Chapitre 32
Le soleil se lève et se couche jour après jour, emmenant chaque jour avec lui un petit morceau de la joie de vivre de Faolàn. Plus le temps passe, plus son corps devient léthargique. Il ne parle plus, refuse de manger, garde les yeux fixés au plafond et le visage vide. Sa jambe cicatrise bien mais il s'en fout. Il s'en fout des regards inquiets qu'on lui jette, il s'en fout de Pranan qui l'engueule, il s'en fout de la douleur et du temps qui passe. Il veut que ça se finisse. Il se sent drainé. Creux. De temps en temps, Freyja s'installe à côté de lui et essaie de lui parler. Il n'écoute pas ce qu'elle dit. Il attend qu'elle soupire et se relève avant de sortir à pas lents.
Le jeune homme se mordille la lèvre lorsqu'il fait de plus en plus sombre dans sa chambre. Il n'allume pas de bougie et n'appelle personne pour lui allumer un feu. Le noir lui fait du bien, l'empêche de regarder le moignon où était accroché sa jambe et l'empêche de conter les planches de bois au plafond.
Il entend un craquement. Quelqu'un rentre dans la pièce. Il ne tourne pas la tête mais sent de la lumière l'éblouir. Il grimace intérieurement. Il voulait être seul. Lorsqu'il sent quelqu'un s'asseoir à côté de lui, il sait immédiatement qu'il s'agit de Freyja. Elle lui passe une main sur le front et il l'entend pousser un soupir. Elle pose sa bougie et se penche un peu en avant. Il sent ses cheveux chatouiller son cou. Il ne réagit pas.
«Faolàn.», murmure Freyja, «Il faut que tu manges.»
Il ne répond pas et la jeune femme ferme les yeux un instant avant de les rouvrir.
«Je sais que tu m'as entendu.», grogne-t-elle, « Il faut vraiment que tu manges. Ça ne sert à rien de te laisser mourir à petit feu.»
Le jeune homme serre les dents. C'est pourtant exactement ce que j'ai prévu de faire. Il sent la jeune femme se pencher un peu plus en avant, son poids appuie doucement contre ses côtes. Elle se place de telle sorte que ses yeux puissent regarder dans les siens, la lumière jaune de la bougie lui donnant des reflets rouges dans les yeux et les cheveux. Faolàn ne bouge pas d'un millimètre et la jeune femme pose ses mains de chaque côté de sa tête. Elle scrute son visage quelques secondes.
«Crétin, tu ne vas quand même pas te laisser abattre comme ça ! »
Faolàn serre les poings mais ne répond rien. Par ça ? Tu crois que c'est facile ? Devant son manque de réponse, Freyja grogne et s'avance jusqu'à ce que son nez touche presque le sien.
« Faolàn. Tu as survécu la torture et l'esclavage, tu as survécu la violence et la guerre et tu veux baisser les bras maintenant ? Après avoir échappé à la mort tellement de fois ? »
Cette fois, il pousse un rire sarcastique et lève un peu les yeux au ciel.
« Échapper est un bien grand mot. », dit-il et Freyja sent la colère monter en elle. Des jours et des jours qu'elle tente de refaire venir le jeune homme à lui et que les seules fois qu'il daigne lui répondre c'est pour lui renvoyer son aide en pleine figure.
« Quel dommage que tu penses comme ça. », rétorque-t-elle sur le même ton, « Devrais-je alors dire à ton maître, que lorsqu'il pourra te récupérer, ce sera dans un état déjà tellement lamentable qu'il n'aura plus à faire grand-chose ? »
Elle a parfaitement conscience de la cruauté de ses mots mais la gentillesse ne semble rien faire à Faolàn et tout ce qu'elle souhaite, c'est qu'il relève sa tête de mule et arrête de jouer les cadavres. Elle sent le corps de Faolàn se tendre sous le sien. Alors Fao, l'évocation du maître attire ton attention ?
« Comment ça, lorsqu'il pourra me récupérer ? »
Feignant l'ignorance, la jeune femme sourit innocemment.
« Ah mais si tu m'avais écouté les dernières fois... Tu saurais. Mais je n'aime pas me répéter. »
Faolàn hésite un instant. Il ne veut pas quitter son état tranquille de transe mais ce que Freyja dit... L'idée de revenir chez le maître... Il grogne et se relève en s'appuyant sur ses coudes tandis que la jeune femme recule un peu en le regardant durement.
« Freyja, qu'est-ce que ça signifie, lorsque le maître pourra me récupérer ? »
« Ça signifie qu'un esclave immobile qui a décidé de se laisser mourir ne me serre à rien. », siffle-t-elle et il se fige. Son cœur accélère un peu. Elle n'est pas sérieuse ? Il sent ses poings serrés se mètrent à trembler légèrement.
« Je pensais que tu ne me considérais pas comme ça. », finit-il par cracher, « Maîtresse. »
Ils se regardent quelques secondes dans les yeux puis le regard de Freyja s'adoucit et elle secoue un peu la tête.
« Tu as raison. Je ne te considère pas comme un esclave, Faolàn. Je suis désolée, je ne voulais pas dire des mots pareils. »
Il hoche seulement la tête.
« Mais je suis sérieuse pour ton maître », elle le sent se tendre et prêt à dire quelque chose mais le coupe d'un geste de main, « Attend, laisse-moi finir. Je ne veux pas dire que je vais te revendre et je ne vais certainement pas te livrer à ce monstre, mais Faolàn, il te veut. »
Le jeune homme écarquille les yeux.
« Il me veut ? »
Freyja se passe une main fatiguée sur le visage et hoche la tête à son tour.
« Avant ton opération, je me suis perdue dans les bois et j'ai fait une rencontre... inattendue. »
« Tu es tombé sur le maître ?! », s'exclame Faolàn, le visage pâle. La jeune femme fait non de la tête.
« Je suis tombée sur Vila... Vera. Elle était là pour me transmettre le message que son père et elle était prêt à tout pour te récupérer. Je ne sais d'ailleurs toujours pas comment elle a pu me trouver, étant donné que je m'étais perdue dans la forêt. »
Faolàn grogne.
« Vera t'as dit ça ? Est-ce qu'elle t'as dit autre chose ? »
La jeune femme hausse les épaules.
« Plus ou moins qu'elle me voulait morte et que si je ne faisais pas attention, je risquais de me retrouver vendue. »
La colère devient visible sur le visage de Faolàn qui fronce les sourcils.
« Cette chienne. », crache-t-il, « Comment ose-t-elle dire des choses pareils ? C'est elle qui mériterait tout ces châtiments. »
Freyja rit durement.
« Oh oui. », dit-elle, la voix presque cruelle, se racle la gorge et se reprend, « Mais Faolàn, je m'inquiète pour toi. Je ne veux pas que tu retombes aux mains de ces monstres. »
Le jeune homme lui fait un sourire en coin, un peu fatigué.
« C'est gentil de t'inquiéter, gamine, mais c'est pas ce qui va m'aider. »
Elle lève les yeux au ciel.
« Bon sang, est-ce que tu pourrais une fois dans ta vie faire un effort et ne pas me parler comme à une enfant stupide ! », s'exclame-t-elle. Quelques instants surpris, un rire finit par lui échapper et Freyja le fixe ébahie. Faolàn a rit. Bordel, ça fait des jours qu'il ne parlait même plus !
« Me regarde pas comme ça », maugrée-t-il finalement, « ça me met mal à l'aise. »
Freyja secoue lentement la tête et rit doucement à son tour.
« Tu es un imbécile, Faolàn. » Ensuite, elle fouille dans une poche . « Est-ce que tu es prêt à revenir parmi les vivants en mangeant ce morceau de pain. »
Le visage du jeune homme redevient plus distant et il hésite un peu. Est-ce qu'il était prêt ? Définitivement pas. Mais l'idée du maître... Que celui-ci viennent le chercher et qu'il soit totalement sans défense, comme un nouveau né... D'un geste rapide, il attrape le pain et se le met en bouche.
« Eh ! Doucement ! Tu vas t'étouffer ! », s'exclame Freyja qui ne s'attendait pas à une réaction pareille. Faolàn soulève un sourcil.
« Si tu veux que j'aille mieux, va falloir arrêter de t'occuper de moi comme d'un enfant. », dit-il.
« Très bien », rétorque Freyja, « A condition que tu arrêtes de te comporter comme un gamin. »
Il s'arrête un instant dans son mouvement.
« Moi ? Je me comporte comme un gamin ? »
Freyja sourit de toutes ses dents.
« Pire. », répond-t-elle. Il fronce les sourcils et elle décide de s'expliquer avant de s'être raclée la gorge. « Tu te complais dans un désespoir égoïste, tu boudes quand on essaie de te faire remarquer quelque chose... Va falloir changer quelques détails. Et en attendant, je vais te traiter comme le gamin que tu es. »
Faolàn grogne et mâche le pain. Il se laisse tomber en arrière et regarde par la fenêtre en faisant un peu la moue. Finalement, il tourne ses yeux vers les siens et sourit faiblement.
« D'accord. », dit-il, « Je vais faire des efforts. »
Freyja réfléchit un instant avant de dire :
« Mai promets-moi que tu ne vas pas essayer de te laisser mourir. Que tu vas essayer de te remettre sur pied. »
Le visage de Faolàn se durcit un peu.
« Me remettre sur pied. C'est bien l'expression qu'il fallait. »
« Faolàn. »
Il grogne.
« C'est plus facile à dire qu'à faire ! »
« Je veux juste que tu me promettes que tu vas au moins essayer. »
Il se redresse, l'observe un instant. Finalement, il hoche la tête.
« D'accord. »
« Jure-le. »
Faolàn lève les yeux au ciel.
« Et après c'est moi, le gamin. », grommelle-t-il et rajoute sous le regard meurtrier de Freyja, « Je le jure. » Il est récompensé par un énorme sourire. Faolàn ne sait pas vraiment quoi penser. Cette gamine est insupportable et à des moments comme celui-ci, il aurait bien envie de fermer cette jolie petite bouche qui le fait tourner en bourrique. Il se sent un peu sourire. Qu'est-ce que je ferai sans elle ? Il la voit réfléchir à quelque chose puis se relever d'un coup brusque et taper dans ses mains.
« Bien ! », s'exclame-t-elle, « Il est temps de te faire prendre l'air ! »
Faolàn grogne.
« Et comment t'as prévu de faire ça ? Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne peux pas marcher parce qu'il me manque une putain de jambe. »
Freyja plaque ses mains contre ses hanches et lui lance un regard dur.
« Ne sois pas aussi vulgaire. », siffle-t-elle puis ajoute : « Pranan va te porter. »
Pranan va me porter ? Faolàn sent sa fierté en prendre un coup et il grimace. Freyja fronce les sourcils.
« Oh, tu peux évidemment rester ici... Mais alors ne joue pas les victimes si tu ne bouges pas de ce lit pendant des semaines. »
Le jeune homme soupire. A l'idée de sortir, son cœur accélère – des jours et des jours qu'il n'a pas bougé et la menace de devoir continuer des semaines comme ça ... Il secoue la tête.
« Appelle Pranan. »
Freyja s'exécute et peu de temps après, Pranan débarque dans la petite chambre. Il jette un regard rapide à son ami puis d'un air dramatique s'écrit :
« Oh bon sang, tu es en vie ! »
Faolàn lève les yeux au ciel.
« Pas la peine de faire tout ce cinéma, Pran, sors-moi seulement d'ici. »
« C'est tout ce que t'as à me dire ? », grommelle Pranan, « Tu m'insultes et tu m'engueules durant des heures et après tu veux que je porte ta pauvre personne à l'extérieur ? Je ne suis pas serviteur. »
Bordel, pourquoi est-ce qu'ils sont tous aussi lourds !
« Pranan, je m'excuse. »
Pranan fait un pas en avant.
« Plus de sincérité, Fao, où tu peux te démerder pour sortir d'ici, tu t'excuses pourquoi ? »
Durant quelques secondes, Faolàn regrette sa décision d'avoir parlé à Freyja, regrette d'avoir accepté de sortir de sa transe. Mais l'idée d'enfin pouvoir sortir à l'extérieur, même s'il fait nuit et frais, l'empêche de se retourner et d'ignorer les deux personnes dans sa chambre qui ne le laissent pas se complaire dans son désespoir. Il inspire profondément.
« Je m'excuse, Pranan, d'avoir été si peu respectueux avec ta personne alors même que tu essayais seulement de m'aider. »
« C'est déjà mieux. », répond son ami en souriant et d'un geste rapide, le sort du lit.
Bonjour, bonsoir !
Encore un petit chapitre qui se termine... Vous l'avez sans doute remarqués, il s'agit d'un chapitre de transition et j'ai mis une éternité, une é-ter-nité à l'écrire ! La suite devrait être plus intéressante.
A nouveau, je suis désolée d'encore un peu avancer dans le temps, mais décrire chaque jour dans cette histoire reviendrait à écrire l'équivalent en pages d'une encyclopédie.
Et puis j'ai envie de passer à quelque chose d'un peu léger! Les prochains chapitres tourneront plus autour des relations entre les personnages qu'autres choses même si les catastrophes se préparent et s'approchent...
Encore merci à tout ceux qui m'ont laissé un petit message de support dans mon dernier chapitre ♥ Vous êtes super les cocos, et si je continue à écrire Vénus, c'est bien pour vous.
La bise ♥
Blondouille (et puis zut, pourquoi est-ce qu'il fait froid d'un coup)
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