Troisième Vague
𝘑𝘦 𝘯𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘱𝘢𝘴 𝘤𝘰𝘮𝘣𝘭𝘦́𝘦 𝘴𝘦𝘶𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘱𝘢𝘳 𝘶𝘯 𝘭𝘪𝘲𝘶𝘪𝘥𝘦
𝘔𝘢𝘪𝘴 𝘮𝘰𝘯 𝘢̂𝘮𝘦 𝘦𝘴𝘵 𝘷𝘪𝘥𝘦
𝐃𝐞́𝐦𝐨𝐧𝐬 (𝐋𝐚 𝐟𝐫𝐮𝐬𝐭𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧) - 𝐉𝐨𝐚𝐧𝐧𝐚 𝐟𝐞𝐚𝐭. 𝐋𝐚𝐲𝐥𝐨𝐰
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Le sable coule entre les doigts de Jisung. Il glisse entre ses phalanges et tombe en tas sur ses pieds nus qui disparaissent peu à peu sous un petit monticule. L'océan s'échoue à quelques mètres devant lui et fraie sur son chemin un nombre incalculable de coquillages. La marée est haute, il ne reste qu'une dizaine de mètres de sable sec sur la plage. Lui et Minho se sont réfugiés suffisamment haut pour être à l'abri et l'ont regardé monter jusqu'à eux, lécher leurs pieds, puis repartir en un ballet incessant.
Ils n'ont pas vraiment cessé de parler depuis que Minho est venu le chercher, ses cheveux retenu en arrière par un bandana blanc qui serait absolument hideux sur n'importe qui sauf sur lui. Ils ont commencé par parler d'aller se chercher à manger et ont mis un moment avant de réussir à se décider à se nourrir de chips et de quelques bières. Pas beaucoup d'alcool, le but ce soir est de rester lucide et ils en sont tous les deux conscients. Une fois assis sur la plage, ils ont dérivé sur la musique, partageant leurs goûts, se réjouissant de trouver beaucoup de points communs, se moquant gentiment de l'autre pour des opinions un peu plus hétéroclites. Après la musique est venu l'art dans sa globalité et Jisung s'est senti con de ses connaissances limitées face au savoir de Minho qui semblait être sans fin. Au détour d'une conversation, il a réussi à glaner l'information comme quoi il aurait deux ans de plus que lui, mais c'est la seule information personnelle que Minho avait bien voulu lui partager.
Ils se sont tus lorsque le soleil a commencé à disparaître à l'horizon. Dans un silence presque religieux ils ont regardé l'astre s'enfoncer dans l'océan, colorant de rouge l'éther autour d'eux. Les nuages se sont mêlés au spectacle et les dégradés de couleurs chaudes se sont reflétés dans leurs yeux.
Le silence est resté.
Après le soleil, ils ont regardé les vagues, puis les rares promeneurs, puis les oiseaux, puis les étoiles qui se sont mises à apparaître peu à peu.
Maintenant, Jisung n'ose plus parler : il imagine une vie avec Minho à ses côtés. Il sait qu'il ne devrait pas, que c'est espérer pour rien, mais il imagine. Il s'imagine le présenter à ses amis, en parler à sa mère, tenir sa main dans la rue. Mais rapidement la réalité revient s'imposer à lui car une bouteille de bière ouverte est apparue dans son champ de vision.
Il tourne la tête, Minho le regarde. Alors il sort sa main du sable et l'essuie sur le tissu de son short et prend la bouteille fraîche entre ses doigts. Il cogne mollement le culot de la sienne avec celle de Minho et prend une gorgée. Les yeux fermés, il apprécie une fois de plus la fraîcheur du liquide et le goût de l'alcool dans sa gorge, comme un vieil ami.
— Pourquoi j'ai l'impression de ne rien savoir de toi, murmure-t-il soudain.
Il a un poid sur la gorge et ça lui fait peur. Il le connaît ce poid et ça ne mène jamais à rien de bon.
— Parce que c'est vrai.
Jisung hoche la tête en ricanant.
— Faut pas que je connaisse ton passé bressom c'est ça ?
— On peut dire ça.
Ça l'énerve, Minho n'a jamais un mot plus haut que l'autre. Il semble n'avoir que deux variations dans sa façon d'être : quand il est calme et serein puis quand il le drague, son sourire charmeur sur les lèvres.
Sa langue claque sur son palet et il finit sa bière. Les sourcils froncés, il se laisse tomber sur le dos pour pouvoir regarder les étoiles. À part la grande ourse il n'y connaît pas grand chose. Il aimerait être le genre de personne à connaître les moindres confins de l'univers, il aimerait pouvoir apprendre quelque chose à Minho et se défaire de cette image de gamin qui lui colle à la peau comme un filin invisible. Il aimerait comprendre comment un gars comme Minho, sûr de lui, beau à s'en damner, imperturbable face aux étrangetés de la vie, en est venu à le remarquer lui dans cet océan de gens. Lui le gamin pas si beau, pas si impressionnant, pas si marrant. Celui qui reste encore et toujours la moyenne.
— Qu'est-ce que tu me trouves, Minho ? souffle-t-il avant même de réaliser ce qu'il dit.
Seul le silence lui répond. Une main qui se glisse dans la sienne. Le pouce de Minho glisse sur sa paume, caressant doucement sa peau abîmée par le soleil. Jisung ferme les yeux mais c'est pire parce que privé d'un sens, tous les autres s'éveillent et qu'il pourrait mourir d'entendre la respiration de Minho à quelques centimètres de son oreille, qu'il pourrait mourir de sentir chaque cellule de sa peau s'éveiller à son contact.
Alors il ouvre les yeux et tourne la tête.
Minho est appuyé sur son coude, ses yeux sombres le fixent. Jisung s'y perd. Personne ne l'a jamais regardé comme ça. Il ne saurait même pas quels mots utiliser pour décrire ce regard. Il s'y noit, se perd dans leur noirceur, dans le noir profond qui les habite. Peut-être qu'il devrait partir, loin de cet homme dont il ne sait rien et qui l'attire comme un aimant. Avec le recul, il se rend compte de la dangerosité de la situation.
Mais Minho détourne le regard le premier. Il cligne des yeux, comme surpris de trouver Jisung en face de lui, et lâche sa main pour retomber sur le dos à ses côtés.
— Tu veux savoir un truc sur moi, Jisung ?
C'est au tour de Jisung de se redresser sur un coude pour pouvoir admirer le profil du roux à ses côtés.
— Oui.
Un sourire triste se dessine sur les lèvres de Minho.
— Il n'y a personne dans ma vie parce que c'est moi qui suis de passage dans celles des autres. C'est pour ça que tu ne sais rien de moi. Je ne reste jamais longtemps quelque part.
Les vagues continuent de s'échouer sur la plage. Elles sont presque montées jusqu'à eux. Les étoiles brillent au-dessus de leurs têtes. Il n'y a personne sur la plage à part eux, les vagues et la voûte étoilée.
Jisung cherche quoi répondre et il ne trouve pas.
— Tu veux savoir ce que je te trouve ? Quand je t'ai vu hier j'ai eu l'impression de voir mon regard dans un miroir pendant un instant. Je me suis trompé, Jisung. Tu n'es pas comme moi. Toi tu marque la vie des gens.
— C'est faux.
— Tu ne t'en rends pas compte. Les gens comme toi ne s'en rendent pas compte.
— Que connais-tu des gens comme moi, Minho ? Qu'est-ce que c'est les gens comme moi ?
La voix de Jisung s'est faite pressante. Il s'est redressé et, assis sur le sable, il regarde Minho qui maintient son regard sur les étoiles, imperturbable.
— J'en ai rencontré avant. Des gens tellement persuadés d'être des personnages secondaires qu'ils ne voient pas l'empreinte qu'ils laissent dans la vie des gens. Ils ne voient pas que s'ils le voulaient ils pourraient mener une révolution. Parce que les gens comme toi tout le monde les aime, ils s'adaptent, ils discutent, ils charment. Ils ont passé leurs vies comme ça alors ils ne se rendent même plus compte qu'il joue un rôle. Au final les gens comme toi on sait jamais ce qu'ils pensent au fond d'eux.
Jisung s'est figé. Son sang bout dans ses veines. Ses yeux sont rouges.
— D'où est-ce que tu tiens ça, chuchote-t-il.
— Je t'ai observé.
— Ça fait un jour qu'on se connaît.
Et Minho rigole. Son rire est tellement incongru au milieu de cette discussion. Il s'élève dans le ciel et Jisung le regarde rire sans comprendre. Il regarde ses yeux se plisser, sa bouche s'ouvrir, son corps tressauter. Et un rire nerveux finit par s'échapper de ses lèvres.
— Pourquoi tu rigoles ? demande-t-il.
— J'avais oublié qu'on ne se connaissait que depuis un jour, pouffe Minho avant de se redresser.
Son regard rieur se plante dans celui de Jisung qui le regarde, toujours dans l'incompréhension.
— T'es beau, p'tit cœur.
Jisung déglutit. Son regard se perd dans la contemplation des lèvres du plus vieux. Il a l'impression de fixer un joyau interdit et il doit user de toute sa force pour ne pas se jeter dessus. Les mots de Minho se sont inscrits au fer rouge dans son esprit. Il veut les effacer, les oublier, les faire disparaître. Et l'ivresse du contact physique lui apparaît comme seule solution.
— Je ne t'embrasserai pas ce soir, murmure alors Minho en se relevant et en fixant l'horizon. Ce n'est pas l'envie qui me manque, rassure toi, mais le mood est mauvais. On est trop sérieux ce soir.
Il se tourne vers lui, un sourire aux lèvres.
— Je veux pouvoir te tenir contre moi le cœur léger, Jisung.
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