Chapitre 20
Le samedi venu, j'attendis chez moi que l'on vienne me chercher. J'avais conversé avec mes amis afin de savoir comment se rejoindre au lieu-dit, et je ne savais toujours pas à quoi m'attendre de la façon dont j'allais y aller. On frappa à la porte aux alentours de seize heures et j'allai ouvrir, seulement à moitié hâtive. Ce fut Elyss qui me salua avec un réel entrain.
— Bien le bonjour !
— Bonjour. Attends deux secondes, je vais chercher mes affaires.
Je retournai au salon en trois secondes et empoignai mon sac. En revenant vers lui, il me regarda en silence avant de dire :
— Tu devrais au moins prendre une veste. Il ne fait quand même que deux degrés dehors.
— Et ?
— Et bien sortir de cette manière sans rien sur toi, c'est étrange pour une fin d'automne, surtout à ces températures.
Lui-même était accoutré d'une grosse veste et son souffle formait de petits nuages blancs quand il parlait, signe de la fraicheur du dehors, que je ne sentais pas le moins du monde. Je retournai donc chercher quelque chose qui semblait pouvoir faire l'affaire et une fois de retour à la porte, je prévins mon père de mon départ :
— J'y vais !
— Amuse-toi bien !
Tout en fermant la porte d'entrée, je posai la question qui me taraudait depuis un petit moment, puisqu'on m'en avait laissé le mystère :
— J'ai cru comprendre que c'était plutôt loin, la patinoire, comment on va y aller ?
— Tu vas voir, viens, Iléa va s'impatienter et m'en voudrait de te gâcher la surprise.
Je le suivis et après un petit trente secondes de marche, Elyss s'arrêta.
— Tadaa !
Il montra des mains une petite voiture grise, et Iléa en ouvrit la portière conductrice pour venir me saluer.
— Salut ! Vous en avez mis du temps, même là-dedans, on se les gèle.
— Lana se croyait encore en été.
Iléa frissonna à ces mots, remontant son écharpe d'un geste de la main.
— Avec ce froid de canard ? Tu as bien de la chance de ne pas avoir froid. Bon, aller, grimpez.
Légèrement anxieuse, je m'engouffrai à l'arrière de la voiture, Elyss prit le siège passager et Iléa celui conducteur. Lorsque je lui demandai, étonnée, si elle avait vraiment le permis, elle s'éclaffa :
— Ca avait l'air trop bien de conduire, alors j'ai demandé à le passer, j'étais tellement enthousiaste que je l'ai eu du premier coup.
Et en effet, son enthousiasme se ressentait, et cela rien que dans son démarrage et son allure rapide. Elle fonçait sur la route à une vitesse que je n'imaginais pas pouvoir atteindre en pleine ville, mais, à mon grand désarroi, respectait les limites imposées. C'était une façon de conduire totalement différente de celle d'Anna, ce qui expliquait peut-être aussi pourquoi je n'en avais pas l'habitude. Si je commençais à m'inquiéter de probables accidents, et à m'accrocher aux sièges, la fratrie, à l'avant, avait l'air de bien s'amuser. Elyss se retourna pour me rassurer, si je puis dire :
— Ne t'en fais pas, on s'y habitue.
Dix minutes plus tard, nous étions arrivés sur un petit parking où Iléa se gara en deux temps trois mouvements. Je sortis du véhicule et elle me demanda si tout allait bien.
— Ça va aller, il faut juste que je m'habitue à ce genre de conduite.
Une fois tous sortis, nous allâmes rejoindre Téah et Ethan, déjà arrivés. Je fis de brèves présentations. Téah salua chaleureusement les loups quand Ethan lançait des regards méfiants envers eux voire carrément antipathiques pour Elyss. Je le mis en garde d'un coup d'œil et il sembla se calmer.
Nous rentrâmes tous ensemble dans le bâtiment et vint le moment d'enfiler les fameux patins, que j'avais regardé de travers dès que je les avais eus en main, la faute aux lames sous la semelle. Téah s'extasia en me regardant :
— Et c'est là que ça va commencer à être drôle.
Je ne compris pas vraiment au départ, mais lorsqu'il fallut se lever, ce fut plus clair. Je commençai par me redresser en me tenant au siège et quand je le lâchai, je chancelai. Quelqu'un me rattrapa en m'attrapant par derrière. Je jetai un coup d'œil derrière mon épaule.
— Je saurais me débrouiller, je n'ai pas besoin de toi.
Elyss me relâcha en haussant un sourcil et me défia :
— Et bien, vas-y, montre-moi.
Je me redressai une nouvelle fois et essayai de rejoindre Ethan, Téah et Iléa qui attendaient devant la porte pour accéder à la patinoire. Le premier me regardait, une lueur amusée dans les yeux, à laquelle je répondis par une grimace, et les deux autres riaient de façon taquine et je leur répondis d'une grimace. Doucement, j'avançai vers eux, Elyss toujours derrière moi, mais, presque arrivée, et ce n'était pourtant qu'à quelques pas, je butai sur une planche du parquet qui dépassait et manquai de m'étaler à terre. Heureusement, Ethan me rattrapa par les épaules.
— Merci.
— Regarde où tu vas, répondit-il en souriant.
Sous l'œil un peu trop protecteur de tous, nous allâmes donc jusqu'à la patinoire où il n'y avait pas tant de monde que cela. Toutefois, c'était déjà trop peuplé, d'après moi, ce qui me plaisait moyen, mais je fis un effort, je respirai longuement et me détendis.
— Tout va bien ?
Je hochai la tête à la question d'Ethan.
— C'est différent de l'école, et ça ressemble un peu à la rue, ces odeurs qui se mélangent. Mais je crois que ça ira.
— S'il y a un problème, préviens-moi, nous sortirons.
J'acquiesçai une nouvelle fois et, bientôt, mes quatre compagnons furent sur la glace, Ethan et Téah filaient déjà, apparemment habitués à ce mode de déplacement. Iléa y allait doucement, mais prit rapidement le rythme et Elyss faisait quant à lui le tour d'une allure soutenue, mais avec assurance. Quant à moi, je commençai par poser un patin sur la glace, puis un deuxième, avant de glisser de façon magistrale et me retrouver assise au sol. Un peu honteuse, je me relevai en me tenant au bord et tentai de marcher sur la glace sans le lâcher. Elyss arriva à côté de moi.
— Besoin d'aide ?
— Je me débrouille très bien sans toi !
— J'aimerais bien voir ça, répondit-il sarcastiquement.
Motivée à lui montrer ma détermination, je pris mon courage à deux mains et lâchai le bord. Je tentai de faire un nouveau pas avant de glisser à nouveau, et tout en tentant tant bien que mal de me rattraper, je basculai finalement en arrière. Je fus réceptionnée par Elyss, qui était reste à côté, et me regardait, mi-moqueur, mi-amusé.
— Alors ?
Grommelant, mais me résignant, je pris la main qu'il me tendait, puis la deuxième et il se retrouva face à moi tandis que j'hésitai à savoir quoi faire. Doucement, il commença à reculer, m'entrainant en avant. Peu rassurée, je tremblai des jambes et me retrouvais dans une position pas des plus stables, ce qui le fit rire, m'arrachant un nouveau grommèlement de ma part.
— Redresse-toi et laisse-toi faire.
— Je fais ce que je peux, écoute.
Il ralentit pour me laisser me remettre droite et une fois fait, il se remit à accélérer, mais ce fut sans compter sur mon envie de montrer que je pouvais me débrouiller, à peine ai-je tenté de bouger un pied de moi-même que je basculai en arrière, entrainant Elyss, qui tomba à côté de moi, surpris.
Alors que j'essayais de me relever en vain, une main se tendit devant moi et en levant la tête, je découvris Ethan, qui m'encourageait d'un léger sourire. J'acceptai bien volontiers son aide et réussi à me remettre en position debout. Elyss, quant à lui, avait recommencé à patiner, mais ne s'éloignait pas, faisant semblant de rien. Une fois redressée, Ethan me lâcha et parti plus loin de quelques pas.
— Essaie de me rejoindre, maintenant. Juste, ne marche pas, laisse-toi glisser.
Je ris intérieurement, sachant que si je ne bougeais ne serait-ce que d'un poil, je ne tarderais pas à me retrouver une nouvelle fois à terre. Heureusement, je ne fus bientôt plus seule. Téah apparue à mon côté et me pris la main.
— Attend, je vais t'aider. Regarde, fais comme moi.
Je hochai la tête, reconnaissante et elle commença à avancer un pied et à le laisser glisser, je l'imitai. Elle ramena le deuxième patin et glissa à nouveau, puis ainsi de suite, et je tentai de faire de même. Si je chancelai plus d'une fois, je restai néanmoins sur mes jambes. Au fur et à mesure que nous avancions, Ethan reculait avec une aisance naturelle. Iléa se trouva tout à coup de l'autre côté de moi.
— Et bah ce n'est pas si dur, finalement.
J'opinai du chef, concentrée comme pas deux, puis, l'étreinte sur ma main se desserra et Téah s'écarta. Je me mis à paniquer et ce qui devait arriver arriva, je m'étalai de tout mon long. J'entendis les filles pouffer de rire à deux, tandis qu'Ethan vint à mon secours, seulement, lui aussi se retenait de rire. Je m'assis sur mes fesses et croisai les bras.
— C'est si drôle que ça ?
Téah me répondis sans s'en cacher :
— Tu aurais dû te voir, elle était épique, cette chute, et pourtant j'en ai vu.
Elyss vint lui aussi me rejoindre, et me proposa une nouvelle fois son aide pour me relever. Lui, il ne riait pas, et parut plus sérieux que les autres, alors j'acceptai son aide parce que je ne voulais pas non plus avoir l'air trop idiote, assise par terre, et aussi que je commençais à être trempée au niveau de l'arrière train. En plus, c'était froid, et cette fraicheur-là, je pouvais la sentir parce qu'elle était matérielle, même si je pouvais m'y habituer.
Je recommençai un bon nombre de fois et me rétamai tout autant sur la glace. Mais une fois que j'eu compris comment rester stable et avancer seule, ce fut bien mieux et je pus commencer à profiter. Je pus suivre les autres et eux eurent la gentillesse de ralentir, mais à un moment, je me demandai tout de même si ça ne les gênait pas, de rester à mon allure.
— Je vais aller m'asseoir cinq minutes, continuez sans moi.
Je me dirigeai jusque l'accès aux gradins et m'assis sur l'un des bancs pour observer les autres. Je ne fus pas étonnée de voir Téah et Iléa rire ensemble, j'avais senti qu'elles s'entendraient bien, et ç'avait l'air d'être le cas. Ethan les rejoignit après deux ou trois tours de piste. Il sembla demander quelque chose à Téah, qui, je le devinai à son sourire, accepta avant qu'ils ne se prennent par la main et commencent, de façon absolument naturelle, à tourner à deux d'une jolie façon et en presque totale coordination, comme s'ils avaient fait cela depuis toujours.
Subjuguée, je descendis, en loupant presque une marche au passage, et vins les observer de plus près.
— Et bien, c'est quelque chose, quand même.
Elyss et Iléa venaient de me rejoindre et cette dernière avait l'air aussi admirative que moi.
— Tu savais qu'ils faisaient ça ?
Je secouai la tête et je vis Elyss donner un coup de coude dans le bras de sa sœur.
— Cap' de faire pareil ?
— Voire mieux !
La réponse d'Iléa était ponctuée d'un regard pétillant de malice et de complicité qu'elle échangeait avec son frère. Ils imitèrent donc Téah et Ethan en se prenant la main, mais si ça y ressemblait au début, la suite fut complètement le contraire, ils commencèrent à faire un peu n'importe quoi et s'ils ne tombèrent pas, ce fut à chaque fois de justesse qu'ils se rattrapaient. Le spectacle était plutôt drôle et je ne pus m'empêcher de rire.
Les deux autres s'arrêtèrent pour regarder la prestation parodique d'eux-mêmes et Téah en rit aussi, et tandis qu'ils me rejoignaient, elle me dit :
— Sérieux, je ne sais pas où tu es allé les chercher, mais je les adore, ces deux-là !
Ethan ne dit rien, mais son visage trahissait son envie de rire, qu'il refreinait visiblement. Histoire de l'occuper, je demandai :
— Vous avez appris ça où ?
— On a fait pendant deux ou trois ans des cours de patinage artistique à deux, il y a plutôt longtemps.
— Longtemps comment ?
— J'avais dix ans quand on a arrêté, et Téah en avait huit.
Téah haussa les épaules en lâchant :
— C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, ce genre de chose.
Par la suite, nous passâmes trois bonnes heures à patiner et vint un moment où il fallut tout de même partir. Après avoir déchaussé, je me trouvai soudain plus petite du fait de la lame en moins sous la semelle, ce qui était absolument déstabilisant, tout autant que de ne plus avoir à glisser sur le sol, et ce même si j'en avais toujours l'impression. Alors que nous nous apprêtions à sortir, Téah fila soudain dehors en nous dépassant et en s'exclamant :
— Il a neigé !
Nous la rejoignîmes pour constater nous aussi les flocons qui tombaient au sol, bien plus nombreux que la fois dernière. Cela devait faire un moment que ça chutait, parce que le sol en était déjà recouvert d'une bonne petite couche. Agenouillée à terre, Téah se leva tout à coup en pivotant et en lançant une boule dans la direction d'Ethan.
— Ne joue pas à ça avec moi, tu sais très bien que je gagne toujours par forfait !
Là-dessus, il se façonna une boule à son tour et la lança sur elle, qui en lança une nouvelle sur moi. Et cela partit en une bataille à cinq ou personne ne voulait capituler. Pour finir nous nous écroulions une demi-heure plus tard, à cours de neige et trempés, sous des flocons devenus de plus en plus gros.
Ce fut ainsi que l'on se quittait, Téah reparti avec Ethan, qui apparemment savait conduire aussi, ce que je ne savais pas, et moi je rentrai dans la voiture d'Iléa et d'Elyss. Celui-ci était resté calme tout au long et j'en fus étonnée en m'en apercevant. Tandis que sa sœur démarrait, je lui demandai :
— Est-ce que ça va ?
— Tu me demandes à moi ?
— A qui d'autre, à ton avis ? Parce que je ne t'ai presque pas entendu, ce qui est plutôt rare venant de toi.
— Ca va très bien, je me suis beaucoup amusé.
Il se retourna en me lançant un léger sourire qui reflétait ses paroles, et sa sœur renchéri :
— Je me suis trop bien amusée aussi ! Téah est super sympa, et même si son copain est plutôt froid, il y a intérêt qu'on se refasse ça une fois !
— Il s'habituera bien à vous, au bout d'un moment, j'espère, et tu verras ensuite qu'il est du genre plutôt enjoué quand il veut, lui aussi.
Dans ma tête, j'ajoutai que ce serait effectivement bien de refaire une sortie ainsi, je ne m'étais jamais sentie aussi normale, même entourée de loups et d'humains normaux, dont l'odeur ne m'avait pas tant gênée que cela. J'avais fait abstraction inconsciemment en m'amusant, et c'était une très bonne chose à savoir.
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Enfin un chapitre assez long \0/ J'espère que vous apprécierez :3.
(Je ne suis pas en retard cette semaine, hourra XD (j'ai bien failli :P) )
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