La journée du lendemain se passa plutôt normalement, par rapport à ces derniers jours. Avoir cours m'embêtait toujours autant, mais la présence d'Ethan les rendait plus facile à vivre. Je n'étais pas beaucoup plus bavarde qu'au début, mais il arrivait à trouver toutes sortes de moyens de me faire parler plus que je ne l'aurais voulu. A la fin de la journée, alors que je pensais qu'il partirait aussi rapidement que les deux jours précédents, il ne s'empressa pas de tout ranger. Je l'interrogeai du regard, surprise malgré moi, ce à quoi il répondit :

— On est mercredi, on me laisse tranquille le mercredi, et je dois bien avouer que ça fait du bien.

Il parut hésiter un instant puis il me demanda :

— Ça te dirait qu'on aille quelque part ensemble ?

Sur le coup, j'avais envie de refuser, par envie de rentrer chez moi. Cependant, sa proposition me permettrait peut-être de lui poser quelques questions, de faire plus ample connaissance aussi. Je finis donc par acquiescer, et il en parut ravi. Il m'invita donc à le suivre, tout en commençant à parler un peu de tout tandis que je l'écoutais d'une oreille distraite, me concentrant sur ce qui se passait autour de moi.

Il eut tout à coup l'air de se rappeler quelque chose, ce qui m'interpella, et me dit :

— Tu te souviens la fille dont je t'avais parlé hier ? Elle m'a dit qu'elle revenait demain, ça te dirait que je te la présente ?

A vrai dire je n'en avais pas tellement envie, mais le ton amical avec lequel il avait posé sa question et ma curiosité me poussèrent à acquiescer d'un signe de tête en répondant d'une voix qui était plus audible qu'il y a quelques jours :

— Pourquoi pas.

Tout en me souriant, il continua son chemin et je continuai de le suivre. Peu de temps après, il s'arrêta devant un petit bâtiment et m'invita à y entrer, tenant la porte. A peine eussè-je passé le pas de la porte et avais-je jeté un coup d'œil à l'intérieur que je m'aperçus que l'endroit n'abritait aucun humain normal.

— Je ne sais pas trop ce qu'ils ont fait à cet endroit, mais personne n'a jamais vu un humain entrer ici, d'après ce que je sais.

Il confirmait mes impressions, mais sans lui répondre, je me contentai de regarder l'endroit plus en détails. Venant de vampires, c'était un lieu qui me paraissait plus lumineux et chaleureux que je n'aurais pu le penser. Il y avait un bar, sur un côté de la pièce, des tables au milieu et dans un coin étaient disposés des canapés de cuir autour de tables basses. Ethan m'invita à aller m'asseoir sur l'un d'eux, ce que je fis, timidement, tandis qu'il alla voir un homme derrière le bar. Il revint peut après avec deux tasses fumantes dont je me méfiai un peu, sans trop savoir pourquoi. J'avais sûrement été trop influencée par ce qui se disait sur les vampires. Ethan, en voyant mon regard suspicieux, se mit à rire et me rassura.

— Ne t'inquiète pas, c'est un simple chocolat chaud tout ce qu'il y a de plus ordinaire, je sais bien que ce n'est pas encore la saison, mais je trouve qu'ils sont délicieux.

Il me tendit une tasse que je pris avec prudence afin de ne rien renverser. Le contact du récipient chaud sur mes mains me surprit, mais n'était pas désagréable. Je bus une gorgée qui me brûla un peu la langue, puis, au fur et à mesure, je sentis le gout sucré et appréciai sentir le liquide passer dans la gorge, et ce fut tout naturellement que je dis :

— C'est bon.

Ethan confirma d'un hochement de tête avant d'avaler rapidement la moitié de sa tasse. Je ne pus m'empêcher de laisser passer un petit rire devant cette image, et je continuai de boire plus doucement. Si je prenais mon temps, ma tasse fut toutefois vidée plus rapidement que je ne l'aurais pensé, tant je trouvais cela bon. Cela faisait bien longtemps que je ne n'avais pas tant apprécié manger, ou boire, quelque chose.

— Tu en veux un autre ?

— Oh, euh, non, balbutiais-je, gênée. Je n'ai pas de quoi payer et...

— Ne t'en fais pas pour ça, voyons.

Sur ces mots il reparti vers le bar et revint avec deux nouvelles tasses, que nous finissons presque aussi vite. Nous commençâmes alors à parler, je lui racontai ma première séance à la salle d'entrainement, il écouta sans m'interrompre, en bon spectateur. Curieuse, à la fin de mon explication, je lui posai une question :

— Tu as choisi quoi, comme arme ? Si tu es chasseur, tu dois en avoir une, non ?

Il me lança un clin d'œil malicieux tout en éludant ma question.

— Tu le sauras bien assez tôt.

Je n'insistai pas malgré ma curiosité, et lui posai ensuite des questions sur son entraînement, et au fur et à mesure de ses réponses, je commençai à m'imaginer son mentor comme une personne sévère et antipathique.

— Ça ne doit pas être drôle tous les jours, commentais-je.

— Tu peux me croire, il est très strict quand il s'agit de chasse, mais sinon, il est plutôt gentil mais un peu trop ... Lui. C'est difficile de le décrire sans l'avoir vu un jour, en vérité.

— En parlant de chasse, tu as déjà participé à l'une d'elle ?

— J'ai failli, une fois, mais je n'ai pas pu y aller, Earth pensait que je n'étais pas prêt malgré plus de huit mois d'entraînement. Peut-être bientôt, il m'a toujours dit qu'on ne sait jamais quand un dégénérescent pointe le bout de ses crocs, alors on aura plus d'une occasion.

Je me demandai ce que je ferais si ça m'arrivait un jour, d'en croiser un, je frémis à cette idée, je n'étais décidément pas prête à tenter l'expérience. Le plus tard serait le mieux, dans mon cas.

Je regardai l'horloge accrochée au-dessus de la porte d'entrée et me rendis alors compte qu'il commençait à se faire tard.

— Oh, il faut que j'y aille, mon père va s'inquiéter, sinon.

Il jeta lui aussi un coup d'œil à l'heure et me proposa :

— Je te raccompagne chez toi.

Si je refusai, il insista tout de même, et je finis par céder. Le chemin en sa compagnie fut agréable, il ne parla pas beaucoup, et ce silence me plaisait, tout autant que sa compagnie qui rendait le chemin plus agréable.

Toutefois, en arrivant pas très loin de chez moi, j'eus encore une sensation désagréable d'être observée, la même que deux jours auparavant. Ethan s'arrêta net presque au même moment que moi, l'expression plus grave. Je l'entendais marmonner sans comprendre ce qu'il disait, mais il me sembla qu'il avait parlé de l'odeur qui régnait aux alentour, identique là aussi à la fois d'avant. Inquiète, je ne dégainai toutefois pas mon arme, cette fois-ci, mais je demandai :

— Est ce que tu as déjà senti ça quelque part ?

Il ne répondit pas, l'expression de son visage plus sérieuse, sourcils froncés tandis qu'il était manifestement en pleine réflexion. Après cinq ou dix secondes, il lâcha tout de même :

— Tu devrais rentrer chez toi, je voudrais vérifier quelque chose. On se voit demain, je t'attendrais à l'entrée du lycée.

Je n'eus rien le temps de dire qu'il fila à toute allure, et, bientôt, l'étrange odeur disparu elle aussi. Je me dépêchai de rentrer à la maison, me questionnant seule sur le vif départ d'Ethan et son soudain sérieux. Je ne pouvais qu'attendre pour lui poser la question le lendemain.

La nuit me parut longue, mes rêves étaient peuplés de créatures, humanoïdes ou non, dont les visages restaient cachés et qui avaient la même odeur inconnue qui flottait dans l'air. Je ne me réveillai cependant pas de ma propre initiative, mon réveil faisant son travail. Pendant que je déjeunais, je me demandai si Ethan avait réussi à attraper celui qui me suivait et qui avait perturbé ma nuit.

Cette question tourna un moment dans ma tête, mais elle s'effaça bien vite lorsque j'arrivai au lycée. Il était effectivement là, à l'entrée, mais pas seul. Quelqu'un était à ses côtés tandis qu'ils discutaient à deux. Je m'approchai, pas sûre de moi, et Ethan décocha un sourire en me voyant, puis fît les présentations sans attendre :

— Lana, je te présente Téahna. Téah, voici Lana.

Je la saluai d'un hochement de tête, me forçant à sourire, ne serait-ce que pour montrer ma bonne volonté

— Bonjour, contente de te rencontrer, j'espère qu'on va bien s'entendre, toi et moi. Quoique, si tu t'entends bien avec cette énergumène, il ne devrait pas y avoir de problème avec moi. Ah, et appelle moi Téah, c'est plus rapide, et plus joli.

Elle avait débité cette phrase à une vitesse folle qui m'étonna. Son ton de voix était doux, rassurant, et inspirait la confiance. Je réussi à balbutier une réponse :

— Je... Je l'espère aussi.

Son visage rayonna. Son sourire était hypnotisant sur son teint légèrement bronzé. Ses cheveux bruns clairs étaient attachés en une queue de cheval, mais de longues mèches étaient relâchées sur le devant, bien qu'elle ait déjà plusieurs fois tenté de les coincer derrière ses oreilles. Ses yeux étaient couleur ocre, s'associant avec douceur à sa chevelure.

Ethan nous entraina à l'intérieur de l'établissement, je suivais sans trop rien dire, tandis que Téah restait à côté de lui, les mains croisées derrière le dos. Lorsqu'il la regarda je vis dans leurs yeux l'amitié qui les liait déjà, et alors, je me sentis comme une gêne, une intruse, qui serait intervenu sans crier gare dans leur monde à eux. Alors, à un moment, je me laissai distancer et fila directement en salle de classe.