Chapitre 17
La porte d'entrée s'ouvre et le bruit de chaînes qui claquent entre elles s'intensifie. Le temps semble s'arrêter un instant lorsque deux hommes pénètrent dans la petite pièce. L'un a une tête de grosse brute, crâne rasée, petit, massif, les lèvres serrées. A côté de lui, l'esclave enchaîné. Le corps tendu, grands, les yeux fixant ses pieds nus, les cheveux blonds lui voilant le front, le torse dénudé strié de cicatrices. Freyja ne distingue pas son visage. Elle tourne son regard vers le maître, dent serrée et le regard dur. L'arrogance de cet homme lui donne envie de lui cracher au visage. Il ne vaut pas mieux qu'elle. Son argent ne le rend pas supérieur.
"Alors ?", dit-elle de la voix la plus dédaigneuse possible, "Le prix ?"
Elle sent l'esclave relever la tête. Elle ne le regarde pas. Freyja garde les yeux rivés sur l'être abjecte en face d'elle qui se met à sourire doucement. Cruellement. Il plie lentement ses mains entre elle et se racle la gorge.
"Bien. J'ai beaucoup réfléchis - comme promis, tu ne devras effectuer ni un acte violent ou sexuel... Je ne veux pas faire de mal à un petit être aussi innocent. Le prix que je souhaite est que tu prennes quelques... Décisions."
La façade dure de Freyja se casse la figure un instant.
"Des décisions ?"
Ça ne fait pas sens. Voulait-il qu'elle choisisse ses repas du mois prochain ? Les invités pour son banquet ? Le maître pousse un petit rire cruel.
"Oui. Vois-tu... Il y a toujours ce jour du mois où les villageois amènent leurs criminels et esclaves vers moi pour que je les juge... Mais c'est tellement de travail ! Je souhaite que tu m'assistes."
Un mauvais pressentiment prend la jeune femme aux tripes.
"Que devrais-je faire ?"
"Oh, pas grand chose. Les différentes sentences sont déjà décidées et il n'est jamais difficile de voir le coupable. Cependant... Il y a ces détails ennuyants. "
Le mauvais pressentiment s'intensifie.
"Quels détails ?"
Il sourit de toutes ses dents.
"Les détails des sentences, voyons. Quelle main il faut couper au voleur. Choisir qui doit être exécuté dans une situation où il y a crime à deux. Choisir où appliquer le fer rouge à un esclave un peu... Rebel."
Freyja pâlit tandis qu'elle sent son coeur rater un mouvement lorsque l'étendu de l'annonce la frappe en pleine figure. Elle recule d'un pas et secoue la tête.
"Je ne peux pas faire ça.", dit-elle d'une voix étouffée, "Je ne peux pas. "
Le maître prend un air désolée.
"Tu n'as pas le choix, ma petite chérie. Si tu ne le fais pas... C'est toi qui sera jugée pour malhonnêteté car tu n'auras pas rempli ta part du contrat et qui sait ce qu'il adviendra de ces deux pauvres, pauvres esclaves qui me reviendront alors... Tu dois seulement prononcer quelques toutes petites paroles."
Freyja sent son coeur se briser un peu. Elle n'a pas le choix. Si elle refuse, elle risque la torture ainsi que la mise à mort de Pranan et de l'autre esclave - morts qu'elle auraient sur la conscience. Au moins, lors des jugements.... Il s'agissait d'homme coupables. Pourtant... Aucun être, aucun homme ne méritait les souffrances infligées. Elle déglutit. Le maître la fixe.
"Alors ? Quel est ton choix ?", susurre-t-il. Elle serre les poings. Elle jette un regard à Pranan. Il est si blanc qu'il en est presque gris, ayant parfaitement conscience que sa vie est en jeu. Freyja ferme les yeux un instant et inspire profondément. Ce qu'elle va faire est monstrueux.
"J'accepte."
Elle ne peux pas voir souffrir son frère. Le sourire du maître s'allonge.
"Bien. Nous nous verrons donc dans quelques semaines. Ce fut un plaisir de faire des affaires avec toi, ma chérie." Freyja sent un frisson de dégoût la traverser. L'homme fait un signe à la brute de défaire l'esclave qui a à nouveau baissé la tête. Les chaînes tombent dans un fracas au sol et le jeune homme chancelle un peu sous les poids qui tombent soudainement de son corps.
"Il est temps pour moi de repartir. Un dernier conseil : prenez garde, le loup mord." D'un geste d'adieu et d'un pas arrogant, l'homme et la brute sortent de la maison. Dans un silence de mort, la charrette repart en raclant le sol.
A l'intérieur, Freyja fixe l'esclave. Pranan est comme figé tandis qu' Allande s'assoit. La jeune femme s'avance vers l'homme à la tête baissée. Elle sent son corps se tendre à son approche mais elle ne recule pas.
"Comment t'appelles-tu?", murmure la jeune femme doucement en lui posant une main sur l'épaule.
Brusquement, il relève la tête.
Ses yeux bleus la fixent droits dans les siens.
Ses lèvres tremblent un peu.
Son visage se tord d'incrédulité.
Freyja se fige. L'homme blond. Faolàn. Il avait moins de cicatrices dans ses souvenirs et un rictus moins dur mais les yeux de l'homme en face d'elle le rendaient méconnaissable. Tout d'un coup, son visage se tord rageusement et il secoue l'épaule sur laquelle était posée sa main.
"Je vous prie de ne pas me toucher, maîtresse."
La jeune femme hésite, surprise par la réaction inattendue , fronce les sourcils, ouvre la bouche, la referme.
"Que-"
"Je ne souhaite pas être touché par quelqu'un comme vous."
"Quelqu'un comme moi ?", dit Freyja d'une voix incrédule, tentant de comprendre la réaction violente de l'homme. Elle s'avance un peu. L'esclave tord alors son visage en une grimace effrayante, les effroyables cicatrices sur ses joues se tordant de manière étrange. Freyja pâlit et recule à nouveau.
"Je te fais peur, hein?", crache l'homme. Brusquement, la chaise de l'homme racle le sol et le guérisseur se lève.
"Ça suffit ! N'oublie pas ce que tu es, gamin ! Freyja a beau te parler comme avec tout le monde, tu es un esclave et même, esclave ou non, tu n'as aucun droit de lui parler sur ce ton !" , tonne-t-il d'une voix forte, frappant son poing sur la table. Freyja déglutit mais Faolàn ne semble pas apeurer le moins du monde.
"Qu'elle me remette à ma place alors", crache-t-il. Freyja inspire profondément et secoue la tête, presque désolée. Lorsqu'elle parle, son ton est las, presque ennuyée alors qu'à l'intérieur d'elle-même, son coeur bat la chamade et ses pensées tourbillonnent.
"Je ne suis pas ici pour avoir un conflit et je n'ai nullement envie de sévir. Je ne considère aucun homme comme esclave et je n'ai aucun droit d'infliger ma volonté a qui que ce soit. C'est pourquoi je te prie... Quoique j'ai bien pu te faire pour te faire réagir comme ça, de bien vouloir te calmer un peu pendant que je sors avec Pranan et le chien - Allande, si tu voulais bien servir à boire ?"
Sans un mot de plus, la jeune femme se dirige vers la sortie, le chiot sur ses pas. Pranan hésite un instant puis la suit. Il regarde Faolàn dans les yeux et secoue un peu la tête, incapable de comprendre la réaction de son ami.
~***~
"Installe-toi"
D'abord hésitant, Faolàn s'approche de la table où Allande lui fait signe de s'assoir. Ça fait longtemps qu'il n'était plus assis sur une chaise. Le jeune homme s'installe et ferme les yeux un instant pendant qu' Allande lui verse un verre de vin.
"Pourquoi as-tu réagi comme ça, tout à l'heure ?", demande le guérisseur tandis que le corps de Faolàn se tend douloureusement.
Freyja.
Freyja.
Les souvenirs qu'il avait étranglés, les images d'elle qu'il avait enfouies, tout était revenu le moment où il avait posé les yeux sur cette jeune femme. Elle lui ressemblait tellement que s'en était presque angoissant. Les mêmes yeux. La même voix. Les mêmes cheveux. La même bouche. La même odeur. Et pourtant... Ça ne pouvait être elle. Freyja était morte. Il s'était répété cette phrase dans sa tête encore et encore lorsqu'elle avait posé ses yeux puis sa main sur lui, que son coeur avait accéléré et qu'il avait cru défaillir. Elle n'était pas Freyja, c'est tout ce dont il devait se souvenir, il ne pouvait pas laisser tomber toutes ses barrières qu'il avait construite, ses protections, à cause d'une stupide ressemblance.
De plus, s'il s'agissait d'elle, elle l'aurait reconnu. Elle aurait réagi différemment - cette femme l'avait seulement regardé avec gentillesse et compréhension. Il grogne.
"Faolàn ?"
Allande interrompt le flux de ses pensées et Faolàn fronce les sourcils. Il observe le verre devant lui, incapable de ses souvenir de la question de l'homme et avale une gorgée. L'alcool mi-amère mi-sucré lui brûle doucement la gorge et Faolàn sent son corps relaxer. Bordel qu'est-ce que c'est bon.
"Faolàn, pourquoi tu as parlé à Freyja de la sorte ?"
Allande lui parle comme à un gamin et Faolàn grince des dents. La jeune femme s'appelait aussi Freyja - le destin n'en avait-il pas marre de jouer avec sa vie ? Et comment Allande connait-il son prénom ? Il ne se souvient pas l'avoir dit. Ignorant la dernière question dans sa tête, il ouvre la bouche pour parler.
"Je n'aime pas qu'on me touche.", répond-t-il d'une voix froide, sans explications de plus. Le guérisseur ne bronche pas.
"Ce n'est pas une raison. Elle voulait simplement t'aider, j'espère que tu en as conscience."
Faolàn lève les yeux au ciel intérieurement - cet homme se prenait apparemment pour la morale sur patte, un truc dans le genre.
"Lorsqu'elle rentre, je veux que tu t'excuses."
Faolàn grogne.
"Sinon quoi ?"
"Sinon je fais de ta vie un enfer. Tu n'es qu'un esclave, tu n'as pas à me parler comme ça et ton arrogance me tape déjà sur les nerfs. Freyja a déjà assez de soucis, alors tu serre les fesses, gamin, et tu t'excuses ou tu peux commencer à vivre dehors au pain et à l'eau.", siffle Allande. Faolàn serre les poings. Cet homme n'en avait-il pas marre de lui répéter qu'il valait moins que lui ? Sans un mot, il avale le reste de son verre. Allande le regarde durement mais n'ajoute rien jusqu'au moment où Freyja et Pranan reviennent à l'intérieur, lui le bras autour d'elle, le chiot leur tournant autour, excité.
Quelque chose s'empare du coeur de Faolàn tandis que ses yeux semblent incapable de regarder le couple en face de lui.
Ce n'est pas Freyja.
Ce n'est pas Freyja.
Ce. N'est. Pas. Freyja.
Il est incapable de faire disparaître la jalousie qui le ronge, jalousie accompagnée de remords et souvenirs. Il serre les dents. Il ne veut pas de ces putains de sentiments ! Il les avait écartés durant des mois, il les ignorerait des siècles de plus s'il le fallait. Faolàn se lève de sa chaise et regarde Freyja dans les yeux, la mine stoïque, le regard froid tandis qu'il presse les mots à travers ses lèvres.
"Maîtresse, puis-je sortir à mon tour ?", dit-il d'un ton provocateur.
Freyja cesse de rire. Ignorant la provocation, elle réfléchit un instant. Ensuite, elle hoche doucement la tête, faisant danser ses boucles brunes.
"Oui. Mais je t'accompagne - je ne veux pas que tu t'enfuis à la première occasion venue et j'ai des questions à te poser."
Rebonjour, bonjour ...
Faolàn est de retour !
Enfin ! Même s'il est dans une situation un peu nulle. Mais il est là et il est avec Freyja et on va voir ce que ça donne.
J'ai beaucoup hésité à publier ce chapitre aujourd'hui, je me suis dit que faire durer le suspense, c'était amusant et que je prendrai le temps de faire un chapitre parfait... Mais ça aurait été trop cruel alors tataa cadeau pour vous ❤
Bisous, bisous les cocos,
Blondouille (très, très inspirée)
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro