42.
La guerrière grimpa sur l'estrade et trancha les liens qui retenaient les esclaves entre eux. En même temps, elle leur ordonnait de se calmer pour démêler ce désordre et les libérer au plus vite, mais difficile de faire régner la moindre autorité avec la terreur que causait le loup-garou. Yoongi resta un instant hypnotisé par tant de bestialité. La scène aurait fait tourner de l'œil ou au moins fléchir le plus endurci des gaillards, tant il y avait de sangs et d'entrailles répandues dans la poussière.
Yoongi prit une grande inspiration, les mains tremblantes. L'odeur était si alléchante...
L'ancien écuyer reprit ses esprits et grimpa à son tour sur l'estrade en jetant un coup d'œil au cadavre que la guerrière avait combattu. Ce corps-là avait eu une mort plus paisible.
La femme basanée avait réussi à libérer la plupart des esclaves quand il arriva vers elle, dont Taehyung. Yoongi se précipita dans ses bras dès qu'il le vit. Il le serra si fort qu'il crut avoir été trop brusque, car l'apprenti rendit l'étreinte maladroitement. Puis Yoongi passa son bras sous son aisselle pour le soutenir, même si Taehyung secoua la tête et s'efforçait de ne pas montrer sa faiblesse. Quand la guerrière eut coupé les derniers liens, elle prit naturellement la tête du groupe, qui menaçait d'éclater dans le chaos.
« Il faut se frayer un passage dans les coulisses, lança-t-elle. Que ceux qui peuvent se battre ramassent ce qu'ils peuvent et viennent avec moi ! Les autres, suivez-nous ! »
Quelques esclaves l'acclamèrent pour se donner du courage. Le groupe descendit l'estrade de manière désordonnée, puis chacun se mit naturellement à la place qu'il pouvait ou voulait assumer; les plus ragaillardis se dressèrent derrière la guerrière et les autres suivirent. Personne ne le mentionna, mais ils se dépêchaient de peur que la bête ne les prenne pour cible ensuite. Quant aux mercenaires, ils avaient déjà tous fuis l'arène et une partie du public restait bloquée dans les estrades, comme si les sorties étaient engorgées. Il se passait quelque chose en dehors, car le chaos s'accentuait. Chacun voulait sortir avant l'autre.
Yoongi aidait Taehyung à descendre les estrades quand ce dernier jeta un regard au centre de l'arène, où le loup-garou déchiquetait encore ce qui restait du corps.
« Et pour Jungkook ? s'inquiéta Taehyung.
– Continue, je te rejoins tout de suite, lâcha Yoongi.
– Fais attention. »
Yoongi délaissa Taehyung pour attendre que le groupe se soit un peu éloigné. L'apprenti se retourna plusieurs fois, inquiet de ce qu'il allait faire. Le groupe avait atteint les coulisses quand Yoongi inspira un grand coup:
« Jungkook ! On se retrouve dehors ! »
Dans l'arène, le loup-garou envoya valser un morceau de jambe –ou de bras ?– et tourna sa tête vers lui. Yoongi craignit un instant qu'il ait attiré son attention pour le pire. À cette distance, impossible de deviner s'il était lui-même ou s'il était sous l'emprise de ses instincts. Mais au lieu de bondir vers lui, Jungkook s'intéressa aux malheureux bloqués devant les sorties engorgées des gradins. Il bondit sur les bancs les plus proches et des cris d'horreur raisonnèrent dans toute l'arène. C'est là que Yoongi remarqua un homme habillé tout en blanc encore assis dans les gradins; ça le surprit mais il y avait plus urgent. Il se replia vers les coulisses en sachant qu'il n'y avait rien à regarder de plus qu'un massacre. Il espérait tout compte fait que Jungkook ne se contrôlait pas...
Yoongi rattrapa les autres et suivit le groupe qui n'eut aucune difficulté à traverser les coulisses. Ils trouvèrent rapidement la sortie qui débouchaient sur la ville et s'attendaient à devoir affronter une ligne de mercenaire venu les intercepter, sauf qu'il n'y avait personne pour les attendre. À la place, ils furent accueillis par la cacophonie des combats et du tonnerre des sabots.
Une bataille faisait rage dans les rues même de la ville. Les stands avaient été saccagés et les badauds avaient fuis, vidant les allées auparavant bondées. Des cavalières à la peau tannée passèrent dans leur rue, lancées au grand galop sur leurs montures. Elles poussaient des cris de guerre en brandissant une épée courbe et poursuivaient des mercenaires à pied. Il était évident que leurs adversaires ne faisaient pas le poids; à pied et désunis, le peu d'entre eux qui n'avaient pas fuis tombèrent comme des mouches.
Devant un tel spectacle, le groupe demeura immobile, coincé entre deux destins; des combats devant eux, un loup-garou derrière. Ils ne pouvaient ni avancer, ni reculer. Le tonnerre des sabots reprit quand un autre groupe de cavalières débarqua au bout de la rue. Contre toute attente, la guerrière du groupe s'élança en criant quelque chose dans cette langue inconnue et en faisant de grands signes. Stupéfait, Yoongi regarda les cavalières tirer sur les rênes pour immobiliser leurs montures. L'une d'elle descendit même de cheval d'un seul bond et se précipita vers la guerrière, ses cheveux argentés tressés en une longue natte. Elles semblaient se connaître car elles échangèrent une accolade et souriaient en échangeant quelques mots. Puis la guerrière montra leur groupe d'un signe de la main et la cavalière cendrée acquiesça. Elle se tourna pour s'adresser à ses combattantes et cria des ordres courts.
Deux cavalières se détachèrent du groupe alors que la femme aux cheveux argentés remontait adroitement en selle.
« Suivez-les ! dit-elle aux esclaves dans l'expectative. Elles vous mèneront hors de la ville ! »
Puis elle talonna et sa monture s'élança sur les pavés, suivit par son escadron entièrement composé de femme. Yoongi n'avait jamais rien vu de tel; elles retournaient dans la bataille avec des cris de joie.
Les deux cavalières restées avec eux leur firent signe de les suivre et firent partirent leurs montures aux trots, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière.
« Allons-y ! encouragea la guerrière en courant pour les suivre. »
Tout le groupe se mit en branle, escorté par deux femmes à l'allure de combattante du désert. Ils évitèrent le plus possible les rues d'où s'élevait le vacarme des combats et traversèrent plusieurs ruelles sans ralentir.
Au détour d'une rue, ils tombèrent nez à nez avec un petit groupe de mercenaire à pied. La cavalière en tête n'hésita pas une seule seconde et fonça dans le tas. Certains adversaires n'eurent pas le temps de s'aplatir contre les murs et furent écrasés. Un simple coup d'œil suffit pour comprendre que le combat ne pourrait pas être évité et qu'ils étaient désavantagés. Coincé dans le groupe d'esclave sans arme, Yoongi se sentait écrasé alors qu'il se trouvait presque tout devant. Puis Taehyung posa sa main sur son torse comme pour l'enjoindre à reculer.
« Écartez-vous ! »
Taehyung écarta les bras puis plaqua ses mains au sol. Les membres de leur groupe qui se trouvaient devant furent mystérieusement repoussés contre les murs. La terre trembla comme si un serpent géant s'était faufilé sous leurs pieds. D'un coup d'un seul, les pavés se déchaussèrent et le sol s'ouvrît; une fissure se propagea des mains de l'apprenti, piégeant les mercenaires qui se trouvaient devant. Quand Taehyung releva les bras et joignit les mains, la terre trembla à nouveau et le trou s'affaissa pour se refermer, noyant les hommes sous les gravats et la poussière.
Yoongi toussa, la vue troublée par le sable dans l'air. Peu à peu, la poussière retomba pour laisser entr'apercevoir l'ampleur des ravages. La rue était sens dessus dessous mais sous leurs pieds et derrière eux, tout avait été épargné. Même les murs s'étaient fissurés, menaçant de s'écrouler. Éberlué, Yoongi eut du mal à croire qu'une telle chose était possible.
L'apprenti posa un genou à terre, à bout de souffle et les bras tremblants. Yoongi passa son bras sous son aisselle et le souleva pour le maintenir sur ses pieds. Taehyung s'accrocha à lui.
À l'autre bout de la rue, la silhouette de la cavalière qui avait fait une percée se dessina dans la poussière ambiante. Elle avait échappé à la fissure grâce à son cheval et leur faisait signe. Elle cria quelque chose et disparut dans une autre rue au galop. Derrière le groupe, la deuxième cavalière fit faire demi-tour à sa monture.
« Par ici ! »
Ils repartirent, encore sonné par le tremblement de la terre, et traversèrent deux rues avant d'être rejoins par la seconde cavalière, qui avait trouvé un passage. Enfin, ils atteignirent les portes de la ville saccagée. Ils ne s'arrêtèrent pas pour autant et continuèrent au même rythme, s'éloignant de la clameur des combats. Après une sorte de dune, ils arrivèrent soudain dans un campement militaire caché. Des femmes qui portaient les mêmes couleurs que les tentes et les fanions les accueillirent. Une outre d'eau passa de main en main au sein de leur groupe, à l'ombre d'une tente faite pour accueillir les blessés. Yoongi avait du mal à réaliser qu'il était en sécurité. Le bourdonnement de la bataille résonna encore de longs instants à ses oreilles.
Les femmes du camp ne semblaient pas parler le commun. Elles s'adressaient à eux dans la langue du désert et n'étaient pas hostiles; l'une s'approcha même de Yoongi, qui serrait encore contre lui Taehyung, pour montrer du doigt ses blessures. Le vampire la laissa donc prendre le relai, bien qu'il ne quitta pas l'apprenti des yeux. Taehyung fut installé sur un lit de campement. Sa peau luisait de sueur et ses yeux clos témoignaient de son extrême fatigue.
Assis à son chevet, Yoongi refusa l'aide de la femme une fois qu'elle eut terminé de rafraichir Taehyung et de lui donner à boire. Même s'il avait mal partout, qu'il était couvert de transpiration et de poussière, il ne se sentait pas capable de supporter le moindre contact physique. Son esprit était encore occupé par ce qui se déroulait là-bas et par le destin inconnu de Jungkook.
Une éternité plus tard, alors que le calme était revenu dans le campement, on entendit de l'agitation à l'extérieur de la tente. Yoongi se leva mécaniquement pour aller voir. Le soleil touchait presque l'horizon et l'ébloui. Il mit sa main en visière alors que des cavalières débarquaient au trot dans le campement. Derrière elles et sur leurs selles, d'autres esclaves libérés les accompagnaient. D'abord une dizaine, puis une vingtaine... Au total, une cinquantaine de visages inconnus arrivèrent. Parmi eux, aucun signe de Jungkook. Les aides de camps se dépêchèrent d'aider les plus mal en point et de prendre en charge les guerrières blessées. Le gros des troupes était visiblement de retour. La guerrière cendrée, celle qu'ils avaient croisés à la sortie de l'arène, supervisait tout ça. Un aigle au regard perçant était perché sur son épaule, l'air de surveiller ceux qui s'approchaient de sa maîtresse.
Yoongi resta un moment là à observer les mouvements en se demandant s'il avait raté Jungkook, posté à l'entrée de la tente des blessés. Il s'écarta pour laisser passer un brancard sur lequel gisait une guerrière qui tenait sa jambe sérieusement entaillée, le visage crispé de douleur. C'est là qu'il réalisa qu'il n'y avait pratiquement aucun homme dans les rangs des soldats. Les seuls qu'il remarqua se trouvaient plutôt chez les aides de camps ou les soignants. Mais là encore, ils n'étaient pas nombreux. Quand l'agitation causée par l'arrivée des troupes fut passée, Yoongi retourna auprès de Taehyung. L'apprenti s'était endormi, les traits crispés dans son sommeil.
Yoongi posa sa paume sur son front bouillant et son expression se détendit un peu. Même s'il ignorait ce qu'il était advenu de Jungkook, il devait bien avouer qu'il était soulagé d'être au moins avec Taehyung. Et surtout d'être en vie.
On se retrouve dehors, avait-il dit dans l'arène, juste avant d'être séparé de Jungkook. Yoongi espérait que ce dernier –le vrai, pas le loup-garou– avait entendu et comprit ses mots.
[...]
Le lendemain, les guerrières levèrent le camp à l'aube. Tous le monde se préparait au départ dans une agitation bien ordonnée, mais ce ne fut que peu avant midi qu'ils partirent vraiment. Yoongi demeura avec le groupe des blessés, à l'arrière, et plus précisément auprès de Taehyung, qui s'était réveillé en milieu de matinée avec une meilleure mine que la veille. Il pouvait marcher seul, mais il était encore fatigué et assez peu bavard. Ils avaient abordés ensemble –à demi-mot– ce qu'il convenait de faire ensuite. De toute évidence, personne ne les retenait ici et ils étaient libres de leurs mouvements. Sauf que voilà, ils n'avaient plus leurs affaires de voyage; ni provisions, ni vêtements adaptés, ni argent. En réalité, ils n'avaient aucune raison de se séparer de leurs libératrices, à part peut-être pour partir à la recherche de Jungkook.
Mais un seul regard vers la ville suffisait pour comprendre qu'il n'y avait plus rien ni personne là-bas, hormis peut-être des charognards et des fuyards. Leur ami ne se trouvait pas non plus parmi eux; Yoongi avait arpenté le camp à sa recherche. Mais il voulait encore croire que Jungkook s'était échappé. Peut-être que son instinct animal l'avait poussé à s'abriter dans les basses montagnes au loin ?
« On a plus de chance de le retrouver plus tard si on reste avec eux, avait dit Taehyung. Quand on sera remis, on partira à sa recherche. »
Le coeur serré, Yoongi avait hoché la tête.
Derrière, un groupe de cavalière fermait la marche de la longue file. Comme il y avait beaucoup de personnes à pieds, le convoi ne progressait pas vite sous la chaleur. Néanmoins, on faisait passer des outres d'eau de main en main et des provisions militaires, alors le voyage fut supportable. Yoongi ignorait où ils se rendaient exactement, mais ils allaient vers le sud.
[...]
Une cavalière passa au petit galop à côté d'eux, à l'inverse du sens de marche du convoi. Elle répétait bien haut les mêmes mots dans sa langue, et c'était sans doute une bonne nouvelle car les visages s'illuminaient et on semblait se réjouir. Yoongi ne tarda pas à comprendre ce qui se passait; plus loin devant eux, la silhouette d'une oasis se dessinait dans l'air ondulant. Un havre de repos pour eux qui marchaient dans la terre aride depuis quelques bornes déjà, alors que des dunes rocheuses se dessinaient dans le paysage et marquaient l'entrée du désert.
L'endroit faisait à peine la taille d'un village, mais il était fortifié d'un mur et fait dans cette même pierre blanche utilisée pour les bâtiments. Le camp s'établit dans l'ordre et la discipline. En quelques heures, ils étaient installés et répartis dans les tentes. Alors que Taehyung et Yoongi se reposaient dans le silence du soir, quelqu'un écarta le tissu à l'entrée de leur tente. Une messagère, de toute évidence.
« Je cherche l'homme capable d'ouvrir la terre, dit-elle. »
Même si les mots étaient étrangement choisi, Yoongi comprit qu'elle parlait de Taehyung. Ce dernier se redressa sur son lit de camp.
« C'est moi, annonça-t-il.
– Venez, ordonna alors la messagère. La Princesse-guerrière veut vous parler. »
L'apprenti échangea un regard avec Yoongi, puis quitta son lit avec un peu d'hésitation; impossible de savoir ce qu'on lui voulait, mais ils espéraient tous les deux que ça ne soient pas des problèmes. Le vampire se leva également pour l'accompagner, et la messagère lui jeta un regard auquel Taehyung répondit par un geste de la main qui sembla calmer tous ses doutes. De toute façon, avec ou sans son autorisation, il n'avait pas l'intention de laisser son ami seul. Surtout pas pour une rencontre aussi impromptue que déconcertante. Il ignorait encore qui était cette Princesse-guerrière, mais ce n'était certainement pas n'importe qui pour porter un tel titre et envoyer une messagère les quérir.
La coursière les mena à travers le camp sans rien préciser sur la raison de leur convocation. Dans l'oasis, il faisait frais et la lumière qui s'échappaient des fenêtres se reflétaient sur les bassins d'eau. La messagère s'immobilisa devant l'une des maisons réquisitionnées. Une guerrière faisait le plancton à côté de la porte. Il y avait de la lumière à l'intérieur et des éclats de voix leur parvenaient. La garde échangea quelques mots avec la coursière en indiquant Yoongi d'un signe de tête, puis on les fit entrer tout les deux.
À l'intérieur, la pièce à vivre avait visiblement été aménagée pour accueillir un conseil de guerre. Une carte et des parchemins attendaient sur la grande table, autour de laquelle se dressaient plusieurs personnes; la femme à la natte argentée –celle qu'ils avaient croisés en ville– attendait là avec d'autres guerrières. À en juger par leurs gantelets et de leurs spallières, il s'agissait de sergentes ou de hautes gradées. Yoongi nota la présence du rapace, calmement installé dans une cage au coin de la pièce.
La femme à la natte, qui devait approcher de la quarantaine, se tourna vers eux. Elle arborait un air sévère, mais sa voix n'exprimait aucune agressivité et son commun était impeccable:
« Lequel d'entre vous est mage ?
– C'est moi, lâcha Taehyung en s'avançant d'un pas. »
Ses vêtements étaient dans un piteux état –abimés et troués par endroit– mais il se tenait comme si ça n'avait pas d'importance. Yoongi eut presque l'impression de revoir le jeune homme qu'il avait rencontré à Cardend; plein d'assurance et prêt à tous les coups.
« On m'a relaté vos exploits au combat, reprit la guerrière. Vous avez ma gratitude et celle de mon peuple.
– Je vous remercie, princesse. »
Taehyung s'inclina dans un geste révérencieux. Yoongi l'imita un peu en retard.
« Veuillez vous adresser à la Princesse-guerrière par son titre complet, intervint une sergente autour de la table, l'oeil méfiant. »
Ladite princesse leva la main comme pour dire que ce n'était pas grave. Derrière elle, une autre femme arriva tout à coup d'une pièce adjacente avec un plateau de thé et Yoongi la reconnut aussitôt; c'était la femme qui les avait libéré dans les cales et qui avait combattu avec lui dans l'arène.
« Voici Katha, présenta la princesse. C'est elle qui a été témoin de votre exploit. Elle m'a également conté une partie de ce qui vous est arrivé. C'est certainement la déesse qui a veillé sur vous et qui vous a permis d'arriver jusqu'ici. »
Taehyung hocha la tête pour la saluer, et Katha en fit de même. Yoongi échangea un regard avec elle en espérant qu'elle ait capté sa gratitude. Ça sembla être le cas, car elle esquissa un sourire entendu avant de croiser les mains dans son dos et de se mettre en retrait.
« Nos actions ne sont rien par rapport à l'aide que vous nous avez apporté, reprit Taehyung en posant une main sur son coeur. Je vous suis d'autant plus redevable parce que sans vous, nous serions mort à l'heure qu'il est. Alors si je peux me rendre utile à la Princesse-guerrière...
– Vous le pouvez, mage, répondit cette dernière. Pas auprès de moi, mais envers ma mère, la reine. Si vous choisissez de nous accompagner jusqu'en Lugusia, alors vous pourrez rembourser cette dette d'honneur. Mais sachez que je ne vous oblige à rien, mage. Votre destin vous appartient. »
Certaines sergentes autour de la table regardèrent la princesse, puis fixèrent Taehyung avec beaucoup d'attention. Comme si sa réponse serait déterminante.
« Dans ce cas, nous ferons encore un peu de route avec votre peuple, confirma Taehyung en zieutant brièvement Yoongi.
– Parfait, conclut la princesse. Vous êtes désormais mes invités. Allez vous reposer à présent, votre ami a l'air bien pâle. »
Taehyung s'inclina à nouveau, puis marmonna quelques mots dans cette langue inconnue que les gens de la région parlaient entre eux. La Princesse-guerrière eut l'air agréablement surprise, car son expression s'illumina brièvement. Après quoi ils furent congédiés. Dehors, la messagère attendait sans doute pour les raccompagner, mais Taehyung parla encore dans cette même langue et elle les laissa partir sans chaperon. Sur le chemin, lui et Yoongi restèrent un moment silencieux avant que la curiosité ne l'emporte.
« Je ne savais pas que tu parlais leur langue.
– Je ne la sais pas très bien, avoua Taehyung. Mais il me reste des souvenirs de mes leçons à Haguecourt.
– Haguquoi ? répéta Yoongi, qui avait l'impression d'avoir déjà entendu ce nom quelque part. C'est une ville ?
– Une chaîne de montagne, corrigea l'apprenti avant que ses lèvres ne se plissent dans une mimique d'hésitation. C'est en Algia, à des milliers de lieux d'ici... Même si j'ignore où nous nous trouvons exactement, on ne doit pas être loin du désert. La princesse a parlé de Lugusia.
– J'aurais dû jeter un coup d'oeil à la carte qu'elles avaient, grommela Yoongi. »
Comme ils approchaient de leur tente, Taehyung ralentit avant de s'arrêter complètement. Il n'y avait personne dehors, si ce n'est eux et des sentinelles postées sur les murs de l'oasis, au loin. En tout cas, il n'y avait personne pour écouter leur conversation.
« Il y avait une école de magie là-bas auparavant, à Haguecourt, reprit Taehyung.
– Elle n'existe plus ? osa Yoongi, qui sentait que le sujet était sensible.
– Il n'en reste sûrement pas grand chose, répondit l'apprenti avant de se remettre en marche. »
La discussion se termina là, car ils entrèrent dans la tente et les autres personnes avec qui ils la partageaient s'étaient déjà couchées.
[...]
Le lendemain soir, les guerrières levèrent à nouveau le camp, à la différence que cette fois, une partie du convoi demeura à l'oasis et que l'autre partit pour le désert. Yoongi et Taehyung faisaient partie du second groupe, et on leur confia même un cheval pour pouvoir chevaucher à deux. L'animal ne semblait qu'à peine dérangé par le second poids.
Taehyung s'était presque remis de leurs mésaventures. Yoongi veillait néanmoins sur lui du coin de l'oeil, parce que même s'il semblait à nouveau tel qu'il l'avait connu –souriant et espiègle– il remarquait bien l'expression préoccupée qu'il arborait parfois quand il demeurait longtemps dans ses pensées. En dehors de ça, l'apprenti avait pourtant retrouvé quelques-uns de ses comportements, notamment sa manie de fourrer son nez partout.
En discutant avec les guerrières, Taehyung apprit par exemple à Yoongi qu'ils se dirigeaient bel et bien vers Lugusia, un pays chaud à l'extrémité sud du continent et plus précisément vers la capitale Retogon. Ils apprirent également que ce genre d'escarmouche était fréquente; l'escadron avait spécialement été créé par la Princesse-guerrière pour libérer son peuple victime d'esclavage. Les guerrières parcouraient donc leurs frontières et effectuaient des raids sur les marchés clandestins, comme celui qu'elles avaient menés sur la ville de brigands. Un problème qui semblait avoir un lien avec la situation politique instable de la région. Taehyung le perdit en lui parlant d'un Grand Sultanat qui s'était séparé il y a des générations, d'histoires de clans et de guerres... À vrai dire, il n'écouta qu'à moitié. Tout ce qu'il retenait, c'était que pour rejoindre Lugusia, il fallait traverser une partie du désert. En somme, ils étaient bien loin de chez eux. Yoongi avait encore du mal à croire tout le chemin qu'ils avaient parcourus depuis le début de leur voyage... Tout comme il réalisa la chance qu'ils avaient eu. Il aurait tout aussi bien pu s'écouler des mois avant qu'ils ne soient libérés de ce marché, tout comme ils auraient pu ne jamais être libérés.
Assis à l'arrière sur la selle, collé au dos de Taehyung qui tenait les rênes, Yoongi s'accrochait à l'apprenti alors que les dunes autour d'eux ne ressemblaient qu'à des masses noires dans la nuit. L'air était froid, alors on leur avait donné de quoi se couvrir. Yoongi se laissait porter et ça le soulageait, d'une certaine manière. Jusque-là, le voyage avait été une catastrophe par sa faute. Il était conscient que bien des malheurs auraient pu être évité s'il avait été moins naïf... alors Yoongi se sentait plus serein comme ça, en se laissant porter par le courant. Mais il y avait aussi autre chose.
Ils allaient vers le sud. Vers les contrées où il faisait certainement chaud toute l'année. Là où Namjoon lui avait demandé de se rendre. Yoongi se rapprochait à nouveau de son but et au fond de lui, il en était soulagé.
Néanmoins, il fallait avant tout traverser le vaste désert. Une traversée qui se révéla aussi longue que Yoongi l'avait imaginé; le sable s'étendait à perte de vue, sans changement ni variation. Les guerrières paraissaient suivre un tracé particulier. Sous les sabots de leurs montures, une roche rougeâtre, plus dure que le sable, leur permettait d'avancer sans trop de ralentissement. Sans doute des vestiges d'une ancienne route, car elle était coupée par endroit. Ils voyagèrent surtout de nuit, quand les températures devenaient presque glaciales, et au bout de deux jours et demi de cheval, ils aperçurent une ville qui ondulait au loin comme un mirage.
La capitale; Retogon.
Bâtie autour d'un oasis, Yoongi la trouva dépaysante en tout point. Les rues étaient bordées de canaux, dans lesquels circulaient une eau claire, et des dattiers fournissaient de l'ombre en suffisance aux badauds. Même les habitants n'avaient presque rien en commun avec eux; plus grands, ils arboraient une chevelure très souvent grise ou blanche, qui contrastait avec leur peau bronzée. La mode également changeait; les vêtements très amples affichaient un vaste panel de couleur rayonnante –même si le vert prédominait– et tout leur corps était paré de breloques ou de bijoux. La Princesse-guerrière –qui chevauchait à l'avant, attirait malgré elle les passants qui s'agglutinaient pour espérer effleurer ses jambières.
Mais le plus impressionnant aux yeux de Yoongi, ce fut surtout le palais.
Composé de trois grands dômes à l'éclat doré, c'était le plus haut bâtiment de la ville, qui s'étalait plus qu'elle ne s'élevait. La façade n'en demeurait pas moins immense quand on se tenait à ses pieds, et les murs d'enceinte qui l'entouraient dissimulaient sans doute de grands jardins. En tant qu'invités de la princesse, Taehyung et lui furent guidés dans une aile spécifique du palais, où il régnait une sérénité et un calme reposant.
« La reine vous accordera bientôt une audience, leur expliqua la servante qui leur montra leurs chambres. Les bains se trouvent au bout du couloir.
– Merci infiniment, lâcha Taehyung avant de lui faire signe qu'elle pouvait partir, après quoi il se tourna vers Yoongi. Je suis épuisé, je vais aller dormir un peu.
– On se voit tout à l'heure alors, lâcha le vampire, moins touché par la fatigue. »
L'apprenti disparut dans sa chambre et Yoongi partit dans la sienne, qui se trouvait juste en face. Mais il n'y resta que le temps de faire le tour des lieux et d'admirer l'architecture. Après quoi il dénicha une serviette et se hâta vers les bains, trop heureux de pouvoir se décrasser après leur chevauchée dans le désert; il avait l'impression que le sable s'était logé dans chaque recoin de sa peau. Sous ses ongles, dans ses cheveux... Une sensation vite chassée par la fraîcheur de l'eau dans laquelle Yoongi se plongea.
Le bassin était grand et large comme un étang. Yoongi pouvait faire au moins quinze pas avant de toucher l'autre côté, et l'eau ne lui arrivait qu'aux hanches. L'air sentait bon le frais. Il flottait même une légère odeur de parfum. Le carrelage et la hauteur sous plafond rendait la pièce très lumineuse.
C'est si différent du château, songea Yoongi en s'immergeant jusqu'aux épaules.
Il y resta jusqu'à en avoir marre. Après ça, le jeune vampire eut des réticences à remettre ses vêtements abîmés et salis par leurs mésaventures. Mais quand il retourna dans sa chambre, il remarqua qu'on avait déposé des vêtements neufs sur son lit. Quand il les déplia, il fut surpris de voir des habits à la mode d'ici; c'est-à-dire ample et coloré. Le pantalon était à la bonne taille, mais le haut se révéla trop grand pour lui et ne couvrait pas tout son torse. Yoongi n'y accorda pas beaucoup d'importance. Tout valait mieux que de remettre ses guenilles.
Propre et habillé, le vampire s'allongea sur le grand lit, puis roula sur le dos. Il resta un long moment comme ça, sans penser à rien. Quand il déglutit, il réalisa alors que sa gorge était sèche. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis qu'il avait gouté du sang, et ce dernier n'avait pas été suffisant. À peine une gorgée. Son dernier vrai repas remontait donc à des semaines... Peut-être même un mois. Et il sentait qu'il arrivait à ses limites. Yoongi se redressa en position assise et ignora cette sensation de gorge sèche pour fouiller dans ses vieux vêtements. Il extirpa la broche ainsi que le bracelet en argent. Une bague tomba également. Il s'assit en tailleur sur les draps et posa les bijoux côte à côte pour les contempler.
Il toucha la broche et sa texture rugueuse créa en lui un sentiment familier. Il avait passé ses doigts dessus au moins des centaines de fois depuis que Namjoon la lui avait confié, mais il ne l'avait jamais porté et l'avait toujours caché aux regards des autres. Ici, les gens étaient parés de bijoux, des bras jusqu'au cou. Personne ne ferait attention s'il en mettait lui aussi. Yoongi hésita quelques instants, puis accrocha la broche à sa poitrine. Après quoi son regard tomba sur le bracelet, qu'il avait ôté avant de prendre son bain.
Yoongi passa ses doigts sur le métal. Cet objet-là lui inspirait une nostalgie douloureuse. Le cœur lourd, il enfila le bracelet et le serra contre son poignet si fort que ça laissa sans doute une marque éphémère. Après quoi il prit la bague et se dit qu'il ferait mieux de la rendre à Taehyung tout à l'heure, vu qu'elle lui appartenait. Une bien maigre consolation pour tout ce qu'ils avaient perdus.
On toqua à la porte. Yoongi alla ouvrir en se demandant si l'heure était déjà à la convocation, mais il fut étonné de voir plusieurs servantes devant sa porte.
« Nous venons de la part de sa majesté la Princesse-guerrière, annonça l'une d'elle. Pour les soins. »
Yoongi grimaça en voyant les paniers remplis de flacons très odorants, d'huiles essentielles, d'une brosse à cheveux et de ciseaux.
[...]
Yoongi n'arrêtait pas de jouer avec ses cheveux. Mais chaque mèche qu'il prenait glissait trop vite entre ses doigts; les domestiques les avaient coupés trop courts à son goût, en plus de les avoir disciplinés. L'air sur sa nuque le perturbait.
Taehyung, quant à lui, était ravi d'être parfumé et coiffé. Il jouait avec la bague que Yoongi lui avait rendu et la faisait tournoyer entre ses phalanges comme il le ferait avec une pièce d'or. C'était le seul bijou qu'il avait, car son oreille portait encore les stigmates de la perte de sa boucle. Il n'en était pas moins rayonnant dans ses vêtements lugusiens, qu'il portait comme s'il était né dedans. En plus, son petit sourire n'avait pas quitté ses lèvres depuis qu'ils attendaient, lui et Yoongi, dans ce petit salon confortable, assis sur des coussins. Après leur repos, une messagère était venu les chercher pour leur entretien avec la reine.
J'espère qu'elle ne va pas nous demander l'impossible, pensa Yoongi, qui se préoccupait à présent de la dette qu'ils avaient envers la Princesse-guerrière. Elle ne les avait pas forcé à venir jusqu'ici, certes, mais ils étaient quand même redevables pour toute l'aide qu'elle leur avait apporté. Ces derniers jours avaient été parmi les plus agréables depuis le début du voyage; nourris et escortés, ils n'avaient eu aucun soucis à se faire. Yoongi espérait tout de même que Taehyung sache se montrer prudent dans ses paroles et dans les promesses qu'il risquait de faire. Quoi que la Princesse-guerrière ait eu en tête en leur demandant de venir, ça avait un lien avec les dons magiques de l'apprenti.
Yoongi espérait de son côté pouvoir demander de l'aide pour retrouver Jungkook... et peut-être même Namjoon.
La porte s'ouvrît enfin, et Taehyung se leva théâtralement, suivit plus sobrement par Yoongi. On les guida dans le couloir jusqu'à une salle garnie de colonnes, où l'on se réunissait visiblement pour discuter autour d'une table. Il n'y avait pas beaucoup de personne autour de cette dernière; la princesse, toujours vêtue comme pour la guerre, une femme d'un certain âge et un homme étranger au teint clair. Il n'y avait aucun doute quant à l'identité de la reine; malgré son âge, la femme au centre portait avec superbe une telle quantité de bijou que Yoongi se demandait comment elle faisait pour ne serait-ce que lever le petit doigt. Certaines parties de sa tenue rappelait également l'univers militaire, comme en témoignait la spallière ouvragée à son épaule et le cimeterre à sa hanche. Ses cheveux étaient entièrement blancs.
La Princesse-guerrière se leva pour les accueillir.
« La Reine-guerrière Assia Lugusia quatrième du nom, annonça-t-elle sur un ton impérieux. »
Taehyung s'inclina. Yoongi l'imita. La princesse leur fit signe de prendre place sur les sièges face à eux.
« Ma reine, reprit-elle en s'asseyant à côté de sa mère. Voici le mage dont je vous ai parlé ainsi que son ami.
– Quel est votre nom ? demanda alors la reine dans la langue commune.
– Taehyung, se présenta l'apprenti en jetant un œil aux nombreuses bagues qui brillaient à ses doigts. J'ai cru comprendre que vous aviez besoin d'aide. Cela a-t-il un rapport avec le Sultanat ? »
Yoongi lui donna un coup de pied discret sous la table. Il ignorait comment il semblait être au courant de ce qui se passait dans la région, mais il était trop direct et trop familier alors qu'il y avait certainement une quantité astronomique de manières à adopter face à une reine... Yoongi n'avait pas envie de passer un séjour dans les geôles, si tant est que ça soit vraiment le sort réservé aux impertinents.
La souveraine ne sembla pas faire grand cas de son comportement. De toute évidence, l'impassibilité était de famille.
« Vous avez l'air renseigné, admit-elle. Mais ce n'est pas tout à fait ça. Nous sommes effectivement en mauvais termes avec nos voisins, mais un homme seul ne peut régler ce problème. Qui plus est, vous êtes un mage, pas un combattant. »
Taehyung sourcilla, mais ne dit rien pour la contredire car c'était la stricte vérité. Yoongi songea qu'il n'avait jamais vu l'apprenti porter une arme, et encore moins en manier une.
Ses guerrières ne jurent que par l'honneur et l'épée, réalisa Yoongi.
La princesse avait visiblement son propre avis sur le sujet:
« La déesse n'accorde sa faveur qu'à ceux qui se battent avec honneur, dit-elle en regardant Taehyung. Son don peut terrasser plusieurs hommes d'un seul coup. Je ne l'ai pas vu de mes propres yeux, mais je crois mes soldates sur parole. Je pense qu'il pourrait être un atout pour notre cause.
– Est-ce pour ça que tu as jugé bon de me l'amener ? demanda la souveraine en jetant un regard sévère à la princesse. Alors que ce n'est même pas sa guerre ?
– Absolument, répondit cette dernière avant de frapper du poing sur la table. Tout ça n'a que trop duré, mère ! Miagos continue de réduire son peuple... notre peuple en esclavage et Cegios proclame tout haut être le nouveau Sultanat ! C'est un affront...! »
Le ton était si vite monté que Yoongi et Taehyung échangèrent un regard surpris. L'homme qui se trouvait également autour de la table –et qui n'avait pas dit un mot depuis le début– se racla soudain la gorge.
« Si je peux me permettre, commença-t-il. De quelle école êtes-vous ? »
La question était pour Taehyung, qui ne s'attendait apparemment pas à ça.
« Qui êtes-vous ? demanda l'apprenti au lieu de répondre.
– Je ne vous l'ai pas présenté, admit soudain la reine. Voici le médecin de ma cour et l'un de mes conseiller, le docteur Seokjin. »
Yoongi regarda alors en détail le visage de l'homme en question et quelque chose le perturba immédiatement. Il reconnaissait cette silhouette, cette tenue entièrement blanche... mais ses traits ne lui disaient absolument rien. L'homme n'était pas d'ici, comme en témoignait son teint aussi pâle que le sien.
L'homme esquissa un sourire serein.
« Ma reine, dit-il. Ne serait-il pas plus sage de remettre cette conversation à plus tard ? Je n'ai pas encore eu l'occasion d'ausculter nos invités, et la colère n'est pas bonne conseillère.
– Vous avez sans doute raison, répondit la reine avant de faire un signe las de la main. Vous revenez vous-même de voyage. Cette réunion est close pour le moment. »
Puis elle se leva et prit congé. La princesse jeta un regard courroucé au médecin avant de rattraper sa mère. Il ne resta que les hommes autour de la table.
« Permettez-moi de vous raccompagner, lança Seokjin en se levant à son tour et en leur faisant signe de venir avec lui. Il paraît que vous venez de loin ?
– Il est vrai que nous avons fait un bout de chemin, admit Taehyung.
– J'aimerais bien en savoir plus, si ça ne vous dérange pas. »
Ils firent le chemin vers l'aile des invités ensemble. Le médecin semblait bien connaître les couloirs, car il les guida sans hésitation tout en écoutant Taehyung faire un inventaire de leurs aventures et en ponctuant la conversation de questions. Pendant toute la durée du trajet, Yoongi n'arriva pas à effacer l'étrange malaise que lui inspirait ce médecin...
Quand ils furent devant leurs chambres, Seokjin se tourna vers Taehyung.
« Je vais vous ausculter d'abord, annonça-t-il. Le récit de ce qui vous est arrivé sur ce bateau de contrebande m'inquiète un peu. J'aimerais être certain que vous n'avez rien. Allez donc déjà vous allonger, je vais chercher mon matériel.
– Merci beaucoup docteur, lâcha Taehyung avant de s'éclipser dans la chambre pour y attendre.
– Quant à toi, reprit Seokjin en s'adressant à Yoongi. Je viendrai vérifier ton état juste après. »
Yoongi haussa une épaule et s'apprêtait à ouvrir la porte de sa propre chambre quand l'homme posa une main sur son épaule.
« C'est une broche spéciale que tu as là, ajouta-t-il tout bas. Un cadeau de sa part, je présume ? »
Yoongi posa sa main sur le bijou par réflexe et sentit le froid s'immiscer en lui. Seokjin ne lui laissa pas le temps de réagir:
« Nous en discuterons plus tard. Ton ami m'attend. »
Puis il s'éclipsa. Yoongi resta tétanisé, les doigts fermement serrés sur sa broche.
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