Chapitre 1
- Qu'est-ce qu'on a ?
Jimin leva la tête de son carnet et posa son regard sur moi.
- C'est maintenant que tu arrives ? Je suis là depuis une heure, dit-il en passant une main dans ses cheveux d'un air las.
Des cernes marquaient ses traits, il ne semblait pas avoir dormi depuis deux jours.
- Tu sais le bordel que c'est pour circuler sur le strip à quatre heures du matin ?
- Il ne fallait pas aller te balader en dehors de la ville...
- J'étais en repos, je te ferais remarquer, mais malheureusement, une personne mal intentionnée a demandé à ce que je rentre parce qu'il n'est pas foutu de se démerder tout seul.
- Hey, s'écria mon coéquipier en posant une main sur son cœur de façon dramatique, je me sens agressé.
- Si c'était une agression, crois-moi que tu la sentirais passer...
- Ta conquête du moment ne t'a pas satisfaite visiblement, vu ton humeur.
- Je t'emmerde Park !
- Inspecteur Park, Inspecteur Kim, je vois que la cordialité est toujours de mise entre vous.
Nous nous retournâmes d'un seul bloc pour faire face au nouvel arrivant. Kim Namjoon, chef de la police de Las Vegas et accessoirement notre patron, se tenait derrière nous, les bras croisés sur sa poitrine.
Il poussa un soupir et enleva ses lunettes à fines montures pour les essuyer du bout de sa cravate Cerruti avant de les remettre sur son nez et de poser un regard sévère sur nous.
- Savez-vous pourquoi je vous ai fait venir ? demanda-t-il de sa voix de stentor.
Nous secouâmes la tête en guise de réponse. J'avais reçu un coup de fil de Jimin une heure auparavant, me disant de me pointer au MGM de toute urgence, car on nous avait demandé de travailler sur une affaire de cambriolage qui avait mal tourné et qui avait fait deux morts. Je n'avais pas eu le temps de lui demander pourquoi on faisait appel à nous alors que nous étions hors juridiction, qu'il avait déjà raccroché. La lueur de curiosité qui brillait dans son regard me fit comprendre qu'il n'avait visiblement pas la réponse à cette question.
- Je suis conscient que vous ne travaillez habituellement pas dans ce secteur de la ville, cependant je sais que vous pourrez nous être d'une grande aide sur cette affaire. J'ai donc demandé à ce que vous rejoigniez l'équipe présente, vous en prendrez le commandement pendant toute la durée de l'enquête.
Jimin et moi échangeâmes un regard. Nous avions travaillé à New York durant cinq ans avant de demander notre mutation ensemble. Nous nous étions liés d'amitié lors de cette période et n'avions pas souhaité dissoudre notre binôme. Jimin, avec ses perpétuels jeans et hoodies sur lesquels apparaissaient régulièrement les taches des nombreux beignets dont il s'empiffrait à longueur de journée, était mon parfait opposé. Moi qui ne jurais que par des complets-veston de grands couturiers.
Pourtant, malgré nos différences vestimentaires et celles de nos caractères, nous formions une équipe parfaitement complémentaire et d'une efficacité redoutable, néanmoins, un braquage ne relevait pas exactement de nos attributions.
- On n'a jamais traité de cas de cambriolage dans un casino que je sache, intervint mon coéquipier avec une morgue qui lui valait souvent les remontrances de nos supérieurs.
Il se foutait de la hiérarchie comme de sa première chemise, je lui donnai un coup de coude discret dans les côtes.
- Monsieur, compléta-t-il pour la forme avec une mauvaise foi évidente.
Kim Namjoon leva un sourcil parfaitement dessiné au-dessus de la monture argentée de ses lunettes.
- Certes... dit-il après un silence. Je pense encore connaître vos états de service, puisque c'est moi qui vous ai recruté, Inspecteur Park. Je suis assurément plus vieux que vous, toutefois, je ne suis pas encore sénile.
Jimin eut un sourire en coin alors que je sentis mes pommettes chauffer. Mon coéquipier souffla nonchalamment sur la mèche de cheveux blonds qui lui barrait le visage pour la remettre en place. Il était l'image même de l'effronterie.
- Je ne me serais pas permis, chef...
Je lui coupai la parole avant qu'il ne débite une autre connerie.
- Peut-on savoir en quoi notre expérience peut vous être utile ? Je pense que la crim' est plus à même de résoudre l'affaire sans notre aide dans la mesure où nous faisons partie des mœurs.
- Sauf si des putes sont dans le coup, répondit Jimin en mordillant le cordon de son hoodie.
- Merci pour cette remarque pertinente Jimin.
- À ton service, Tae, dit-il avec une petite courbette.
Kim Namjoon toussa discrètement dans son poing, très certainement pour étouffer la bordée d'injures qu'il avait envie de déverser sur nous.
- Il n'y a pas en fait de corrélation avec une affaire de mœurs quelconque, précisa-t-il, cependant l'un comme l'autre, connaissez le suspect.
Je fronçai les sourcils sans comprendre alors qu'un mauvais pressentiment venait m'étreindre.
- Savez-vous qui est le nouveau patron du MGM, messieurs ?
Je secouai la tête tandis que Jimin faisait gonfler ses joues et laissait échapper un bruit très enfantin.
- Il s'agit de Min Yoongi, ancien membre du NYPD, qui faisait partie de la police des polices et avec lequel vous avez eu maille à partir.
Ce nom me renvoya cinq années auparavant, dans un passé que j'avais tenté d'oublier, mais qui m'avait laissé, malgré tous mes efforts, une plaie béante dans le cœur.
♠◊♣♡
- Ça va aller ?
Je me tournai vers Jimin qui arborait une expression inquiète sur le visage.
Je n'avais pas réagi depuis que Kim nous avait dit que Min Yoongi était le suspect numéro un dans le cambriolage du MGM. Il nous avait fait un bref état des lieux de la situation. Les coffres n'avaient pas été forcés, ils avaient été ouverts grâce à l'empreinte biométrique de son patron et l'arme qui avait été utilisée pour abattre les deux vigiles était enregistrée à son nom. Il l'avait déclarée lors de son arrivée dans le Nevada.
D'après l'interrogatoire préliminaire, il avait signalé que celle-ci se trouvait dans le tiroir de son bureau et qu'il s'était aperçu de sa disparition au moment où la police lui avait signifié son arrestation. Il avait été mis en détention provisoire pour une durée de quarante-huit heures quand la scientifique avait confirmé la seule présence de ses empreintes sur le verrou digital du coffre, malgré le fait qu'il clame son innocence.
- Oui, répondis-je simplement en poussant la porte de la salle d'interrogatoire.
Cependant, en pénétrant dans la pièce, je sentis toute force me quitter. Il était assis derrière la seule table qui faisait office de meuble dans cette salle sécurisée. Ses mains croisées étaient posées devant lui. Je pouvais voir la marque rouge que portait sa peau diaphane à cause des bracelets trop serrés.
Son expression resta de marbre quand il me vit entrer. Jimin, lui, avait pris place derrière le miroir sans tain, prêt à intervenir.
Je tirai la chaise qui se trouvait face à lui et déposai le calepin que je tenais à la main avant de m'asseoir. J'aurais aimé être n'importe où plutôt qu'ici.
Je pris une inspiration et relevai la tête vers lui. Je m'étais préparé à croiser son regard magnétique d'obsidienne, je savais que la douleur me poignarderait aussi surement qu'une lame chauffée à blanc. Nous nous perdîmes dans les yeux de l'autre alors que les souvenirs affluaient avec tant de puissance que je crus en perdre le souffle.
J'avais rencontré Yoongi cinq ans auparavant. À l'époque, j'appartenais à la brigade des stups de la police de New York. C'est là d'ailleurs que j'avais fait la connaissance de Jimin. Il faisait équipe avec Jung Hoseok, un as en la matière. Moi, j'arrivais de l'école de police, j'étais un bleu qui n'avait rien connu d'autre avant cette affectation que les couloirs de l'école de police et quelques postes provisoires sur lesquels on m'avait demandé de me faire les dents.
Min Yoongi était arrivé à la faveur d'un transfert. On le disait originaire de Californie, ce qu'il ne confirma jamais. Il était froid et bourru, il était impressionnant, je fus choisi pour être son coéquipier.
Les premiers temps furent chaotiques, Yoongi était aussi abrupt qu'une falaise. Quiconque se tenait à ses côtés avait l'impression qu'il allait périr en tombant dans un gouffre sans fin. Je le détestais, il était provocateur et incisif, il ne connaissait pas les règles, il les faisait pourtant. Tout cela n'était qu'une façade, mais je ne l'appris que plus tard.
Au fil du temps et sans même m'en apercevoir, je m'étais attaché à lui, pas de la façon dont j'aurais dû. Je tombais sous le charme de ces petits riens que personne d'autre ne voyait à part moi. Ces petits quelque chose qui faisaient une différence.
Nous passions énormément de temps ensemble, nous étions constamment sur le qui vive à courir d'une enquête à une autre, mais quand venait le temps de reprendre une respiration, son air dur s'effaçait pour laisser la place à quelque chose de plus doux, de plus émouvant, comme s'il entrouvrait sa carapace pour me montrer qui il était vraiment.
Un café chaud sur la table de la salle de pause, une tape dans le dos alors que je vomissais mes tripes devant une scène particulièrement éprouvante, mon sandwich préféré laissé sur le tableau de bord de la voiture pendant une planque, son blouson sur mes épaules alors que je m'étais endormi d'épuisement sur mon bureau après plus de deux jours sans repos.
Min Yoongi m'avait appris le métier, mais aussi toute autre chose.
Il arrivait que nos tempéraments se heurtent violemment, il possédait une fausse nonchalance qui me rendait fou, moi qui étais tatillon et pointilleux.
Tout avait basculé un soir alors que nous étions sur les traces d'un gang. Yoongi avait voulu pénétrer dans le hangar désaffecté où se tenait la transaction, j'avais voulu l'en empêcher tant la peur m'étouffait. Il y avait été et je l'avais suivi faute de pouvoir l'en empêcher. Il y avait eu une fusillade et il avait échappé à une balle par le seul caprice du destin.
Je n'avais rien dit alors que nous procédions aux arrestations, appuyés par la patrouille qui nous avait rejoints, je n'avais rien dit en montant dans la voiture, ni même quand il s'était garé sur le parking devant chez moi.
J'étais sorti en claquant la portière pour regagner mon petit appartement, je ne lui avais pas accordé un regard. La colère me consumait autant que la peur rétrospective.
Quand j'avais vu l'homme le mettre en joue, la lumière s'était faite en moi, j'étais tombé amoureux de ce salopard qui jouait avec sa vie comme d'autres jouaient à la roulette russe.
J'avais accéléré le pas en entendant sa portière s'ouvrir et claquer dans la nuit. Sa main s'était posée sur mon bras. Il m'avait retourné vers lui et je m'étais dégagé avec toute la violence qui s'agitait en moi.
Je m'étais mis à courir, mais il m'avait rattrapé avant même que je passe la porte du hall, il m'avait plaqué contre le mur et avait posé ses doigts autour de mon cou. Je voyais dans ses yeux l'envie qu'il avait de serrer, il avait compris contre quoi je me battais.
- Je t'interdis de faire ça, avait-il dit les mâchoires serrées.
J'avais posé la main sur la sienne en le défiant du regard. Je n'avais pas peur, je n'avais rien prévu, je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds.
- Faire quoi ? avais-je demandé, la voix rendue rauque par les émotions qui déferlaient en moi.
Son corps contre le mien, sa paume contre ma gorge, cette poigne qui s'était desserrée et qui ne semblait maintenant que caresse, son souffle sur mes lèvres.
À quel moment cela avait-il basculé ?
- Je refuse de lire la peur dans tes yeux me concernant, je refuse de m'attacher et je ne veux pas qu'on m'aime. Je ne suis pas quelqu'un de bien et je n'ai rien à te donner.
- Je ne t'ai rien demandé, avais-je répondu en ôtant sa main de ma gorge.
Il l'avait laissée retomber le long du corps en reculant d'un pas. Dans son regard brulait le même incendie qui avait pris place en moi. Nous étions restés ainsi une éternité, les mots voyageaient entre nous sans qu'un seul ne fut prononcé.
Il avait fini par faire demi-tour pour regagner la voiture. J'avais fermé les yeux en priant pour ne pas m'écrouler. Je ne l'avais pas entendu revenir, j'avais senti son bras qui passait autour de ma taille pour me rapprocher de lui, je n'avais pas rouvert les yeux alors que ses lèvres s'étaient posées sur les miennes dans un baiser enragé qui avait signé le début de la fin.
Ce fut la plus belle nuit de ma vie, je me laissai porter par son désir qui incendiait chaque parcelle de ma peau. Yoongi avait été le feu qui m'avait dévasté jusqu'à ce qu'il ne reste de moi que des cendres.
Nous avions entamé cette liaison sans vraiment en parler, nous nous retrouvions en catimini, toujours plus assoiffés l'un de l'autre, il était devenu mon addiction.
Il refusait les mots d'amour, pourtant, chacun de ses gestes en était un.
Puis, un jour, tout s'écroula.
À quel moment cela avait-il basculé ?
Comment peut-on ainsi chuter du paradis jusqu'en enfer ?
Il m'avait toujours dit de ne pas m'attacher, je pensais qu'il avait peur de l'amour, la vérité était tout autre.
Je l'avais découvert un matin alors que je rentrais au poste après quelques jours de congés passés dans le Wisconsin chez mes parents. Le bureau grouillait d'excitation sans que j'en comprenne l'origine. J'avais demandé à Jimin qui se tenait dans un coin, le visage fermé. À l'époque, nous n'étions pas encore les amis que nous sommes devenus. C'est lui qui m'avait accompagné dans ma chute, c'est lui qui m'avait aidé à me relever.
Ai-je jamais pu réellement me tenir debout à nouveau ?
- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui avais-je demandé.
Il avait tourné vers moi un regard glacial que je n'avais pas compris.
- Hoseok a été arrêté.
- Mais pourquoi ?
- Une enquête était en cours au sein de la brigade, un policier a été infiltré parmi nous pour démasquer un réseau de ripoux qui récupérait les prises de drogues pour les revendre à des caïds avec qui ils étaient en cheville. Jung était à la tête de cette petite organisation, il s'est fait des centaines de milliers de dollars. Rien que penser que j'ai travaillé avec cette ordure me fout la gerbe.
- Il y a eu d'autres arrestations ?
- Quelques-unes, le réseau s'étendait sur plusieurs commissariats. Les bœufs carottes ont fait un travail de titans, ils ont placé un de leurs hommes dans chaque unité. Ils se sont bien foutus de notre gueule eux aussi.
J'avais senti la couleur quitter mon visage. J'allais lui demander de qui il parlait quand le commissaire Kim Seokjin avait sifflé pour attirer l'attention de tout le monde.
- Votre attention s'il vous plaît, avait-il dit en tapant dans les mains.
Il se tenait à l'entrée de son bureau, Yoongi était à ses côtés. Son regard croisa le mien.
- Je sais que c'est un choc pour nombre d'entre vous, cependant nous ne pouvions vous mettre dans la confidence, car chacun d'entre vous ou presque était suspect dans cette affaire.
Un brouhaha de mécontentement monta dans le bureau alors que des sifflements réprobateurs se faisaient entendre. Yoongi s'avança d'un pas et prit la parole.
- Je suis conscient qu'il n'est pas agréable d'apprendre que l'on s'est retrouvé suspect dans une affaire de corruption, cependant au vu de l'ampleur du trafic, le capitaine Kim ne pouvait pas vous mettre dans la confidence, car si nous avions des doutes sur les têtes pensantes, il nous restait encore à déterminer qui étaient les agents en cheville avec eux.
Il continua de parler, j'entendis le nom des personnes arrêtées, mais je n'écoutais rien, tout tournait dans ma tête, il ne restait que les faits et cette sensation horrible de vide en moi. Il m'avait menti tout ce temps, il avait couché avec moi alors que je faisais partie des suspects, j'avais embrassé cette bouche qui n'avait débité que des mensonges.
Je n'avais été qu'un jouet entre ses mains, une pièce à son enquête, rien que cela, pensai-je en me remémorant les discussions que nous avions parfois sur certains collègues.
Il récoltait chaque indice quand moi, je pensais parler simplement avec mon amant.
J'étais monté sur le toit, vaguement nauséeux, avec la sombre impression qu'il m'avait arraché le cœur. J'avais entendu des pas derrière moi, je ne m'étais pas retourné. Je savais qu'il m'avait suivi, son odeur venait m'étreindre comme une dernière caresse.
- Taehyung... murmura-t-il.
J'avais serré les poings jusqu'à sentir les morsures de mes ongles contre ma chair.
- Ma mission est terminée ici et je vais devoir regagner...
Je m'étais retourné pour croiser une dernière fois son regard. J'avais été ébranlé d'y voir pour la première fois une trace d'affection, à moins qu'il s'agisse de culpabilité, je n'avais rien voulu y lire d'autre.
- Je ne veux plus jamais te voir, avais-je juste dit.
Je l'avais vu encaisser le coup, j'avais espoir que peut-être, il dirait quelque chose, il ferait quelque chose. Il plaiderait une faute qui serait malgré tout la sienne. Son visage s'était fermé et s'était dépourvu d'expression.
- C'est vraiment ce que tu veux ?
Je n'avais pas répondu. Dans mon silence, il y avait lu une réponse. Il était parti. Je m'étais écroulé. Jimin m'avait retrouvé quelques heures plus tard sur le toit duquel je n'avais pas bougé. Il m'avait fait sortir en douce pour que personne ne voie que j'avais pleuré. Je n'avais rien dit pendant plusieurs jours et quand enfin, j'avais libéré ma parole et que j'avais compris que je ne lui avais laissé aucune chance de s'expliquer, Min Yoongi était parti, il avait disparu comme il était arrivé.
Plusieurs mois durant, j'avais cherché à savoir où il était, le regret vivait en moi. J'avais appris qu'il avait démissionné, de lui, je n'avais jamais plus entendu parler, lui, mon plus grand amour, le seul, jusqu'à aujourd'hui. Il avait tourné la page, prouvant ainsi que je ne m'étais peut-être pas trompé.
.
Je clignai des yeux pour m'extirper de mes souvenirs. Yoongi me fixait toujours de son regard d'encre. Les souvenirs l'avaient-ils aussi effleuré ?
Je me redressai sur ma chaise et ouvris mon carnet. Je devais me reprendre et ignorer mon cœur qui ne cessait de tambouriner dans ma poitrine comme s'il était devenu fou.
- Min Yoongi, vous êtes actuellement en garde à vue pour présomption de meurtre au premier degré et vol avec circonstances aggravantes. L'arme qui a été trouvée sur les lieux et qui fait pour le moment l'objet d'analyses par la scientifique a été enregistrée à votre nom par l'État du Nevada. Vous avez déclaré n'avoir pris connaissance de sa disparition qu'au moment où la police vous en a informé...
- Taehyung...
- C'est inspecteur Kim pour vous, le coupai-je avant de reprendre. Les coffres du MGM ont été vidés dans la nuit, il n'y a aucune trace d'effraction et l'ordinateur du casino a enregistré une ouverture grâce à votre empreinte à 2 h 47 minutes. Les caméras de surveillance ne fonctionnaient pas depuis la veille. Incident qui avait été signalé par le responsable de la sécurité, Shin Minho, hier en fin d'après-midi, mais qui n'a pas fait l'objet d'une demande d'intervention ni de contrôle de votre part.
- Tu vas vraiment faire comme si on ne se connaissait pas ?
- Je vous rappelle que cette conversation est enregistrée et peut être produite devant un tribunal à titre de preuves, Monsieur Min, répondis-je sans lever la tête de mes notes.
- Je ne dirais rien tant que tu seras incapable de me regarder dans les yeux. Tu vas une fois encore refuser de m'écouter ?
Mes doigts se crispèrent sur le stylo que je tenais. Comment osait-il insinuer que j'avais refusé de l'écouter ? Qu'y aurait-il eu de plus à dire ? Il m'avait trahi de la pire des façons, il m'avait utilisé pour arriver à ses fins, il m'avait laissé.
- Dis à Park de couper l'enregistrement, continua-t-il.
Je relevai la tête vers lui et pinçai les lèvres.
- Vous ne faites plus partie de la police, Monsieur Min. C'est moi qui pose les questions ici et qui donne les ordres. Dois-je vous rappeler votre statut de suspect ? Savez-vous ce que vous encourrez pour les chefs d'accusation qui ont été portés contre vous ?
J'avais élevé la voix sans même m'en apercevoir. J'étais furieux de devoir lui faire face à nouveau, mais plus que tout, j'étais terrifié à l'idée qu'il ait vraiment pu orchestrer ce braquage. Si c'était le cas, je serais celui qui le condamnerait à la peine capitale.
Son regard ne me quittait pas, il paraissait d'un calme olympien, pourtant des flammes dansaient dans ses yeux. Lui aussi était en colère, contre la situation, contre moi peut-être.
Je pris une inspiration et me laissai aller contre le dossier de ma chaise. Ma poitrine me faisait souffrir comme si l'air n'arrivait plus à y pénétrer.
- Coupe l'enregistrement Jimin, finis-je par dire.
J'entendis le bip caractéristique qui indiquait la fin de l'enregistrement avant que la porte ne s'ouvre. Jimin passa la tête par l'entrebâillement de la porte de la salle d'interrogatoire.
- Tout va bien ?
Je lui fis un signe de la tête sans quitter Yoongi des yeux. La porte se referma doucement. Je savais qu'il n'avait pas repris sa place dans la salle des enregistrements. Il se tiendrait derrière la porte jusqu'à ce que je lui dise de relancer l'interrogatoire.
- C'est ton mec ? demanda Yoongi en s'avançant pour poser ses coudes sur la table.
J'eus envie de reculer ma chaise comme si ce geste me préservait des émotions qu'il provoquait encore en moi et qui menaçait de me submerger, pourtant je n'en fis rien.
- Dis ce que tu as à dire, qu'on en finisse, répondis-je.
- Réponds d'abord à ma question.
- Je ne vois pas en quoi le fait que je sorte avec Jimin puisse avoir quelque chose à faire avec l'enquête.
- Tu sais très bien que ce n'est pas de ta foutue enquête dont je veux parler. Je veux parler de nous.
- Il n'y a jamais eu de nous, Yoongi. On a couché ensemble. Tu m'as utilisé pour obtenir des informations et moi, je suis tombé dans le piège. Dis-toi que tu auras mêlé l'utile à l'agréable et que tu as pu t'envoyer en l'air tout en menant ta petite enquête sur moi et mes collègues. L'affaire est close.
- Pas me concernant, tu crois que je vais te laisser mener une investigation sur moi, alors que tu ne peux pas faire preuve d'objectivité me concernant ?
J'eus un rictus.
- Ainsi, c'est ça qui t'inquiète que je me venge de toi en ne faisant pas correctement mon travail. Je suis désolé de t'informer que je sais faire abstraction de mes rancunes personnelles dans mon travail. Je n'ai jamais mélangé les deux et même si je t'ai détesté, je n'utiliserai pas ce genre de moyen pour te faire payer le mal que tu m'as fait, m'écriai-je à bout de souffle.
- C'est pourtant exactement ce que tu as fait me concernant. Tu te targues de ne pas mélanger les sentiments et ton boulot, cependant quand tu as appris la vérité sur ma mission, tu m'as jugé et condamné sans même me laisser une chance de m'expliquer.
Ses mots m'ébranlèrent et je me sentis pâlir. L'expression de Yoongi se radoucit.
- Tu n'as jamais été l'objet d'une enquête, je savais depuis le départ que tu n'avais rien à voir là-dedans, sinon je n'aurais jamais laissé se produire ce qu'il s'est passé entre nous. Je n'ai jamais utilisé les informations que tu as laissées échapper dans nos moments d'intimité. Je ne pouvais pas te dire que je travaillais sous couverture, car si quelqu'un avait appris d'une manière ou d'une autre que tu détenais cette information, il aurait plaidé le vice de forme. Je ne pouvais pas non plus laisser éclater notre liaison, tu serais devenu mon point faible. Hoseok savait que j'enquêtais sur lui, il était prêt à tout, il aurait pu s'en prendre à toi. Je voulais te dire que j'allais démissionner et que je te voulais à mes côtés, mais tout cela, tu ne m'as pas laissé la possibilité de te le dire. Vas-tu maintenant utiliser la haine que tu éprouves à mon égard pour croire en ces stupides preuves qui ont été fabriquées de toutes pièces ?
Chacun de ses mots me frappa en plein cœur. Je me levai brusquement et posai les mains sur la table, les jambes tremblantes.
- Ça suffit, dis-je. Tais-toi.
Je quittai la pièce sans même lui jeter un regard, j'étouffais. Jimin attendait dans le couloir, les bras croisés, nonchalamment appuyé contre le mur. Il se précipita vers moi en constatant la pâleur de mon teint. Il fit signe à un policier en uniforme de tenir la garde devant la salle d'interrogatoire.
- Sergent Ho, veuillez surveiller le suspect jusqu'à ce que nous revenions.
L'homme hocha la tête et vint prendre son poste. Mon coéquipier posa sa main sur mon bras et me tira vers l'un des bureaux qui était inoccupé. Il referma la porte et enclencha le verrou avant de venir poser ses mains sur mes épaules.
- Regarde-moi, dit-il en me forçant à lever le visage vers lui.
Je mordis mes lèvres au sang pour m'empêcher de laisser les larmes couler sur mes joues. J'étais policier, j'étais inspecteur, j'avais appris à m'endurcir face aux atrocités auxquelles j'étais confronté chaque jour. On me disait froid et tactique, pourtant face à Min Yoongi, je n'étais rien de plus qu'un homme. Un homme qui s'était fourvoyé et qui, par fierté, par bêtise, avait perdu la seule personne qu'il avait jamais aimée.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-il en me forçant à m'asseoir.
Je lui restituai chacun de ses mots, la voix tremblante, le cœur en charpie. Jimin prit place sur une chaise en face de moi et prit mes mains dans les siennes.
- Tu le crois ?
Je hochai la tête en passant une main dans mes cheveux pour les rejeter en arrière.
- Je ne sais pas, je ne sais plus que croire. Pourquoi me dire ça maintenant ?
- Tu penses qu'il t'utiliserait pour que nous fassions preuve de mansuétude envers lui ?
- Même si je le voulais, les preuves parleraient contre lui, cependant je n'arrête pas de me dire que c'est trop gros pour être vrai. Min Yoongi a beaucoup de défauts, toutefois il est loin d'être stupide. Faire usage de sa propre arme pour tuer deux gardes, sachant pertinemment qu'elle était enregistrée à son nom. Même chose pour le capteur biométrique, il savait que son empreinte serait identifiée à la minute même où il poserait les doigts sur le capteur.
- En tout cas, on sait déjà que l'argent n'est pas le mobile du crime.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- On a eu le rapport préliminaire sur ce qu'il a fait depuis qu'il a quitté la police. Min aurait pu aisément s'abstenir de travailler, sa famille est pétée de thunes.
- Comment ça ?
Jimin sortit son portable et tapa quelque chose dans la barre de recherche avant de me le tendre. Sur une page internet figurait un article sur la famille Min, propriétaire de l'une des plus grosses chaînes de restaurants du pays.
- Pourquoi on ne l'a jamais su ? demandai-je.
- Parce qu'il a sciemment fait effacer cette donnée de son dossier quand il a intégré la police des polices. Sa famille est très influente et il ne voulait pas qu'on pense qu'il avait été pistonné. Le népotisme n'est pas très populaire dans les forces de l'ordre.
Je lui rendis l'appareil, ne sachant plus que penser. J'avais cru le connaître et pourtant je découvrais de nouveaux éléments qui ne m'avaient jamais effleuré l'esprit. Avait-il raison en m'accusant de l'avoir condamné sans même avoir essayé de comprendre ? Certainement... J'avais creusé la tombe de mon propre malheur, cependant il y avait quelque chose que je pouvais faire, quelque chose dans lequel j'excellais.
Je devais mettre de côté mes souvenirs et mener cette enquête de la façon la plus juste possible.
Je ne savais pas ce que l'avenir nous réservait à la lumière de sa vérité cependant si je voulais le découvrir, je devais l'aider à prouver son innocence, car au fond de moi, ce cœur qui continuait de ne battre que pour lui me chuchotait que malgré les doutes, les malentendus et les mensonges, il ne pouvait qu'être innocent de ce qu'on l'accusait.
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