32. Y.A
私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 ༄
Heart of Gold Neil Young
2:52 ▬▬▬▬▬▬●─── 3:40
⇄ ‣ ↺
Le lendemain, nous étions tous placés dans un appartement du Naicho H protégé par plusieurs agents. Et quand je dis tous, je veux dire mon père, Shinso, Neru, Nahoshi, Katsunaga, et moi bien sûr. Monsieur Aizawa a dû parler aux parents de programme de protection des témoins par rapport à l'enlèvement —je me demandais comment c'était passé alors que mes amis n'étaient absolument pas témoins dudit enlèvement. J'avais obtenu qu'ils soient embarqués dans cette histoire avec moi, principalement pour leur sécurité. Car oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, mieux valait les garder près de moi : ils étaient mieux entourés d'agents secrets surentraînés que seuls chez eux.
Aizawa nous a appris que lui et Yumemi Kinjou, la femme à lunettes que j'ai pu voir à plusieurs reprises, étaient à la poursuite du Shin Sekai depuis plusieurs années. Seulement, ce n'était pas chose aisée, car la police leur mangeait dans la main et même certains politiciens. La société avait bien plus d'importance que ce que je ne pensais.
Bref, nous étions installés dans la salle à manger autour d'une table rectangulaire en bois, mes amis, Shinso et moi. Nous dégustions les délicieux sandwichs garnis d'une mixture d'œuf et de mayonnaise conçus par Katsunaga. Je n'avais jamais oublié qu'il souhaitait ouvrir son propre restaurant, j'étais de tout cœur avec lui. Ce dernier prit soudainement la parole, en regardant Nahoshi avec insistance.
— Je dois vous présenter mes excuses, annonça-t-il d'une voix solennelle.
Nous le regardâmes tous d'un air intrigué. J'arrêtai même de mâcher mon repas. Qu'est-ce qu'il se passait encore ?
— J'ai caché Shinso chez moi après qu'il ait fugué de chez ses parents, et je ne vous ai rien dit.
— C'est de ma faute, l'arrêta l'intéressé avant qu'il n'ait le temps de développer. C'est moi qui lui ai dit de vous le cacher. Je ne voulais pas prendre de risques comme la société me recherche, et puis je ne voulais pas inquiéter Anzai.
Je n'étais absolument pas au courant de ça. Il est vrai que j'aurais aimé être dans la confidence aussi.
— C'est pas grave, dit Neru sur un ton maternel. C'était nécessaire au vu des circonstances. Mais à partir de maintenant, on se dit tout, pas vrai ? Surtout si ça concerne les événements actuels.
Alors que je n'avais pas dit un mot depuis le début, je pris également la parole.
— Et si on faisait un pacte ? dis-je alors que tous les yeux se tournaient vers moi. Dès aujourd'hui, on se partage tout, en particulier ce qui concerne la société.
Tous acquiescèrent. C'était le début d'une nouvelle ère pour notre amitié.
Une fois le repas terminé, je sortis de table et me mis en tête d'inspecter l'appartement. Les adultes étaient partis acheter de quoi vivre les prochains jours, nous laissant sous la surveillance de trois agents. La nuit, l'agent Kinjou dormirait avec nous.
Le logement se situait dans le quartier de Kōsō, une autre banlieue de Musutafu à l'opposée de Senshima. Il comportait une salle à manger / cuisine, une salle de bain, un cagibis et deux chambres. La répartition des chambres se faisait ainsi : mon père dormait sur le canapé, Neru dans le lit de la première chambre où l'on installerait un matelas gonflable deux places pour Katsu' et Naho', Kinjou dans le lit de la deuxième chambre, et moi... je partageais un matelas avec Shinso dans la chambre de Kinjou. Le Naicho n'était même pas foutu de mettre des lits deux places chez eux.
En fait, Neru avait proposé cette disposition et j'avais distraitement accepté alors que je n'écoutais pas vraiment, avant de me rendre compte que je dormais avec Shinso.
Bref, je parcourais la maison en essayant de ne pas trop y penser. Je me rendis compte que de nombreuses traces d'utilisation témoignaient du passage d'autres personnes du Naicho avant nous. Des marques sur les murs, des tâches, des objets abandonnés, des petits posters, et... au fond d'un placard —ne me demandez pas pourquoi je fouillais le fond d'un placard, je découvris des mots gravés dans le bois. Il y avait cinq ou six initiales sculptées chacune dans une écriture différente. J'attrapai un couteau dans un tiroir et entrepris de graver les miennes, "Y.A".
Je me sentais comme si je faisais partie des agents secrets qui avaient foulé ce lieu dans le cadre de leur mission.
***
Cela faisait une dizaine de minutes que Katsunaga attendait le sommeil sur son matelas gonflable. Nahoshi n'allait pas tarder à le rejoindre, et Neru se couchait toujours tard. De plus, elle n'avait toujours pas fini de filmer l'intégralité de l'appartement sur son caméscope. Le garçon était certain que Aizawa leur avait interdit de prendre des photos mais elle n'écoutait rien à rien.
Bref, il fixait la lumière suspendue au plafond, à deux doigts de mourir d'ennui. Il pensait que cette petite excursion avec ses amis serait fun, mais au final, il passait plus de temps à s'inquiéter pour Yoko qu'à s'amuser. C'est vrai quoi, la fille qu'il était censé protéger était poursuivie par une société secrète qui avait mené des expériences sur elle, si ce qu'ils avaient conclus était vrai. Il n'y avait pas grand-chose qu'il puisse faire dans cette situation d'autre que se terrer et attendre que les services secrets règle la situation. Il aurait voulu participer à la mission de demain, mais seule Yoko était autorisée. Après tout, c'était son idée.
La porte s'ouvrit lentement. Nahoshi, changé en pyjama, c'est-à-dire un t-shirt et un jogging, entra l'air fatigué. Il se glissa sous la couette à la suite de Katsunaga et attrapa son bras.
— Bonne nuit.
— Eh, j'suis pas une peluche ! protesta le rouquin.
Mais le blond ne bougea pas d'un pouce. Il renforça même sa prise et colla son front contre son épaule. L'ancien motard ne savait plus où se mettre.
— Je me demande ce que dirait ta copine du moment, lança-t-il.
— J'en ai pas. Et puis j'ai pas le droit de faire un câlin à mon bro ?
Il rougit. Bien sûr que c'était en toute amitié, quel idiot.
Il y eut un blanc pendant une minute ou deux. Sa question rhétorique resta sans réponse.
— Tu les aimes vraiment, ces meufs ? demanda Katsunaga toujours tourné vers le plafond.
— Pourquoi est-ce que tu veux savoir ? répondit Nahoshi amusé.
— Je sais pas ça m'intrigue, c'est casse couilles une meuf.
Il mit un moment avant de formuler une réponse qui lui convenait.
— J'ai besoin qu'on m'aime car je suis incapable de m'aimer moi-même.
— C'est quoi le rapport ?
— Ta gueule, laisse-moi finir.
Il reprit :
— Chaque fille qui tombe dans mes filets remplit temporairement une part de mon cœur. Quoi de plus normal, l'univers a horreur du vide et ainsi va l'humain. Je les remercie de s'offrir à moi, je ressens de la sympathie à leur égard, mais... mais je n'ai jamais ressenti d'amour pour elles une seule fois et j'en suis désolé.
Katsu' hocha la tête silencieusement. Alors comme ça il ne les aimait pas. Il ne savait pourquoi mais une part de lui était rassurée.
— Ça m'étonne, que tu dises avoir du mal à t'aimer, avoua-t-il. T'es le plus gros égocentrique que je connaisse. Tu veux toujours qu'on voit tes talents et ton intelligence, tu te considères supérieur aux gens normaux.
— Réfléchis deux secondes, imbécile. Si je fais tout ça, c'est parce que j'ai pas confiance en moi.
— Oh... désolé, s'excusa le rouquin en tournant la tête de honte.
— T'en fais pas, c'est normal de ne voir que ce que je renvoie. C'est fait exprès.
— Mais j'suis ton... meilleur pote, je devrais être capable de voir plus, non ?
— Maintenant tu sais, mon meilleur pote, dit-il sur un ton ironique.
Les deux se turent quelques instants. Katsunaga sentait la respiration de son ami contre son bras.
Celui-ci pensait. Il se remémorait la confession qu'il avait fait à Neru, le jour où la petite bande s'était rendue chez Shinso. Il ne s'était toujours pas excusé à Yoko pour ne pas l'avoir arrêtée dans sa relation avec lui. Tout ça parce qu'il voulait pouvoir se dire à la fin "je l'avais dit, j'avais raison". Tout ça pour prouver son intelligence.
— Dis, Katsu' ?
— Hm ?
— T'as des regrets, dans ta vie ?
Son interlocuteur réfléchit quelques instants en laissant échapper un petit "hmm".
— Je ne sais pas à quoi je sers, je ne sais pas où je vais. Je n'ai aucune foutue idée d'à quoi ressemble ma vie. Est-ce que suivre Yoko était mon droit chemin, ou n'était-ce que la solution la plus facile ? J'aurai jamais de réponses alors à quoi bon regretter.
— Je vois, répondit simplement Nahoshi.
— T'as quelque chose en tête, non ?
— Absolument pas. Dors, maintenant.
— Me donne pas d'ordres.
— J't'en donne si j'veux.
— Toi, tu veux pas te réveiller demain matin.
Le blond bailla avant de poser sa tête sur l'épaule de Katsunaga qui se tendit. Droit comme un piquet, il n'osait pas bouger d'un pouce. Ils finirent enfin par s'endormir dans cette position étrange, collés l'un à l'autre. Neru rentra discrètement dans la pièce et se glissa dans son lit, un grand sourire sur les lèvres. Quand est-ce que ces deux là allaient se rendre compte de leurs sentiments ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro