Chapitre 15
Le soleil se lève doucement et illumine le visage de Freyja qui ouvre lentement les yeux. Encore un peu sonnée par les effluves de sommeil qui lui brouille la cervelle, elle s'étire puis se lève en titubant un peu, avançant vers la cuisine où deux hommes sont installés à table, en pleine discussion. Elle reconnaît Allande, puis son regard tombe sur le deuxième. Dans sa tête, le puzzle des événements des jours précédents se remet en place et le coeur de la jeune fille accélère tandis qu'un sourire lui soulève les lèvres.
"Bonjour.", dit-elle, la voix un peu rauque. Les deux tournent la tête et lui sourient à son tour.
"Bonjour, petite", répond Allande, "Bien dormi?"
Elle hoche la tête sans répondre, les yeux fixés sur Pranan qui la regarde aussi. Il se lève puis avance vers elle et pose ses mains sur ses épaules. Ses yeux verts caresse son visage un instant puis il la sert d'un coup brusque dans ses bras. Fort. Freyja hoquette de surprise puis rit un peu et se laisse faire. Pranan ferme les yeux.
"Si j'avais su... Que j'avais une soeur... Que je me réveillerai un matin, libre..." Il tremble un peu et la jeune femme sent son sourire faiblir tandis qu'elle entoure sa taille de ses bras.
"Ça n'a pas du être facile... Devoir servir un... un maître aussi abjecte."
Pranan soupire.
"Si tu savais...", murmure-t-il, ne parlant pas que du maître mais aussi de tout le reste, tout le reste que Freyja ignore, innocente et insouciante. Une boule se forme dans sa gorge. Oh oui, si elle savait.
L'aurait-elle sauvé si elle savait qu'il avait tué ? Qu'il avait tranché la gorge à des enfants qui avaient levés leurs yeux larmoyant vers lui ?
L'aurait-elle cherché si elle savait qu'il avait passé des heures à coucher avec des femmes quelconques, prisonnières, volontaires, mariées ?
Si elle connaissait l'étendu de ses péchés ?
Sûrement pas. Il ne se serait même pas sauvé lui-même, si seulement Vam l'avait envoyé dans l'au-delà avec le reste de son village... Pranan déglutit. Il ne sait pas s'il peut supporter les regards heureux et fiers que lui jette Freyja. Il ne les mérite pas. Mais bon sang qu'est-ce que ça lui fait du bien de ne pas être considéré le faible ou le méchant !
Le marché conclus avec Allande n'est même pas nécessaire - il ne veut pas être celui qui révèle la vérité de son passé à Freyja.
"Pranan ?", demande la voix de la jeune femme et il sursaute, sorti de ses pensées.
"Oui ?"
Ils s'éloignent un peu l'un de l'autre. Allande a quitté la pièce. Freyja sourit à nouveau.
"J'aimerai m'asseoir un peu."
Il hoche la tête et la soutient légèrement lorsqu'elle avance vers la table. Freyja s'installe sur une chaise. Elle soupire.
"C'est étrange, n'est-ce pas? Qu'on soit tous un peu cassés au fond."
Pranan s'assoit en face d'elle.
"C'est normal.", murmure-t-il, "C'est humain. "
Freyja le regarde droit dans les yeux tandis qu'un voile triste déforme un peu ses traits.
"Je sais bien", murmure-t-elle, "Mais est-ce nécessaire ? Ce serait si simple... Tout pourrait être si simple et pourtant, tout est compliqué. J'ai l'impression de ne rien comprendre à la vie. Tout va trop vite, je n'ai pas le temps de m'habituer ou me préparer à quelques chose de nouveau. Il y a quelques jours je pleurais de désespoir et solitude : seulement peu de temps après, je retrouve un frère et je suis plus heureuse que jamais."
Pranan pose sa main sur la sienne.
"La vie est imprévisible et il n'y a rien de plus à comprendre. Il y a quelques jours je n'avais même pas de vie : elle appartenait à quelqu'un d'autre et maintenant, je me retrouve avec une soeur que je croyais morte. Je ne sais pas quelle force divine me protège, je ne sais pas s'il y en a une, mais qui que ce soit, je lui suis extrêmement reconnaissant."
Freyja lui fait un sourire en coin.
"Tu es reconnaissant de m'avoir rencontrée ?"
Pranan rit et rétracte sa main.
"Pas du tout. J'essaie seulement d'être poli."
Le sourire de la jeune femme s'agrandit.
"Je m'en doutais mais... Poli ? Ça ne te réussi pas."
Il prend un air offusqué.
"Comment ?", s'écrit-il et Freyja se penche légèrement en avant.
"Vraiment, ce n'est pas une réussite du tout. Tu as de la chances d'avoir hérité ma belle apparence."
"C'est un compliment?"
La jeune femme ricane et Pranan secoue seulement la tête.
"Idiote.", grommelle-t-il.
"Gamin.", répond-t-elle tandis qu'ils se regardent dans les yeux, "D'ailleurs... Je suis surprise à quel point tes yeux ressemblent à ceux de...Tore."
Le retour du voile triste.
"Tore ?"
"Notre autre frère."
Pranan se fige un peu - il avait appris dans les quelques heures précédentes la mort de celui-ci.
"Comment était-il ?", murmure-t-il et Freyja ferme un peu les yeux.
"Grands. Des boucles brunes. De grands yeux verts et une fossette au menton. Il riait toujours très fort et me soulevait très haut. Il me protégeait toujours contre père lorsque j'avais fait une bêtise. Il m'avait offert mon chien. Toto. Il connaissait les meilleurs blagues et cachettes, il courait plus vite que tous les autres, il savait faire des figurines en bois et mémoriser les chemins. Tore était... Tore était mon héros."
Elle sourit doucement aux souvenirs tandis que Pranan baisse les yeux sur ses mains.
"J'ai de la concurrence, alors.", murmure-t-il et Freyja lève les yeux vers lui.
"Je suis sûre que tu me seras un frère aussi merveilleux que lui.", souffle-t-elle tandis que Pranan grimace intérieurement.
Si tu savais... Oh, si tu savais!
Une petite voix lui crie d'ouvrir la bouche et de lui révéler toute la vérité, avant que ce ne soit trop tard. Pranan hésite un instant.
Dis-lui!
Il tremble un peu puis :
"Freyja..."
La jeune femme fronce un peu les sourcils.
"Je voulais -"
"Pranan, je dois te demander quelque chose !", s'exclame Allande en entrant brusquement dans la pièce, lui coupant la parole et faisant sursauter Freyja. Pranan se tourne lentement.
"Oui?"
"En privé."
Le jeune homme hésite un instant puis se lève de la chaise et sort avec le guérisseur. Freyja, derrière, ne dit rien et les regarde s'éloigner en silence. Elle sait qu'ils lui cachent quelque chose. Elle espérait que Pranan lui révélerait au moins des miettes, mais rien, rien! Freyja a l'impression d'être dans une énorme farce, le personnage principal d'un scénario grotesque dans lequel tout le monde sait ce qu'elle ignore. Elle grogne. Pourquoi ? Pourquoi Allande ne pouvait-il pas discuter avec Pranan à côté ? Qu'y avait-il de si important, de si mystérieux à cacher ? Ils n'allaient pourtant pas pouvoir l'éloigner éternellement. Elle n'est ni stupide, ni sourde ou aveugle. Freyja se lève de sa chaise et avance jusqu'à la fenêtre et observe les deux hommes. Ils se sont éloignés et semblent discuter intensément. Elle fronce les sourcils et tente de comprendre ce qu'ils disent lorsqu'un mot, un seul nom, réveille quelque chose en elle.
Faolàn.
Encore. L'homme aux yeux bleus. Elle se mordille la lèvre. Cet homme devait avoir un lien avec elle. Il n'y avait pas d'autre explication possible. Restait à savoir de quel lien il s'agit. Soupirant, elle retourne dans sa chambre pour se préparer.
~***~
"Qu'est-ce qu'il y a?", demande Pranan, observant intrigué le visage mouvementé d' Allande. Il sait que tu allais tout dire à Freyja...
Le guérisseur se passe une main sur le visage fatigué.
"L'autre esclave qui va être amené... De qui s'agit-il? Et ne fait pas semblant de ne pas savoir."
D'abord surpris par la question, le jeune homme réfléchit quelques instants puis soupire. Il n'y avait qu'une seule personne qui lui venait à l'esprit. La seule ayant survécu avec lui. Un homme brisé. La dernière fois qu'il l'avait vu, il était dans un état lamentable.
"Faolàn. ", répond-t-il tranquillement à Allande qui serre un peu les dents.
"Faolàn comme dans Freyja et Faolàn ?"
Pranan sursaute.
"Comment... ?"
Allande secoue la tête.
"J'ai mes contacts."
Pranan ne pose pas plus de questions et hoche seulement la tête.
"Oui... Et non. C'est bien plus compliqué que ça. Je ne sais pas, si l'on peut proprement parler de Freyja et Faolàn. Et si cette notion aurait pu existé dans le passé... Faolàn n'est plus qui il était."
"C'est à dire ?"
Pranan sourit amèrement.
"La violence, l'humiliation et le désespoir changent un homme. Faolàn... Si moi, je peux encore marcher sans ressembler à un cadavre, si je ne chiale pas la nuit avec des visions cauchemardesques, c'est bien grâce à lui. Il a pris mes... ", il rit durement, "Mes punitions, sans broncher. Il m'a protégé. Mais maintenant... Je ne sais pas exactement ce qu'ils lui ont fait et s'il ne s'est pas soumis, ils l'ont tout de même cassé quelque part. D'ailleurs... Il pense que Freyja a du endurer une mort atroce à cause de lui."
Allande à un air horrifié sur le visage.
"Par tout les dieux... Pauvre garçon. Le destin s'acharne sur lui, dirait-on. Je ne peux pas dire que j'ai hâte qu'il arrive car je m'inquiète pour Freyja mais si cela nous permet de le sortir de cette situation... "
Pranan hoche la tête.
"Je ne sais pas comment il va réagir lorsqu'il va revoir Freyja."
Allande soupire.
"Espérons pour le meilleur. J'espère seulement que ton ami n'est pas aussi monstrueux que certains le décrivent."
"Faolàn est un monstre.", grommelle Pranan, "Un monstre triste sur qui la vie s'acharne et qui n'a jamais souhaité en être un."
Allande se gratte le menton et jette un regard vers la maison, un peu hésitant, réfléchissant. Finalement il murmure:
"Même les monstres méritent une fin heureuse."
Ensuite il s'éloigne, laissant un Pranan dubitatif dans son dos.
Bon sang de bonsoir, les amis !
Je publie enfin la suite (la nuit m'inspire). Pour tout ceux qui se disent : "Ah mais zut, ça a mis du temps" - je m'excuse, j'ai eu des soucis dans ma petite vie et en plus de ça, j'avais un blocage, oui, oui le truc nulle où on regarde sa feuille blanche et on n'avance pas.
Tout ça pour dire : mon petit Faolàn se rapproche. Bonheur. J'ai vraiment de la peine pour Freyja, personne n'est foutu de lui dire la vérité, c'est vraiment pas chouette. Enfin bon.
+petites questions : Comment est-ce que vous vous imaginez la première réaction de Fao quand il verra Freyja ? Et quel sera le prix qu'elle devra payer ?
...
Je connais les réponses, mais bon, curiosité d'auteur obligé. He. He.
Ne me détestez pas parce que je vous aime. Allez, la bise ❤
Blondinette
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