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29.


Yoongi posa la plume en équilibre sur le bord de l'encrier. Il se pencha sur sa chaise pour voir les reflets de l'encre, mais elle n'était pas sèche. Avec prudence, l'écuyer pinça les coins du papier avec ses doigts et le secoua un peu pour accélérer le séchage. Il entendit le bâillement contenu de Taehyung, qui brisa à peine le silence.

La semaine s'était écoulée, et une autre commençait. Yoongi se sentait en forme depuis le jour où Taehyung avait donné de son sang, mais depuis, un étrange sentiment persistait. Il n'arrivait pas à nommer ce que c'était. Peut-être était-ce simplement la crainte de ce que pouvait devenir l'apprenti du mage ? Il craignait cela plus encore que de voir son secret dévoilé.

Taehuyng, toutefois, se portait à merveille. Il s'était remis lentement de cette perte de sang –à un rythme humain, Yoongi l'espérait– et il ne montrait aucun signe de changement particulier. Sa peau était toujours aussi hâlée, presque exotique parmi les visages de la cour. Les palefreniers étaient presque aussi bronzés que lui, mais d'un bronzage qui tue la peau pour la rendre indélicate, salie également par leurs travaux. Taehuyng n'était pas ainsi; ils prenaient relativement soin de lui, compte tenu des moyens, mais son attitude faisait toute la différence. Il attirait déjà beaucoup l'attention des dames qui le croisaient dans les couloirs du château. Ses yeux semblaient en être la principale cause, ça et peut-être aussi son statut d'étranger et d'apprenti du mage, qui lui-même suscitait encore les conversations. Comme si son comportement extravagant ne lui suffisait donc pas à se faire remarquer.

Taehyung ne semblait d'ailleurs jamais s'ennuyer, bien qu'il passait la plupart de son temps avec Yoongi et que les tâches de ce dernier étaient redondantes. Son maître l'autorisait à être présent durant les cours, comme à l'instant, à condition qu'il se tienne tranquille. Il lisait donc dans un coin ou s'adonnait à un passe-temps qui consistait à fermer les yeux comme s'il méditait. Yoongi le soupçonnait de tout simplement dormir. Bien souvent aussi, il l'accompagnait aux écuries. Yoongi s'était rapidement habitué à sa présence envahissante; quelque part, il l'appréciait.

Lorsqu'il estima l'encre suffisamment sèche, Yoongi se leva et s'approcha du mage, assis dans un fauteuil de la silencieuse salle d'étude. Il se racla la gorge en tendant son papier couvert d'écriture. À présent, il lisait et écrivait sans trop de mal, même si ça restait bien moins bon que les extraits qu'il recopiait. Le vieil homme leva les yeux de son livre intitulé La science des Rêves et observa le travail de son pupille.

« Bien, dit-il en posant la feuille sur la table d'appoint, au-dessus d'une pile de bouquins. C'était la dernière, mais avant de te laisser pour aujourd'hui, voilà une petite énigme. »

À l'entente du mot énigme, Taehyung sembla s'éveiller. Il sauta du bord de la fenêtre où il s'était installé pour lire et s'approcha. Il abandonna derrière lui un bestiaire qu'il avait feuilleté sans grand intérêt.

« Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il alors que le mage fouilla dans sa poche, en sortit une bourse en cuir qu'il vida et tendit sa main ridée, sur laquelle était posé une sphère pas plus grande qu'un oeil.

– Là est toute la question, répliqua le vieillard. »

Yoongi étira son bras pour prendre la sphère entre son pouce et son index, délicatement. À première vue, il aurait pensé qu'elle serait très fragile, mais la matière semblait solide sous ses doigts. L'objet l'intriguait plus encore que tous ce que le mage lui avait présenté jusque-là, parce qu'il n'en avait jamais vu de semblable de toute sa vie; les reflets et les stries laissaient Yoongi perplexe. Et puis, il ne reconnaissait définitivement pas la matière. Même Taehyung, qui semblait en savoir tout autant que son maître, paraissait déconcerté par cette étrange sphère. Il fronçait les sourcils en la fixant de ses yeux vairons.

« Ceci est un artéfact que j'ai acquis tout à fait par hasard lors d'une promenade en ville, expliqua le mage en croisant ses mains sur son ventre. Une hypothèse quant à son utilité ?

– Ça ressemble à un oeuf, fit remarquer Taehyung. Il y aurait quelque chose à l'intérieur ?

– On dirait que c'est creux, répondit Yoongi en soupesant la sphère.

– Vérifie s'il y a un mécanisme pour l'ouvrir. »

Yoongi fit rouler l'objet entre ses doigts. Il ne trouva aucune irrégularité qui permettrait de l'ouvrir, ni aucun mécanisme. Qu'est-ce qu'un tel objet pourrait bien contenir d'aussi petit ? Et pour quelle raison ?

« On ne peut pas l'ouvrir, conclut distraitement Yoongi.

– Alors c'est autre chose, marmonna Taehyung. C'est un outil de mesure ? La partie cassée d'un autre objet ? De la décoration ? Un objet magique ?

– En sens-tu des traces ? demanda alors le mage, en s'adressant spécifiquement à son apprenti. »

Taehyung fixa la sphère et tendit sa main ouverte vers elle. Yoongi crut un instant qu'il voulait la prendre, mais il n'avança pas pour la saisir; il resta juste là, la paume tendue. Finalement, il l'abaissa.

« Non, aucune.

– Alors de quoi s'agit-il ? questionna à nouveau le mage, sur un ton intéressé, mais qui laissait suggérer qu'il en savait un peu plus qu'eux à ce sujet. »

L'écuyer inspecta les stries qui ornaient le métal. Elles formaient des cercles tournoyants autour de la sphère, mais impossible de trouver le début ou la fin du tracé. S'il y avait un sens pour tenir cet objet, Yoongi l'ignorait totalement, tout comme sa fonction. Le mage s'amusa à voir ses deux étudiants dans un silence frustré et esquissa un sourire compatissant.

« En réalité, commença-t-il. Personne ne sait à quoi cet objet sert, mais d'aucun pense qu'il s'agirait d'une clé. Le style correspond à des ruines vieilles de plusieurs siècles.

– Une civilisation disparue ? lâcha Yoongi, fasciné.

– Il se pourrait. Il y en a des similaires un peu partout sur le continent, que l'on peut dénicher dans les marchés et autres bric-à-brac lorsqu'on cherche bien. Évidemment, il n'a de valeur que pour les érudits. Certains s'attèlent à les collectionner. L'homme auprès duquel je l'ai acquis ne savait pas non plus ce que c'était. Il me l'a vendu en prétextant que c'était un talisman pour attirer la richesse.

– S'il s'agit d'une clé, marmonna Taehyung en posant ses poings sur ses hanches. Alors où est la porte qu'elle ouvre ?

– Nul ne le sait, et c'est là tout le mystère de ces petites sphères. C'est tout à fait fascinant. Enfin, c'est assez pour aujourd'hui, arrêtons-nous là, conclut le vieillard. À demain, jeune homme. Quant à toi Taehyung, ne le distrait pas trop. Yoongi a encore du travail. »

L'appelé hocha la tête pour acquiescer docilement. De son côté, l'écuyer redonna la sphère au vieillard et rassembla les objets sur la table dans une illusion de rangement. Taehyung l'attendait déjà devant la porte lorsqu'il eut fini, et ils sortirent ensemble pour aller aux écuries, là où Yoongi avait encore passablement de travail.

[...]

« Donc, tu peux entendre facilement à travers les murs et les portes ? questionna Taehyung, perché sur une botte de paille. »

Yoongi rassembla le foin avec la fourche. Il en empila plusieurs couche, laissa son outil de côté et rassembla son tas avec ses mains qu'il tassa dans un seau en bois. Il réitéra son geste plusieurs fois d'affilée.

« En principe, oui, marmonna l'écuyer, concentré sur ce qu'il faisait. Mais ça dépend de l'épaisseur du mur...

– Et à l'intérieur du château, est-ce que tu y parviens ? »

Yoongi haussa les épaules puis secoua la tête en signe de négation. Il prit le seau par l'anse et retourna dans la stalle du cheval de sire Jung. Taehyung quitta son poste pour le suivre. Il se débarrassa distraitement des brins de paille accrochée à son pantalon. Yoongi entendit des bruits de pas arriver depuis dehors et il eut un mouvement de tête qui intrigua le vagabond. Lui n'avait rien entendu.

« Qu'est-ce qu'il y a ? murmura-t-il alors.

– Rien, répondit Yoongi, qui flatta l'encolure du cheval. Juste l'écuyer de sire Barras.

– Incroyable, commenta Taehyung. Je n'ai rien entendu. Tu reconnais aussi le son des pas, ou est-ce de la déduction ? Qui est ce sire Barras ?

– Il approche, affirma Yoongi, signe qu'ils devaient se taire. »

Taehyung huma pour montrer son intérêt, puis suivit encore l'écuyer lorsque ce dernier quitta le boxe, le referma derrière eux et sortit des écuries. Ils croisèrent effectivement un jeune garçon qui portait une selle trop lourde pour lui et qui salua Yoongi d'un signe de tête. Une fois dépassé, Taehyung porta ses yeux derrière eux, comme s'il tentait d'évaluer les distances. Il avait oublié ses questions, car il saisit un pan de sa cape pour se couvrir avec en se plaignant du froid. Yoongi, lui, resta indifférent.

Il faisait un temps hivernal. En plus, il avait gelé les nuits précédentes et il fallait faire attention en marchant dans la cour, car la boue avait congelé. Taehyung s'amusait à jouer les acrobates en levant les bras horizontalement afin de garder son équilibre sur les plaques de glaces. Il faisait parfois mine de glisser, mais Yoongi n'y fit pas beaucoup attention; son regard restait attiré par sa nuque et les quelques autres parties de peau qui se dévoilaient par ses gestes. Il vit le bandage sur son avant-bras et détourna les yeux.

L'écuyer se força à lever la tête. Il regarda les étoiles naissantes. Il était tard, et il décida de faire un crochet par les cuisines; pas pour lui, mais pour Taehyung. Ça parut d'ailleurs le réjouir. Il adorait s'y rendre, c'était évident. Peut-être que l'agitation quasi constante qui y régnait lui plaisait.

[...]

Le brouhaha qui régnait dans les cuisines durait depuis leur arrivée déjà. Assis au bout du banc, Yoongi écoutait distraitement, plus intéressé par son geste que par les mots qu'il entendait au hasard. Avec son index, il retraçait les sillons de la table autour de son bol vide; il n'en avait avalé qu'un peu avant de l'offrir à Taehyung lorsque Telma avait eu le dos tourné. Le vagabond avait donc reçu le double de sa part habituelle, mais ce n'était pas pour lui déplaire.

À côté de Yoongi, Taehyung monopolisait d'ailleurs l'attention avec des tours de passe-passe, qu'il prenait un malin plaisir à montrer. Les gardes en pause l'observaient manipuler une pièce de monnaie, la faire disparaitre dans sa main gauche pour la faire réapparaitre dans la droite. Les spectateurs faisaient les gros yeux, essayant de comprendre le truc. Deux servantes venues chercher des plats s'intéressaient également à lui, mais elles semblaient davantage impressionnée par sa personne que par le tour.

Yoongi l'observa lui aussi un instant, distrait par l'agilité de ses mains baguées. La peau de ses avant-bras se découvraient lorsqu'il agitait ses manches bouffantes, cachant tout juste le bandage. L'écuyer sentit comme un creux se former dans son ventre, léger mais étrange. Il détourna le regard et la sensation disparut.

« J'comprend pas, râla l'un des gardes, perplexe, en grattant sa barbe.

– C'est de la magie, finit par conclure un autre. Pour sûr.

– Mais non, marmonna un autre. J'ai déjà vu ce genre de tour dans un bar. Le bougre avait un truc j'vous dit.

– Hey apprenti, montre-nous donc un autre tour. »

Ravi, Taehyung hocha la tête diligemment, sans perdre son sourire mesquin. Il rangea sa pièce après l'avoir fait sauter bien haut dans sa main agile sous les regards attentifs des autres.

« Quelqu'un aurait-il un jeu de carte, à tout hasard ? questionna-t-il. Et pourquoi ne pas parier quelques pièces pour le tour suivant, messires ? »

Yoongi se réveilla soudain de son ennui. Il n'était pas certain que ça soit une bonne idée. Sous la table, il tapota le tibia du vagabond avec son pied en le fixant ardemment. C'était l'heure de partir, ils avaient passés bien assez de temps ici et lui-même devait certainement voir si sire Jung ne voulait rien; il ne l'avait pas appelé de la journée, trop occupé à inviter des dames. Taehyung jeta un coup d'oeil vers lui alors que les gardes scrutaient les tables à la recherche d'un jeu de carte.

« Mes excuses, mais ce sera pour une prochaine fois peut-être, lança abruptement le vagabond. Je dois y aller, très bonne soirée à vous messires ! »

Sur ces mots, il quitta le banc et s'inclina en faisant un grand geste pour tous les saluer. Certains gardes firent part de leur déception et le brouhaha s'intensifia brusquement à cause de son départ. Yoongi s'empressa de le suivre dehors, dans la basse-cour plongée dans la pénombre. Il le distinguait clairement à la lumière des torches. Taehyung s'amusait à lancer deux pièces très haut au-dessus de sa tête. Yoongi crut alors comprendre comment il avait dupé ses spectateurs, mais il n'en dit rien. À la place, il l'écouta siffloter joyeusement un air alors qu'ils rentraient au château, et il se demanda si ce garçon n'aurait pas mieux fait d'être troubadour. Il n'avait rien d'un apprenti mage.

À l'intérieur, les candélabres projetaient des ombres tremblantes sur les murs de pierre. Ils empruntèrent le même chemin que d'habitude. Habitude qui durait depuis quelques jours déjà. Taehyung logeait en bas, dans une chambre de domestique qui ne servait pas, mais il préférait raccompagner Yoongi. Il restait longtemps dans sa chambre et c'était souvent là qu'ils parlaient sans être dérangé. Ils parlaient de tout et de rien, mais surtout sur la condition particulière de Yoongi.

Ils croisèrent deux dames dans le couloir, pas loin des quartiers de sire Jung. Yoongi baissa la tête pas automatisme en s'écartant du chemin. Taehyung, lui, les gratifia d'un salut chaleureux ainsi que d'une révérence comme il avait l'habitude d'en faire à tout bout de champs. L'une en fut ravie mais l'autre ne le regarda pas. Elles continuèrent simplement leur chemin, tout comme Taehyung et Yoongi. Bien plus loin, le vagabond lâcha un soupir.

« Mes genoux commencent à se plaindre de mes incessantes révérences, lança Taehyung avec un pauvre sourire. Entends-tu quelqu'un dans les environs ?

– Personne, pourquoi ?

– Discutons, affirma le vagabond. Y a-t-il d'autres de tes sens qui sont aussi développés ? »

Yoongi prit un instant pour y réfléchir, mais la réponse lui vint naturellement.

« Tous je crois, avoua-t-il. Sauf peut-être le goût... je n'aime plus vraiment manger.

– Hm. Et le soleil ? questionna Taehyung, vivement intéressé. On dit que vous le craignez, que la lumière de l'astre vous réduit en cendre ou vous brûle, mais je te vois te promener en plein jour sans le moindre soucis. Et puis, tu ne frissonnes pas, comme si tu étais insensibles aux températures peu importe ce que tu mets. D'ailleurs, tu n'as pas grand chose à te mettre. Ton chevalier ne s'occupe-t-il donc pas de te vêtir ? »

Yoongi haussa les épaules; il n'en savait rien et ne s'en était jamais préoccupé. Si ça avait été tel que l'avait suggéré Taehyung, alors il aurait déjà brûlé depuis longtemps. Yoongi repensa aux jours plus ensoleillé, à toute cette lumière, à ses yeux parfois trop sensibles. Il se plaisait mieux lorsqu'il faisait plus sombre. De cela, il en était certain. Quant à sire Jung, il ne lui donnerait et ne lui avait jamais donné quoi que ce soit, sauf ce cadeau inattendu. Le bracelet en argent, que Yoongi gardait précieusement dans ses affaires sans savoir quoi en faire. L'écuyer releva la tête, soudain alerte. Des petits pas vifs. Et rapides. Droit devant.

L'instant d'après, son impression se confirma car un petit garçon apparut au bout du couloir et trottina dans leur direction. Il ne devait pas avoir plus de sept ou huit ans. Lorsqu'il les vit –et plus particulièrement Taehyung– l'enfant s'arrêta net et écarquilla les yeux comme s'il avait été attrapé en flagrant délit. Néanmoins, il crut ne déceler aucun danger chez eux, car il s'approcha sans méfiance. Il avait un petit nez retroussé, de petits yeux et rien de bien spécial. Yoongi n'avait jamais vu cet enfant auparavant; à qui était-il ? Un noble ? Assurément, car le garçon portait des étoffes propres et de valeurs. Mais pourquoi était-il laissé sans surveillance, surtout à une telle heure ? L'enfant pointa soudain un doigt effronté sur le vagabond.

« Toi là, marmonna le garçon. T'es le mage ? »

Taehyung, qui n'avait jusque-là aucun sourire, en esquissa un qui adoucit son expression d'étonnement. Il porta une main à son torse, dévoilant indirectement ses bagues.

« J'ai bien peur qu'il y ait méprise, dit-il. Je ne suis qu'un vaga–

– Mais, coupa le garçon. Si t'es pas le mage, alors t'es son élève ? Les roturiers disent qu'il porte une vieille cape et qu'il a des yeux bizarres. C'est toi, t'as des yeux bizarres, des yeux de démons. Oh, lance un sort démon, allez ! »

Bien qu'il fut formulé sur un ton plaisantin et teinté d'arrogance enfantine, l'ordre fit se plisser les lèvres de Taehyung et son sourire faiblit en se déformant. À moins que ça ne soit causé par le surnom.

« Désolé, dit-il avec effort. Mais je ne peux pas répondre à ta requête.

– Quoi ? s'énerva le petit garçon en fronçant ses sourcils. Je t'ai dit de lancer un sort. Lance un sort, allez, fais de la magie.

– Non. »

Le refus déclencha chez l'enfant une réaction inattendue. Il perdit son enthousiasme et devint cramoisi. Il eut alors l'air de vouloir partir en courant, ridiculisé. Mais il resta bien en place, visiblement peu habitué à ce qu'on lui refuse quoi que ce soit. Il tapa férocement du pied sur le tapis alors que Taehyung, quant à lui, faisait preuve d'une sérénité absolue. Yoongi fut soudain distrait par quelqu'un qui arrivait rapidement derrière eux. Mais il ne se retourna pas, car l'enfant s'écria en pointant du doigt Taehyung:

« Lance un sort ou mon père te fera pendre haut et court !

– Est-ce une façon de parler, jeune homme ? lança la voix autoritaire de sire Jung, qui arriva vers eux d'un pas assuré. Votre père le suzerain ne sera sûrement pas ravi d'apprendre que son unique héritier rôde dans les couloirs à des heures si peu convenables, en telle compagnie qui plus est. »

Taehyung s'écarta d'un pas bref pour se tourner vers sire Jung. Il débuta une révérence, mais ce dernier l'interrompit d'un signe hâtif de la main. Yoongi remarqua ce même petit truc dans son attitude, infime, que les quelques autres fois où il avait croisé Taehyung; sire Jung s'était étrangement pris d'aversion pour l'apprenti, bien qu'il n'allait pas jusqu'à se montrer agressif en sa présence.

L'enfant sembla intimidé par cette arrivée soudaine, car il se pinça les lèvres et se tint tranquille, son petit nez retroussé soudain bien bas, le visage cramoisi. Sire Jung eut l'air de s'en contenter, car il l'ignora un instant comme s'il n'était rien d'autre que la marmaille d'un roturier. Il s'adressa à son écuyer.

« Yoongi, dit-il. Je te cherchais. Dans mes quartiers. Tout de suite. Quand à vous jeune héritier, je vous conseille de retourner dans votre chambre, sans quoi je vais être au regret d'en informer votre mère. »

Le garçon crispa son visage d'enfant, baissa les yeux, fit volte-face et partit en courant de là où il venait. Sire Jung le regarda filer, puis jeta un regard à Yoongi qui se trouvait toujours là, immobile.

« Qu'est-ce que tu attends ? Dans mes quartiers, allez ! pressa le chevalier. »

Ramené à la réalité, Yoongi hocha la tête précipitamment et accorda un regard à Taehyung en signe d'au revoir. Le vagabond esquissa un très court sourire et ils n'eurent pas le temps de se dire quoi que ce soit, car Hoseok pressa Yoongi d'une main insistante dans le dos. L'écuyer se dépêcha de rejoindre la chambre du chevalier, ce dernier sur les talons. Lorsque la porte fut close, le noiraud ne mâcha pas ses mots:

« Toujours à traîner avec ce vagabond, dit-il comme une plainte. Et à des heures de plus en plus tardives. J'espère pour toi que tu ne négliges par tes cours, j'ai entendu dire qu'il t'accompagnait aussi là-bas.

– On ne faisait rien de mal, se défendit l'écuyer, renfrogné.

– Ha ! Rien de mal, évidemment, répéta sire Jung. Vous traînez dans les couloirs, j'ose au moins espérer qu'il n'embarrasse pas les dames par sa présence. Elles parlent toutes de lui, c'est d'un ennui ! »

Yoongi roula des yeux discrètement, fit quelques pas hasardeux dans la chambre et observa le noiraud, qui défit hâtivement le premier bouton du col de son pourpoint, visiblement dérangé par son propre vêtement. Il semblait fatigué.

« Ce garçon, marmonna l'écuyer pour essayer de changer de sujet. C'était...

– Le fils du suzerain, coupa le chevalier. Eh bien ? Pourquoi tu es si surpris ? Il est vrai que tu n'as jamais rencontré notre seigneur depuis ton arrivée, et le jeune héritier lui ressemble bien peu. Mais c'est franchement sans importance. »

Sire Jung se débarrassa des bagues qu'il portait en les enlevant une à une à la hâte. Il termina sa tirade en même temps:

« Son fils aussi devrait s'intéresser un peu plus à ses leçons, au lieu de perdre son temps en escapade. »

Yoongi ne répondit rien. Le chevalier, qui s'était attendu à davantage de répondant, émit un son avant de décider que cette discussion était close. Il passa une main dans ses cheveux et indiqua son bureau, où du papier et de l'encre attendaient patiemment d'être utilisés. Yoongi comprit sans qu'il ne lui donne le moindre ordre; il alla s'y asseoir de mauvaise grâce, mais il prit quand même la plume.

Le chevalier n'obliqua pas tout de suite vers lui. Yoongi dut attendre qu'il dépose ses bagues et qu'il aille se servir tout seul un verre de vin. Il le vida de moitié sur le court chemin entre le buffet et le bureau. Yoongi plissa le nez en sentant déjà l'odeur de sa boisson, qui se mélangeait à celle de son parfum. L'un était désagréable et l'autre non, mais l'union des deux sentaient bizarrement. Le chevalier se pencha au-dessus de son épaules et tendit un bras pour pointer une lettre rédigée à la hâte et pleine de ratures.

« Recopie ça, ordonna sire Jung. Et proprement. »

Il suffit d'un coup d'œil pour que Yoongi comprenne de quoi il s'agissait. Il commença à recopier, machinalement, en s'appliquant mais sans y mettre d'enthousiasme; il saisissait parfois quelques mots à la volée qui lui laissaient comprendre le sens globale de la missive. Énormément de courtoisie, des mots doux mais peu engageants. Une lettre destinée à une dame, sans nul doute.

Lorsqu'il eut finit, Hoseok lui prit la plume des mains pour signer. Son geste était pressé. En avait-il réellement quelque chose à faire, de cette femme à qui il écrivait ? Yoongi songea que ce n'était pas le cas. Le chevalier n'avait pas daigné rédigé la lettre lui-même. Il s'était contenté de faire un brouillon et d'apposer son nom comme si c'était une besogne quelconque. Peut-être une parmi d'autre.

« Est-ce que je dois aller la porter ? demanda Yoongi.

– Non, marmonna distraitement sire Jung, visiblement fatigué. C'est inutile, il est tard et ça peut attendre encore quelques jours.

– Des jours ? répliqua Yoongi sur un ton teinté d'étonnement. Votre passion a beaucoup de patience. »

Sire Jung arqua un sourcil, l'air de considérer la remarque, puis esquissa un sourire en coin assez amer. Il agita la lettre sous le nez de son écuyer pour faire sécher l'encre, vérifia que ça soit bien le cas et la plia en trois.

« Tu devrais te contenter de recopier au lieu de lire mes lettres, assura-t-il. Espèce de petit curieux effronté. »

Yoongi haussa les épaules, occupé à fixer ses mains tranquillement posées sur le bord du bureau. Il pouvait entendre ses battements de coeur, légèrement plus rapides que les siens. Yoongi constata que, bien que le chevalier soit toujours très condescendant, ce n'était pas lui le plus calme d'entre eux à cet instant. Ce constat l'amusa autant qu'il l'intrigua.

Il y eut un bruissement qui provenait du pourpoint de sire Jung. Yoongi le vit cacheter la lettre avec la bougie sur le bureau, puis balancer la missive à l'écart d'un seul geste. Ensuite, plus rien. Yoongi resta bien tranquille, patient et à l'écoute. Il attendait que le noiraud le congédie, se lasse de sa présence et le renvoie dans sa chambre. D'habitude, c'est ce qui arrivait; sire Jung le gardait un moment en silence, le faisait s'occuper du feu et lui demandait de partir. Parfois aussi, il parlait de tout et de rien, mais surtout de ce qui le dérangeait dernièrement chez les courtisanes ou dans la vie du château en général. Cette fois-ci, aucun monologue n'arriva.

Yoongi sentit la pression d'une main sur son épaule, très près de sa nuque, et immédiatement après la tiédeur de ses doigts. L'écuyer se raidit et cessa de respirer, soudain très conscient du corps du noiraud, pourtant silencieux derrière lui. Malgré ça, ses tympans étaient envahis de bruits minimes, de détails; ses battements réguliers, sa respiration, ses déglutitions, l'odeur du vin et de son parfum.

La main du chevalier eut un léger soubresaut, signe qu'il hésita à la retirer; il devait s'être rendu compte de l'étrangeté de son geste, et peut-être qu'il ne le comprenait pas lui-même. Yoongi respira à nouveau, très discrètement, lorsque la main quitta son épaule. Tout ça n'avait duré que quelques secondes.

« Un bain ne te ferait pas de mal, commenta soudain sire Jung. »

Yoongi se pinça les lèvres.

« Je crois que ce n'est pas nécessaire, dit-il alors.

– Et moi, je crois que ce n'est pas toi qui décides, cher petit effronté. Mais tu as de la chance, ça ne sera pas pour aujourd'hui. »

Sire Jung alla s'asseoir dans un fauteuil et étendit ses jambes sur le tapis. L'écuyer se tourna sur sa chaise pour l'observer. Son geste l'avait un peu perturbé, mais il quitta machinalement sa chaise pour s'approcher du feu, dans lequel il remit une bûche sans rien dire. Puis il se tourna vers le chevalier, qui semblait l'avoir oublié. Le noiraud était nonchalamment appuyé sur un accoudoir, les deux mains encerclant son verre vide et le regard ailleurs. Il fronçait les sourcils, pensif.

« Est-ce que je peux partir maintenant ? questionna Yoongi.

– Hm, tu es bien direct, fit remarquer Hoseok. Où est passé le respect que tu me dois ? »

Yoongi plissa les yeux, si peu que ça se vit à peine. Il souffla par le nez, hocha lentement la tête et croisa ses mains dans son dos dans une imitation de politesse.

« Laissez-moi partir, dit-il. Messire. »

Contre toute attente, sire Jung esquissa un sourire amusé. Le rire qui lui échappa sonna étrangement vrai, si bien que Yoongi s'en étonna; il ne l'avait jamais entendu rire comme ça. Ils se regardèrent droit dans les yeux. L'expression du chevalier eut alors un moment de flottement. Puis il agita une main vers la porte et ce fut terminé.

« Va donc, marmonna-t-il de mauvaise foi. Mais retourne directement dans ta chambre. Je ne veux pas te voir trainer, est-ce bien clair ?

– Oui, c'est très clair... messire. »

Sire Jung ne fit aucun commentaire. Il croisa les jambes et regarda ailleurs lorsque son écuyer obliqua vers la porte, l'ouvrit et sortit en toute discrétion. Seul dans le couloir, Yoongi fila droit vers sa chambre. Il ne fut pas surpris de voir Taehyung à l'intérieur, en train de patienter près de l'unique bougie allumée. Il sembla satisfait de le revoir après leur brusque séparation.

« Tu en as mis du temps, fit-il remarquer avec détachement.

– Sire Jung voulait que je recopie une de ses lettres, expliqua Yoongi en refermant derrière lui. Une lettre pour une dame.

– Eh bien, ton chevalier est un homme passionné, plaisanta Taehyung. Il n'aime pas te voir en ma compagnie, j'imagine ? Il avait l'air très heureux de me voir, tellement qu'il ne m'a pas laissé finir ma révérence.

– Il ne t'apprécie pas trop, c'est vrai, avoua l'écuyer. Et je pense qu'il n'aime juste pas faire les choses lui-même. En tout cas pas si je suis là pour les faire à sa place. Il voulait même que je prenne un bain. »

Taehyung huma, l'air de considérer cette solution avant de lâcher un petit rire. Yoongi alla s'asseoir sur son lit. Il souffla, savourant enfin un moment de calme. De son côté, le vagabond passait sa main au-dessus de la flamme très rapidement, pour ne pas se brûler. Il devait jouer à ce jeu dangereux depuis un moment. Ses gestes étaient rapides mais emprunts de lassitude. Il cessa l'instant d'après.

« Est-ce que tu as soif ? demanda Taehyung.

– Pas vraiment, répliqua Yoongi, les yeux mi-clos.

– Hm, pourtant ça va bientôt faire sept jours. Tu ne t'es pas nourris depuis ? »

Yoongi prit un instant avant de répondre. Le sujet le mettait un peu mal à l'aise, mais Taehyung était un bon auditeur. Il n'avait pas jugé ses actions, pas même lorsqu'il lui avait avoué se nourrir sur des rats depuis le début. Il ne lui avait toutefois pas dit pour l'homme saoul de Cardend et l'écuyer préférait ne pas le mentionner.

« Non, marmonna-t-il.

– Tu n'en as pas envie ? questionna Taehyung. Ou est-ce que tu te retiens ? Je me demande combien de temps ton corps peut tenir sans rien ingérer. Mais ce n'est peut-être pas une très bonne idée de te priver.

– Je ne sais pas... »

Taehyung croisa les bras et s'adossa au meuble, l'air songeur. Il regardait dans la direction de Yoongi, mais il ne pouvait pas le voir clairement, contrairement à ce dernier.

« Moi en tout cas, commença fermement Taehyung en écartant les bras théâtralement. Je ne sens aucune différence, je suis toujours un pauvre mortel qui a faim et froid comme les autres. Mais au moins, grâce à ça nous savons qu'il y a un autre facteur qui déclenche la... transformation, on va dire. Quelque chose d'autre que la morsure en elle-même.

– Et ça serait quoi ? lâcha Yoongi, qui n'était pas pour autant rassuré. »

Le vagabond esquissa un sourire mais haussa les épaules.

« Je n'en ai aucune idée, dit-il en toute franchise. En tout cas, on peut conclure que la morsure est sans grand risque, si ce n'est qu'elle pourrait causer une infection ou un autre problème dans le genre. Mais c'est assez facile à soigner, alors... »

Taehyung tendit son bras devant lui et de son autre main, tira sa manche pour dévoiler le bandage qui couvrait la blessure. Elle n'avait certainement pas fini de cicatriser, car il ne l'avait pas ôté.

« Si tu as encore besoin de moi pour ça, il te suffit de demander. »

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