19. Yoko, l'enfant du soleil (*)
私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐢𝐱 𝐧𝐞𝐮𝐟༄
Je me précipitai dans le hall de l'hôpital et courus en slalomant dans les couloirs. Plusieurs personnes me jetèrent un regard noir ou intrigué mais je m'en fichais. Je m'en fichais parce que mon père était réveillé après deux semaines de coma.
Je déboulai devant la porte et m'arrêtai soudainement. Décidément, j'avais un problème avec les portes. Peut-être parce qu'on ne sait jamais ce qu'il y a derrière. Je respirai un grand coup ; j'allais enfin revoir mon paternel et avoir la confirmation qu'il allait bien. J'allais enfin avoir des réponses à mes questions.
J'abaissai lentement la poignée et rentrai. Les larmes me vinrent aux yeux en voyant mon père alité, branché à des machines et un masque à oxygène sur le visage. Il avait l'air si faible par rapport à sa carrure imposante ordinaire. Mon géniteur avait beau n'être pas très grand, il était bien bâti grâce à ses années au service de l'armée. Lui qui me paraissait immortel s'était pris une balle.
— Yoko... murmura-t-il.
— Papa !! m'écriai-je en me jetant à son chevet.
— Mon lapin, on m'a raconté ce qu'il t'es arrivé, mon cœur a failli s'arrêter. Si je retrouve ces enfoirés, je te jure que...
— Papa, c'est bon, je vais bien.
— Je te promets de faire plus attention à toi désormais. Si seulement ce salop de cambrioleur n'était pas là au mauvais moment !
Je me demandais s'il faisait exprès de ne pas comprendre pour ne pas m'inquiéter qu'il y avait toutes les chances que ça ne soit pas un cambrioleur comme le rapport de police l'indiquait.
— Regarde, je suis en un seul morceau et en pleine santé ! dis-je pour le rassurer en montrant mes biceps de poulet.
— Tant mieux, alors. Mais il n'empêche que tu es ma petite fille à moi et que je me suis fait un sang d'encre. Je suis désolé de pas m'être mieux occupé de toi ma chérie. Je suis fier de t'avoir appris à te débrouiller seule, regarde : tu as réussi à t'en sortir sans moi. Enfin, la prochaine fois, je serai là pour toi.
Je tremblais. Je m'en voulais d'avoir pensé de lui tout ce temps que c'était un père indigne, qu'il n'en avait rien à faire de moi. Au fond, il s'inquiétait bel et bien comme n'importe quel parent. Et s'il me poussait à agir en autonomie, c'est qu'il avait peur de ne pas bien remplir son rôle de père...
— Tu sais, je m'en veux un peu de te laisser seule avec un père avec aussi peu de tact que moi. J'aurais tellement voulu que tu aies une mère pour t'épanouir, pour t'apprendre tout ce qu'une femme a à te transmettre. Il n'y a pas un jour où le fantôme de Shan ne me hante pas. J'ai été si faible, incapable de la protéger... et voilà que les mêmes malheurs arrivent à ma fille. Si je suis incapable d'être là au bon moment, alors je veux pouvoir lui transmettre la capacité de se débrouiller seule.
C'était la première fois depuis des années qu'il parlait de ma mère. Ce devait être encore une blessure profonde pour lui. Je comprenais mieux à présent. Je me rappelais quand il me forçait à faire les parcours dans les airs de jeu pour enfant. Je m'approchai et le pris dans mes bras ; il répondit faiblement à mon étreinte puis me relâcha. Tant que nous parlions de ça, je lançai :
— Pourquoi est-ce que vous m'avez appelée Yoko ?
— Yoko, l'enfant du soleil, répondit-il. En quelque sorte l'enfant du soleil levant, en rapport avec tes origines.
— Non, je veux dire... pourquoi m'avoir donné un nom japonais alors qu'originellement nous devions vivre en Chine ?
Il resta silencieux quelques secondes.
— Shan détestait son pays. Nous avions toujours prévu de déménager au Japon, et nous voulions que tu te sentes à ta place là bas. Seulement, quand elle est... morte, je n'avais pas les fonds nécessaires pour effectuer le déménagement. J'ai dû économiser pendant plus longtemps que prévu, et la mort de ton grand père était une bonne excuse pour venir habiter ici.
— Pourquoi est-ce qu'elle n'aimait pas la Chine ?
— La Chine est un pays très autoritaire, tu sais. Les habitants y ont très peu de liberté. Par exemple, les alters sont totalement interdits et mal vus. Tout est très contrôlé, et Shan était une femme qui vivait pour la liberté. Elle était dans un organisme qui luttait pour les droits des citoyens. C'était vraiment une personne admirable.
J'imaginais ma mère et ses longs cheveux blancs se battre aux côtés de rebelles pour un monde meilleur, dans un futur dystopique.
Puis, il me revint en tête ce dont j'étais censée parler initialement.
— Au fait... qu'est-ce qu'il t'a dit, Genzo ? Je veux dire, ce fameux soir où il a... été victime d'un accident.
— Ce sont des affaires de grand.
— Quoi ? Mais il est mort juste après, ça ne peut pas être une coïncidence ! Il a sûrement dit quelque chose d'important !
— Ne te mêle pas de ça, Yoko, conclut-il avec une voix sévère.
Échec de la mission. J'affichai une mine boudeuse. De toute façon, il était temps que je rentre à la maison, les parents de Nahoshi m'attendaient.
Set tout attack Albert hammond
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BonjourAprès quelques jours, je revins enfin à l'école. Non pas que ça m'ait manqué, mais je commençais à sérieusement m'ennuyer. Rattraper tous les cours et devoirs manqués fut une vraie plaie, j'avais perdu toute mon avance. J'espérais que ma grand-mère ne tombe pas sur mon prochain bulletin scolaire, ou qu'au moins cette sorcière soit compréhensive.
Et puis, tout le monde semblait me connaître à présent alors que j'étais plutôt du genre effacée. Chacun se trouvait soudainement gentil avec moi, j'étais devenue la star du lycée en quelques jours.
À part ça, rien n'avait réellement changé. Je m'amusais avec mon petit groupe d'amis comme si rien ne s'était passé. À la différence que j'avais cette constante peur, ou tristesse, je ne sais pas, qui tapissait le fond de mon cœur à chaque instant de ma vie. J'étais incapable de passer un bon moment sans y penser. J'avais l'impression de traîner un lourd bagage derrière moi, de ne plus avoir cette légèreté dont je jouissais auparavant. Je me surpris à regretter le début d'année, quand tout était plus simple, quand Shinso n'était encore que So, le garçon dont j'étais amoureuse.
Durant la pause, quelqu'un me sortit de mes pensées. C'était une petite rousse, bien en chair, à qui j'avais parlé deux ou trois fois dans ma vie. Mais, apparemment, depuis l'incident, tout le monde était ami avec moi.
— Ueno, c'est ta BFF ? me demanda-t-elle.
— Hein euh... je sais pas trop... C'est quoi une BFF même ?
— Best friend forever, ta meilleure amie, celle avec qui tu veux passer le reste de ta vie non romantiquement quoi. Enfin si t'as pas de BFF moi je veux bien l'être.
Je réfléchissais. Est-ce que Neru et moi étions meilleures amies ? Certes, nous nous connaissions depuis l'enfance et passions beaucoup de temps ensemble depuis mon déménagement au Japon. Mais cela faisait-il de nous des meilleures amies ? Et puis l'amitié, c'est comme un couple, il faut que ça doit réciproque. Peut-être que Neru avait déjà une meilleure amie, peut-être qu'elle me voyait comme la fille de l'ami de ses parents qu'elle devait se coltiner pour ne pas rester seule.
Je ne trouvai rien à répondre.
Et alors vint la fin de la journée.
Mon père m'avait forcée à ne pas rentrer sans la compagnie de Katsunaga. Ce qui ne me dérangeait pas vraiment, puisque c'était mon ami, mais je n'aimais pas l'idée d'avoir une sorte de garde du corps.
Je le retrouvai à la sortie des cours, et nous commençâmes le trajet ensemble. Le pauvre devait faire un détour pour rentrer chez lui, mais il était heureux d'avoir été assigné à ma protection. Nous discutâmes de tout et de rien, il gardait son rôle de pseudo-misogyne. Je savais qu'il pensait ainsi à cause de sa mère mais qu'au fond il respectait les femmes, alors je ne disais rien. Mais cela restait un problème. Pouvait-on haïr les femmes sans être sexiste ? Après tout, on peut bien détester quelqu'un en le respectant. Mais ne le dénigrons-nous pas inconsciemment ?
Alors, nous croisâmes un petit collégien qui nous regarda étrangement. Il devait être métisse, avec sa peau mate, ses gros sourcils et ses dread noires courtes. Son style vestimentaire large et ringard témoignait du fait qu'il était un délinquant. Il avait l'air... énervé ? Déterminé ? Je sentis que Katsunaga était bizarre lui aussi, il semblait soudainement préoccupé. Je me demandais qui ça pouvait bien être.
Quand je rentrai à la maison, mon père était occupé à feuilleter un livre photo. En me rapprochant, je vis des clichés qui éveillèrent une drôle de nostalgie en moi. Des images d'enfance que je n'avais jamais vues, quand je n'avais encore que cinq ou six ans.
— Ta mère avait la plus belle peau et la plus belle chevelure du monde, dit-il sans crier gare.
— Blancs, comme moi ?
— Non, regarde.
— Quoi ?!
Je crus que mon cœur allait lâcher. Réaction peut-être un peu dramatique de ma part, mais cela signifiait que la personne dans ma tête que j'appelais maman depuis des mois... n'était pas ma mère.
— Shan était atteinte du vitiligo.
Sur la vieille photo apparaissait une jeune femme au sourire effronté. Elle était parée de grandes créoles dorées, d'un foulard bleu noué autour du cou, d'un petit haut jaune pâle à carreaux, et d'une grande chemise verte sapin en guise de veste. Mais, plus important, sa peau était bicolore. C'était comme si l'on avait goulûment versé deux tâches de lait sur une carnation encore plus matte que la mienne. Puis, là où ces tâches rencontraient ses racines, quelques mèches blanches en jaillissaient, parmi son épaisse chevelure ondulée presque noire. Elle avait les mêmes sourcils ovales que moi.
— Dis, comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?
— Ce n'est pas une histoire très passionnante. J'étais en service dans un des consulats japonais de Chine, celui de Qingdao. Ta mère habitait déjà à Haichuan.
Haichuan, mon village d'enfance, était une petite ville côtière non loin de Qingdao.
— Elle faisait partie de l'association de la ville, et travaillait comme psychologue. Je suis venue visiter l'endroit, et c'est là que j'ai rencontré Shan. Une vraie tornade. Au début, on ne s'appréciait pas trop. Je dirais que niveau caractère, tu tiens plus de ton père, ta mère était une vraie furie dans sa jeunesse !
Je ris, imaginant les disputes d'amoureux entre ces deux là.
— Mais, nous avons fini quelques temps après par nous avouer nos sentiments, n'en déplaise à ce salop de scientifique qui lui tournait autour. Je savais que j'allais devoir un jour retourner dans mon pays, alors quelques années après, j'ai demandé sa main. Ses parents étaient furieux ! Tu sais que les étrangers sont mal vus en Chine, à cause de cette histoire d'alters... C'était une décision précipitée de jeunesse, mais je ne l'ai jamais regrettée. J'ai tout quitté pour être avec elle et c'est ainsi que je suis devenu chef de chantier.
— Pourquoi tu ne t'es pas fait naturaliser chinois ? demandai-je.
— Premièrement parce que les démarches étaient très compliquées ; et deuxièmement, comme je t'ai dit, nous avions prévu de déménager au Japon.
— Je vois..., dis-je rêveuse. Tu peux me montrer d'autres photos ?
— Bien sûr. Et après, on se fait du lancer de couteau ?
— Oui !! Ça fait super longtemps !
J'étais si heureuse de parler pour la première fois de tout ça. Mon cœur gonflait comme un chewing-gum et mes zigomatiques étaient fatigués de s'étirer. Je profitai du moment pour faire un énorme câlin à mon père, je ne lui en faisais pas assez.
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