|enfance|Faolàn
❣ATTENTION: le passage suivant est d'après moi relativement dur par le sujet qu'il traite. J'ai eu du mal à écrire cette scène parce qu'elle m'a réellement fait mal au cœur - donc si certains thèmes vous choquent, vous mettent mal à l'aise où vous font du mal en général, ne lisez pas ce qui suit. ❣
Son premier souvenir est celui de sa mère. Un peu flou, un peu vague, mais un souvenir quand même. Il se souvient d'elle, penchée au-dessus de sa petite figure, ses yeux plissés, les mains sur les hanches, le visage aussi dur que la pierre. Faolàn ne sait plus si ce jour-là il avait commis une bêtise ou non - qu'importe, tout était bon pour sa mère pour être cruelle envers lui. Il lui semble qu'elle y prenait presque un plaisir sadique et mesquin, à voir ses larmes salées rouler le long de ses joues d'enfants, à voir ses grands yeux rougir et brûler.
Il ne se souvient pas de son prénom.
Seulement de sa voix et de son visage. Elle avait la voix rauque, sa mère, la voix d'une femme méchante mais brisée, la voix d'une femme qui avait vécu et qui portait sur le monde une haine sans pareille – même sur son propre fils. Des fois, Faolàn se rappelle de quoi il avait l'air. Il avait aperçu quelque fois son reflet dans le lac, dans les yeux du maître, dans une vitre brisée. Il était petit, tout petit, dans un corps frêle et un peu recourbé sur lui-même. Un petit être pathétique et inoffensif livré à la violence de son environnement. Il avait de grands yeux bleus, perdus et inquiets, des cheveux blonds un tout petit peu trop longs et sales la plupart du temps. Personne ne se souciait de son hygiène. Personne ne se souciait de sa vie.
Faolàn repense à ce premier souvenir. Sa mère l'avait regardé longuement et puis d'un geste précis et rapide avait levé sa main et l'avait abattue avec force sur sa joue. Il avait trébuché en arrière, avait tendu en vain ses mains pour se rattraper, un bruit douloureux avait quitté ses lèvres. Il avait écarquillé les yeux parce qu'il ne comprenait pas : un enfant ne pouvait pas comprendre, était incapable de savoir pourquoi on s'acharnait sur lui, pourquoi on lui faisait du mal alors qu'il n'avait rien fait.
Faolàn se souvient en être parvenu à la conclusion, dans sa tête paniquée d'enfant blessé, qu'il devait avoir fait quelque chose de mal. Sa mère ne l'aurait pas frappé pour rien. C'était sa mère après tout. Il était tombé maladroitement au sol et avait levé ses grands yeux sur elle. Il s'était excusé et plus de larmes encore s'étaient mises à rouler le long de ses joues. Il avait tendu à nouveau ses mains, cette fois pour que sa mère le prenne dans ses bras. Elle avait lentement secoué la tête et une mèche blonde était tombée dans son visage.
Elle avait les cheveux blonds comme lui, sa mère.
Blonds comme le blé au soleil d'été. Elle avait aussi les mêmes yeux, ce bleu froid, distant, presque translucide.
Faolàn avait gémit de douleur et le visage de sa mère s'était durci un peu plus.
« Tais-toi ! », avait-elle ordonné d'une voix forte, « Tais-toi sale gosse ! »
Il avait un peu reculé. Elle l'avait remarqué et, dans un geste de colère, avait à nouveau levé la main sur lui. Sa tête s'était mise à tourner et il avait eu mal. Si mal. Sa mère n'avait cessé de le réprimander – qu'il cesse de pleurer, qu'il cesse, qu'il se taise, qu'il se la ferme. Finalement, elle avait serré les poings et avait grogné froidement :
« Très bien. J'irai prévenir le maître que tu ne veux pas écouter. Il saura te faire entendre raison. »
Faolàn s'était figé.
Son deuxième souvenir est celui du maître. Il ignorait son réel prénom, il ignorait tout de cet homme qui le faisait dormir sur le sol froid et le traitait moins bien que ses chiens. Faolàn détestait le maître. Ce dernier n'était ni grand, ni beau, ni charismatique. Son visage était laid, renfermé, froid et cruel. Tout son être criait à la cruauté – sa manière de marcher, les jambes un peu en O, les bras trop longs pour le corps, les doigts squelettiques et gelées. Ces doigts, Faolàn les avait souvent, trop souvent sentis sur sa peau.
Son deuxième souvenir, c'est le maître qui l'appelle de sa voix dégoulinante d'ironie et de méchanceté, ses dents souriantes dans un sourire glacé, ses yeux grands ouverts. Le maître avait les yeux gris foncés et parfois, quand Faolàn devait aller le voir dans la grande pièce de sa maison où il trônait sur une large chaise en bois dénudé de toutes ornementations, qu'il levait ses yeux d'enfants vers le visage grotesque, il avait l'impression qu'il n'avait pas d'yeux du tout. Des fois, il s'imaginait même que le maître n'était pas humain – qu'il était un monstre que les dieux avaient laissé s'échapper.
Son deuxième souvenir, c'est le maître qui lui demande de s'approcher. Faolàn s'était exécuté, tremblant. Il ne savait toujours pas ce qu'on lui rapprochait mais été certain qu'il s'agissait de quelque chose de grave, de très grave, car le maître ne lui jetait un regard pareil que lorsqu'il avait commis quelque chose d'impardonnable.
« Approche-toi un peu plus, louveteau. »
Encore un pas de plus vers le démon sur son trône de bois.
« Sais-tu pourquoi tu es ici ? »
Faolàn avait secoué la tête et baissé ses yeux innocents.
Le maître s'était raclé la gorge.
« Figure-toi... Figure-toi qu'une gentille servante m'a raconté quelque chose de fort intéressant à ton sujet... Que tu as volé de la nourriture à table. Est-ce vrai, mon petit loup ? »
Faolàn avait déglutit – il n'avait pas compris pourquoi le maître l'accusait d'avoir volé à table. Il avait eu faim ; le maître ne lui donnait pas beaucoup à manger : tout le monde avait fini de déjeuner et la table avait été presque débarrassée lorsqu'il avait par miracle aperçu un minable morceau de pain qu'il avait rapidement empoché pour le manger le soir.
Manger à sa faim ne pouvait pas être si terrible ?
« J'avais... J'avais faim. », avait-il soufflé, les yeux toujours baissés, les petites mains tremblantes et liées entre elles dans un geste désespéré.
« Tsk, tsk... Je te comprends, petit, mais nous avions établi une règle très simple et très claire : quand tu veux quelque chose, tu demandes. Prendre sans en avoir la permission, c'est du vol. Et le vol, c'est très, très mal. En plus, ta mère est venu me voir pour me dire que tu ne voulais pas écouter – et qu'est-ce qu'on avait dit à ce sujet-là, Faolàn ? »
Le petit garçon avait baissé un peu plus la tête, avait été trop tétanisé pour dire le moindre mot. Il avait voulu disparaître sous terre, disparaître de la vue de cet homme menaçant.
« Réponds-moi, Faolàn ! »
« Je...Je... », avait-il commençait à bégayer.
« Je ne te comprends pas, imbécile ! »
Faolàn avait rougi et des larmes s'étaient remises à rouler le long de ses joues tandis que sa langue avait désespérément tenté de former un mot cohérent pour échapper à la fureur du maître.
« Dois... écouter. », avait-il soufflé, la voix incertaine et étranglée.
« Exactement, Faolàn. Et est-ce que tu l'as fait ? »
Faolàn avait frénétiquement secoué la tête. Il avait alors entendu le maître se lever, le bois morne de la maison craqué sous son poids lorsqu'il s'était approché du petit garçon à grands pas de ses jambes étrangement tordues. Faolàn avait alors senti un doigt long et froid se poser sous son menton pour lui relever le visage. Il avait alors été forcé de regarder le maître dans les yeux inhumains et s'était mis à pleurer plus fort. Il avait eu l'impression d'étouffer, il avait eu si terriblement peur. Le maître lui glaçait le sang.
« Réponds-moi correctement, Faolàn. Est-ce que tu as écouté ta mère alors qu'elle te le demandait ? Ta gentille et jolie petite maman ? »
« N-Non. », avait-il murmuré, paralysé sur place. Le visage du maître s'était adouci en une grimace répugnante.
« Tu as donc volé et désobéi, mon petit louveteau. Je ne peux pas laisser passer de telles choses. »
Faolàn avait écarquillé ses grands yeux bleus d'un air suppliant. Le maître avait seulement sourit et était retourné s'assoir sur son trône, un air arrogant et mesquin sur le visage.
« Viens te mettre ici, mon garçon. »
Il avait refait un geste à Faolàn de s'avancer ce que ce dernier avait fait. Le maître s'était passé une main sur le visage.
« Je suis d'humeur clémente, aujourd'hui. Je te laisse le choix de ta punition. Ou bien ce sera le fouet – celui-là, tu le connais déjà bien, n'est-ce pas ? Avec toutes les âneries que tu fais. Ou bien ce sera quelque chose d'autre, quelque chose de bien plus... plaisant. » Il avait un peu ricané ce que le petit garçon n'avait pas compris dans son innocence.
Il n'avait pas compris beaucoup de choses – n'avait pas compris pourquoi il pouvait choisir une punition, n'avait pas compris le mot clément. Tout ce qu'il avait su, c'était qu'il avait le choix entre le fouet et autre chose. Faolàn ne voulait pas le fouet. Il avait déjà subi trop de coup et rien que d'y penser, un gémissement rauque s'était échappé de ses lèvres alors qu'il se souvenait de la douleur lancinante et mordante qui lui avait griffé le dos et l'arrière des cuisses même après les coups. Il ne voulait pas revivre ça encore. Sa peur de la souffrance était trop forte.
« Autre chose. », avait-il murmuré, sentant l'espoir monter en lui. Il avait alors espéré que le maître se montrerait compatissant, gentil. Il avait même un peu sourit à travers l'humidité de son visage noyé de larmes.
Le maître avait tapé dans ses mains.
« Très bien, petit ! », s'était-il exclamé d'une voix vile. Il s'était alors levé de son trône en bois. Faolàn avait reculé d'un petit pas maladroit en observant d'un regard inquiet les faits et gestes de l'homme devant lui. Celui-ci avait eu un regard fou dans les pupilles et brusquement, ses mains s'en était prise à son pantalon et il l'avait défait pour le laisser tomber à ses chevilles.
Faolàn n'avait compris.
Avait été figé sur place, les yeux grands ouverts.
Pourquoi le maître se déshabillait-il ?
Il s'était mis à trembler plus fort.
« Viens ici, gamin. »
Faolàn avait un peu hésité mais s'était approché encore une fois. Après tout, que lui pouvait un homme nu et sans arme ? Le maître n'avait pas de fouet et c'était tout ce qui comptait.
Le troisième souvenir de Faolàn est la main du maître pressant sur son crâne et forçant brutalement l'entrée de sa bouche tandis que des larmes violentes de peur et de détresse lui roulaient sur les joues. Dans son sommeil, Faolàn ne veut pas se souvenir. Il tourne frénétiquement la tête de gauche à droite, la bile dans la gorge, comme s'il sentait le goût de l'homme révulsant sur sa langue. Il donne un coup désespéré.
« Faolàn ? »
Freyja se réveille brutalement, recevant un coup dans le ventre du jeune homme allongé à côté d'elle. Il ne répond pas.
« Faolàn ! », appelle-t-elle dans le noir, avant de se lever rapidement. Elle se cogne, trébuche, mais finit par trouver une bougie qu'elle allume d'une main tremblante pour voir Faolàn en sueur, le visage balançant de droite à gauche, des larmes roulant de ses yeux fermés et des gémissements rauques échappant à ses lèvres entrouvertes. Freyja pose la bougie sur la table de chevet et se rapproche doucement du jeune homme qu'elle secoue par l'épaule, d'abord précautionneusement puis plus fort.
« Faolàn. »
Il sursaute et ouvre les yeux d'un seul coup, inspirant bruyamment de l'air, ses yeux fouillant les alentours d'un air angoissé.
« Où... je... », bégaie-t-il, pas encore réellement réveillé, sans comprendre ni où il est, ni ce qui vient de lui arriver. Freyja soupire et lui pose une main rassurante sur la joue. Il la fixe, perdu.
« Tout va bien. », murmure-t-elle, « Ce n'était qu'un mauvais rêve. » Elle lui lance un sourire empathique qui tremble à la lumière de la flamme qui éclaire faiblement leur chambre à coucher. Faolàn cligne plusieurs fois des yeux puis se passe les mains sur le visage. Il secoue faiblement la tête, reprenant lentement ses esprits.
« Tu veux en parler ? », demande Freyja, penchant la tête de côté. Le jeune homme sert les dents.
« Non. », dit-il d'une voix rauque, « Je... Je veux seulement... » Il sent ses joues rougir un peu et détourne la tête, les yeux un peu dans le vide.
« Tu veux... ? »
Il hésite un instant.
« Est-ce qu'on peut... laisser la bougie allumée ? »
Freyja sourit gentiment.
« Évidemment. »
Intérieurement, elle grogne un peu. Elle ne dormira pas le reste de la nuit : elle doit faire attention que la flamme ne brûle les murs de la maison. Mais la jeune femme préfère perdre une nuit de sommeil que Faolàn perde sa raison. Ce dernier se tourne un peu dans le lit et l'attire contre sa poitrine, la serrant fermement, comme s'il avait peur qu'elle disparaisse. Freyja tourne un peu la tête et pose délicatement ses lèvres sur son torse.
« Bonne nuit, Fao. », souffle-t-elle. Il hoche un peu la tête avant de poser ses yeux sur la flamme qui danse.
Ce que Freyja ne sait pas, c'est qu'il a peur qu'elle disparaisse. Il a peur de se retrouver à nouveau dans le cauchemar de son passé violent, à peur de voir à nouveau réapparaître le corps ignoble du maître et de se retrouver à nouveau en victime.
Il déglutit.
A l'époque, il aurait dû choisir le fouet.
➹Au moins on retrouve un peu Freyja et Faolàn. Pfiou. Vraiment, je déteste écrire les scènes de l'enfance de Faolàn parce que je m'imagine tout ça un peu trop réellement et j'ai à chaque fois un petit haut le cœur. Mais cette histoire fait malheureusement partie du personnage et c'est pour ça que je vous la partage – mais ne vous inquiétez pas, je n'irai jamais plus en détail.
Enfin voilà : il est deux heures du mat' mais je voulais vraiment finir un premier passage ! J'espère que ça vous plaît malgré tout.
Des bisous
Blondie ♥
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