Chapitre 21
La neige tomba toute la soirée et toute la nuit qui suivit, si bien qu'au matin, la rue était tapissée d'une bonne couche blanche, qui réfléchissait la lumière du soleil. Celle-ci vint m'éblouir malgré les rideaux fermés et mes volets que je n'avais pas entièrement fermés par oubli. Je me levai donc plutôt tôt, et descendis emmitouflée dans ma couette jusqu'au salon où je me préparai de quoi déjeuner avant de me poser sur le canapé. J'allais allumer la télévision quand mon portable se mit à sonner de la manière particulière qui signalait un appel d'Anna. Je décrochai, encore un peu endormie :
— Oui ?
— Ah, super, tu es réveillée !
Je me renfrognais un peu en devinant son humeur joviale, alors que j'étais un peu fatiguée et légèrement courbaturée de la veille.
— Et si ça n'avait pas été le cas ?
Un léger silence de la part de mon mentor, puis :
— Et bien j'aurais appelé jusqu'à ce que tu répondes.
Je sentais son ton mi-amusée, mi-sérieuse au bout du fil qui à l'instant ne me donnait pas vraiment envie de rire, étant donné mon état d'ensommeillement. Inquiète, je demandai :
— Que ce passe-t-il ? Un problème ?
Je n'avais jamais eu aussi peu d'entrain à l'idée d'aller me balader dehors un matin de bonne heure et un week-end.
— Non, rassure-toi, pas aujourd'hui. Non, je voulais te proposer de venir te promener avec moi, si tu n'es pas trop fatiguée, bien sûr.
Je restai emmitouflée dans ma couette sans lui répondre pendant un moment, plus par confort que par frilosité, avant de lui avouer que je n'étais pas très motivée pour sortir. Mais comme elle insistait, je fus obligée d'accepter à contrecœur.
— Super, et bien je viens te chercher d'ici trois quarts d'heure.
Elle coupa et je soupirai, mais finis par me résigner à aller me préparer, et montai donc en baillant dans ma chambre. Après m'être lavée et habillée, je me sentis bien mieux réveillée, et je commençai même à penser que ça sera peut-être une bonne journée. A l'heure prévue, j'entendis la petite voiture d'Anna se garer devant la maison et j'écrivis rapidement un mot à mon père avant de partir. J'entrai sans me presser place passagère de la petite voiture et je demandai :
— Où est-ce qu'on va ?
— On va faire les boutiques, on n'a jamais fait de telles sorties à deux, et c'est un peu bête.
— Quoi ?
Je m'étais tournée vers elle, sincèrement horrifiée. Rien ne pouvait être pire que se balader dans des magasins plein de monde à chercher des vêtements que j'avais déjà. J'aurais préféré qu'elles me disent qu'une dizaine de vampires avait dégénéré d'un seul coup que de faire ce genre de sortie qui relevait de la mission suicide, de mon point de vue.
— Tu peux considérer ça comme un exercice si tu veux, mais mon objectif serait plutôt de prendre du temps toutes les deux.
Rien que de penser à ce qu'on allait faire, je frissonnai, et je n'en avais vraiment aucune envie.
— On ne pouvait pas aller plutôt dans un endroit calme ? Peut-être aller s'entrainer ?
— Ecoute, je sais que ça te fait peur, ce genre d'endroit, mais ça peut te faire une bonne expérience. Pour ce qui est de l'entrainement, j'y ai pensé, mais je me suis rendue compte que ce n'était pas de vraies sorties. Je voulais quelque chose de plus amical, aujourd'hui.
Ses prunelles vertes étaient pleines d'excitation, malgré le calme apparent du reste de son visage et, vraisemblablement, ce serait pour elle une véritable virée entre copines, si je puis dire. Ne voulant pas la décevoir, je soupirai et lui dit que c'était d'accord et elle me promit qu'au moindre problème, on sortirait, puis elle démarra la voiture et fila sur la route, la neige crissant sous les pneus.
En chemin, je fis en sorte de me détendre, d'essayer de penser que ce serait une bonne journée, sans aucun problème. Arrivées au centre commercial, j'avais presque réussi à me convaincre que tout allait bien, mais en voyant le monde sur le parking, bien qu'elle se soit garée loin, je réalisai que non, ça n'allait pas du tout. Anna vint m'ouvrir la porte, me laissa le temps de sortir et resta près de moi.
— Essaie de ne pas penser aux gens qui t'entourent.
— Plus difficile à faire qu'à dire...
Nous traversâmes le parking, la neige fraichement tombée craquant sous nos pieds et en arrivant à une des grosses entrées je levai la tête que j'avais gardée jusque-là pointée sur le sol. Les yeux écarquillés, je découvris les larges couloirs qui s'étendaient devant moi, grouillants de monde, et d'autant d'odeurs, tellement que c'était à en perdre la tête, littéralement. Je rebaissai celle-ci, fixant le sol, me repérant aux pieds d'Anna à côté de moi. Elle s'arrêta devant une vitrine.
— Bon, on va rentrer là-dedans pour commencer, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de monde par rapport à d'autres endroits.
Prenant mon courage à deux mains, je jetai un coup d'œil dans le magasin devant lequel on s'était arrêtées. S'il y avait quelques personnes, elles y étaient moins nombreuses qu'en dehors. Anna me prit la main et s'engouffra dans le magasin, m'entrainant avec.
— Alors, histoire de ne pas fouiller sans savoir quoi chercher, on va se fixer un thème, d'accord.
Pas vraiment intéressée, je ne relevai pas ses paroles, trop occupée à chercher du regard un coin qui pourrait être désert, et à penser à ne pas penser à ce qu'il y avait autour.
— Comme on est toutes les deux grandes célibataires, et si on optait pour une tenue premier rendez-vous ?
Je découvrais là une nouvelle Anna, enthousiaste et qui paraissait moins adulte qu'elle ne le laissait voir par ses gestes et ses paroles d'habitude. Là-dessus, elle fouilla dans un présentoir, et en sortie une robe noire qu'elle me montra.
— Tu en penses quoi ?
Hésitante, je fis attention à ce que j'allais dire, sachant que je n'avais aucune expérience dans ce genre de chose.
— Euh, je ne sais pas. Elle est peut-être un peu trop légère.
— Tu trouves ?
Je hochai la tête et elle reposa l'article pour entreprendre de chercher autre chose. Elle ressortit une nouvelle robe, pourpre et la montra à son tour :
— Trop courte à mon goût.
Elle la superposa à ses vêtements actuels, et effectivement, le bas lui arrivait à mi-cuisse. Elle grommela et reprit sa quête. Au fur et à mesure qu'elle trouvait des vêtements, je tentais de lui donner mes avis, mais force était de constater qu'elle avait des goûts assez étranges. Quittant celle-ci, elle m'emmena dans d'autres boutiques où elle me montra encore d'autres ensembles et robes, aucune ne paraissant un tant soit peu potable.
Hormis regarder de temps en temps ce qu'elle me montrait, tout ce que je me contentais de faire c'était me concentrer sur mes pensées et parfois regarder autour de moi histoire de m'y habituer. En entrant dans le magasin suivant, et ce bien que je ne sois pas très intéressée par les vêtements, je me surpris à regarder de plus près une magnifique robe rouge et noire, longue mais de style plutôt sobre. Anna la regarda aussi et commenta :
— Elle est jolie, c'est vrai.
Un peu trop centrée, tout à coup, sur l'habit, je ne me méfiai plus de ce qu'il se passait autour, et ce fut alors qu'une des pires choses qui aurait pu arriver se produisit. Une allée trop petite, pas assez de place pour trois personnes, et un bras qui me frôle, juste assez pour que je ressente le léger battement dans ses veines, sans que je n'aie pu rien contrôler. Juste assez pour que l'odeur se fasse bien plus forte, plus présente, tout à coup.
Celui qui m'avait approchée de trop près sans faire attention ne s'était pas aperçu de ma réaction, et heureusement pour lui. Ma tête s'était bien trop vite redressée et mon regard le cherchait dans la foule, aux aguets. Bien heureusement, Anna remarqua mon changement de comportement, son visage se ferma, tout à coup, bien que je le remarque à peine, occupée à humer les odeurs, prête à n'importe quoi, et ce sans que je n'en aie aucun contrôle. Je sentis quelque chose compresser mon bras, m'emmener de force, me déséquilibrant au passage. Je grognai de mécontentement, et même de rage alors que j'entendais la voix d'Anna.
— Calme-toi, tout va bien. Pense à autre chose.
Je tentai de retirer sa main de mon poignet sans même l'écouter, mais elle me tint d'une force que je n'aurais jamais crue, venant d'elle. Je vis les galeries du centre commercial défiler à côté de moi, et tous ces gens, qui s'amusaient, en famille ou entre amis. Et moi je fus là, à sentir leurs odeurs, celle de leur sang, je percevais leurs pouls aussi distinctement que ma propre respiration, qui s'était accélérée. J'entendais aussi la voix d'Anna, plus lointaine, qui prononçait mon nom, mais je n'y fis pas attention.
Puis une nouvelle odeur, familière, proche, et comme si elle me poussait à me démener, je luttai contre la poigne de mon mentor, et au prix d'un effort surhumain, j'arrivai à la faire lâcher prise et à suivre cette fragrance que je ne pouvais pas ignorer, même avec le meilleur de la volonté. Et ce bien que dans cet état, il m'était difficile de trouver une autre volonté que celle de me jeter sur quelqu'un.
Je m'approchai et je sentis qu'il n'était qu'à quelques pas. Je lui sautai quasiment dessus, le plaquai au mur d'une force que je savais posséder au fond de moi, mais n'avait jamais réellement cru avoir. Je voulu le regarder en face mais ma vision était floue, tandis qu'il s'exclamait, surprit :
— Mince, Lana, mais qu'est-ce que tu fiches !
Cette voix m'était familière, malgré le ton apeuré peu habituel présent. Si familière que je m'en figeai. Je sentis mon prisonnier malgré lui résister et protester :
— Hé, calme toi, tu me fais peur, là !
— Lana !
Une main se posa sur mon épaule et Anna me tourna vers elle et prit mon visage entre ses mains avant de me lancer en haussant le ton :
— Reprend-toi, voyons, je sais que tu peux le faire.
Enfin mon regard se rafraichit, tandis que je tentais de me reprendre en me concentrant au mieux sur ma respiration, puis je secouai la tête qui me lançai, et j'eu du mal à réfléchir clairement. En face de moi, Anna arbora un visage visiblement très inquiet.
— Enfin tu reviens à toi ! Tu m'as fait très peur, tu sais. Un peu plus et on courait à la catastrophe.
Je me rappelai alors avec horreur que j'avais attaqué quelqu'un. Je me retournai à la vitesse de l'éclair pour faire face à ma malchanceuse victime, ou chanceuse, selon le point de vue.
Pourquoi lui ? De toutes les personnes de ce satané centre commercial, je me demandais juste, pourquoi Elyss ?
— Toi ?
Dans mon ton se mêlait l'agacement dû au fait de le voir, le soulagement que ça ne soit pas quelqu'un d'autre, et la peur de ce que j'avais failli faire. Anna le compris aussi parce qu'elle m'empoigna à nouveau et m'entraina à l'extérieur. Mais cette fois-ci, je ne résistai pas, trop abasourdie par ce qui venait de se produire. Elle lança aussi à Elyss de manière autoritaire :
— Toi aussi, tu viens !
Il suivit sans demander son reste, l'air presque aussi perdu que moi. Anna nous entraina au fond du parking, près de la voiture, avant de me lâcher et de se tourner vers moi.
— Bon sang, je suis absolument désolée, Lana, je me suis emportée je n'ai pas fait attention comme je l'aurais dû.
Elle regrettait, pas besoin de lire dans les esprits pour le comprendre. Quant à moi, toute honteuse, les larmes me vinrent aux yeux :
— Non, c'est ma faute, j'ai réagi d'une façon que je savais dangereuse, mais je... je ne savais pas comment m'arrêter, c'était si soudain, j'ai été submergée par un tas... d'odeurs, de sensations, de...
— Non, ça n'est pas ta faute.
Elle me prit dans ses bras, comme une amie l'aurait fait et je la serrai à mon tour, contente qu'elle eut été là. Quand elle me lâcha, je remarquai des traces sur ses mains. Un ou deux creux, et quelques entailles, et elle cacha ses mains quand elle s'aperçu que je les avais vus.
— Anna ! Qu'est-ce que c'est ?
— Rien du tout.
— Je t'ai griffée.
Je m'en voulu terriblement, je ne m'étais rendu compte de rien sur le coup, et à présent, je regrettais ce que j'avais fait.
— Ecoute. On en reparlera plus tard, tu veux bien ? En attendant, tout va bien, ne t'en fait pas. J'aurais dû vraiment faire attention et t'écouter.
Je voulais m'excuser encore et encore, et si j'avais pu, je me serais enterrée vivante pour ce que je lui avais fait et ce que j'avais failli faire à des innocents. Mon mentor reprit :
— Je sais qu'on devrait faire quelque chose, mais avant ça...
Elle pointa du doit le jeune châtain-blond à côté de moi, qui n'avait pas décroché un mot et ne laissait plus entrevoir aucune peur, mais plutôt une légère inquiétude.
— Qui est-ce ?
A présent, Anna parut plus froide, plus sévère, et, même si je savais cela inutile, je tentai l'incompréhension :
— Je ne sais pas, quelqu'un ? Ça aurait pu être n'importe qui d'autre.
— Et ça a été lui. Alors ?
Elle attendait visiblement une réponse, et insista :
— Je ne suis pas idiote, j'ai bien remarqué que tu l'avais reconnu en le voyant.
C'était évident que je n'aurais pu le lui cacher, et je me demandai ce qui m'avait pris de ne pas lui parler de lui dès le début.
— Il... Son nom c'est Elyss. Une connaissance, quelqu'un du lycée.
— Un ami.
Je lui lançai un regard noir, et tout ce qu'il me renvoya, c'était un sourire en coin qui eut pour seul effet de me faire grommeler. Anna souffla, excédée et visiblement énervée.
— Nous savons toutes les deux que ce n'est pas un garçon comme les autres. Du moins, j'espère que tu t'en es rendue compte.
Sa réaction me rappela celle d'Ethan. Elle regardait Elyss de haut, bien qu'il la dépassait de dix bons centimètres, et elle avait l'air de le prendre pour un vulgaire chient errant. Lui il ne faisait qu'observer, mais paraissait un peu perdu, ne disant pas mot.
— Et alors ? Quelle différence qu'il soit un loup. Il est peut-être énervant, complètement idiot et n'en fait qu'à sa tête, il reste un ami.
Je sentais le regard de l'intéressé sur moi, mais l'ignora, plus préoccupée par l'expression d'Anna, pas habituée à ce que je lui réponde de cette manière.
— Il... Tu ignores ce qu'ils sont capables de faire ! Ce qu'ils ont déjà fait par le passé.
— Peu importe leurs actes passés ou présent, Elyss n'est pas comme ça.
Je jetai un coup d'œil à Elyss, cherchant son approbation. Il ne dit rien, ne bougea pas, ne faisait que me regarder sans rien laisser paraitre. Mon ainée soupira.
— Tu ne changeras pas tes positions, n'est-ce pas ?
Je secouai la tête, déterminée à vouloir la contredire pour je ne sais quelle raison.
— Bon, allez, grimpe, je te ramène chez toi. Et toi aussi, rentre chez toi, je ne veux plus te voir !
Il hocha la tête, attendit que nous soyons en voiture et fit demi-tour en me saluant d'un mouvement de tête quand Anna démarra et sortit du parking. Presque arrivées chez moi, elle me dit d'une voix ferme :
— Je ne veux pas que tu lui reparles, ou le revois.
— Ethan m'a déjà posé la question.
Cette réponse lui fit froncer les sourcils et elle lâcha :
— Je ne te pose pas une question, je...
— Et j'ai dit non.
— Quoi ?
Elle avait l'air dépassée par mon humeur maussade, qui faisait paraître mes réponses plus brutales que je ne le voulais, mais j'étais décidée.
— Je lui ai dit que non, je lui parlerais encore si je le voulais, et ma réponse ne changera pas même si tu m'ordonnes de ne plus le voir. Je me fiche de savoir qu'il n'est pas totalement humain ou vampire, c'est un ami, point.
Sur ces mots, je sortis de la voiture qu'Annavenait de garer devant ma maison. Elle était bouche-bée face à mon insolence,et je m'en fichais à vrai dire royalement
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Heyo!
Cette semaine, un chapitre assez long :3. J'espère que ça vous plaira :D.
Si c'est le cas n'hésitez pas a mettre une petite étoile, voire un commentaire, ça fait toujours plaisir :D!!!
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