15. Le côté des héros (*)
私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐢𝐧𝐳𝐞 ༄
J'ouvris les yeux. Le sol était... Roh et puis c'est bon j'ai compris, ce n'était pas un cauchemar. Au moins, Shinso avait eu la décence de ne pas me rattacher les mains, et j'avais pu bénéficier d'un sommeil beaucoup plus agréable. Quelle heure était-il ? Il faisait nuit à présent.
Je fermai les yeux.
chromatic fantasy and fugue I. fantasia johann sebastian bach
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Quand je les rouvris, il faisait jour. Mais je n'étais plus dans cet immeuble abandonné. Non, je me situais sur ce maudit balcon de ce maudit appartement. Je jetai mon plaid par-dessus bord.
Le ciel était d'un bleu artificiel, plat et lisse, sans nuages. Il se reflétait si bien sur l'eau qui stagnait dans les rues qu'on se croyait enfermé entre ciel et terre. Il y miroitait aussi la surface de divers bâtiments : le bar du Xiǎo liánhuā, le supermarché, d'autres habitations...
J'empoignai un parapluie arc-en-ciel qui séchait là et caressai l'étendue d'eau qui atteignait presque le niveau du balcon. Elle se stria d'ondulations. Les vaguelettes circulaires se cognèrent contre le béton et surmontèrent les pages trempées des cahiers qui flottaient. Il y avait aussi dans les flots un canard en plastique, une fiche médicale, mon porte-clés lapin, des ciseaux, une fenêtre, la veste de Neru, une bouteille d'Ice Tea, un emballage de burger, mon uniforme scolaire, des mèches de cheveux blancs découpés, un téléphone portable, un visage neutre, un appareil auditif, des yeux bleus, et tout un tas d'objets inutiles.
Ce n'était pas vraiment le moment d'errer dans mon monde intérieur. J'avais d'autres choses à faire, comme par exemple, échapper aux griffes d'un taré qui s'était fait passer pour mon ami afin de me kidnapper.
L'eau montait à mesure que je débordais de larmes. J'avais l'impression d'être une sorte d'Alice au Pays des Merveilles perdue dans ce rêve incongru.
Je relevai la tête et vis ce que je pensais être ma mère. Elle se tenait là, avec son visage littéralement indescriptible —puisqu'elle n'en avait pas vraiment, et son sale air satisfait. Je ne sais pas si j'eus envie de la secouer ou de la câliner pour me rassurer. Je voulais retourner au chaud dans son ventre, loin des problèmes, loin de l'eau qui monte. Est-ce qu'elle veillait sur moi depuis là où elle était, chaque fois que je l'hallucinais ? Je me consolait en me disant que oui. Que sous son œil, je m'en sortirai.
— Aide moi, je lui sussurai. Je t'en prie.
Déjà l'eau avait englouti le balcon à une vitesse phénoménale, et menaçait de me noyer. Je nageai jusqu'à ma mère sans m'arrêter de pleurer ; les grosses gouttes rondes dévalaient mes joues pour s'échouer dans le lac. Il fallait qu'elle me sauve, elle était mon dernier espoir.
Alors, elle m'indiqua du doigt un point précis sous l'eau. Je retins ma respiration et m'y aventurai. Il y avait en effet le bouchon d'un évier relié à une chaîne métallique. Je dû m'y reprendre à plusieurs fois pour tirer un bon coup sec et réussir à l'extirper de là. Tout disparut alors dans un gigantesque tourbillon.
Quand je rouvris les yeux, je ne compris d'abord pas ce qu'il se passait. Mon alter s'était activé, et Shinso avait accroché à mon regard. Je savais qu'il était sous mon emprise. Je savais également que, par je ne sais quel pouvoir, j'avais bloqué sa vision sur une image. C'est-à-dire que je pouvais bien bouger, il me verrait toujours endormie. Une évolution de mon alter ?
Puis, mes neurones se connectèrent, et je compris un peu trop tard peut-être que c'était le moment. Je me levai en sursaut et courus jusqu'à la fenêtre. Mais, à ce moment-là, je sentis que j'avais perdu le contrôle sur mon alter : je m'étais déconcentrée et Shinso avait retrouvé sa vision normale.
Celui-ci sauta par-dessus le bureau. J'ouvris avec peine la fenêtre qui ne devait pas avoir été utilisée depuis un bon moment. Mon cœur n'avait jamais battu aussi fort. Je le sentais dans chaque partie de mon corps.
Je passai une jambe sur le rebord, et tournai la tête pour le voir arriver. Il ne bougeait plus. Il avait arrêté de me courser.
Pourquoi ?
Parce qu'il avait un pistolet entre les mains.
J'hallucinais complètement. Il ne rigolait plus.
Il était là, planté, son arme à feu noire pointée contre moi. Moi comme une idiote le pieds en l'air, prise en flagrant délit. Il fit un mouvement de tête vers le sol pour m'indiquer de redescendre. J'obéis tremblante.
Par réflexe, je positionnai mes mains devant moi, comme si elles pouvaient arrêter une balle. Je me reculai contre le mur et tombai par terre.
Je fermai fort les yeux pour ne pas la voir arriver.
Et soudain, la perspective de mourir m'effraya.
Mourir.
Jusque-là, ce mot ne m'avait jamais effrayée. Non, il m'avait presque attiré dans ses filets. L'idée de perdre ma propre vie ne m'affectait pas tant que ça, il me manquait sûrement un certain instinct de survie.
C'était ce que je pensais, jusqu'à ce moment précis. Car peut-être qu'en réalité, j'étais effrayée à l'idée d'avoir des regrets au moment de ma mort, et que je préférais feindre l'indifférence.
Au moment où le canon de l'objet s'était présenté entre mes deux yeux, l'image de mes trois amis d'enfance avait percutée ma tête. Non, je ne voulais pas mourir. Je voulais vivre d'amour. Je voulais vivre et m'énerver contre eux, les faire rire, tantôt les détester et tantôt les adorer. Je ne pouvais pas partir avant de m'être confiée sans craindre de les perdre, sans avoir révélé ce que j'avais sur le cœur.
Pourquoi mourir alors que ma vie n'avait jamais commencé ?
Mais si je meurs de ta main c'est que je l'aurai mérité.
Peut-être que cette position a duré une demi seconde ou une heure ; ce que je savais, c'est que le monde entier avait cessé de tourner.
— Je ne vais pas te tuer, si ça peut te rassurer, finit-il par dire. Mais j'ai l'autorisation de te blesser si ça dégénère.
— Ah ouf, m'en voilà rassurée, je répondis ironiquement.
Il fronça les sourcils.
— Tu vas avoir une crampe si tu continues, pose ton arme non ? continuai-je avec mon sourire moqueur.
Pourquoi est-ce que je faisais ça ? Aucune idée. En vérité, j'étais effrayée, tremblante, mais mon mécanisme de défense était de faire l'idiote. Peut-être que je voulais faire semblant d'avoir encore le contrôle de la situation face à lui. Que j'avais honte de me retrouver au dépourvu, naïve et sotte, devant l'homme que j'avais commencé à apprécier.
— Je ne sais pas si tu te rends compte mais la situation est sérieuse, Anzai. Je te conseille d'arrêter de faire la maline.
Je baissai la tête.
Il faisait nuit noire, seule la lumière des lampadaires pénétrait agressivement dans la pièce. Il devait avoir éteint le plafonnier défectueux. Une légère brise nocturne m'arracha un frisson.
— Je pensais qu'on était amis, avouai-je, tu l'avais toi-même dit. Je pensais qu'il y avait vraiment un lien entre nous, pas que du cinéma.
— Tu essaies quoi, de m'attendrir ?
Oui, d'accord, il avait mis mon plan à jour en trois secondes et demie.
Les larmes commençaient à me monter aux yeux d'épuisement mental et physique.
— Non, je me lamente sur mon sort.
— C'est qu'un job je t'ai dit, rien de personnel. Le plus vite tu m'oublies, le mieux ce sera.
— C'est qu'un job ? riai-je jaune. C'est qu'un job de manipuler et kidnapper quelqu'un ? Et tu te dis super héros en devenir ?
— Tais-toi, lâcha-t-il simplement.
Il sembla hésiter à rajouter quelque chose puis se lança.
— Ce n'est pas moi le méchant de l'histoire, d'accord ? Je fais ça pour le bien.
J'avais l'impression qu'il voulait se convaincre lui-même, il me faisait presque de la peine. Je me relevai doucement et plantai un regard presque triste dans ses yeux.
— Tu te trompes, Shinso. Ce que tu es entrain de faire fait de toi un allié des méchants.
— Qu'est-ce que tu en sais, que ce sont eux les méchants ?
— Jamais le camp du bien n'utiliserait de telles méthodes.
— Je ne suis plus du côté des héros. C'est trop tard. Il n'y a plus rien de bien en moi, j'ai tout gâché.
Je décernais une couche d'humidité sur ses yeux qui brillait à la lueur des lampadaires. À présent, je ne ressentais plus aucune forme de haine. J'avais l'impression de me retrouver face à un gosse complètement paumé, qui cherchait sa mère.
— Vas-y, tire, ordonnai-je sans crier gare.
Il ouvrit de grands yeux interloqués et ne s'exécuta pas. Je ne sais pas si c'était moi ou sa main qui tremblait.
— Tu vois, tu ne tires pas parce qu'il y a encore du bien en toi, tu ne tirerais pas sur une innocente.
— Est-ce que tu es vraiment innocente ?
Cette phrase me marqua. Est-ce que j'étais innocente ? Si non, coupable de quoi ? Je me rappelai soudainement que derrière cet enlèvement se cachaient d'obscures raisons.
— C'est trop tard, Anzai, on ne peut plus rien faire pour moi. Pour toi non plus. Nous avons rejoint un monde sombre et infernal.
De quoi est-ce qu'il parlait, à la fin ?
Je m'approchai encore avec un instinct maternel. Je devais être folle, insensée, puisque je glissai fébrilement ma main contre sa joue. Il rougit violemment, sous le choc.
— Ce n'est jamais trop tard, je sussurai. Tu peux encore réparer tes erreurs.
Il paraissait sur le point d'exploser comme un volcan.
— Je voulais être une de ces personnes faites d'amour, se confia-t-il. Mais je suis tellement froid. C'est comme si j'étais déjà mort.
Nous nous regardâmes quelques secondes. Je crois que je le comprenais. Mais il me revient à l'esprit que ce n'était qu'un criminel manipulateur.
Sans crier gare, il balança son arme au sol de frustration. Celle-ci glissa dans un coin de la pièce, où se trouvait l'étagère vide. Alors, il m'ordonna de quitter les lieux en vitesse en pointant la fenêtre à demi ouverte, et commença à balancer la chaise au sol pour mimer des signes de lutte. Je ne me fis pas prier et m'exécutai. Avant d'enjamber le rebord, je lançai :
— Shinso !
Il se retourna et me regarda avec le même regard plaintif que précédemment.
— Au revoir. Et merci.
— Adieu, répondit-il simplement.
Je vis la porte s'ouvrir à la volée, et le grand caïd du début se diriger vers moi. Shinso se lança également à ma poursuite pour ne pas rendre son inaction suspecte. Je me dépêchai de sauter, et commençai à désescalader la façade. Bien sûr, c'était beaucoup plus facile dans les films qu'à faire. Mon pied glissa plusieurs fois sur la première prise et je crus que c'en était fini pour moi après tant d'efforts.
Soudain, une grosse main m'attrapa. C'était l'homme qui accompagnait Shinso. Il me tira vers le haut et je n'arrivai pas à me défaire de son emprise sous ses doigts qui devaient faire la taille de la tête. Je tirais, puisant dans mes dernières forces fournies par l'adrénaline, mais rien n'y faisait. Alors, je décidai de me laisser tomber, et l'entraînai de tout mon poids. La moitié de son corps passa à travers la fenêtre, mais il tenait bon. Shinso devait le retenir.
Alors que je pensais que mon heure avait sonné, j'entendis un porte voix crier :
— Police ! Relâchez la tout de suite !
J'eus un soupir de soulagement, jusqu'au moment où le caïd me lâcha tout simplement et que je me sentis chuter sur quelques mètres.
C'était agréable, de tomber. J'aurais presque voulu que ça dure plus longtemps. Les effluves d'air cognaient contre ma peau, me frappaient sans vergogne. Je sentais toute la force de la gravité. J'aurais voulu profiter du paysage nocturne avant de rendre l'âme, des lampadaires et des vieux immeubles, mais tout allait si vite. Un peu comme dans ma vie depuis peu.
Mais, je n'allais pas encore mourir, puisque j'atterris sur une sorte de bâche géante et rebondis plusieurs fois avant de finir inerte sur la surface. Il y sortait une tête chauve à l'épaule surmontée d'une insigne de police, ce devait être son alter.
— Yoko ! s'écria Neru. On t'a cherchée toute la nuit !
J'entendais aussi vaguement Nahoshi et Katsunaga. Je remerciai tout le monde, eux, le policier, silencieusement puisque je n'avais plus aucune force et m'endormis finalement.
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