà entendue -pas même celle de Namjoon- me parvinrent, et je tendis l'oreille, en restant assis sur mon siège de bureau.

Je posai mon surligneur et fronçai les sourcils.

Il se passa quelques minutes, avant que je ne me lève et m'approche de la porte, mais au même moment, des pas se firent entendre dans les escaliers.

Peut-être le traiteur qui apportait la nourriture de ce week-end, pour mes vingt ans ? Oui mais pourquoi si tôt ? Et pourquoi monterait-il les escaliers ?

Je sursautai légèrement lorsque j'entendis trois coups à ma porte. Je voulus ouvrir, mais la personne derrière cette dernière n'attendit ni réponse ni signe pour entrer.

"Bonjour, Jungkook."

Je fronçai les sourcils.

Une cape.

Je ne connaissais pas cet homme.

Mais je reconnaîtrais cette cape entre mille. Celle qu'on me forçait parfois à porter, celle que Namjoon avait souvent sur le dos, celle que j'ai déjà vu dans la chambre de mon père.

"Qui êtes-vous ?"

Je ne sus pourquoi je reculai d'un pas.

L'homme avança, ferma la porte derrière lui, et je voulus appeler mon père mais ma voix resta coincée dans ma gorge lorsqu'il ancra ses yeux perçants dans les miens.

Noirs. Glacés. Aussi glacés que son teint blanc l'était. Il était plus petit que moi, mais pas moins impressionnant. J'avais surtout l'impression qu'il était en colère. Qu'est-ce que ce type me voulait ? Travaillait-il avec mon père ?

Il s'approcha de moi, et je fis un nouveau pas en arrière.

"J'ai cru comprendre que tu ne voulais pas écouter Namjoon, alors je suis venu en personne."

Mon coeur s'emballa, chose que je haïssais, je me sentais toujours faible quand ça arrivait, face à Namjoon.

Mais cet homme... C'était comme s'il était à la fois comme Namjoon, et à la fois complètement différent.

"Je- Je refuse de participer à tout ça, en effet."

J'avais tenté de garder une voix claire et déterminée, mais mon bégaiement ridicule m'avait trahi, et je pestai contre moi-même, à l'intérieur, pour avoir l'air si pathétique.

Il releva un peu les yeux, et croisa les doigts, ses bras le long du corps.

"Puis-je savoir pourquoi ?"

Je reniflai et secouai la tête, car ça me paraissait évident.

"Tuer des gens...

-Des humains. Me corrigea-t-il.

-Ouais ? Ça change quelque chose ?

-Ils ne font pas partie de notre peuple.

-Nous sommes des humains, nous aussi."

Une lueur rougeâtre passa dans son regard et je me tendis.

Il venait de retenir un changement de couleur, ou avais-je rêvé ?

Allait-il me montrer ses yeux rouges ? On ne se connaissait même pas, bon sang.

"Nous ne sommes pas des humains, nous sommes des vampires.

-On est comme des humains, avec d'autres caractéristiques.

-Tu es bien éhonté pour un gamin."

Je haussai un sourcil.

"J'ai vingt ans après-demain, je ne suis plus un gamin.

-J'en ai cent de plus que toi. Alors je te conseille de baisser d'un ton."

Je retins une expression de surprise. Il fallait que je continue de paraître neutre.

Mais une chose me paraissait incohérente. Comment pouvait-il paraître si jeune en étant à trente ans de la mort ? Il devrait avoir une apparence plus usée.

"Je ne tuerai pas de gens. Grognai-je.

-On ne parle pas de tuer, les morts seront des dommages collatéraux. On parle de sauver notre peuple, de le sortir de l'ombre. Le but n'est pas de tuer les humains à l'extérieur.

-Peu importe, je ne veux pas faire la guerre."

Cette nouvelle lueur vermillon étincela dans son regard et je serrai les poings.

Est-ce qu'on allait se battre... ?

"Ton peuple a besoin de toi, Jungkook.

-Mais pourquoi moi, hein ? Je suis pas aussi fort que Namjoon, pourquoi est-ce que c'est moi qui dois-

-Tu sais pourquoi, ne fais pas l'imbécile."

Immédiatement, un frisson me parcourut et je pris une profonde inspiration.

"Non.

-Si. Tu sais ce que l'on attend de toi.

-Je ne le mordrai pas." Murmurai-je plus sombrement.

Il haussa un sourcil.

"Quoi ? Tes parents ont réussi à te convaincre de l'éviter, vraiment ? Je suis impressionné. Depuis combien de temps tu l'as vu ?

-Allez-vous en.

-Ca fait bientôt deux ans, non ? Ne va-t-il pas avoir déjà neuf ans ?"

La colère grimpa en moi, et ce sont mes propres yeux qui passèrent du noir au rouge. L'inconnu esquissa un semblant de sourire satisfait.

"C'est bien ce que je pensais. L'envie de le protéger, même sans l'avoir mordu...

-La ferme ! Je m'en fous de lui !"

Il resta plus figé que le marbre, mon cri ne l'avait pas atteint le moins du monde. Je bouillonnais, et il était affreusement calme.

"Et puis pourquoi mon père travaille pour vous si lui ne veut pas que je le morde ?! Il n'est pas d'accord avec vous non plus !

-Je ne lui en veux pas pour ça. Il est d'accord avec notre dessein, il ne supporte juste pas l'idée que ce soit toi, son propre fils, qui sera en première ligne."

Je secouai la tête et reculai encore.

"Je ne ferai pas la guerre !

-Tu la feras, à mes côtés, et aux côtés de Namjoon. Ton peuple a besoin de toi.

-Je ne mordrai pas cet enfant !

-Il ne sera pas un enfant pour toujours. Dans dix ans, il aura l'âge que tu as actuellement, il deviendra un homme qui t'attirera.

-LA FERME !" Criai-je.

Je tremblai de rage. Il le vit, alors il continua.

"Jungkook, tu ne pourras pas passer ta vie entière sans le mordre. Je ne sais pas combien de temps tu réussiras à tenir, mais crois-moi, tu finiras par craquer."

Je secouai la tête et lui fis dos.

"Allez-vous en."

Il ne partit pas.

"Si tu es là, dans cette ville, si ton humain lié-

-Ce n'est pas mon humain lié !

-Si ton humain lié est arrivé en Ancienne Busan aussi, ce n'est pas une coïncidence. Les dieux attendent quelque chose de vous deux."

Je me retournai lentement vers lui, et une expression mauvaise devait se peindre sur ma figure.

"Ouais... Ils attendent peut-être que je vous foute en l'air, vous et Namjoon." Murmurai-je sans pouvoir me retenir.

Comme si c'était exactement ce qu'il ne voulait pas entendre, ses yeux virèrent immédiatement au rouge.

Et il ne fallut pas une seconde de plus avant que je ne me retrouve contre mon bureau, à plat ventre, maintenu par une main sur ma nuque, l'autre tenant mes poignets dans mon dos.

Je tentai de m'extirper de sa prise mais j'étais estomaqué par cette... Cette force, il était tellement... Il était surpuissant. Je me pensais plus fort que la moyenne, je réalisais aujourd'hui que je n'étais rien face à ce type.

Et pire, quand je me rendis compte qu'il me tenait à peine. Il n'était pas essoufflé et ne mettait aucun effort dans sa prise.

Une seule solution possible.

Lui aussi avait un humain lié.

"Enchanté, Jungkook, je m'appelle Yoongi. Et je vais faire en sorte que tu n'oublies jamais nom nom, que tu t'en souviennes à chaque fois que tu repenseras à cette douleur, que je t'infligerai jusqu'à ce que tu acceptes ton devoir."

Je restai immobile, abasourdi.

"Tu dois prendre tes responsabilités."

Je voulus répondre, mais ma voix se perdit loin.

Tout, tout se transforma en un cauchemar.

Les deux canines qui venaient de pénétrer ma nuque me firent hurler si fort que je croyais en voir les murs trembler. J'avais l'impression que l'on me compressait les muscles, qu'on tentait de les essorer pour en faire goutter le sang, qu'on étirait mes tendons, qu'on déliait ma chair.

J'entendis, au loin, mon père ouvrir la porte et pousser un cri de surprise face à ce qu'il voyait.

Tandis que mon hurlement cessa à cause du manque de souffle, ma bouche resta grande ouverte, comme si mon corps essayait encore d'évacuer la douleur par les cris.

Mes yeux glissèrent vers mon père, mes yeux écarquillés, grands ouverts, desquels des larmes brûlantes cisaillaient la peau de mes joues.

Et si je m'étais toujours senti seul depuis que j'avais croisé le regard de cet enfant, je découvris ce qu'était réellement la solitude quand mon père, une main sur les lèvres, rouvrit la porte d'une main tremblante, et quitta la chambre.

Mon bourreau cessa la morsure, et quand il recula, mon corps ne m'obéit plus, et s'effondra au sol.

Les spasmes de douleur me rendaient plus pathétique encore que je ne l'étais déjà.

Yoongi essuya sa bouche du revers de sa main, et me regarda froidement.

"Est-ce que tu penses à Taehyung ?"

Il leva la tête vers la fenêtre, pensif.

"Quand j'ai mal, je pense à mon humain lié. La douleur en devient parfois supportable. Parfois."

Puis il se retourna, lentement.

"Enfin, ça, c'était quand il était encore en vie."

Sa main abaissa la poignée. Son visage s'inclina vers moi une dernière fois. Je l'entendais à peine tant j'étais sonné, je n'arrivais plus à bouger un seul de mes membres.

"Tu n'imagines pas la chance que tu as, parce que t'es un ingrat. Ton humain lié est dans la même ville que toi, mais tu continues de l'éviter."

Il sortit.

"...A ta place, je le rejoindrais et passerais chaque seconde de mon existence à ses côtés, avant qu'il ne disparaisse."

Il secoua la tête.

"Crois-moi, ça, ça fera mal, quand il mourra. Bien plus que cette morsure."

La porte claqua.

Je restai figé, attendant un signe, un espoir, moi qui pensais pouvoir échapper à mon destin, voilà qu'il venait de me mordre la nuque et de me faire hurler de douleur.

Quand mon père déboula dans la chambre, paniqué, je vis ses mains s'agiter, j'entendis qu'il parlait en me regardant, sans savoir quoi faire, où aller, s'il devait me toucher.

Et moi, je l'observai, l'oeil éteint, car je crois qu'être allongé au sol était moins douloureux que de devoir se tenir debout, tous les jours, et m'empêcher de le rejoindre à chaque seconde qui s'ajoutait à mes journées vides de sens.

**

"Joyeux anniversaire, Jungkook.

-Merci, Namjoon."

Je me courbai face à lui. Il secoua la tête, verre en main, l'autre dans sa poche.

"Pas de ça avec moi, je t'ai dit."

Je ne répondis pas, et observai le grand jardin bondé de monde.

"Ta mère en a fait beaucoup, cette année !

-Elle dit qu'avoir vingt-sept ans ça se fête dignement. Fis-je avec monotonie.

-Elle a raison."

Il posa une main sur mes épaules. Je me tendis, mais ne le montrai pas.

"Je voulais te dire que je suis impressionné. Que je t'ai même sous-estimé.

-Que j'arrive à ne pas le mordre après tout ce temps, je sais, tu me dis ça à chaque fois qu'on se voit. Soufflai-je robotiquement.

-Je n'avais tenu que quelques jours, moi, avant de mordre mon humain lié !" Rit-il.

Je le dévisageai ricaner seul.

Mes yeux glissèrent vers la fenêtre la plus haute.

Ma mère ne l'avait pas mis dans la cave. Ca faisait deux ans qu'elle ne le faisait plus. Je pouvais voir sa lumière allumée, ses rideaux opaques bien clos, et je me demandais s'il lisait encore.

Et je m'en voulais.

Je m'en voulais pour ce que j'allais faire à la fin de la soirée.

Namjoon regardait derrière moi, les yeux différents, et je voulus me retourner pour voir ce qui attirait son attention mais il posa une main sur mon épaule.

"Bon, je vais te laisser tranquille. Yoongi te passe le bonjour."

-On sait tous les deux que c'est faux.

-Jungkook, Yoongi a foi en toi.

-Non, il a besoin de moi."

Il soupira, puis fixa son verre vide.

"Tu me fais mal au coeur, Jungkook."

Je haussai les sourcils, en gardant mes pupilles vers le ciel noir. La brise du soir était douce. Je me demandais si les dieux étaient avec moi, pour mon anniversaire.

"A te torturer ainsi.

-Pitié, épargne-moi tes discours. Je sais que ton but est que je le morde.

-Non, en fait, je suis sérieux. Il est là, presque sous tes yeux, et tu continues de te torturer à ne pas le toucher.

-J'ai l'habitude.

-Je sais que c'est faux, que tu en meurs d'envie."

Immédiatement, je lui tournai le dos et tentai de m'en aller, peu intéressé par ce type de conversation, mais sa main m'attrapa l'épaule une seconde fois.

"Jungkook, quand tu déclencheras le lien, ne pense pas que tout sera plus dur. Au contraire, tu n'auras qu'un seul objectif en tête, et c'est ce dernier qui te guidera jusqu'à la fin."

Il serra davantage sa prise.

"Le protéger." Termina-t-il dans un murmure.

Je me dégageai de sa main et quittai le jardin, le pas rapide et colérique. Je m'isolai dans la cuisine et me laissai enfin aller aux tremblements, que je gardai invisibles aux yeux des autres. Je me pris la tête dans les mains et tentai de me calmer comme je le pus, les dents serrées, le corps tressautant.

Putain de lien.

Putain de Culte.

Je n'ai plus envie de tout ça.

Je ne veux ni le mordre, ni me convaincre que je ne le ferai jamais.

Taehyung, arrête de me torturer, je t'en supplie.

"Kook ? Ça va ? J'ai fait l'effort de venir et tu ne me salues même pas."

J'eus un léger sourire épuisé.

"Ouais, désolé, ça fait longtemps Jin. Salut.

-Salut." Fit-il.

Il me frappa doucement l'épaule.

"Joyeux anniversaire.

-Un de plus ou un de moins...

-Ok, t'as pour projet de te foutre en l'air dans la nuit ?"

Je secouai la tête, tandis qu'il souriait. Cependant, l'étincelle d'inquiétude dans son regard me laissait croire que c'était une vraie question.

"Non, Jin, je suis juste... Je sais pas.

-En dépression depuis des années ? Est-ce que je t'ai connu heureux, en fait ?"

Nouveau sourire, toujours aussi faible.

"Je sais pas.

-T'es même pas venu pour mes quarante ans de la semaine passée.

-T'en fais vingt-cinq. Remarquai-je, toujours aussi impressionné par sa jeunesse visiblement naturelle.

-Flatteur."

Il but dans son verre.

"Sérieusement, Kook, je sais pas ce qui te rend dans cet ét-

-Tu sais très bien, Jin."

Il soupira, puis jeta un œil vers le plafond, comme s'il voulait transpercer le mur pour le voir dans sa chambre.

"Je te promets que tout ça s'arrangera un jour.

-Tout ce que je peux te dire c'est que les gens considèrent ça comme un miracle, mais c'est une malédiction." Murmurai-je.

Il m'envoya un regard compatissant.

"Tu penses que tu vas craquer, un jour ?"

Silence.

"J'en sais rien. Plus le temps passe et plus je me sens...

-Vide ?"

C'était le mot parfait.

"Vide, exactement. Et je ne sais pas si le mordre changera quelque chose.

-Je peux pas t'aider là-dessus, mais à ta place, si j'étais si malheureux, j'essaierais de changer les choses d'une manière ou d'une autre. Tu ne peux pas vivre comme ça pour toujours."

Je hochai la tête, le regard vissé sur un point invisible.

"Bon, allez, je file, je voulais juste passer te voir. Vraiment, Kook, te fous pas en l'air, hein."

Il rit doucement, puis posa une main sur mon épaule.

"J'ai besoin de toi, moi." Termina-t-il.

Je le remerciai dans un murmure. Je ne voyais pas beaucoup Jin, mais il était mon seul ami sincère, à qui je pouvais tout dire sans que jamais rien ne se divulgue. Je ne lui partageais pas tous mes sentiments et toutes mes peines, mais quand j'avais besoin de changer d'air, de me remettre les idées au clair, il était là.

Je restai encore quelques minutes seul lorsqu'il s'éclipsa. Et, une fois l'esprit plus éclairé, je retournai dans le jardin de ma mère, et constatai que Namjoon n'était plus là. Je soufflai, soulagé, et me remis à faussement sourire jusqu'à la fin de la soirée.

Trois longues heures plus tard, ma mère salua le dernier invité, puis se tourna vers moi.

"J'ai cru que ça n'en finirait pas !"

Je hochai la tête. Il était déjà trois heures du matin.

"Je vais me coucher.

-Mmh mmh, prends la chambre d'amis, comme d'habitude, je t'ai mis des draps propres. La soirée t'a plu ?

-Merci. Oui, je te remercie pour tout ça, tu n'étais pas obligée.

-Vingt-sept ans, déjà... Ça se fête, mon grand fils."

Elle caressa mes cheveux et je lui accordai un sourire.

"Je suis désolée qu'il... Qu'il soit venu, alors que ton père lui-même n'est même pas passé, je...

-C'est rien maman, t'en fais pas. Je m'en fiche. Voir Namjoon est devenu habituel.

-Est-ce qu'il te parle encore de le mordre ?"

Je tressaillis, et hochai la tête.

"Mmh.

-Je suis désolée. Je prie les dieux chaque soir pour qu'ils te laissent tranquille un jour. Je suis impuissante.

-Tu n'y peux rien."

Elle me prit dans ses bras et me serra.

"J'ai- J'ai pensé à quelque chose d'affreux, mais... Mais je me dis que ce serait le seul moyen, enfin-"

Je reculai et l'observai, intrigué. Elle se tritura les doigts, visiblement honteuse.

"Le... Le faire disparaître..."

Je fronçai les sourcils.

"Quoi ? Qui ?

-Eh bien, Taehyung, enfin...

-Le faire partir de la ville ? Aucun humain ne peut sortir d'ici. Répondis-je, incrédule.

-Non, je voulais- je voulais dire... Pour qu'ils te laissent enfin tranquille...On pourrait... Enfin..."

Quand je compris, mon corps fut saisi de choc. Je m'approchai d'un pas, les yeux exorbités, tant je n'y croyais pas.

"Tu veux le tuer ?"

Elle se prit immédiatement la tête dans les mains, tremblante.

"Ne prononce pas ce mot comme ça, c'est- j'ai pensé à ça pour ton bien, je sais pas, c'est pour ça que je t'en parle ! S'exclama-t-elle.

-Devenir une meurtrière pour protéger ton fils ? Articulai-je lentement.

-Pour ton bien, Jungkook ! Pour ton bien, je-

-Tu vas le réveiller."

Je posai un doigt sur ses lèvres, ce qui la figea de stupeur. Elle me dévisagea et je crus voir de la peur dans ses yeux face à mon comportement.

"Tu devrais parler moins fort, maman." Chuchotai-je.

Je laissai mon regard dans le sien encore un long instant, et quand j'ôtai mon doigt, elle se retourna, bouleversée, et s'échappa dans la cuisine, une main sur les lèvres.

J'avais déjà pensé que ma mère avait changé depuis l'arrivée de Taehyung. Je n'avais pas pensé que c'était à ce point.

Je montai les escaliers marche par marche, atterré à l'idée que ma propre mère, aussi froide soit-elle, ait voulu mettre à mort un humain.

Je fixai mes mains.

Comme si nous étions si différents d'eux.

La solidarité de notre peuple était belle, elle me faisait rêver. Mais le revers de la médaille était que l'on tuerait pour cette solidarité. C'était du pareil au même. Être solidaire, mais sacrifier la vie d'autres pour se protéger entre nous. Ça ne nous a jamais rendu plus intelligents, plus réfléchis, et encore moins meilleurs que les humains.

Ma main se déposa lentement sur la poignée de sa porte. Je pris une grande bouffée d'air pour m'assurer de limiter mes inspirations et expirations une fois à l'intérieur.

Je clos les paupières un instant pour me concentrer. Et, au loin, dans ma tête, j'entendais ses faibles soupirs réguliers.

ll dormait, c'était le moment.

Je poussai doucement sa porte qui, heureusement, ne grinçait pas. Je refermai cette dernière en la laissant tout contre l'embrasure afin d'éviter des bruits supplémentaires. Mes yeux se déposèrent sur la silhouette de son corps endormi et réfugié sous les couvertures.

Mes pas vers lui furent insonores tant je m'appliquai à n'émettre aucun son.

Voilà pourquoi je me haïssais, voilà pourquoi j'étais si égoïste.

Je me risquai à ce qu'il ouvre les yeux, et croise les miens.

Ma gorge me brûla quand la faible lumière de la lune révéla sa peau blanche. Il était couché sur le côté, la même position que la dernière fois.

Doucement, je me mis à genoux devant son lit, mon visage au niveau du sien, assez loin pour ne pas qu'il sente mon souffle sur sa peau, mais assez proche pour que je cesse de souffrir pendant quelques maigres minutes de mon existence.

Chaque année, son visage prenait en maturité.

Je ne venais pas dans sa chambre à chaque fois que je rendais visite à ma mère ; je ne le faisais que lors de mon anniversaire -quand mon anniversaire se déroulait ici, et pas chez mon père-. Mais, ces dernières années, ma mère me réclamait beaucoup pour les fêtes. Alors je pouvais entrer dans sa chambre, à la tombée de la nuit, quand je savais qu'il dormait. Je risquai ma vie et la sienne en faisant cela.

Mais je n'arrivais pas à me retenir, c'était bien plus fort que moi.

"Joyeux anniversaire en retard." Soufflai-je dans un murmure quasiment inaudible.

Son anniversaire était il y a longtemps, très longtemps, plusieurs longs mois, mais je lui offrais toujours son cadeau en retard, car je n'avais pas le choix.

Lentement, je levai la main vers lui.

C'était le même cadeau à chaque fois, mais je n'avais que ça à lui offrir.

Ma main se déposa sur son épaule et je me crispai, effrayé à l'idée qu'il ne se réveille. Je faisais cela une fois par an, et j'étais toujours aussi tendu quand j'entrai en contact avec sa peau.

Mais Taehyung ne bougea pas.

Je laissai mes yeux traîner sur son visage. Il a eu seize ans cette année. Il était dans l'adolescence, j'avais lu un livre qui disait que les humains avaient des crises à ces âges-là. Ma mère ne m'en avait pas parlé; cependant.

Je me concentrai et serrai un peu son épaule.

La chaleur glissa de mon bras à mon poignet, de mon poignet à ma main, jusqu'à ma paume, mes doigts, et Taehyung entrouvrit les lèvres dans son sommeil.

Je l'observai se détendre. Son corps fut plus mou, et malgré son sommeil profond, il avait la bouche légèrement ouverte qui laissa échapper un soupir de bien-être. J'envoyai davantage de chaleur, par petites vagues, pour le réchauffer, lui donner une nuit de sommeil complète. Demain, il sera en pleine forme.

J'attendis de voir les traits de son visage complètement détendus pour ôter doucement ma main de son épaule.

Il bougea un peu pour se replacer, ce qui me fit me figer, mais heureusement, il ne se réveilla pas. La couverture avait cependant glissé du haut de son corps, et je vis ses bras nus, son t-shirt craqué, et sa maigreur.

Je serrai les dents.

Il vivait ainsi par ma faute. A cause de ma seule existence.

Je secouai la tête et me relevai, puis quittai la chambre. Je refermai la porte sans faire un bruit, puis descendis les escaliers.

"Bah, tu ne dors pas ?"

Les poings serrés, j'attrapai ma veste, et l'enfilai.

"Je m'en vais.

-Mais- Tu as dit que tu resterais-

-Tu comptes le laisser mourir de faim ?"

Elle écarquilla les yeux, sa tasse de thé dans les mains.

"Jungkook-

-Tu es ignoble avec lui. Il n'a rien voulu de tout ça.

-Tous les humains ici ont une vie similaire à la sienne..." Souffla-t-elle doucement, comme si elle tentait de me calmer, ce qui me mit davantage en colère.

J'ouvris la porte d'entrée, puis me tournai vers elle.

"Tu sais, je n'aime pas papa. Je ne l'ai même jamais aimé."

Elle laissa sa mâchoire pendre, hébétée.

"...Et je suis également en train de perdre le peu d'amour qui me reste pour toi."

La porte claqua fort et je tiquai, imaginant que j'avais réveillé Taehyung. Quel imbécile.

Je m'enfonçai dans ma voiture et démarrai aussi vite que possible pour m'engouffrer dans la nuit. Je conduisais avec des mains tremblantes. Ma main gauche s'échoua sur mon visage un instant.

Elle voulait le tuer.

Elle m'a demandé la permission de le tuer.

Est-ce que j'étais en Enfer depuis longtemps, déjà, et je ne l'avais pas remarqué ?

Pourquoi est-ce que je continuais d'avoir si mal ?

Je serrai le volant et les dents, les sourcils froncés.

Je voulais juste vivre une journée, au moins une seule, sans souffrir d'une quelconque manière. Sans avoir mal à la tête, sans penser jusqu'à m'en torturer, sans avoir de nausées, sans regarder la vie défiler au ralenti. Chaque seconde qui passait me paraissait être une heure entière.

La vie était si longue. Je ne voulais pas continuer à vivre ainsi.

Je jetai un regard à mon propre reflet dans le rétroviseur.

Ce n'est pas Taehyung qui doit mourir, maman.

C'est moi.

Depuis le début.

Je devais disparaître pour cesser de souffrir, et cesser que lui aussi ne souffre du simple fait que je respire.

**

Je grognai contre son oreille ; elle se cambra en arrière, et me griffa le dos.

"Jungkook..."

Je la quittai doucement, et elle gémit à la perte de contact. Je l'embrassai sur les lèvres et me redressai pour enfiler mon sous-vêtement.

"Tu- Tu t'en vas ?"

Je me tournai vers elle, mon pantalon vêtu, et je vis le soulagement sur ses traits lorsque je revins me coucher à ses côtés. Immédiatement, elle se blottit contre mon torse. Je clos les paupières, fatigué, mon nez dans ses cheveux qui avaient cette éternelle senteur florale.

On resta dans cette position un moment. Ses doigts caressaient la peau de mon torse, et moi celle de son bras.

"Je t'aime." Murmura-t-elle.

Je rouvris les yeux lentement. Elle avait levé la tête pour me regarder.

Je me penchai un peu et embrassai son front.

"On doit y aller, j'ai promis à ma mère de l'aider pour les premières préparations du grand repas."

Elle hocha la tête avec douceur, et je quittai son étreinte pour éviter ses yeux peinés de ne pas avoir reçu la réponse qu'elle attendait.

Je sortis de la chambre après avoir enfilé un pull et mes yeux glissèrent rapidement sur la porte close non loin de la mienne, avant que je ne descende et ne me retrouve en bas. Je rejoignis ma mère en cuisine.

"Ah, enfin, je t'attendais depuis ce matin !

-Maman, le mariage n'est que dans quatre jours, il faut que tu te détendes.

-Tu ne te rends pas compte de tout ce qu'il y a à préparer !

-On a encore plusieurs jours. Répétai-je.

-Oui, mais tu me fais faux bond ce soir pour rentrer chez ton père. Vous pourriez rester jusqu'au mariage.

-C'est dans quatre jours, maman. On reviendra dans quatre jours. Nayung doit aller chercher sa robe demain, elle est réservée, on ne l'a pas encore.

-Pourquoi ne pas revenir demain soir ?

-Maman..."

Elle me fixa, attendant mon argument.

"Parce qu'on va rester plusieurs jours ici après le mariage, c'est déjà bien assez."

Bien assez, car plus je restais, et moins il ne sortait.

Elle s'essuya les mains dans un torchon puis fit volte-face vers moi.

"Nayung va descendre ? J'ai besoin d'elle. Fit-elle, changeant de sujet.

-Elle arrive."

Elle acquiesça, puis m'indiqua ce que je devais faire. On s'affaira à la tâche de longues heures, jusqu'à ce que, en plein après-midi, alors que Nayung nous aidait, on entendit une porte s'ouvrir à l'étage.

Tout le monde cessa de travailler, et ma mère me lança un regard. J'avais l'oreille tendue vers les pas que l'on entendait à l'étage.

Ils étaient peu assurés, doux, irréguliers.

"Il prend sa douche." Informa ma mère, comme si elle avait besoin de justifier pourquoi il sortait de sa chambre.

Nayung lui adressa un sourire un peu gêné. Quand j'entendis la porte de la salle de bain se faire clore, mes épaules se détendirent, et je me remis à cuisiner.

N'as-tu donc pas peur de me croiser, Taehyung ?

"Il est vraiment audacieux parfois. Je lui ai dit de ne pas sortir de sa chambre quand tu es ici. Il m'agace." Pesta ma mère, dans son coin.

Mais moi, je n'arrivais pas à empêcher ce petit sourire d'envahir le coin de mes lèvres.

"Il... Il est jeune ?" Osa Nayung.

Ma mère lui lança un coup d'œil réprobateur, irritée à l'idée que l'on parle de lui.

"Il a dix-neuf ans." Répondis-je alors.

La femme que j'allais épouser dans moins d'une semaine haussa les sourcils, surprise.

"Je le pensais encore enfant.

-Il l'était il n'y a pas si longtemps." Soufflai-je.

Je sentais le regard de ma mère sur moi. La conversation s'arrêta là, probablement à son plus grand bonheur, et Nayung reprit sa tâche, pensive.

**

"Tu es... Parfait."

Ma mère ajusta mon costume. Je jetai un œil vers la baie vitrée.

"Tout le monde nous regarde. Ils attendent.

-Oui, oui. Vas-y."

Le cœur drôlement serré, je sortis dans le grand jardin décoré, face à toutes ces personnes, et ils applaudirent, émirent des exclamations de joie, tandis que j'avançai pour m'arrêter au bout du chemin droit que formaient leurs corps.

Quelques secondes plus tard, Nayung arriva, accrochée au bras de son père. Je me tins droit, les mains dans le dos, les sourcils froncés de concentration. Je les détendis en réalisant que ça pouvait être mal interprété.

Je croisai le regard de mon père, au beau milieu de ce mariage privé et en petit comité, qui m'allait bien, finalement. Puis mes yeux s'ancrèrent dans ceux de Jin, qui me lança un clin d'oeil et un sourire idiot.

Namjoon n'était pas là. Ça me rassura de le constater.

Je n'étais pas aussi tendu que je l'aurais cru.

Pas quand je le savais dans sa chambre, à l'abri des yeux des autres.

Je m'en voulais de penser cela. J'avais déjà été heureux de savoir que ma mère l'enfermait. Je m'en suis voulu. Profondément. Mais ce sentiment s'était imposé à moi comme ce mariage l'avait fait.

Mais peu importait.

Je me sentais bien.

Comme si je savais que tout allait bientôt changer.

Je regardai le ciel, alors même que Nayung s'approchait de moi.

Est-ce vous, qui m'envoyez cet apaisement soudain ?

Les mots monastiques d'un homme en costume blanc assomèrent les invités. Ce fut long. J'écoutai à peine.

Tout ce que j'entendais, si je me concentrais, c'était ses pas qui faisaient craqueler le parquet en bois.

"Oui, je le veux." Souffla soudain Nayung, ses yeux pétillants fondus dans les miens.

J'admirai son visage et sa tenue. Elle était belle, c'est vrai, cette robe lui donnait une apparence presque royale. Jusqu'au bout des ongles, elle était magnifique.

Mais quand je prononçai les mêmes mots que Nayung, mon regard se détacha de sa beauté pour se figer sur une seule et unique fenêtre.

Une fenêtre qui abritait un humain qui aimait lire, qui pleurait beaucoup, et qui grandissait bien trop vite à mon goût.

Alors, avec une voix plus rauque que je ne l'aurais voulu, avec un drôle de calme qui ne devait qu'annoncer la terrible tempête, j'articulai lentement, les pupilles attachées à ses rideaux fermés derrière lesquels il se cachait :






"Oui, je le veux."









********************************


J'ai mis pas mal de temps à écrire ce chapitre, parce que je voulais choisir les bons moments de la vie de Jungkook à relater. Il n'y a pas de moment Taekook dans le présent, j'espère que vous ne serez pas trop déçu.e.s pour cela (j'ai hésité à en mettre un mais j'aimais tellement la fin du chapitre ainsi que je ne voulais pas la gâcher en ajoutant une autre dernière scène) ^^'''

Evidemment il y a des indices (très importants) sur la suite. Je suis sûre que certain.es d'entre vous les auront trouvés ~ ;) Aussi, j'espère vraiment qu'il n'y a pas d'incohérences, j'ai vraiment fait attention, mais Vermilion est un scénario assez lourd à gérer, il peut m'arriver d'en faire, si c'est le cas, sachez que ces incohérences disparaîtront en réécriture. ^-^


Nous approchons des 500K... O.O Woah ♥ C'est absolument incroyable... Merci les amis, du fond du coeur, merci !!! ♥


Au fait, j'ai le Covid :') Je vais assez mal, donc j'espère quand même pouvoir écrire cette semaine (sachant que je vais devoir manquer une semaine entière de cours, croyez-moi quand vous êtes à la fac c'est pas du tout une joie de manquer autant de cours T-T) donc en soi j'aurai du temps pour écrire, mais 'faudra voir si mon état suit. Pour l'instant j'ai pu corriger ce chapitre mais avec beaucoup de difficulté, j'espère aller mieux assez vite. Je vous dis donc à dimanche prochain si tout va bien, prenez grand soin de vous et, vraiment les amis, mettez du gel et portez vos masques sur vos nez. Le virus circule vraiment partout, c'est affreux. Prenez soin de vous, à très vite ! ♥

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