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Chapitre 2 : Comment faire le mur en trois leçons

Ils étaient rassemblés dans la salle privée de l'auberge, à l'étage. La clameur joyeuse de ses camarades et la bière qui débordait des chopes faisaient tourner la tête d'Alec. Il n'arrivait plus à démêler l'avalanche de questions et d'encouragements qui lui pleuvait dessus et se contentait de sourire à la ronde et de boire de longues gorgées de sa pinte. Du coin de l'œil, il aperçut un mouvement du côté de la porte. Quelqu'un venait d'entrer mais il ne parvenait pas à voir par-delà la vague de chemises déboutonnées qui ondulait autour de lui.

Une voix forte s'éleva au-dessus du brouhaha et interpella le nouvel arrivant :

- Sergeï mon brave, ne fais donc pas ton timide, viens t'assoir et boire avec nous, tu l'as bien mérité !

La masse pourtant compacte d'ouvrier présents dans la pièce parvint à se scinder et Sergeï vint prendre place en face d'Alec. Si le jeune homme ne connaissait pas mieux son mentor, il aurait pu croire qu'un demi-sourire avait relevé les coins de sa bouche. Et pourtant, ses lèvres n'arboraient pas cette rigidité familière. Alors que son regard remontait le long du visage de son guide, il rencontra les yeux de ce dernier. Ou plutôt il rencontra ses sourcils froncés. Mais ses yeux devaient bien se trouver quelque part derrière cette forêt broussailleuse. Ah, les voilà qui brillaient ! Ils semblaient vouloir lui dire quelque chose, mais il n'arrivait pas à comprendre ce que c'était. Peut-être que s'il s'approchait un peu...

Une douleur aigue remonta brusquement le long de sa jambe. Il sursauta et manqua de renverser sa bière. Alec secoua la tête et la brume houblonnée qui l'enveloppait céda un peu de terrain à sa conscience. Il fusilla Sergeï du regard tandis qu'il frottait son tibia douloureux sous la table. Pourquoi diable lui avait-il donné un coup de pied ? En face, les yeux de son mentor lançaient des éclairs et il lui désigna son voisin d'un signe de tête.

La compréhension écarquilla les yeux du jeune homme et il se renfonça contre le dossier de sa chaise, penaud. Il s'était laissé emporté par l'alcool et la bonne humeur ambiante et en avait oublié en compagnie de qui il se trouvait. Il glissa un regard par-dessous ces cils en direction de l'homme qui présidait l'hétéroclite tablée. Comme il devait être déçu par son attitude. Cette pensée serra le cœur d'Alec. Décevoir le Patriarche était bien la dernière chose au monde qu'il souhaitait.

Cet homme détenait un charisme magnétique qui l'attirait plus sûrement qu'un papillon de nuit vers la flamme d'une lanterne. L'âge avait blanchi cheveux et barbe mais n'avait pas réussi à ternir ses yeux bleus qu'il gardait vifs et intelligents. Une carrure puissante, héritée d'une longue carrière de forgeron, défiait les années et tendait toujours le tissu de sa chemise. Il émanait une force tranquille qui forçait le respect de ceux qui l'entouraient. Alec sursauta quand la voix de stentor du Patriarche s'éleva à nouveau et se tassa un peu plus sur son siège dans l'espoir de se faire oublier.

- On écoutait le p'tiot nous raconter votre virée d'hier soir.

Sur ces mots, il asséna une grande claque sur l'épaule d'Alec qui faillit tomber de sa chaise. Sergeï posa de nouveau son regard sévère sur son protégé et cette fois, celui-ci n'eut aucun mal à l'interpréter. Il savait très bien ce qu'il pensait et le sermon qu'il ne manquerait pas de lui tenir : « Plus on l'ouvre et plus on se fait remarquer. Et plus on se fait remarquer et plus on attire les ennuis. Et c'est comme ça qu'on finit au bout d'une corde Alec ». Son maître ne comprenait pas le besoin de reconnaissance du jeune homme. Il se contentait de faire ce qui nécessitait d'être fait, sans s'encombrer de scrupules inutiles ni courir après les lauriers. Ni plus, ni moins.

*****

Anastasia soupira alors que les cris de Père s'échappaient de la porte d'entrée grande ouverte. Un jeune garçon en livrée en jaillit comme si le diable en personne était à ses trousses, ce qui n'était pas si loin de la vérité. Il trébucha sur la première marche du perron, dévala les trois autres et s'enfuit par le grand portail sans demander son reste. La jeune fille esquissa une moue déçue. Au moins s'il avait fait une chute spectaculaire, cela l'aurait distrait quelques instants de son ennui.

Depuis l'incident à l'Opéra deux jours auparavant, Père ne décolérait pas. Il s'enfermait dans son bureau de la tombée de la nuit aux premières lueurs de l'aube et toute la journée, un ballet incessant de voitures et de cochets allait et venait dans la cour en faisant crisser les graviers. Officiers, ministres, représentants, coursiers... Tous se succédaient et repartaient sous les vociférations rageuses du maître des lieux.

La jeune fille retourna dans sa chambre et ferma les battants, dans l'espoir un peu vain que tout ce vacarme resterait au dehors. Mais le bruit des allées et venues lui parvenait encore, à peine étouffé par les épais murs qui séparaient la pièce de l'entrée. Elle laissa échapper un soupir las et, adossée contre la vitre froide, balaya sa chambre du regard. Bien que la pièce fût spacieuse et confortable, avec son grand lit à baldaquin et le cabinet de toilette attenant, elle lui semblait ces derniers temps prendre l'allure d'une prison. Elle en arpentait le parquet précieux comme un lion en cage depuis que Père les avait consignées, Denitsa et elle, jusqu'à nouvel ordre.

Ana se laissa finalement tomber sur la courtepointe brodée de son lit dans un bruissement de mousseline. Les yeux fermés, elle se massa les tempes pour tenter de dissiper la migraine qu'elle sentait naître de toute cette frustration. Coincée dans cette maison de fous, elle se sentait perdre la tête à son tour. Toute cette agitation lui semblait une réaction disproportionnée à ce qui ne pouvait être plus qu'une plaisanterie de mauvais goût. Il était grand temps qu'elle change d'air si elle ne voulait pas se voir contaminer par la paranoïa ambiante.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, son regard tomba sur sa capeline accrochée à la patère près de la porte. La jeune fille se redressa en position assise sur son lit et se mit à lisser nerveusement ses jupes. Elle hésitait. Si elle s'éclipsait et que Père l'apprenait, elle était bonne pour qu'il l'envoie passer la saison seule dans le palais d'hiver. La voix tonitruante du général résonna soudain dans toute la maison et la jeune fille aurait juré que même les portes en avaient tremblé dans leurs gonds. N'y tenant plus, elle attrapa son vêtement ainsi qu'une paire de gants de dentelle et quitta la pièce avant de regretter sa décision.

L'adolescente traversa le couloir sur la pointe des pieds, le dos collé aux boiseries du mur. Elle levait tant les talons pour les empêcher de toucher le sol que ses mollets protestaient. Comme un épais tapis recouvrait le parquet et étouffait le bruit de ses pas, elle finit par se détendre un peu et s'arrêta pour considérer les options qui s'offraient à elle.

Elle ne pouvait raisonnablement pas envisager de rejoindre le rez-de-chaussée par le grand escalier de l'entrée. De même, emprunter l'escalier de service qui donnait sur les cuisines ne la mènerait qu'à être escortée manu militari jusqu'à sa chambre par Martha. Lorsqu'ils étaient enfants, elle et son frère Julian se glissaient dans le jardin depuis les fenêtres du premier étage pour échapper à leurs leçons. Cela faisait des années qu'elle ne s'était plus risquée par ces issues peu orthodoxes, et encore moins dignes d'une dame de sa qualité. Mais à cet instant, sa santé mentale l'emportait sur la bienséance.

Un sourire espiègle éclaira les traits d'Ana tandis qu'elle prenait la direction de la bibliothèque. Il était grand temps de renouer un peu avec l'aventure. La jeune fille s'arrêta devant la porte et posa la main sur le bouton de laiton. Le métal était tiède dans sa paume un peu moite, et lui renvoyait son reflet déformé, comme si cette poignée de porte révélait que son âme était encore celle d'une enfant. Ana jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier qu'elle était seule, retint son souffle et poussa. Le battant de bois sombre tourna sans un bruit sur ses gonds huilés. Ana se glissa à l'intérieur et referma prestement derrière elle. Elle ne put retenir un soupir de soulagement en constatant que la pièce était vide.

Elle ne savait pas combien de temps elle resterait seule, aussi valait-il mieux ne pas perdre de temps. Elle se dirigea vers la fenêtre et en écarta les lourds rideaux de velours vert. Elle ouvrit en grand la croisée, se pencha au-dehors. Le toit qui abritait la réserve de bois se trouvait à peine plus d'un mètre en dessous d'elle, et il descendait ensuite en pente douce. « Bien, cela devrait être encore plus facile que dans mes souvenirs puisque j'ai grandi depuis ».

Ana vérifia une dernière fois que personne n'entrait et s'assit sur le rebord de pierre. Son regard glissa vers le sol herbeux à sa gauche et elle déglutit avec difficulté. « Tu n'as jamais raté le toit de l'abri, se morigéna-t-elle, il n'y a pas de raison de commencer à avoir peur aujourd'hui ! ». Elle prit une profonde inspiration pour se donner du courage et passa ses jambes de l'autre côté. Elle rassembla sa jupe dans sa main gauche avant de se retourner avec précautions. La jeune fille se trouvait désormais à plat ventre sur le rebord de la fenêtre, et l'abri quelque part sous ses pieds qui pendaient dans le vide.

L'inconfort de sa position réveilla ses doutes sur le bien fondé de son escapade. Prendre l'air une heure ou deux ne valait peut-être finalement pas de risquer ainsi sa vie, et la colère de son Père. Des bruits de pas dans le couloir figèrent ses pensées et ses muscles. Immobiles, elle écouta des voix se rapprocher dangereusement de la porte de la bibliothèque. Si quelqu'un entrait et la trouvait ainsi, elle était fichue. La poignée de la porte tourna dans un cliquetis sinistre. Ana pensa que les portes de l'enfer devaient faire le même bruit et se laissa tomber en arrière.

Les ardoises du toit de l'appentis se précipitèrent à sa rencontre et elle s'écroula à genoux sans la moindre grâce. Elle se mordit la lèvre pour ne pas crier lorsque le revêtement s'imprima dans sa chaire délicate à travers ses jupes. Les poings serrés dans les plis du tissu, elle lutta contre les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Ana laissa de longues secondes s'écouler et, lorsqu'elle fut certaine qu'elle n'avait pas attiré l'attention, se retourna lentement.

L'appréhension faisait trembler ses jambes et elle eut toutes les peines du monde à progresser accroupie jusqu'à la bordure du toit. Parvenue à destination, elle s'empêcha de baisser les yeux vers la pelouse, quelque deux mètres en contrebas, et s'allongea de nouveau à plat ventre sur les ardoises. Elle n'avait jamais eu le vertige, cela n'allait tout de même pas commencer aujourd'hui. Il suffisait de tenir ses pensées éloignées du vide. Celles-ci se tournèrent d'elle-même sur les dommages qu'allaient certainement subir le buste de sa robe tandis qu'elle reculait avec précaution, basculant peu à peu jusqu'à se retrouver suspendue par les bras au rebord du toit.

La jeune fille resta ainsi quelques secondes, le temps d'adresser à ses ancêtres une prière d'excuse pour son comportement, et se laissa de nouveau tomber. La chute fut cette fois-ci bien moins rude, une vingtaine de centimètres seulement séparaient ses orteils du sol, et elle put se réceptionner en pliant les genoux sans abandonner sa dignité. Soulagée d'avoir retrouvé la terre ferme, Ana entreprit d'épousseter sa robe et de remettre en place sa coiffure avant de s'éloigner dans le jardin d'un pas aussi assuré que le lui permettait ses jambes encore flageolantes.

Martha aurait certainement trouvé beaucoup à redire sur sa conduite et la façon bien cavalière dont elle s'était échappée. Elle n'aurait pas non plus manqué de lui dire qu'il était inconvenant pour une jeune dame de son rang de sortir sans chaperon. Mais la jeune fille, au fond pas peu fière de son exploit, chassa cette pensée d'un haussement d'épaules désinvolte.

Après quelques minutes de recherches pour retrouver l'emplacement exact, Ana parvint bientôt à destination. A cet endroit du mur qui ceignait la propriété, plusieurs pierres manquaient, offrant ainsi des prises faciles. Un pied de vielle vigne sauvage poussait là et facilitait encore l'ascension. La jeune fille secoua la tête pour chasser ses dernières réticences, elle était allée trop loin pour faire demi-tour maintenant.

Après quelques minutes d'escalades supplémentaires, et de jurons étouffés envers l'inconfort des corsages pour ce genre d'exercices, elle se trouva enfin dans la rue pavée, libre, sans que personne ne sache qu'elle était sortie.

*****

Alec, assis à cheval sur la rambarde, regardait ses amis qui avaient improvisé un cours de lutte sur la terrasse de l'auberge. C'était jour de lessive et ils avaient lavé leurs chemises grises dans le grand baquet qui servait aussi de baignoire à l'occasion. A présent, elles séchaient au vent, étendues sur la balustrade tandis que les joyeux camarades, pieds nus et simplement vêtus de leurs pantalons en toile grossière, échangeait quelques coups amicaux. Aucun d'eux n'avait plus de vingt ou vingt-deux ans, et leurs éclats de rires sonores s'élevaient dans le ciel pur.

Il croqua dans la pomme qu'il tenait à la main pour cacher son sourire lorsque John, le plus jeune des quatre, accusait avec une parfaite mauvaise fois une lame du plancher d'être la cause de sa défaite. Le fruit à la peau mordoré provenait de la réserve de laquelle Grigori, le propriétaire de l'auberge et patron d'Alec, tirait le cidre qu'il servait. Le jeune grimaça lorsque son goût aigre empli sa bouche.

Il reporta son attention sur le paysage qui s'offrait à lui. La ville s'étendait à ses pieds, les toits d'ardoises luisant sous les rayons su soleil printanier et, au-delà, la forêt faisait une mer d'émeraude que le vent animait de vagues. Les oiseaux pépiaient dans les glycines en fleurs, et un couple d'hirondelle virevoltait dans le ciel d'azur. Alec eut un sourire amer et son poing ce serra sur le fruit dont le jus coula le long de ses doigts. Cette ville était comme cette pomme, reluisante à l'extérieur mais acide à l'intérieur.

Déjà, de tous les coins de la cité on avait entendu s'élever les coups de marteaux. Partout avaient été placardés des avis de recherche promettant une récompense substantielle à qui détenait des renseignements qui permettraient de « livrer à la justice les dangereux anarchistes de l'affaire de l'Opéra ». Et, ce qui exacerbait encore le dégout du jeune homme, il avait plus d'une fois entendu des gens à la taverne discuter de ce qu'ils feraient avec cet argent si ils savaient qui avait fait ça. Il espérait que ce peuple ne serait pas aussi ingrat lorsqu'ils le libèreraient. Alec lança avec humeur ce qui restait de la pomme et la regarda s'élever un instant dans les airs avec un semblant de grâce avant de retomber et de disparaître derrière le faîte d'un toit.

De nouvelles exclamations enjouées s'élevèrent du groupe de ces camarades mais cette fois-ci, il n'avait plus envie de rire avec eux. Il avait envie d'être seul. Il sauta à terre, attrapa sa chemise encore humide et la passa par-dessus sa tête avant d'enfiler à la hâte ses bottillons de cuir usé.

Il lui restait plusieurs heures à tuer avant que la nuit ne tombe et que son service ne commence. Le jeune homme rentra et traversa d'un pas vif la salle de la taverne, encore déserte à cette heure. Sans hésiter, il se glissa derrière le comptoir soigneusement poli et monta un escalier grinçant, à peine dissimulé par un rideau brun. Les marches menaient à une partie du premier étage inconnue pour la plupart des clients. Là-haut, un palier étroit et un couloir de semblables dimensions desservaient quatre portes de bois brut. Outre la pièce qui servait aux réunions privées, il y avait là un débarras et deux chambres de tailles modeste. L'une était celle de l'aubergiste et l'autre était occupée par Alec. En échange d'un toit et de deux repas par jours, le jeune homme travaillait pour Grigori, le tenancier.

Il poussa la porte de la petite pièce et balaya d'un regard circulaire son antre éclairée par la seule lucarne qui s'ouvrait dans le mur blanc passé. En-dessous, un lit étroit sur lequel étaient rabattus à la hâte un drap froissé et une couverture de laine baignait dans des rayons de soleil chargés de poussière. Un deuxième lit semblable était poussé à l'autre extrémité de la pièce, juste derrière la porte, et réduisait drastiquement l'espace disponible dans la mansarde. Une commode de bois brut complétait le mobilier spartiate.

Ce qui se trouvait ainsi entre ces quatre murs constituait le centre de son univers, un refuge et un point de repère qui, il l'espérait, lui permettrai de suivre son destin sans oublier qui il était. Son regard s'attarda sur la deuxième couche, dont les draps soigneusement bordés prenaient la poussière. Sa poitrine se contracta au point de lui faire mal et ses traits se fermèrent un peu plus alors qu'il détournait la tête. Il s'approcha de la commode d'un pas raide, il y prit le carnet et les quelques fusains qui constituaient son trésor caché et les fourra dans sa sacoche avant de dévaler les marches de bois qui gémirent de protestation.

Alec traversa la salle commune en coup de vent et se retrouva dehors. Il hésita quelques secondes puis s'engouffra au hasard dans une ruelle, la sacoche sous le bras. Cela faisait longtemps qu'il n'avait dessiné, et il espérait que quelques esquisses suffiraient à se vider l'esprit. Et ainsi oublier, au moins pour un moment, les souvenirs qui l'assaillaient.

Perdu dans ses pensées, il laissa ses pas le guider au hasard dans la ville qu'il connaissait comme le fond de sa poche. Il s'arrêta devant les hautes grilles ouvragées du Jardin des Plantes. Le parc, aménagé non loin du quartier de l'Opéra, regorgeait d'espèces de fleurs exotiques et de plantes aux propriétés mystérieuses. Le jeune homme ne s'y rendait que rarement, surtout pour éviter les bourgeois hautains qui venaient y parader, mais il aimait représenter les pétales veloutés des spécimens tropicaux et les oiseaux majestueux aux plumes colorées.

Il dédaigna l'entrée principale et à la place longea le mur d'enceinte sur près d'une centaine de mètres. Il s'arrêta au niveau d'un lampadaire et passa sa sacoche en bandoulière. Après avoir vérifié d'un rapide coup d'œil que la rue était déserte, Alec pris appui sur la base du réverbère et s'élança vers le haut du mur. Ses mains trouvèrent aisément les deux pierres irrégulières qui offraient à cet endroit une prise facile et se hissa ensuite au sommet sans plus de difficultés.

De l'autre côté, un noyer au tronc noueux étendait ses branches puissantes au-dessus du mur. Il saisit l'une des plus épaisses et se fraya un chemin dans la ramure avec une facilité qui traduisait une habitude certaine. Il s'apprêtait à sauter au sol lorsque le son de voix qui se rapprochaient l'immobilisa. Le mot « opéra » résonna à ses oreilles comme un coup de tonnerre. Alec retint son souffle et regarda un couple passer sous ses pieds. La réalisation que la moitié de la ville dans laquelle il se trouvait n'hésiterait pas une seule seconde pour l'attacher au bout d'une corde le frappa en plein ventre et une bile amère remonta son œsophage, laissant une traînée brûlante sur son passage. Lorsque les promeneurs eurent disparu de son champs de vision, il se colla contre le tronc, les genoux ramenés contre son torse. Il se força à prendre de grandes inspirations pour se calmer, les yeux fermés. Ces gens n'avaient aucune idée de qui il était, ils ne l'avaient pas vu, il ne risquait rien. Il se répéta cette phrase plusieurs fois les poings serrés de part et d'autre de ses tempes avant de parvenir à retrouver une respiration posée.

Venir ici avait été une action impulsive, irréfléchie. Un comportement que Sergeï ne manquerait pas de lui reprocher s'il en avait vent. Mais son mentor n'était pas là, personne n'était conscient de sa présence dans cet arbre, et respirait un peu d'air frais lui faisait du bien. C'était impossible dans son quartier, où l'atmosphère était polluée de la fumée crachée sans discontinu par les hautes cheminées de briques des usines, et rabattue par le vent pour stagner dans les rues étroites.

Il sortit enfin de sa sacoche son carnet et ses fusains. Tant qu'il était là, autant en profiter pour dessiner. Cela parviendrait peut-être à remettre un peu d'ordre dans son esprit. Le calepin était relié de cuir, du bleu profond de l'océan, et le papier épais des premières pages était noirci d'esquisses et de croquis. Alec l'ouvrit à une nouvelle page et fixa la feuille vierge, cherchant l'inspiration.

Un mouvement à la périphérie de sa vision attira son attention. Un éclair roux passait de branche en branche au-dessus de sa tête et se figea à l'extrémité de celle qui se trouvait juste à sa droite. L'écureuil s'était stoppé en plein mouvement et fixait le jeune homme de son regard brun et farouche, immobile, une patte toujours en l'air. Seul le frémissement qui agitait ses moustaches témoignait que l'animal n'avait pas été pétrifié.

Tout doucement, pour ne pas l'effrayer, Alec commença à tracer de longues traînées noires sur le papier. La bête au pelage cuivré suivait attentivement chacun de ses gestes mais n'esquissait pour l'instant pas le moindre mouvement de fuite. Comme si le temps avait suspendu son cours pour permettre au jeune dessinateur de saisir de la pointe du fusain l'élégant panache de sa queue flamboyante. A chaque passage de la mine sur le grain de la feuille, l'écureuil semblait peu à peu prendre vie, comme prêt à bondir de la page.

Un crissement de gravier au pied l'arbre déchira la bulle hors du temps dans laquelle ils se trouvaient. Effrayé, l'animal détala sans demander son reste dans un bruissement de feuilles. Prit de court par cette fuite soudaine, Alec releva vivement la tête et se cogna contre la branche sur laquelle l'écureuil se tenait une seconde plus tôt. Un éclair de douleur lui fendit le crâne et le carnet lui échappa des mains. Il heurta le sol avec un bruit mat. Le jeune jura et porta la main à sa tête, où une vilaine bosse ne tarderait pas à pointer le bout de son nez. Il risqua un coup d'œil vers le sol. Il ne voyait personne depuis son perchoir, mais peut-être qu'un passant lui était dissimulé par le feuillage. S'il descendait et que quelqu'un le voyait, que se passerait-il ? Peut importait, il fallait à tout pris qu'il récupère son calepin.

Il rangea à la hâte ses fusain dans sa sacoche, qu'il passa de nouveau en bandoulière. Puis, assurant la prise de ses mains sur l'écorce épaisse, il se suspendit dans le vide avant de se laisser tomber. Il se réceptionna avec souplesse, les genoux pliés pour amortir le choc. Le hoquet de stupeur qui s'éleva dans son dos au moment de son atterrissage le figea sur place. Il était devenu, à la suite de son modèle, l'animal sauvage surpris dans sa course, incapable de s'enfuir alors même qu'il sent venir le danger par tous les pores de sa peau.

« Et merde »

*********

Salutations,

On est jeudi et le jeudi, c'est raviolis ! Non, le jeudi c'est la suite de Vents Contraires !

J'ai pris énormément de plaisir à réécrire ce chapitre. Ces premiers chapitres, je les ai écris il y a maintenant plusieurs années, et j'appréhendais de revenir dessus, de trouver que tout était à jeter. Mais finalement ça se passe plutôt bien. En tout cas j'espère que le résultat vous plaît !

Le prochain chapitre verra l'introduction du dernier des 3 personnages principaux : Julian, le grand frère d'Ana.

A la semaine prochaine pour la suite, j'espère que ce nouveau confinement se passera au mieux pour vous,

Swan

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