Chapitre 15
Bonsoir les amis ! ^-^
Déjà le chapitre 15!! J'espère sincèrement qu'il vous plaira~ Et merci pour votre patience pour le retard d'un jour!!
Bonne lecture ! ♥
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Le sol était froid. Je le sentais sous mes fesses posées sur le parquet. Mes jambes étaient allongées, tendues sur le sol. J'étais assis au milieu de la pièce. Mes mains jointes reposaient entre mes cuisses écartées. Mes épaules étaient voûtées. Mon expression devait renvoyer un air parfois vide, parfois perdu.
Je regardai avec de grands yeux le néant qu'était mon environnement. Ma fenêtre était close, les stores et les rideaux également. Pas de lumière artificielle ; j'avais tout laissé éteint. Mes poignets me faisaient mal, comme si les blessures se réveillaient. J'y pensais trop. Je réveillai la douleur moi-même.
Depuis combien de temps est-ce que je regardais la fenêtre qui ne renvoyait aucune lumière ? Huit heures du matin ? Je m'étais levé tôt. J'avais voulu sortir de ma chambre, mais je n'avais plus envie de rien. Alors je m'étais assis là, à fixer le rien qu'était ma vie.
Car je savais à présent que ce sentiment de solitude était temporaire. Que ma vie n'allait pas ressembler à cela pour toujours. Et si jusque-là j'avais rêvé que mon existence prenne un sens, soudain, ce sens s'était révélé beaucoup trop intense.
Quand je rêvais que tout change, je pensais plutôt à une nouvelle demeure, au droit de sortir un peu plus, peut-être aussi à avoir un jour le droit de jeter un oeil derrière les frontières.
Mais finalement, la liberté que j'allais bientôt obtenir n'en était pas une. J'allais simplement devenir une poche de sang vivante. Ne l'avais-je pas toujours été ? Je n'en savais rien. Mais ce qui était sûr, c'était que je ne pensais pas un jour être menotté à quelqu'un.
Pourquoi moi ? Voilà la question qui tournait en boucle dans mon esprit. Pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre. Pourquoi, parmi tous ces humains et tous ces vampires, cela tombait sur moi ? J'étais né sous le signe de la malchance.
Une autre chose était encore plus sûre : j'étais bien plus important que ce que je croyais jusque-là. J'étais presque sûr qu'il y avait une pléthore de vampires qui me voulaient.
Non, pas seulement moi.
Jungkook et moi.
Je clos les paupières.
Je comprends à présent pourquoi vous me haïssez autant, monsieur Jungkook. Je vous le jure. Je vous comprends.
Je suis la pire chose qui vous soit arrivée.
"Jungkook..." Murmurai-je, les paupières recouvrant mes yeux, la bouche entrouverte.
Je me laissai tomber en arrière et m'allongeai au sol. Mes pupilles fixaient le plafond blanc, pourtant si sombre dans cette pièce où la lumière ne rentrait plus.
Jungkook, je suis terriblement désolé d'être venu au monde.
Vous devez tellement souffrir en ce moment même. Bien plus que moi. Je n'avais que l'esprit embrumé depuis que vous êtes parti, que le corps faible. Ce n'était que le début. Mais vous... Depuis combien de temps est-ce que vous supportez cette torture ?
Même quand je suis à ses côtés, Jungkook souffre. Peut-être même que m'avoir à ses côtés est pire. Peut-être qu'il préfère mourir que continuer à vivre ainsi, c'est pour cela qu'il m'a ramené chez madame.
Peut-être qu'il réfléchissait à me tuer. Si je meurs, pouvait-il survivre sans moi ? Le livre n'était pas précis sur ce point. Il est dit qu'on peut mourir si la séparation est trop longue, mais qu'en est-il du moment où j'allais mourir ?
Si Jungkook vit 300 ans et moi 150, que fera-t-il les 150 années restantes ? Allait-il vivre dans une souffrance et une torture sans nom pour le reste de sa vie ?
Je fronçai les sourcils.
Ce lien était une malédiction.
"Taehyung ?"
Je me redressai. Madame entra dans la chambre.
"Qu'est-ce que tu fais au sol ?
-Je... Rien."
Je me levai et époussetai mon pyjama. Elle me toisa un instant, surprise, puis observa mon visage.
"Va te laver et descends.
-Oui madame."
Elle referma la porte après son ordre. Pourtant sa voix n'avait pas été sèche.
Je crois qu'elle aussi se posait énormément de questions, comme moi.
Mon regard se dirigea vers mon collier, posé sur ma table de chevet. Je détournai les yeux et attrapai des vêtements propres, puis me dirigeai vers la salle de bain. Le miroir me renvoya un visage pâle.
Et une question inquiétante me vint à l'esprit.
Pourquoi est-ce que la personne qui m'a envoyé ce livre voulait que je sois au courant de mon lien avec Jungkook ?
**
Je commençai sérieusement à me demander à quoi tout cela rimait.
Recommencer à faire la vaisselle, le linge, laver le sol, passer l'aspirateur, cuisiner, me courber devant madame.
Elle m'avait manqué, certes. Mais la vie qu'elle m'offrait, non.
Je regardai l'aiguille près de la poche vide. Il fallait que je la remplisse avant qu'elle ne revienne des courses. Je soupirai.
Je n'en avais étrangement pas envie.
Je n'étais pas sûr que ce n'était qu'une sorte de petite rébellion. Non, je n'en avais profondément pas envie. Comme si quelque chose me retenait. Même lorsque j'attrapai l'aiguille, que je la plantai lentement dans ma peau et que je vis le sang s'échapper de mes veines.
Ma tête se mit à tourner. Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu à donner mon sang. Je regardai le tube qui aspirait le liquide rouge. Je secouai la tête. Mon ventre commençait déjà à me faire mal.
Je n'en pouvais plus d'être ainsi. Faible, fatigué, malade. Sans cesse. Tout cela avait commencé depuis que j'avais revu Jungkook.
Je retirai l'aiguille et observai la poche de sang.
Je sursautai lorsqu'une vision me vint à l'esprit ; celle du noiraud aux yeux vermillons, en train d'aspirer le sang présent dans la poche, ses yeux ancrés dans les miens.
"J-Jungkook..." Bégayai-je, tandis que je lâchai l'aiguille, qui pendait maintenant dans le vide.
Je tombai sur les fesses, ce qui me fit grimacer. Je m'étais fait mal. Je relevai les yeux, et la vision de Jungkook avait disparu.
Quelque chose naquit en moi, un sentiment que je ne saurais expliquer mais qui me fit me relever brusquement et arracher la poche. Je la fermai et voulus m'enfuir dans ma chambre, mais un bruit me figea sur place.
"Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ?" Grogna la voix de madame.
Je me tournai lentement et, comme si j'avais retrouvé mes esprits, toisai un instant la poche de sang dans mes mains.
Pourquoi est-ce que j'avais ça dans mes mains ?
"Remets-là à sa place."
J'obéis instantanément, perdu face à mon propre geste. J'accrochai la poche de sang là où elle devait être, et madame me regarda fixement, les sachets de courses dans les bras.
"Ça va ? Me demanda-t-elle.
-O-Oui." Soufflai-je.
Elle ne me lâcha pas des yeux lorsqu'elle déposa les paquets sur la table. Elle s'approcha de moi ensuite, et prit mon menton entre ses doigts pour me faire lever la tête.
"Tu es pâle.
-Je vais bien."
Ses yeux me sondaient.
"Pourquoi as-tu voulu prendre cette poche dans ta chambre ?"
Gêné, je secouai la tête, puis détournai le regard.
"Je s-sais pas, c'était... C'était étrange. Avouai-je.
-Je dois comprendre. Décris-moi ce qui s'est passé."
Je reniflai, puis regardai le sol.
"J'ai... J'ai rempli la poche, et j'ai eu l'impression q-que Jungkook était là. Qu'il... Qu'il buvait mon sang..."
Elle semblait aussi surprise qu'en colère. Je me pinçai les lèvres. Elle lâcha mon menton.
"Tu as imaginé qu'il buvait ton sang ?
-Oui.
-... Aide-moi à préparer le repas."
Je hochai la tête, confus. Madame semblait agacée. Je savais qu'elle rejetait le lien, elle aussi, comme tous les Jeon. Elle semblait avoir compris une chose qui m'échappait. Comme d'habitude. Parce que tout m'échappait. Parce qu'on ne me disait rien. Et maintenant que j'en savais plus sur le lien, j'avais la sensation de ne plus rien savoir du tout.
J'aidai madame à ranger les courses dans un silence pesant. La maison n'était éclairée que par les lumières artificielles, et ça me donnait vraiment mal aux yeux.
"Prépare le plat. On va faire un gratin, je crois que je ne t'ai jamais appris comment on fait.
-D'accord."
Ma maîtresse sortit les ingrédients nécessaires, puis les déposa sur la table. Je les regardai un à un.
Je crois que c'est à ce moment-là que j'aurais dû me douter de mon état. Quand mon regard s'est fixé sur le filet qui contenait les pommes de terre et que j'ai vu trouble.
"Taehyung ?
-Oui oui, je v-vous écoute."
Je m'appuyai sur la table et fis comme si je ne ressentais rien de différent. Madame ne fit pas de commentaire supplémentaire et continua de m'expliquer la recette. Quelques minutes s'écoulèrent ; je découpais des poivrons en petits dés.
Il y avait un poivron jaune, un poivron rouge et un poivron vert.
Je les fixai un instant, tandis qu'elle lavait les tomates.
Il y a un rouge, un jaune et un vert.
Je clignai des yeux plusieurs fois.
Un... Rouge, un jaune et un- Mais pourquoi je me répétai ça ? Il faut que je les découpe, pas que je définisse leur couleur. Je me remis à les couper. J'avais l'impression qu'il y avait un voile devant mes yeux. Que j'avais été poussé au fond de mon esprit. Je voyais ces poivrons mais je ne les voyais pas à la fois.
Leurs couleurs se confondaient. Madame aussi. Le couteau que je tenais tomba sur le sol. J'entendis une voix appeler mon nom.
Une douleur puissante s'insinua mesquinement le long de ma tête. Je voyais le plafond, maintenant.
Mes oreilles se bouchèrent.
C'est étrange, je me sentais tellement... Enfin, je ne sais pas. Je ne savais plus ce que j'étais censé ressentir.
"... -aehyung, c'est réel, c'est-..."
La voix était si lointaine, et moi j'étais si fatigué...
Une petite douleur à la joue. Une gifle ? Ca ne me fit rien du tout. Je voyais un visage déformé au-dessus de moi.
Je clos les paupières. Quand je les rouvris, je me retrouvai de nouveau dans la voiture de Jungkook.
Un rayon orangé caressait mon visage. Ça me réchauffait. La musique était la même que la dernière fois. Le vampire conduisait toujours. Je me redressai pour regarder par la fenêtre ; je voyais encore les frontières, mais cette fois elles étaient plus proches. Un peu plus proches.
"C'est les frontières. M'informa Jungkook.
-Oui, j-je sais, je... Où va-t-on ?"
Il me lança un coup d'oeil dans le rétroviseur.
"Je ne sais pas. La route est infinie."
Je hochai la tête. Je me rallongeai, et fixai le plafond de la voiture comme si je voyais le ciel au travers. C'était confus. Si je me concentrai bien, je pouvais voir le ciel.
"Monsieur Jungkook ?
-Mmh ?"
Mon bras droit pendait dans le vide. Il y avait du vent sur mon visage, pourtant toutes les fenêtres du véhicule étaient closes.
"Pourquoi vous me détestez ?"
J'attendis de longues minutes avant de voir Jungkook se retourner pour m'observer, comme s'il connaissait la route par coeur et qu'il n'avait pas besoin d'y prêter attention pour la suivre à la perfection.
"Tu devrais dormir."
Il posa sa main sur mes yeux. Immédiatement, un sentiment de bien-être me traversa. Il partait de là où il me touchait pour s'infiltrer et posséder le reste de mon corps.
Son doigt caressa mes paupières, puis il disparut.
Je me redressai en prenant une inspiration bruyante.
Immédiatement, je regardai autour de moi. Ma main était logée contre ma poitrine, mon souffle erratique se répercutait dans la pièce, mais j'étais seul. Je fronçai les sourcils et déglutis difficilement ; j'avais la bouche horriblement sèche.
Je remarquais que j'étais sur le canapé, et que madame avait collé un post-it sur la table basse. Je l'attrapai, mal en point, puis me mis à le lire.
Je suis partie chercher des médicaments. Ca ne peut pas continuer, tu es très malade. Prends une poche de glace dans le réfrigérateur, et repose-toi. On va revoir ton programme pour te faire moins travailler.
La dernière phrase me fit instantanément arquer les sourcils vers le bas. Revoir mon programme ? Je grimaçai en me redressant, posant mes pieds à plat au sol. Pourquoi est-ce que je me sentais ainsi... ?
Je regardai la porte d'entrée, au loin. Puis je secouai la tête.
Je m'étais évanoui... ? Oui, je crois que c'était ça, j'avais perdu connaissance. J'eus du mal à me remettre debout sur mes deux jambes, mais une fois que j'y arrivais, mes yeux furent de nouveau attirés vers la porte d'entrée. J'avais l'impression qu'on m'y poussait par derrière. Je posai ma paume de main sur mon front, confus, avant de secouer la tête de nouveau.
"Arrête..." Murmurai-je, sans trop savoir à qui je parlais.
Je me pris la tête dans les mains, cette fois.
Il fallait que je dorme. Encore. Quand bien même j'étais épuisé de dormir.
Je gravis les escaliers lentement, le post-it toujours collé dans ma main, et une fois dans ma chambre, je pris place sur mon lit. Je fixai le plafond. Encore. Je n'avais même pas mis de pyjama. Je n'avais aucune envie de dormir, mais je savais que mon corps en avait besoin.
Mon regard se fit attirer par un objet à ma gauche.
Mon collier.
Je l'attrapai et tendis mes bras au-dessus de moi pour l'observer. Je le tournai dans tous les sens, intrigué.
Le petit "Jeon" gravé à l'intérieur me fit un drôle d'effet. Le collier se rapprocha de mes yeux, et soudain, tout me revint en tête. Jungkook et ses doigts froids, son expression neutre, ses canines sur ma gorge, ses yeux vermillons, tout ce que j'avais vécu avec lui.
Je ne m'en étais pas rendu compte, mais le collier avait fini contre mon torse. Je le pressai contre moi.
Puis mon autre main où le post-it figurait se leva à son tour.
"On va revoir ton programme pour te faire moins travailler."
Je reniflai. La phrase m'envoyait des frissons désagréables. Travailler. Programme.
Et puis, pour la toute première fois de ma vie, je m'imaginais vivre en dehors des murs. Derrière les frontières. J'imaginais le moment précis où on me laisserait partir et découvrir la vie des autres humains. J'avais lu qu'ils pouvaient travailler mais faire ce qu'ils aimaient. Qu'ils pouvaient voyager. Qu'ils avaient tellement de place, d'espace, d'endroits à découvrir... Qu'ils avaient des cadeaux, aussi. Qu'ils fêtaient plein de choses.
Mais, à nouveau, m'imaginer loin de Jungkook me fit grimacer. Mon esprit m'imposait des souvenirs dans lesquels le noiraud me fixait. Je revis le moment même où il me tenait la mâchoire quand j'étais à quatre pattes sur mon lit.
Est-ce que je haïssais vraiment le vampire ?
Pourquoi est-ce que j'étais maintenant debout devant la porte de ma chambre ?
Mon coeur s'emballa. Mon collier était dans ma main, le post-it dans l'autre. C'était comme si on me tirait vers l'avant. Plus j'avançais, et mieux je me sentais.
J'ouvris la porte de ma chambre.
En bas, j'enfilai mes chaussures, machinalement. Je ne réalisais pas pourquoi je faisais ça mais plus je me laissais aller à ce que mon esprit me dictait, et mieux je me sentais. Lutter contre cette drôle de volonté était douloureux, plus que jamais.
J'étais à présent debout, au beau milieu du salon. Mon regard était encore attiré par cette porte d'entrée par laquelle madame allait revenir d'un instant à l'autre, signant ainsi la fin de ma liberté. J'allais rester enfermé ici pour le restant de mes jours, sans même que la lumière du jour ne pénètre la maison. Tout était barricadé. Je l'étais, moi aussi. Mais quand je cessais de réfléchir, de lutter, alors tout mon corps m'emportait vers la sortie.
Il y eut un dernier moment de réflexion, où je m'observai à travers le miroir du salon. Ma gorge pâle semblait m'appeler, je ne savais pourquoi. Et puis je compris.
Lentement, délicatement, hypnotisé par mes propres gestes, j'attachai mon collier autour de mon cou.
Une fois cela fait, j'eus l'impression que Jungkook était derrière moi, comme cette fois-là dans la salle de bain, et que ses doigts touchaient la peau de ma nuque. Qu'il faisait exprès de m'effleurer, encore et encore.
Et, enfin, j'arrêtai définitivement de penser.
Mes yeux étaient étrangement noirs. Je crois qu'ils étaient dilatés. Je quittai le miroir et m'approchai de la porte d'entrée. Ma main se posa sur la poignée.
J'hésitai encore. Il faisait nuit, ce que je faisais était horriblement dangereux.
Mais d'une certaine manière... J'aimais ça. J'aimais ressentir de l'adrénaline, du danger, je crois que j'aimais me sentir vivant.
Un sourire apaisé traversa le bas de mon visage, et j'ouvris brusquement la porte d'entrée. Je sortis de la maison et fermai derrière moi, avant de me figer de choc. J'étais dehors. Seul. Dans la nuit.
Je relevai le regard devant moi.
C'était tellement bon.
La nuit noire semblait m'accueillir avec chaleur. Elle m'ouvrait les bras. Je marchais déjà. Mon collier me réchauffait agréablement la gorge.
Je courais, maintenant. Je courais et je crus voir une illusion de la voiture de Jungkook, qui roulait le long de la route. Quand je ralentissais, elle s'arrêtait aussi, comme pour m'attendre. Dès que je l'atteignais de nouveau, elle accélérait et me faisait courir.
"Jungkook !" Criai-je.
Mes pas gagnèrent en rapidité. Ma marche devint une course lente, puis le vent m'emporta avec lui, c'était si agréable, il faisait froid mais je ne le sentais pas.
C'était la première fois de ma vie que je profitais de la nuit, seul. Cette heure du soir était si douce. J'avais la sensation que tout était possible.
Les lampadaires étaient orangés et m'éclairaient parfois, parfois pas. Je courais sans m'essouffler, la voiture de Jungkook semblait savoir où elle allait. Je tendais parfois la main vers elle, mais elle finissait toujours par m'attendre. Elle ne m'abandonnait jamais.
Je levai la tête en ralentissant.
Les étoiles étaient magnifiques. Les voir ici, en pleine nuit, plutôt qu'à travers ma fenêtre, rendait le tableau bien différent. J'avais l'impression que je pouvais les toucher.
La voiture de Jungkook klaxonna, et je fus ramené à la réalité.
"Pardon, je regardais les étoiles !" L'informai-je.
Il démarra de nouveau. Je me remis à marcher, les yeux clos. Je n'avais pas besoin de voir où la voiture allait ; je pouvais la sentir. Je savais où elle se dirigeait.
Je rentrais chez monsieur Jungkook. Enfin. Ca allait peut-être me prendre toute la nuit, mais peu importait. J'étais inépuisable. Je voulais courir le long de la route même si elle était infinie.
Mais mon bonheur commença à trembler lorsque deux fards m'éclairèrent dans le dos. Pourtant la voiture du noiraud était devant moi, pas derrière. Je fronçai les sourcils et me tournai. Un instant, les fards m'aveuglèrent et je grimaçai. Mais quand la voiture inconnue fut plus proche, j'écarquillai les yeux.
"M-Madame..."
Elle arborait une expression aussi inquiète que sévère. Elle s'arrêta devant moi, et ouvrit la fenêtre.
"Taehyung. Tu vas monter tout de suite dans cette voiture."
Comment... Comment savait-elle que j'étais ici ? Cela devait bien faire une demi-heure que je courrais. C'était impossible.
Mon regard se porta sur la voiture de Jungkook, qui était au bout de la rue, seule, à m'attendre.
"... Non."
Elle écarquilla les yeux.
"Je te demande pardon ?
-Je ne monterai pas dans votre voiture."
Son expression changea lentement, mais bien vite, je me remis à courir, en souriant face à la liberté dangereuse que je venais de prendre.
"Taehyung !!" Hurla-t-elle.
Madame redémarra la voiture. Inquiet, je courus plus vite encore, et la voiture de Jungkook avança.
Je fronçai les sourcils et, pour la première fois, découvris à quel point il était agréable de courir au maximum de sa vitesse. Je me concentrai et envoyai toute ma force dans mes jambes. Je fus surpris lorsque je trébuchai mais réussis à me rattraper avant de tomber, puis je recommençai à courir.
"Taehyung.
-Non ! Ce n'est pas le moment ! C'est toi qui me dis où aller !" Lui répondis-je.
Je voyais à la fois la réalité, et l'agréable illusion dans laquelle j'étais allongé dans sa voiture. Il secoua la tête.
"Tu n'échapperas pas à ma mère.
-Alors arrête-toi ! Arrête-toi et aide-moi !" Le suppliai-je.
Il soupira.
"Taehyung ! Arrête-toi tout de suite !" Grogna madame, tandis qu'elle sortait de la voiture.
Oh, non, allait-elle... Allait-elle utiliser sa vitesse inhumaine pour m'attraper ? Il fallait que je trouve une solution, et vite !
"Il n'y a pas de solution. Tu dois accepter ton destin.
-Ce n'est pas ça, mon destin !" Criai-je, essoufflé de ma course.
Le noiraud me lança un regard. J'eus envie de pleurer lorsque ses yeux s'ancrèrent dans les miens.
"Jungkook... Sanglotai-je.
-Je ne suis pas Jungkook. Je ne suis que le fruit de ton imagination."
Sa voix s'était dédoublée. Il parlait avec deux voix en même temps.
"Je ne comprends pas..."
Il me fit un sourire et, soudain, son visage changea. Je me figeai. Je ne courais plus.
Son... Son visage...
"Oh, m-mon dieu..." Pleurai-je.
Il avait plein de cicatrices. Son... Son visage était à la fois composé du sien, et du mien. Un oeil était à lui, l'autre à moi. Le nez était le mien, les lèvres étaient les siennes. Comme si on avait cousu des bouts de ma peau et de la sienne, ensemble.
"Qui... Qui es-tu... ?" Bégayai-je.
Je m'étais arrêté, alors madame réussit à m'attraper par derrière. Je me laissai tomber au sol.
Il eut un sourire.
"Je suis le Lien."
J'explosai en sanglots. Madame ferma les bras autour de moi tandis que je hurlai, que je me débattais dans tous les sens, en proie à une folie sans nom. Je criai de rage, de douleur.
"Tu n'as pas le droit de me faire ça !! Hurlai-je.
-Taehyung, seigneur, calme-toi !" S'inquiéta madame.
Elle me tint maintenant par les épaules, et essaya de me faire m'asseoir correctement au sol, mais j'étais intenable, inépuisable, je n'étais plus moi.
Ou alors j'étais justement moi pour la première fois.
"Taehyung, reprends... reprends le contrôle !" Balbutia madame, qui peinait à me retenir contre elle.
Mais une force soudaine m'aida à retourner la situation. Je me dégageai, me retournai vivement, et attrapai le poignet de madame. Elle cria et tomba à genoux au sol devant moi, tandis que je serrai son poignet entre mes doigts.
"Plus..."
Je m'approchai d'elle.
"Personne..."
Elle me fixa avec surprise et terreur, tandis que je collai presque mon front au sien.
"Plus personne... Ne me dira jamais ce que je dois faire..."
Ses yeux s'écarquillèrent. Elle se figea, en position de soumission. Je la relâchai et elle resta à genoux, abasourdie, immobile, les lèvres entrouvertes, tout en massant son poignet meurtri.
Et puis, enfin, la voiture de Jungkook disparut, et mon corps m'abandonna. Je tombai en avant, dans les bras de madame, et le noir m'accueillit.
**
"Je te dis qu'il... Qu'il m'a..."
Des sanglots. Je gardai les yeux clos un instant.
"Je n'ai r-rien pu faire Jungkook... Il hurlait ton nom... Il m'a brisé le poignet..."
Je retins une exclamation de surprise. J'étais allongé sur le sofa, encore. Madame semblait au téléphone dans une autre pièce, mais je l'entendais. J'étais encore à moitié dans le monde des songes. Mais je me concentrai.
"Ca ne servirait à rien de le punir, Jungkook, tu ne comprends pas, il... Il est plus fort que moi...
-...
-Je ne sais pas." Souffla-t-elle.
Un nouveau sanglot.
"Oui, pardon, je me calme. Je suis bouleversée. Je n'avais jamais senti une telle force émaner d'un humain, ça me... Ça me terrifie..." Murmura-t-elle.
Une telle force émaner d'un humain... Oui, tout me revenait. Je fronçai les sourcils, les yeux toujours clos. J'avais couru dans la nuit, en poursuivant une illusion. J'avais blessé madame. Oh, seigneur, je... Je l'avais blessée.
Je sentais moi aussi un sanglot dans ma gorge. Je n'avais pas été conscient, je crois... Je me souviens à peine de ce que j'avais fait. Comme si ma vision avait été rouge pendant un instant.
"Heureusement que tu m'as envoyé un message pour me dire où il était, s-sinon... Qui sait ce qui serait arrivé, en pleine nuit... ?
-...
-D'accord, parles-en à Jin. Et je me disais que-
-...
-Oui, c'est ce que j'allais dire. Il ne faut surtout pas qu'il le sache, sinon tout ce qu'il imaginait se confirmera, et tu ne pourras plus jamais t'échapper."
Je ne comprenais plus grand chose à leur conversation, mais en entendant madame revenir dans le salon, je clos de nouveau les paupières que j'avais tenté d'ouvrir un peu.
"Tout ça ne sert à rien Jungkook... Si tu voyais son état..."
Je tentai de ne pas bouger. J'étais horriblement intrigué par ce que Jungkook pouvait bien répondre et, d'un autre côté, j'avais honte de ma réaction violente de ce soir.
"Oui. D'accord."
Elle renifla de nouveau. Je culpabilisais monstrueusement.
"Nourris-toi s'il te plaît, même si c'est ignoble. Plus tu as soif et plus il sera en proie à te rejoindre. Force-toi. C'est toi qui veux combattre le lien, tu dois en assumer les conséquences." Soupira-t-elle, exténuée.
Je l'entendis s'asseoir sur une chaise.
"Prends soin de toi."
Elle raccrocha.
"Je sais que tu ne dors plus."
Je déglutis, puis ouvris les yeux. Je me redressai en position assise, puis lançai un regard à madame. Immédiatement, mes yeux tombèrent sur son poignet. Elle avait un bandage. Je baissai la tête et observai mes mains.
"Jungkook finira par revenir. C'est un imbécile de t'avoir amené ici."
Mes yeux s'ancrèrent dans les siens.
"Madame... Je suis désolé...
-Ce n'est pas ta faute. Je sais que tu n'as pas voulu me faire ça."
Je hochai la tête. Elle se passa une main dans les cheveux.
"Je ne pensais pas qu'un jour ma famille volerait ainsi en éclats à cause d'un humain. Tout a voltigé quand tu es arrivé, à tes sept ans.
-J'aurais voulu que ça n'arrive pas non plus. Affirmai-je.
-Je sais."
Elle soupira de nouveau.
"C'est une malédiction. Murmurai-je.
-... Ce n'est pas ce que je crois."
Surpris, je la regardai vivement. Elle me fixa.
"Bien utilisé, le lien qui vous unit pourrait changer les choses. Dans un sens ou dans un autre."
J'étais pendu à ses lèvres.
"Taehyung. Il y a des gens qui veulent s'approprier ce lien. Des gens malveillants aux yeux de certains, bienveillants pour d'autres. Il faut que tu fasses attention à qui tu fais confiance quand tu retourneras auprès de Jungkook.
-Mais il veut combattre le li-
-Il se fait des idées. Je ne lui donne que quelques jours avant qu'il ne revienne ici, ne serait-ce que pour te voir une seule seconde."
Un frisson me parcourut l'échine.
"Comment est-ce que je p-peux... Combattre ces gens qui me veulent du mal... ?"
Madame me toisa avec détermination.
"Ne laisse plus jamais personne te dire quoi faire."
Comme un écho à la phrase que j'avais prononcée plus tôt, lorsque je lui tenais le poignet, madame avait prononcé ces mots avec une certaine intensité. Comme si elle venait de réaliser quelque chose.
Elle se leva et s'approcha de moi.
Ses mains se posèrent sur mes joues.
"Je suis fière de toi.
-Non... Je v-vous ai brisé le-
-Peu importe. Tu as rivalisé contre moi."
Elle caressa mes pomettes. Elle avait le regard dur, mais sincère.
"Tu es fort Taehyung. Et je sais que tu vas protéger mon fils. Et même si Jungkook rejette ça, un jour, ce sera à votre tour de le faire. Il n'y a que vous qui puissiez y arriver.
-Arriver à... Quoi ?"
Elle eut des yeux plus sombres encore.
"... A sauver notre espèce."
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Hehe, Taehyung qui commence à ressentir fortement le manque, et quelques petits indices de la part de madame Jeon... ;)
A votre avis, Jungkook reviendra-t-il chercher Taehyung de lui-même ? ^-^
Je vous souhaite un bon week-end les amis, prenez grand soin de vous, et à vendredi prochain pour la suite! Gros gros bisouuus ♥♥
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