30. Marché conclu
私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐞 ༄
Come Over (Again) Crawlers
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— Salut les jeunes !
— Masahiro !
La voix de Neru grésillait lorsqu'elle cria le nom de mon père à travers l'écran. C'est vrai que cela faisait un moment que mes amis ne l'avaient pas vus. Je regardai l'ordinateur : on y voyait les têtes de Neru, Nahoshi et Katsunaga dans de petits rectangles. Nous nous saluâmes et échangeâmes quelques banalités avant de rentrer dans le vif du sujet.
Mon père et moi étions assis sur deux chaises à mon bureau, munis de son ordinateur portable. C'est Nahoshi qui commença.
— Masahiro, il faut absolument que tu nous dises si ton ami Genzo a dit quelque chose d'important avant de mourir , dit-il l'air sérieux. Je pense que ça pourrait nous avancer grandement.
Mon paternel prit une longue inspiration comme s'il hésitait. Puis, il nous raconta ce qu'il s'était passé.
— Genzo et moi étions tous deux employés au consulat japonais de Qingdao et voulions retourner dans notre pays natal. Pour quitter la Chine, nous avions besoin d'une autorisation de la préfecture. Par chance Yoko et moi l'avons eu et nous avons pu rejoindre le Japon. Bizarrement, Genzo ne l'a pas reçu. Il a appris plus tard qu'il y a en fait eu une confusion. Nous avons tous les deux le même nom de famille, mais c'était bien lui qui était censé pouvoir partir, et pas nous. En clair, Yoko et moi n'aurions jamais dû partir, et je ne sais toujours pas pourquoi.
Personne ne parla. Nous nous regardions chacun silencieusement, digérant l'information. C'est Katsunaga qui brisa le silence.
— Va-t-en ! cria-t-il à l'intention de quelqu'un hors de l'écran. Je suis en appel imbécile tu vas te cramer tout seul !
Nous l'observions tous intrigués.
— A qui tu parles ? demanda Neru.
— Euh à mon petit frère, répondit-il sur un ton peu convaincant.
— Il comprend ce que tu dis ? Mais il a pas genre trois mois ?
— T'occupe, conclut-il en coupant sa caméra.
— Arrêtez de divaguer, intervint Nahoshi. Yoko, tu as quelque chose à nous dire, je crois.
Je m'étouffai avec ma salive. Soudainement, toute l'attention était tournée vers moi. Je savais très bien de quoi il parlait et je n'étais absolument pas prête à dévoiler mon secret. Enfin, la situation l'obligeait un peu. Je voyais où il voulait en venir. Je me décidai donc à prendre la parole, ils étaient chacun suspendus à mes lèvres.
— Il se peut que j'ai omis de vous parler d'un certain détail, commençai-je en prenant des pincettes. Comme par exemple que depuis mon arrivée, j'ai développé une maladie mystérieuse qui affecte mes yeux ou plutôt mon alter.
La mâchoire de Neru était à deux doigts de se décrocher. J'avais l'impression de voir une veine prête à exploser sur son front.
— Tu m'expliques pourquoi tu ne nous en as jamais parlé avant ?!
— Parce que je voulais pas vous inquiéter !
— Non mais depuis quand tu gardes des trucs pour toi, c'est super important ! Tu nous fais pas confiance c'est ça ? s'égosillait-elle.
J'entendis d'ici sa mère Takako lui crier de parler moins fort.
— Je suis désolée Neru mais tu peux comprendre que c'est dur d'en parler non ?
— Je croyais qu'on était amis et qu'on se disait tout ?!
— Mais fais preuve de maturité pour une fois dans ta vie putain je t'ai dit que j'étais désolée et c'est pas ma faute !
— C'est totalement ta faute, c'est toi qui a choisi délibérément de nous cacher ça, surtout que ça me paraît plutôt important au vu des événements récents !
Les trois hommes n'osaient rien dire. Nahoshi finit par prendre la parole :
— Bon, arrêtez de vous disputer, nous coupa-t-il. Il y a plus important. Yoko, qu'est-ce que tu en déduis ?
Nous nous excusâmes et je réfléchis quelques secondes. Il y avait bien quelque chose à faire de cette information. Si seulement je pouvais prendre du recul sur tout ça pour y voir plus clair...
— Tu veux dire que tout est lié, la Chine, le Shin Sekai et la maladie ? Mais je croyais qu'ils avaient découverts la maladie grâce au docteur Kaneda ?
Il prit soudainement un air très sérieux.
— Yoko, et si c'était eux qui t'avaient injectée cette maladie, comme un cobaye, et qu'ils avaient envoyé le docteur Kaneda te surveiller ? Est-ce qu'on t'a donné un médicament, quelque chose d'étrange avant que tu partes ?
Ma face se décomposa.
— J'ai été vaccinée juste avant mon départ.
— Cette théorie est donc très plausible. Nous savons que le Shin Sekai est aussi implanté en Chine, et que tu n'étais pas censée pouvoir partir. Et si ils voulaient te garder là bas comme un sujet d'expérience ? Et si ils avaient envoyé Shinso te récupérer ?
Tout faisant sens. Mon cerveau tournait à cent à l'heure, créant des connexions entre chaque élément. Nahoshi avait totalement raison. J'étais donc un cobaye pour le Shin Sekai et ils essayaient de me récupérer. Ces Jiang Lei et Monsieur X voulaient me renvoyer directement en Chine et éliminer mon père qui en savait trop alors que les parents de Shinso préféraient m'observer de loin. Enfin, quelque chose me taraudait tout de même. Pourquoi Lei et X prenaient-ils autant de risques pour me ramener alors qu'ils pouvaient simplement suivre le plan de Shō Sano ? Il y avait quelque chose qui clochait. Je sentais que nous n'avions pas encore toute la vérité.
Après leur avoir expliqué mes pensées et discuté de quelques autres théories, nous avons fini par mettre fin à l'appel.
Je suis partie m'entraîner avec mon père au combat. Je tentai d'utiliser les améliorations de mon alter, mais je sentais ma vue baisser drastiquement à chaque fois, alors j'arrêtai. Était-ce la contrepartie dont elle parlait ?
De toute façon, peu importe si ma vue baissait, j'étais déterminée à continuer de me battre jusqu'à ce que je devienne aveugle.
***
— Allô ? Qu'est-ce que tu me veux, Naho' ? dit Katsunaga en plaçant le téléphone contre son oreille.
— Tu nous cacherais pas quelque chose par hasard ?
— Je vois pas de quoi tu parles, répondit-il sur la défensive.
— Drop the act comme disent les anglais. Qui est-ce que tu caches chez toi ?
— ... J'ai pas le droit de te le dire, pour sa propre sécurité. Il fuit quelqu'un.
— Il ? Tu caches un homme chez toi, je suis jaloux, fit Nahoshi dont on entendait la mine boudeuse à travers le téléphone.
— Roh ta gueule, bon laisse-moi tranquille si t'as rien d'autre à me dire.
— Il serait temps qu'on se fasse un peu plus confiance entre nous dans ce groupe, ajouta le blond pour lui-même. A plus Katsu-chan ~
— Ouais c'est ça à plus, dit le rouquin en raccrochant.
L'ancien chef de gang rangea son appareil dans sa poche et fit pivoter sa chaise roulante en direction de son invité. Celui-ci était installé sur son lit, téléphone à la main, scrollant sûrement son feed Instagram ou Twitter.
— J'te préviens tu dors sur le futon, lui fit Katsunaga. Je suis gentil avec toi seulement parce que Yoko t'aimes bien mais j'oublierai pas ce que tu lui as fait.
Shinso hocha distraitement la tête, sans détourner le regard de sa lecture. Ce que le lycéen aux cheveux cramoisis ne savait pas, c'est qu'il ne s'agissait pas de son appareil, mais de l'ancien téléphone de Yoko Anzai qu'il avait récupéré le jour du kidnapping. Sa curiosité avait pris le dessus quelques semaines plus tard, et il se retrouvait à présent à fouiller —non, parcourir ses notes.
Son cœur se serra. La moitié le concernait lui. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien trouver à un mec banal comme lui ?
A mesure que ses yeux décryptaient les masses de textes qui racontaient leurs interactions ou bien expliquait à quel point ses yeux brillaient quand elle le voyait, le pincement au niveau de son cœur s'intensifiait. C'était vraiment mal écrit, cucul et cliché, mais ça lui donnait envie de chialer devant son hôte. Son amour semblait si sincère et dévoué qu'il en redemandait encore et qu'il voulait lire des centaines de textes en plus.
Alors, la question fatidique traversa son esprit. Est-ce qu'il l'aimait, lui ? Que pensait d'Anzai ?
Ce serait un affreux mensonge de dire qu'il ne ressentait rien de plus pour elle qui sorte du cadre de sa mission. Il avait des papillons dans le ventre quand il repensait à son sourire et à sa façon adorable de parler. Se remémorer la façon dont il l'avait trahie lui tordait l'estomac alors même qu'il pensait pouvoir l'écraser sans aucun remord.
Mais était-ce de l'amour ?
Quelqu'un toqua à la porte. La mère de Katsunaga, Ai Hiwasa, apparut derrière, un air inquiet sur le visage.
— Katsu', la police est là. Ils veulent te voir.
Intrigué, le concerné se leva de sa chaise. Il n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se passer. Aussitôt, il disparut derrière la porte à la suite de sa mère.
Shinso patienta quelques minutes, une boule grandissante dans son estomac. Il le sentait mal. Et si ses parents l'avaient retrouvé ?
Katsunaga revint enfin dans la chambre, le même air que sa génitrice sur le visage. Il signifia au garçon en fugue que la police désirait lui parler. Celui-ci se leva, anxieux, et le suivit dans le salon. Mais, quelle ne fut pas sa surprise quand il reconnut la personne qui l'attendait dans le salon.
— Monsieur Aizawa ?
Ce dernier sourit. Il était en costume noir, ses cheveux longs et ondulés attachés en un chignon bas.
— Ça fait longtemps que tu n'es pas venu à UA, Shinso.
Il ne répondit pas et baissa les yeux.
— Je sais pour le Shin Sekai et tes parents, déclara le professeur en posant une main paternelle sur son épaule. Ils te recherchent, n'est-ce pas ?
L'adolescent remarqua que des hommes en uniforme attendaient patiemment, les mains derrière le dos et alignés.
— Qu'est-ce que vous allez faire de moi ? demanda-t-il avec un mouvement de recul.
— Je viens te proposer de t'héberger, expliqua sans préambule Shota Aizawa. Je t'entrainerai, et si tu as le niveau, je te permettrai de rejoindre la filière héroïque.
— Et en échange ?
— En échange, tu dois dire tout ce que tu sais au Naicho H sur le Shin Sekai. Marché conclu ?
Shinso le regarda avec méfiance, et réfléchit quelques instants, pesant le pour et le contre. Puis, il déclara :
— J'accepte. Mais vous devez protéger Yoko Anzai.
— C'est dans mes cordes, répondit Aizawa souriant.
***
La cahier de Shinso que j'avais récupéré le jour où j'avais rencontré Kokoro traînait sur mon bureau depuis quelques semaines. Un simple cahier à spirales, couverture bleue nuit et feuilles à carreaux. Il me narguait jour et nuit. C'est pour cela que ce soir, enfin, alors que je sortais de ma séance de combat avec mon père, je me décidai à l'ouvrir.
Installée sur mon lit, je le feuilletais comme on feuillette un magazine. À ma plus grande déception, je n'y trouvai que des lignes et des lignes de calculs et de formules. Un cahier de maths, donc. Mes yeux caressèrent son écriture régulière et ronde, tantôt au crayon tantôt au stylo bic. Parfois, quelques gribouillis entrecoupaient les chiffres. Shinso avait un certain talent pour le dessin, il fallait l'avouer.
Des chevaliers, des monstres sortis de l'espace, des roses et des écritures stylisées, tout ce petit monde habitait les pages du cahier. Mais, un certain portrait attira mon attention.
C'était moi.
Je tournai les pages suivantes. Il y avait des tas de dessins de moi sous tous les angles, toujours souriante ou sereine.
Mon cœur battait à toute allure comme si je venais de courir un marathon. Je passai ma main sur les lignes de graphite. Soudain, mes yeux s'humidifièrent. J'essuyai une goutte avant qu'elle ne coule, me mordant la lèvre inférieure. Je repensai à son interruption dans ma chambre, à la façon dont il m'avait permis de m'enfuir quand ses parents m'ont enlevée. A son sourire désolé.
Merde, je l'aimais encore.
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