01. même s'ils ne reflètent rien (*)
私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 ༄
don't nakamuraemi
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Bonjour, je m'appelle Yoko Anzai, j'ai quinze ans, et aujourd'hui c'est mon premier jour au lycée de UA. École super héroïque la plus prestigieuse du Japon tout entier, on y entre soit suite à un difficile examen contre des centaines de candidats, soit sous recommandation. Moi, j'ai été recommandée par mon oncle, le héros pro Endeavor. On m'a testée dans une ridicule course contre d'autres élèves recommandés et entre autres mon cousin, Shoto Todoroki. Bref grâce à mes capacités incroyables et à mon alter bien trop puissant pour le commun des mortels, j'ai été admise en classe 1A avec brio.
… C'est ce que j'aurais dit si j'étais le personnage principal d'une histoire palpitante. Sauf qu'il n'y avait aucun héros dans ma famille, que mon alter ne cassait pas trois pattes à un canard, et qu'en fait, mon lycée non plus. Soit dit en passant, on n'était pas le jour de la rentrée, mais bien une semaine plus tard.
— Yoko Anzai, c'est aujourd'hui ton premier jour à Kitarin ! déclara une jeune fille aux cheveux mauves avec entrain.
— T'as répété deux fois jour.
Je grimpais les escaliers de l'établissement à la découverte de ses moindres recoins, guidée par mon amie d'enfance Neru Ueno. Le soleil du matin éblouissait son petit monde à travers les longues fenêtres du couloir du premier étage, contre lesquelles cognaient parfois de grands arbres. Le parquet couinait sous mes chaussures neuves. De temps à autre, nous croisions quelques élèves adossés contre les murs, discutant des joies de l’adolescence.
Neru tenait de ses deux mains un caméscope vintage, et prenait un malin plaisir à capturer des images en gros plan de mon disgracieux faciès.
— Quelles sont tes premières impressions de ce magnifique lycée en tant que nouvelle élève ? continua la reporter improvisée sans se laisser perturber.
— Arrête ton cinéma je suis pas nouvelle, je suis juste rentrée après vous, répliquai-je en soupirant. Et pourquoi tu fais ça déjà ?
— Justement explique nous tout ! Ça nous fera des souvenirs quand on sera plus grandes, j'ai décidé de tout filmer. Tu veux pas jouer le jeu, s'il-te-plaît ? me supplia-t-elle avec des yeux de chiot.
À vrai dire, j'avais déjà l'impression que les dizaines de regards que l'on croisait me dévisageaient —ce qui n'était certainement pas le cas, alors l'œil de la caméra n'arrangeait pas les choses. Je ne pouvais pas m'empêcher de tripoter les bretelles de mon sac, en me remémorant les heures précédentes.
Dans les films, le nouvel élève apparaissait soit d'une façon cool, soit bafouillait ses premiers mots.
Moi, j'appartenais à la deuxième catégorie. En effet, mon entrée était pittoresque : je crois que personne n'a entendu mon prénom et qu'il restera un mystère pour la classe entière. À coup sûr, on allait m'apostropher à coups de "eh toi" tout le reste de l'année. Qui plus est, Neru n'était même pas dans ma classe (normal, il y en avait presque une dizaine). Cette expérience s'annonçait compliquée.
Voilà comment résumer ma vie : une adolescente banale pour un alter banal, quoiqu'un peu dysfonctionnel.
— Très bien, finis-je par céder en souriant. Bonjour madame Ueno ! En effet j'effectue ma rentrée une semaine en retard et voici votre scoop : je viens tout droit de ce charmant pays qu'est la Chine. Comme le voyage a été retardé par des soucis administratifs obscurs et que le déménagement a pris plus de temps que prévu, me voici, fraîche comme un pissenlit un matin de rosée, avec vous pour profiter des joies de l'éducation. En ce qui concerne le lycée… je dirais que sa réputation le précède. C'est bon ?
— C'est dans la boîte ! confirma la journaliste en balayant ses longs cheveux. On peut continuer la visite.
Nos pas nous menèrent au dernier étage, après le défilé des salles de classes, du bureau d'orientation et des divers clubs où je n'aurai sûrement jamais la foi de m'inscrire. Neru récitait fièrement un discours auquel elle avait pensé la veille, ou plutôt à deux heures du matin devant le cinquième "dernier-épisode-avant-d'aller-dormir".
— Et enfin, voici les toilettes. C'est là qu'on se retrouvera quand tu chialeras pour un chagrin d'amour ou une mauvaise note, et qu'on partagera les potins, continua la pseudo guide. J'espère qu'on va passer une bonne année.
Elle s'attendait à une remarque positive de ma part, mais rien ne vint. Pourtant, elle savais que j’adorais les potins.
Je laissais mon regard divaguer vers les miroirs qui reflétaient nos deux silhouettes. Neru me dépassait d'au moins une tête ; ce rapport de grandeur nous suivait depuis toujours. Je me détachai finalement de mon reflet, car je ne devais pas le fixer trop longtemps.
J'inspectai rapidement la pièce, comptai trois trois lavabos en vis à vis de six toilettes —dont une au verrou défoncé, ainsi qu'une fenêtre au verre flou, dont on ne pouvait ouvrir que la partie supérieure. La porte entrouverte d'une des cabines laissait apparaître une multitude de graffitis et gravures datant des années précédentes. L'odeur quant à elle n'incitait pas vraiment à se faire des confidences autour de la cuvette, un mélange d’urine et de cigarette. Venait ensuite les emballages de bonbons au sol, les traces de doigts sur le miroir, et le papier toilette à moitié déroulé. En somme, un charmant endroit qui reflétait assez justement l'ambiance générale du lycée Kitarin.
Être scolarisée ici ne m'enchantait pas, mais après tout, ce n'était pas comme si j'avais de grands projets en tête pour la suite de mes études, ou dans ma vie tout court. Au moins, j'étais en compagnie des seules personnes que je connaissais au Japon, peut-être même mes seuls amis sur Terre en fait.
— Allô, y'a quelqu'un ? Je parle toute seule ?
— Oui, oui, je suis là, répondis-je, le regard dans le vague.
— Pourquoi tu tires cette tête ?
— Je suis fatiguée.
— Tu fais la gueule depuis ton arrivée, ça fait vraiment plaisir de te voir.
— Bah oui ça va, c'est quoi ton problème ? lachai-je sur un ton agressif, qui fut gratifié par un soupir d'énervement de ma camarade.
Je regrettais un peu mes paroles, et tentai d'esquisser une mine plus joyeuse. Neru ne comprendrait pas car Neru n'avait pas une grande mère insupportable et cancéreuse qui la force à déménager, et puis elle ne pensait qu'à ses délires de super héros et de militantisme qui n'intéressaient personne. C'est vrai quoi, personne dans cet établissement n'avait une tête à défendre les droits des LGBT.
En réalité, moi-même je ne saurais mettre de mots sur ce que je ressentais. Mon train de vie monotone avait été totalement chamboulé par le décès de mon grand père paternel. Non pas que j'étais particulièrement proche de celui-ci —bien que d'un autre côté je n'avais que peu de contacts voir aucun avec la famille maternelle, mais j'avais dû quitter la Chine, mon pays natal, pour habiter auprès de ma grand mère hospitalisée.
Désormais, je résidais dans une petite maison de la banlieue de Musutafu, dans le même quartier où vivaient les amis et les ancêtres de mon père, Masahiro. Il avait pourtant, des années auparavant, quitté le Japon par amour pour une femme. Et maintenant, la Chine me manquait alors même que ce pays ne m'avait jamais été très accueillant.
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where is my mind pixies
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J'adressai un signe de la main accompagné d'un au revoir enjoué à Neru et deux garçons, et m'éloignai en sautillant. Résultat des courses, je ne m'étais pas fait un seul ami, à force de rester collée à elle dès la sonnerie. Pourtant, celle-ci connaissait déjà toute sa classe, grâce à ses talents de sociabilité innés et sa personnalité rayonnante.
Le soleil de mai, encore un peu frais, inondait l'arrêt de bus. Assise sur un banc métallique, je lissai les pans de ma jupe bleue marine, et glissai mes mains dans les manches de mon cardigan gris pour me réchauffer. Je devais avouer qu'au moins, leur uniforme était plutôt mignon. Je relevai la tête pour sentir les flots lumineux se déverser sur mon visage. Une pluie éparse venait transporter de fines gouttelettes sur mes joues rebondies.
Le transport arriva enfin et je montai en compostant mon ticket. La ville défilait au rythme de la respiration saccadée du moteur, présentant ses magasins et ses habitations à la manière d'un décor de théâtre. Un bout du bâtiment du lycée UA dépassait derrière un immeuble, avec son design ultra moderne. Kitarin ne payait pas de mine à côté, après tout on délaissait les établissements de banlieue. La personne assise devant la fenêtre se leva et obstrua ma vision.
Lorsque je descendis, il était déjà dix sept heures ; je traversai donc la route en vitesse. J'eus un moment l'impression que l'on me suivait mais il n'en était rien. Après un rapide coup d'œil sur le GPS de mon téléphone, je m'engageai dans une rue perpendiculaire. Quelques minutes plus tard, le petit hôpital de Senshima me surplombait de toute sa hauteur. Mon demi sourire s'effaça aussitôt et ma bonne humeur prit la fuite.
Après avoir traversé le parking, je passai les portes automatiques, et me montrai timidement au guichet.
— Bonjour mademoiselle Anzai, reconnut le réceptionniste. Vous avez un rendez-vous ?
Tiens, il se souvenait de moi ?
En même temps, j'avais dû faire sacrée impression, quand je suis arrivée le soir même de mon emménagement en ambulance criant comme une dégénérée. Je détournai le regard, gênée de ma première impression.
D'accord, je ne criais pas tellement, mais je faisais assez de bruit pour déranger le pauvre réceptionniste qui s'endormait à son poste.
L'histoire ? Comme si ça ne suffisait pas qu'on m'arrache à ma terre natale et que je me tape une journée entière de route, il avait fallu qu'on me découvre une sorte d'infection non identifiée qui attaquait les yeux. Enfin, rien de si grave selon les médecins, on allait sûrement découvrir plus tard que ce n'était qu'une banale conjonctivite. Le hic, c'était que la douleur revenait de temps en temps.
Bref, je répondis donc :
— Non, je vais voir quelqu'un.
Je lui indiquai donc le nom de la personne que je souhaitais visiter, et il me rappela le niveau de la chambre que, de toute façon, je connaissais déjà par coeur après m'y être rendue une fois en compagnie de mon père (celui-ci m'avait appris à toujours retenir les numéros importants).
Je m'engageai dans les escaliers puis dans les couloirs blancs, décorés d'un large trait bleu assez bas. Mes petits pieds résonnaient vite sur le carrelage, je voulais terminer rapidement cette tâche afin de rentrer au chaud chez moi.
Enfin, j'atteins la fameuse chambre, et toquai trois coups. Derrière la porte, je découvris une vieille femme alitée, comme en végétation devant la télévision. Un câble perçait la peau de son avant-bras, et elle n’était vêtue que d’une tunique bleue pâle d’hôpital. Celle-ci se fondait sous ses cheveux blancs entortillés. Une émission idiote se jouait à l'écran. Elle sembla faire un colossal effort, plus par flemme que par maladie, pour attraper la télécommande délicatement posée sur sa table de chevet et coupa le son.
— Bonjour grand-mère.
— Bonjour, Yoko. Ta rentrée s'est bien passée ?
Elle aurait presque eu l'air normale —sans compter les perfusions et son aspect cadavérique, avant de rajouter :
— J'espère que le Japon te plaît, ça doit te changer de ce pays de sauvages qu'est la Chine.
Et j'aurais mille fois préféré y rester.
— C'est pas comme si je venais à chaque vacances… lâchai-je sur un ton sarcastique.
— Tu ne réponds pas à ma question.
— Oui, ça s’est bien passé. Je n’ai pas de retard sur les autres si c’est ça qui t’inquiète.
— Oh, je m’en doute, tu es excellente. Je m’assure juste que tu fasses les bons choix de carrière… Pas comme ton incapable de père.
— Tu ne devrais pas parler comme ça de ton propre-
— Yoko, regarde-moi dans les yeux.
J'obéis à contre cœur à cette vieille peau qui n'avait donc aucune notion de respect. Je détestais quand ma grand-mère parlait ainsi de lui, alors que je trouvais cet homme en tout point admirable. Je dû me retenir d'user de mon alter par vengeance. De toute façon, il n'aurait pas servi à grand chose à part l'embêter un peu.
— Yoko, je n'en ai plus pour longtemps à vivre. Écoute moi bien je ne plaisante pas. Tu as entendu ce qu'on dit les médecins, n'est-ce pas ? Réponds moi, tu as entendu ?
— Non. Mais papa m'en a parlé.
— Il ne me reste que quelques mois, et puis je ne pourrai plus jamais revoir ma petite fille adorée. Jamais. Alors je voudrais que tu m'écoutes attentivement, car voici mes derniers souhaits. La vie, ma chère petite fille, n'est pas un jeu. Ce n'est pas une petite balade où l'on fait ce qu'on veut, où on abandonne ses études pour partir dans l'armée, puis on épouse une étrangère qui nous emmène à des kilomètres de sa famille, pour être contraints à vivre de façon instable.
À l'évocation de l'histoire de mon père, mes mains se contractèrent violemment dans mes manches. Grand-mère lui en voulait d'avoir lâché ses études en aéronautique. Et lui avait osé suivre le parcours qu'il voulait.
— Je veux en venir au fait que tu es encore jeune et tu as des milliards d'opportunités devant toi de devenir ce en quoi ton père a échoué. Dis moi, qu'est-ce que tu aimes ? La finance, la médecine, l'aérospatial ?
— Rien, murmurai-je le regard vide, en pensant que l'autre n'entendrait pas.
— Rien, comment ça rien ?!
Un frisson me traversa lorsqu'elle haussa le ton. Ça y est, j'avais franchi la limite.
— Quelle fille ingrate, je m'inquiète pour toi, je te donne mon aide, et tu refuses. Tu ne m'écoutes même pas, depuis tout à l'heure, tu regardes par la fenêtre. De toute façon qu'est-ce que tu y perds hein, tu n'es qu'une autre de ces adolescentes aux yeux de poisson mort, qui ne sait pas quoi faire de sa vie, qui n'aime rien. La déprime, c'est pour les riches ! Tu y auras droit quand tu seras avocate ou banquière, pour l'instant tu peux arrêter de chouiner à ton père parce que ce pays de dégénérés te manque.
— Pourquoi tu détestes autant ce pays… maugréai-je.
— Si mon fils n'avait pas croisé le chemin de cette femme, il ne m'aurait jamais abandonnée. Crois-moi, tu vas finir à la rue si tu suis son exemple. Je ne veux que ton bonheur, et tu devrais écouter les paroles de tes aînés.
Je n'écoutais déjà plus. Mon regard regard divergeait vers la fenêtre au fil du discours. Chacun de ses mots me blessait et je me sentais submergée de problèmes. Tu parles de bonheur ? Mon cul.
Lorsque je ne fus plus en mesure de retenir mes larmes, je sortis en me retenant de claquer la porte.
Je me recroquevillai contre le mur du couloir sur le sol froid et enfouit ma tête dans mes bras, hoquetant. Quel dieu avais-je pu offenser pour qu’on me refile cette vieille femme ? Une espèce de rage tambourinait dans ma poitrine. Je fermai les yeux du plus fort que je pouvais, mais même dans le noir, je voyais des points de lumière danser. Ils dansaient si intensément que j’aurais voulu avoir une deuxième paire de paupières. Et peut-être que je devenais folle mais il me semblait qu’une femme aux longs cheveux blancs me fixait.
Il ne me restait alors plus qu’un amer désespoir dans la gorge.
Une voix me sortit de mes pensées.
— Eh, ça va ? Tu m'entends ? T'as besoin d'aide ?
Manquant d'air, j’émergeai. J’essuyai mon front mouillé et reniflai une dernière fois. L’inconnu était toujours planté là. Il pouvait toujours crever que voir ma tête toute rouge et boursouflée d’avoir pleurer. La tête baissée, je ne voyais qu’un pantalon gris et des chaussures bien entretenues. Il continua de m’assaillir de questions, mais je ne voulais pas répondre. Je voulais disparaître.
— Dis le, si tu as besoin d'être seule, ajouta-t-il d'une voix se voulant rassurante. Mais tu ne devrais pas être en plein milieu du couloir. Je peux t'accompagner dehors si tu veux.
Ce que j’avais besoin, c’est qu’il parte. Mais je n’avais pas la force de lui dire. En fait, ma gorge me faisait trop mal pour émettre le moindre son, et je refusais de dire à nouveau un mot de trop. De toute façon, il finirait bien par se lasser.
— Ça va aller, continua-t-il à voix basse. Je ne sais pas ce qui se passe, mais tu iras mieux un jour. On ne sait pas comment le destin peut évoluer.
On aurait dit qu'il se rassurait lui-même. A vrai dire, je n’étais même pas sûre qu’il me parlait, jusqu’à ce qu’il s’accroupisse dans ma direction. Je m’enfonçai un peu plus contre le mur. Qu’est-ce qu’il me voulait, celui-là ?
— Allez, dis moi quelque chose. Par politesse au moins. Juste un mot. S'il te plaît. J'ai besoin de ce mot.
Il força encore un peu, puis se tut. Quelques longues secondes passèrent, entrecoupées de leurs respirations et des bruits de l'hôpital. Le soleil commençait déjà à se coucher, il devait être six heures passées. L'inconnu soupira, et lâcha avant de s'en aller :
— Tu as de beaux yeux noirs, même s'ils ne reflètent rien.
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@anonyme9270
À l'hôpital j'ai demandé à ma grand mère qu'est-ce qu'il y a sur un arbre elle a dit débranche et bah je l'ai débranchée
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