23 - Le roi des irradiés
« Et ça, tu n'aurais vraiment pas pu me le dire plus tôt ?! râla Léopard.
Ce dernier et Alexandre marchaient tout les deux derrière l'hôtel, où il y avait eu des années avant un jardin magnifique et resplendissant. Aujourd'hui, il ne restait plus qu'une piscine vide depuis des années jonchée de débris, une pelouse inexistante et des arbres morts, par dessus lesquels de la nouvelles végétation avait poussé ; faisant ressembler le tout à une petite jungle.
Alexandre lui avait raconté ce qu'il avait déduit de ses séances spéciales dans les laboratoires de la Capitale, notamment le fait que les irradiés semblaient de plus en plus se plier à sa volonté.
— C'est toi qui m'a proposé d'en parler plus tard, répondit Alexandre en poussant du bout du pied de l'herbe sèche.
— Oui, enfin, quelque chose comme ça, tu aurais pu insister, quand même.
Alexandre le regarda en affichant un air désolé. Léopard soupira.
— Et c'est depuis quand, tout ça ?
— Je ne sais pas trop. On dirait une sorte de mutation, comme une évolution de ça, dit-il en désignant son bras écailleux.
Léopard soupira à nouveau.
— Sans compter le fait que j'avais un peu peur de te parler de tout ça. C'était nouveau et je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Et puis, peut-être que tu ne m'aurais pas cru.
— Bien sûr que si, tu mens très mal de toute façon.
Alexandre roula les yeux au ciel.
— Et, euh, comment tu l'as su ?
— Au fur et à mesure. D'abord, j'avais pensé que c'était un hasard, mais plus j'y repense, plus ça me étrange. Je me souviens que quand je fuyais, je suis entré dans une bouche de métro et je suis tombé sur un meute d'irradiés. Ils ne m'ont rien fait. Ils ne m'ont même pas frôlés. Ils se sont jetés sur les gardes directement. Et puis après dans le laboratoire, j'ai vu qu'ils ne faisait rien sauf si je leur « ordonnait » de le faire. Qu'ils se rapprochent de moi. Qu'ils s'éloignent...
— Donc tout ce que j'ai vu, tout les enregistrements, tout ceux où il y avait toi et les irradiés dessus...
— C'est moi qui leur disait quoi faire.
Léopard souffla.
— Est-ce qu'on le dit aux autres ? demanda Léopard.
— Je ne sais pas... Ça ne me semble pas être une bonne idée pour l'instant, répondit Alexandre.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne sais pas comment ils vont réagir.
— Avec tout ce qu'il se passe à la Capitale, on n'est plus à ça près.
Alexandre hocha la tête. Ils s'assirent tout les deux au bord de la piscine. L'échelle en aluminium était à moitié arrachée, pendant tristement dans le vide.
— D'ailleurs Léopard, commença Alexandre, d'où il sort, Archange ? Tu ne m'en as jamais parlé.
— Oh, euh... Je l'ai rencontré quand j'accompagnais pour aller chercher mes livres qui étaient restés au Casino. Il cherchait sa sœur, je lui ai proposé d'habiter au Casino le temps qu'il la retrouve.
— Et pourquoi je ne le découvre que maintenant ?
— Je ne voulais pas te déranger avec mes affaires. Et puis, malgré tout l'amour que je te porte, tu ne fais pas partie des Activistes, petit Renard, ajouta-t-il en posant un doigt sur le nez d'Alexandre. »
Ce dernier fit semblant de le mordre, ce qui lui valut les ricanements de Léopard. Il attrapa son menton pour l'embrasser. Alexandre posa sa tête sur son épaule. Ils ne dirent plus un mot pendant quelques minutes, profitant du calme. Ce fut Alexandre qui brisa le silence en premier.
« C'est quand même très moche ce qu'on regarde en ce moment.
— Ouais.
— On va voir ailleurs ?
— Ouais ! »
Ils se levèrent sans plus de cérémonie, traversèrent le hall de l'hôtel avant de ressortir à l'extérieur. Ils croisèrent Alpha, qui était en plein discussion avec Fleur. Dès que Fleur les vit, elle agita son bras pour leur faire signe de venir.
« Vous allez où ? demanda Alpha.
— Admirer autre chose que la piscine, répondit Léopard.
— On va juste faire un tour, on revient dans pas longtemps, rectifia Alexandre.
— Soyez prudent sur la route les jeunes, ajouta Alpha, Cha' et Archange dorment encore.
— D'accord. »
Il reprit sa discussion avec Fleur qui consistait à savoir démarrer une voiture sans les clés. Alexandre et Léopard se regardèrent, avant de monter dans une voiture. Léopard était au volant. Il se tourna vers Alexandre et demanda :
« On va où ?
— Le mieux serait de retourner à la station de métro où je me suis fait enlevé. Il reste peut-être des irradiés là-bas.
— Ok, ça marche. Tu me certifies que tu ne risques rien et moi non plus ?
— Je te le certifie. Et puis, on a de quoi se défendre.
Léopard mit le moteur en marche.
— Certes, dit-il en acquiesçant. »
Un quart d'heure plus tard, Léopard arrêta la voiture devant la bouche de métro. Ils descendirent tout les deux du véhicule avec un peu d'appréhension. Alexandre indiqua d'un coup de tête les escaliers. Il vit Léopard attraper un fusil avant de fermer la portière. Ils se tinrent la main avant de descendre les escaliers.
Le quai du métro était silencieux comme un cimetière. Au vu du nombre de cadavre jonchant le sol, ce n'était pas si différent. Irradiés et gardes morts se côtoyaient. Les irradiés étaient perforés d'impact de balles, et dégageaient maintenant une odeur de souffre et d'œuf pourris. Quand aux gardes, ils leur manquaient quelques membres, et de nombreuses parties de leur corps étaient ouvertes, comme la gorge, mais aussi le ventre ou les cuisses. Alexandre et Léopard déglutirent face à cette vision.
« Pourquoi personne n'est revenu récupérer les corps ? demanda Alexandre.
— Peut-être que l'expédition qui t'a trouvé n'était pas officielle et donc pas déclarée... Ils ne devaient pas se douter qu'il manquait des effectifs dans leurs rangs.
— Ça explique beaucoup de choses.
— Bon du coup, il n'y a pas d'irradiés aux alentours pour que tu me montres ce que tu peux faire... soupira Léopard.
— On peut continuer un peu ? S'il n'y a vraiment rien, on repart au bunker, pour ne pas inquiéter les autres.
Léopard sembla peser le pour et le contre.
— D'accord, on fait comme ça, finit-il par dire. »
Alexandre lui sourit et ils marchèrent main dans la main, avançant dans la bouche de métro abandonnée depuis des années. Leurs pas résonnaient dans le tunnel, donnant un écho étrange, résonnant sur les parois.
Ils furent bientôt ressortis de l'autre côté, sans encombre et sans rencontrer le moindre irradié.
« C'était plutôt décevant, reconnu Alexandre.
— Tu as bien dit qu'ils t'obéissaient ? demanda Léopard.
— Ouais, en quelque sorte, c'est ça.
— Pourquoi tu n'essaierais pas de les appeler ? proposa-t-il.
Les yeux d'Alexandre s'illuminèrent.
— Je peux essayer, oui !
— Tu fais comment ?
— Euh... Je sais pas. Je... Je peux essayer de me concentrer peut-être ? Ou les appeler juste comme ça ?
Léopard haussa les épaules, mais il resserra sa main sur son fusil. Alexandre baissa les yeux.
— Écoute, je te promets qu'il ne t'arriveras rien, murmura-t-il. »
Alexandre se redressa, se mordit la langue et il prit une grande inspiration. Il sortit ensuite de sa bouche un long sifflement, d'abord grave, augmentant progressivement dans les aigus, pour terminer sur une sorte d'ultrason que Léopard ne pu entendre.
Au début il ne se passa rien. Ils se contentèrent de regarder autour d'eux, guettant le moindre mouvement. Puis Léopard tourna brusquement sa tête sur sa gauche. Il venait de voir une branche d'arbre remuer. Il tapota doucement l'épaule d'Alexandre pour lui montrer ce qu'il venait de voir.
Alexandre siffla une nouvelle fois, qui fut très bref cette fois-ci. Léopard se tendit encore plus quand un irradié de petite taille sorti de derrière l'arbre. Il semblait hésiter à rejoindre Alexandre, et sa démarche était lente et boiteuse.
« Qu'est-ce qu'on fait ? murmura Léopard.
— On le laisse venir vers nous. Ne fait pas de mouvement brusque et s'il te plait, range ton arme, répondit Alexandre d'une traite.
L'irradié se rapprochait de plus en plus. Léopard rangea son pistolet à contre-cœur dans le holster. Alexandre s'agenouilla quand le petit irradié, qui s'avérait en fait être un ancien enfant - méconnaissable - fut à leur hauteur. Alexandre communiqua avec lui en sifflant, créant une sorte de cavatine mélodieuse. Léopard les observa. L'irradié ne « répondit » qu'avec des hochements de tête ou des râles rauque et inquiétant. Puis Alexandre se releva et l'enfant irradié reparti.
— Alors ?
— Il n'est pas seul, répondit Alexandre avec un grand sourire.
— Cette phrase n'aurait pas été rassurante il y a quelques années.
— Ils viennent vers nous, prévint Alexandre. »
Léopard se tendit lorsqu'il vit des irradiés arriver par paquets de tout les coins. En seulement quelques minutes, l'espace était envahi par les irradiés. Ils étaient étrangement calmes. Comme s'ils attendaient quelque chose.
Alexandre souriait tout en les regardant. Il se tourna ensuite vers Léopard.
« Ça a marché ! dit-il.
— Je vois ça... Qu'est-ce qu'ils font tous, à nous regarder ?
— Attend je veux tester quelque chose.
Alexandre fit un pas vers eux. Aucun ne bougea. Il ensuite son bras droit et il siffla un coup. Les irradiés l'imitèrent en cœur. Il réitéra son geste avec son bras gauche. Les irradiés l'imitèrent encore. Il ferma ensuite son poing. Les irradiés s'assirent par terre. Alexandre se retourna vers Léopard.
— Pas mal, reconnu Léopard en lui souriant.
— Je crois qu'ils m'écoutent, lui dit Alexandre.
— On dirait... Mais pourquoi ?
— Je crois qu'ils me considèrent comme leur chef... Enfin, je n'en suis pas sûr, hein. Mais ils m'obéissent.
— Et si tu leur demandes de crier ?
Alexandre émit une suite de sifflotements. Les irradiés se mirent à crier, fort.
— Ok, hurla Alexandre à Léopard pour couvrir le cri des irradiés, c'était peut-être pas une idée de génie mon cœur !
— Exact !
Alexandre porta deux doigts à sa bouche et siffla d'un coup sec. Les irradiés arrêtèrent aussi.
— Ça a marché ! soupira Léopard.
Alexandre se mit à rire doucement. Léopard le serra dans ses bras.
— On devrait peut-être rentrer au bunker, les autres vont s'inquiéter, lui dit-il.
— Tu as raison ! répondit Alexandre.
— Tu ne sifflais pas dans les laboratoires non ?
— Non, je pensais juste... Mais bon, j'ai plus de facilité en sifflant j'ai l'impression...
Il siffla une dernière fois pour le prouver et les irradiés se dispersèrent. Alexandre et Léopard repartirent de leur côté.
———————
Léopard gara sa voiture tant bien que mal au milieu de toutes les autres. Visiblement, ils avaient de la visite. Ils descendirent de la voiture et ils entrèrent dans le bunker en frappant brièvement à la porte. Ils n'eurent cependant pas vraiment à se faire discret puisqu'il y avait tellement de monde que la dernière personne rentrée se mit à hurler leur retour.
Ils se frayèrent un chemin tant bien que mal entre les personnes qui se collaient le plus possible aux murs pour les laisser passer. Alexandre voyait certains regard s'accrocher un peu trop sur son bras ou sur son crâne, et il observa des yeux s'écarquiller sur son passage, un mélange de surprise, d'étonnement, de dégout et d'incompréhension. Léopard salua discrètement ses hommes. Il vit qu'il manquait Luciole et Gazelle, ce qui ne l'étonna pas vraiment.
Enfin, ils arrivèrent devant un espace aménagé par Alpha et Charlie, qui consistait en une table posé au milieu de la pièce la plus grande, sur laquelle ils avaient gravé à-même le bois un plan représentant grossièrement la Capitale.
« Enfin, même comme ça, s'énerva Charlie, on n'est pas assez ! On est quoi... Cinquante à tout casser ? La nouvelle Milice compte plus de deux cent mille soldats armés et entrainés à tout type d'infiltration ! Il est hors de question de partir comme ça, autant se suicider directement !
— Eh, calme-toi, dit Alpha, on n'est pas beaucoup, mais on peut forcément faire quelque chose ! On est plus tactique qu'eux !
Charlie claqua sa langue contre son palais et leva les yeux au ciel. Alpha tapotait nerveusement son talon sur le sol. Il leva les yeux et tomba sur Alexandre et Léopard.
— Vous êtes de retour ? Parfait, il ne manquait plus que vous pour trancher.
— Trancher pour quoi ? demanda Alexandre.
— Charlie veut attendre d'avoir plus d'effectif pour attaquer la Capitale, dit Alpha, mais je pense qu'il faut y aller maintenant, sinon l'effet de surprise ne sera pas assez efficace.
— C'est du suicide, on n'est pas assez nombreux ! répliqua Charlie.
Alexandre regarda Léopard avec un petit sourire en coin. Ce dernier se tourna ensuite vers Charlie et Alpha.
— On a peut-être une solution. »
———————
Un grand merci à Skrileene pour ces adorables fanarts !
À très bientôt pour la suite !
♥︎
- Nano.
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