Chapitre 14
J'avais passé une assez bonne journée, comparé au vendredi précédent. J'avais beaucoup parlé à Iléa, avec qui je m'étais bien entendue, nous aimions toutes deux nous moquer d'Elyss, elle pour s'amuser, moi seulement à moitié. Lui, il aimait dire n'importe quoi, ce qui faisait rire sa sœur et même moi par moment. Je repartis assez tard, le cœur léger et Elyss voulu me raccompagner encore une fois, et j'acceptai, parce qu'une nouvelle fois il aurait insisté. Et aussi parce que je me serais perdue, toute seule, n'ayant pas mémorisé le chemin. Pendant que l'on marchait, prenant la rue principale, déserte, cette fois-ci à cause de l'heure, je dis :
— Cinq...
— Mmh ?
— Tu es monté à cinq, aujourd'hui.
Il ne répondit pas, mais je sentis son sourire sans même avoir à lever la tête pour le vérifier.
— Tu peux revenir quand tu veux, tu sais, Iléa ne fait jamais rien de ses journées.
— Ah bon ? Elle ne va pas en cours ?
— Non, elle trouve qu'à partir du moment où on sait lire, écrire, dire qu'un et un font deux, on n'a pas besoin d'aller à l'école. Dans mon cas, c'est moi qui ai choisi d'y aller, parce que rester à rien faire à la maison, très peu pour moi.
— J'ai du mal à déterminer qui de vous deux est le plus âgé.
— Elle, c'est l'ainée, même si on ne dirait pas, moi je suis le petit, mais je dois avouer que beaucoup de monde pensent qu'on a le même âge.
— C'est ce que je me demandais. D'où elle vient, sa fourrure qui ressemble à celle d'un renard ?
— Tu n'en as pas marre de poser des questions qui n'ont rien à voir entre elles?
Je me renfrognai malgré que ses paroles ne fussent pas pour être méchantes, puisqu'il avait fait la remarque en riant.
— On ne sait pas vraiment, ma mère est blanche un peu crème, comme moi, et mon père est brun, j'imagine que le mélange des deux peut donner ça. Il me semble aussi que ma tante était entièrement rousse, tout cela ça ne doit être qu'une question de génétique, comme tout.
Sa réponse me convenait et je ne trouvai rien d'autre à dire, alors nous continuâmes la route en silence. Il me laissa devant chez moi et au moment où j'allais ouvrir ma porte je l'entendis protester :
— Je n'ai pas le droit à ma caresse sur la tête, ce soir ?
Me retournant vers lui, je vis la lueur amusée dans ses yeux et je décidai d'entrer dans son jeu, pour une fois.
— Dans tes rêves, idiot de chiot.
Je lui décochai un sourire amusé et rentrai chez moi.
Le lendemain, je me levai plus joyeuse que la fin de semaine précédente. Voir Ethan me faisait un peu peur, mais je n'allais pas lui tourner le dos. Après la discussion avec Iléa, j'avais compris que je l'appréciais beaucoup, et que cela plaise à Téah ou non, je voulais passer un peu de temps avec lui. Je me sentais mal pour mon amie, mais je n'étais pas responsable de tout cela, tout autant qu'Ethan ou elle n'en étaient responsables aussi. Je gardais cependant l'espoir qu'elle revienne vers nous.
J'arrivai assez tôt au lycée, j'étais partie de chez moi, mais Ethan était déjà là. Je le rejoignis et il me salua tout aussi chaleureusement que d'habitude. Je voulus tirer le tout au clair tout de suite :
— Ethan, j'ai réfléchis un peu, ce week-end, voire peut-être même un peu trop, mais bon. Enfin, même si je ne comprends pas tout, je crois... Je pense pouvoir essayer de faire quelque chose.
Il cligna des yeux, un peu surpris, puis son expression se mua en un visage joyeux:
— Ca me fait plaisir.
Il passa son bras par-dessus mon épaule, et il ébouriffa mes cheveux de son autre main. Je ne pus m'empêcher de murmurer :
— Vous avez le chic, en ce moment.
—Tu as dit quelque chose ?
— Non rien.
Mieux valait éviter de parler d'Elyss en ce moment, surtout avec lui.
Plusieurs fois nous croisâmes Téah dans les couloirs, et son regard, lorsqu'elle nous voyait, était froid, distant, mais aussi plein de tristesse. Cela m'était douloureux, je n'aurais jamais pensé être si triste aussi de ne plus pouvoir parler et rire avec elle, bien que je ne sois pas là depuis très longtemps, j'avais l'impression que l'on était amies depuis toujours. A la pause matinale, je pensais encore à elle, tentant de chercher un moyen pour lui parler, quand Ethan m'interrompit :
— Elle m'évite aussi, tu sais.
Bien que je m'en doutais, cette simple affirmation me fit me sentir coupable. Ils seraient toujours aussi complices si je n'avais pas été là, pourtant je ne regrettais en rien de les connaitre.
— Vous étiez si proches ...
— Je sais, elle me manque aussi. J'ai tellement été habitué à sa présence.
— Comment vous vous êtes connus ?
— Nous étions dans la même école, au primaire, et un jour, alors qu'elle se faisait embêter par des grands, je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis venu la "sauver", selon ce que j'ai dit, à l'époque, mais en vérité, tout ce que j'ai fait, c'était les menacer de prévenir notre maîtresse. Depuis elle m'a toujours collée, mais j'étais content, j'avais l'impression d'avoir une petite sœur.
J'essayais de m'imaginer la scène, une mini-Téahna en larme devant de grands enfants et un mini-Ethan arrivant comme un genre de héros pour l'aider. Ce devait être drôle à voir. Je profitai de la situation pour demander, à la suite de sa dernière phrase.
— Et maintenant, comment tu la considères ?
Il eut un moment d'hésitation qui ne m'échappa pas avant qu'il ne réponde :
— Toujours en tant que petite sœur.
Mon regard insistant lui fit comprendre que je savais qu'il ne disait pas tout.
— Bon d'accord, en ce moment, je ne sais pas trop comment je dois la considérer. Elle est une amie chère, la seule qui ne m'a pas abandonné lorsque j'ai arrêté d'aller à l'école. Et puis, aujourd'hui, elle me tourne soudainement le dos pour une raison que je ne comprends pas.
La première chose qui me vint à l'esprit fut « Si tu savais ... ». S'il connaissait les sentiments qu'avait Téah à son égard, en serait-il autrement des siens ? Si je lui en faisais part, que ferait-il ? Il m'avait l'air plus du garçon indécis et un peu dépassé par les sentiments des autres qu'autre chose. Je devais tout de même avouer que je n'étais pas non-plus sûre de moi, donc je ne pouvais pas trop lui reprocher ses doutes.
— On devrait aller lui parler...
— Oui, mais je préférerais y aller seul, avant.
Je hochai la tête. Il valait mieux, il saurait sûrement mieux que moi quoi lui dire. Après tout ils se connaissaient depuis l'enfance. Personnellement, je me demandais si elle allait lui dire la vérité ou si elle allait lui mentir, si tant était qu'elle veuille bien lui parler. Toujours était-il que la pause déjeuner arriva bien vite et que je n'attendis pas Ethan pour manger, sachant qu'il n'arriverait pas tout de suite. J'allais m'asseoir seule à une table quand on m'interpella. J'ignorai la voix et m'installai tout de même à cette table vide.
Ethan arriva une petite demi-heure après. Je l'interrogeai du regard. Son soupir me dit tout ce qu'il y avait à dire.
— Elle a refusé de te parler ?
— Je ne la reconnais pas, jamais elle n'a été comme ça, elle m'en veut, c'est évident.
— Elle t'a dit pourquoi ?
Il secoua vaguement la tête :
— Elle m'a juste dit que je devais y réfléchir, mais sincèrement, je suis un peu perdu, c'est vraiment la première fois que je la vois se comporter comme ça à mon égard.
Je soupirai à mon tour. Je ne pensais pas que Téah réagirait de façon aussi brusque avec lui, et qu'elle allait au moins le lui dire où chercher. Et ça, ce n'était pas moi qui allait l'aider alors je ne savais déjà pas comment m'aider moi-même. Ce qu'il annonça ensuite me surprit.
— Par contre, elle m'a dit qu'elle voulait bien te voir. Je ne sais pas du tout ce qu'elle pourrait bien te dire mais vas-y, s'il te plait.
Je hochai la tête. Si elle voulait me parler, même pour me crier dessus, je ne laisserais pas passer l'occasion qu'elle m'offrait.
— Elle t'attendra après les cours, derrière le lycée.
— D'accord, j'essaierais de voir ce qui ne va pas.
Même si en réalité, je pensais le savoir, au moins nous pourrions nous expliquer. Peut-être était-elle enfin encline à comprendre ce que je voulais lui dire.
— Au fait, il y a l'autre animal qui te regarde avec insistance depuis tout à l'heure, ça en devient gênant.
— Oui, j'avais remarqué, mais je pensais qu'il lâcherait l'affaire au bout d'un moment. Je reviens.
Je soupirai puis me levai et commençai à me diriger vers l'intéressé quand Ethan me prit le poignet, et déposa un baiser sur ma joue. Je me figeai et il me donna une simple explication accompagnée d'un sourire en coin :
— Je marque mon territoire.
D'abord surprise, je me repris tout de même et lui tournai le dos, les joues un trop chaudes à mon goût. Arrivée devant Elyss, je lui parlai franchement.
— Si tu as un truc à me dire, dis-le-moi ! Je déteste quand tu me regardes comme ça.
Il n'y avait pas grand-chose comme expression sur son visage, il était à vrai dire complètement neutre, comme pris au dépourvu. Il dut s'en apercevoir parce qu'il finit par reprendre un peu de consistance et me dire :
— Ca ne te dérange pas que vous vous affichiez ainsi ?
— Quoi ?
Il jeta un coup d'œil derrière moi, et je finis par comprendre. Mon esprit de contradiction fut plus fort que la gêne qui tentait de m'envahir, et je répliquai :
— En quoi ça me dérangerait ? J'imagine que c'est...
— Normal? Pas la peine de prendre ce ton, c'était une simple question.
— C'est tout ce que tu avais à me dire ?
La colère commençait à monter et je n'étais pas d'humeur à parler avec lui. Heureusement, il acquiesça et je pus rejoindre Ethan.
L'après-midi passa avec une lenteur incroyable et à chaque fois cela m'étonnait tant j'avais l'impression que ça ne pouvait être pire, mais force était de croire que si. La fin des cours arriva sans se presser, et ma rencontre avec Téah avec, une boule se formant dans mon ventre à l'idée de lui parler.
Elle m'attendait déjà, derrière le lycée, son visage rentré dans le col de sa veste, comme pour se protéger du froid, ce qui devait être le cas, d'ailleurs, car l'hiver s'installait peu à peu. Mais ça, c'était une autre de nos capacités un peu spéciales à nous, les vampires, nous ne nous apercevons pas autant que l'humain des variations de température de l'atmosphère, et, étrangement, il n'y a que cela que nous ne sentions pas, le reste des trucs chauds et froids étaient perceptibles, comme le chocolat chaud du bar où on avait été avec Ethan.
Je m'approchai donc de Téah et lui lança une timide salutation. Elle releva la tête et je découvris que son visage n'avait plus la même expression que la semaine précédente, il n'était plus froid ni en colère, juste plein de tristesse. Je percevais ses cernes malgré son fin maquillage, et ses yeux étaient un peu rouges. Elle ne devait pas avoir passé un bon week-end. Je m'adossai au mur, à côté d'elle, et j'attendis sans oser rien dire, de peur de la froisser. Ce fut elle qui engagea la conversation :
— Est-ce que tout se passe bien ?
— A quel propos ?
Je compris le sens de sa question quand je la vis se crisper. Confuse, je répondis :
— Je ne sais pas ... J'imagine ...
Son visage s'illumina un instant d'un léger sourire, et je retrouvai la Téah que je connaissais. Elle souffla, son souffle se transformant en une fine buée tandis qu'elle lâchait :
— Je crois bien que je ne t'en veux plus trop.
A ces mots, les larmes me vinrent automatiquement aux yeux. Je répondis à moitié en sanglots :
— Je suis désolée ... Tellement désolée ... Je ne savais pas quoi faire, j'étais un peu perdue ...
Elle me serra dans ses bras, et je me laissai faire. Je posai mon menton sur son épaule, et elle me dit, commençant à être en proie aux larmes, elle aussi :
— Je sais, Lana, je sais ce que tu peux ressentir. C'est à moi d'être désolée, de ne pas avoir essayé de comprendre.
Je m'écartai d'elle et essuyai mes larmes, puis j'essayai de lui offrir un sourire, et même si je devais avoir l'air idiote, je lui dis :
— Tu m'as manquée. Tu es ma première amie et je ne voulais pas te blesser ainsi.
— Ne t'en fais pas, je me suis horriblement ennuyée, ce week-end, sans toi et Ethan. Vous me manquiez aussi.
— Est-ce que ... tu lui en veux ?
— Evidemment, il ne comprend vraiment rien aux filles, celui-là. M'enfin, je n'aide pas non plus à mon avis.
Je ris un peu. La voir déblatérer tout cela assez vite, comme elle en avait l'habitude, me fit chaud au cœur, j'avais retrouvé mon amie comme je l'avais toujours connue. Je voyais cependant qu'elle m'en voulait encore, mais qu'elle se forçait à laisser cela de côté. Je voulais mettre le tout au clair tout de suite, et ne rien lui cacher :
— Tu sais, je crois que je l'aime bien, Ethan.
— J'espère pour toi ! Si tu restais avec lui seulement parce qu'il te l'a demandé, je t'en voudrais à mort !
— Plus que vendredi ?
— Bien plus, ouais, tu en aurais la chair de poule !
Elle n'était pas sérieuse, enfin, pas entièrement. Elle me demanda ensuite si cela me plairait qu'on rentre ensemble et j'acceptai vivement, sa présence ce soir me ferait le plus grand bien.
— Vous avez fait quelque chose, ce week-end ?
Je secouai la tête :
— Non, j'ai été chez ... quelqu'un.
—Qui donc ? Oh ! Chez le garçon de l'autre fois, je suis sûre !
Je me doutais qu'elle le devinerait, après tout à part elle et Ethan, et Anna aussi, bien sûr, je ne côtoyais pas grand monde. Et elle avait toujours été du genre perspicace.
— Qu'est-ce que tu es allée faire là-bas ?
— Il m'a proposé de rencontrer sa sœur et ça m'a intriguée à vrai dire.
— Ah bon ? Pourquoi donc ?
Je haussai les épaules, seule réponse que je puisse donner, à elle comme à moi. Elle me raconta ensuite vaguement son dernier week-end, où elle avait passé le plus clair de son temps à se morfondre et j'essayai de lui remonter un peu le moral, mais je n'étais pas très douée. A un embranchement, nous nous séparâmes afin qu'elle puisse prendre un raccourci pour rentrer chez elle. Je rentrai alors chez moi le cœur plus léger et bien moins triste que le vendredi précédent. J'étais heureuse d'avoir au moins arrangé cela.
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