00. avant la tempête
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私が盲目になるまで
« 𝐔𝐍𝐓𝐈𝐋 𝐈 𝐆𝐎 𝐁𝐋𝐈𝐍𝐃 𝐩𝐫𝐨𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞 ༄
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Clic
Yoko venait de lancer l'enregistrement sur le vieux caméscope. Elle saisit l'appareil dans ses petites mains, et le tourne vers elle. On ne voit à l'écran qu'un cadrage maladroit qui ne laisse dépasser que ses lèvres gercées.
Un soupir.
Elle réarrange sa touffe de cheveux blancs et se lance.
La vie ne m'a jamais parue très savoureuse. J'ai vécu comme une étrangère dans mon propre pays. Jour après jour, je m'engouffrais dans une solitude sans fin, répétant inlassablement les mêmes actions, sur la même fréquence, et tout avait un goût d'eau plate.
【 00 : 16 ]
Le jeune homme s'éjecta de sa Porsche flambant neuve en panique. Il fit quelques grandes enjambées et s'arrêta net ; il avait oublié de fermer à clé le véhicule. Puis, sa course reprit jusqu'au grand portail. Derrière leurs remparts, quelques bâtiments en construction modulaire disparaissaient dans le ciel nocturne. Ceux-ci, d'un minimalisme affligeant, disposaient d'une des meilleures technologies du pays.
Il jeta un coup d'œil à sa précieuse voiture, puis sortit sa carte d'identité. Dans quelle affaire s'était-il foutu, encore ! Papa et Maman seraient furieux s'ils apprenaient son erreur. Après tout, c'était grâce à eux qu'il occupait ce poste à seulement vingt-trois ans. Il montra ses papiers au vigile, et fouilla dans ses poches à la recherche de son pass.
Merde, merde ! pestait-il intérieurement alors qu'il passait frénétiquement la fine plaquette sur le capteur. Elle émettait une lumière rouge : ça ne marchait pas. Bien sûr, que ça ne marchait pas. Son laissez-passer ne fonctionnait que durant ses heures de travail. D'ici, il pouvait apercevoir le bâtiment administratif. Si l'on apprenait son manque de rigueur, le déshonneur s'abattrait sur sa famille pendant plusieurs générations. Une voix le fit sursauter.
— Qu'est-ce que vous faites là ?
Il était foutu. Une seule solution : tout avouer et espérer pouvoir réparer son erreur sans que ça ne tombe pas dans les oreilles des supérieurs.
J'ai longtemps pensé à disparaître. Si je m'évaporais sur le carrelage, alors peut-être que ce sentiment s'en irait aussi. J'ai rêvé un jour que je mourais et que le monde en était heureux.
Mais je n'avais pas de raisons de le faire. Je n'avais pas d'excuses et de coupables à laisser dans ma dernière lettre. Qui accuser ? Mes parents ? Le monde entier ? Je vous déclare coupable pour le crime de l'isolation, et vous, complice
【 23 : 16 ]
La tête de Yoko remuait au rythme des aspérités de la route, tordue dans son siège et un filet de bave coulant d'entre ses lèvres. Endormie dans cette position peu confortable, ses écouteurs diffusaient le même album en boucle. Son interprète favori avait bercé son trajet depuis l'aéroport. Durant ce laps de temps interminable, le ciel s'était dégradé sans qu'elle ne s'en rende compte, ne laissant qu'un voile marron de pollution couvrir l'autoroute. À des intervalles réguliers, la lumière artificielle des lampadaires éclairait son corps emmitouflé de manteaux, puis repartait.
Un éternuement mit fin à son sommeil léger. Elle maugréa quelque chose avant de rechuter dans les bras de Morphée. Masahiro sourit, amusé, puis monta de quelques crans le chauffage. A la fenêtre le décor se formait peu à peu d'habitations modestes, un peu comme celle qui les attendait. De la végétation et des pistes cyclables se dressaient sur le chemin. Senshima, dans la banlieue de Musutafu, était une ville charmante.
Alors quand j'ai pu accéder à un échantillon du bonheur, j'ai gaspillé ces précieux instants, je les ai jetés par la fenêtre comme un enfant pourri gâté. On m'avait donné ce que je désirais mais j'étais trop occupée à pleurer sur ce que je perdais. Si je pouvais retourner en arrière, je me dirais d'ouvrir les yeux. J'aurais dû profiter du calme avant la tempête, car j'étais loin d'imaginer que c'était ça, grandir.
【 00 : 27 ]
Neru tripotait son téléphone avec impatience, vérifiant toutes les cinq minutes son écran de verrouillage, une photo de groupe particulièrement clichée sur la plage. Allongée telle une diva sur son canapé, elle jeta un coup d’oeil aux deux garçons qui revenaient de la cuisine. Le blondinet lui signifia que les cheesecakes étaient prêts, mais la hâte de recevoir ce fameux appel coupait tout appétit à la lycéenne. L'autre jeune homme se jeta sur la pauvre demoiselle qui étouffa un cri, le souffle coupé, avant de le traiter de tous les noms. Soudain, le téléphone portable de Neru se mit à vibrer, coupant leur petite dispute.
— Tu vas les manger ces putains de gâteaux ! s’exclama son agresseur.
Elle mit son index devant ses lèvres pour lui intimer le silence, et fit les gros yeux. C'était Masahiro à l'appareil.
— Salut la jeunesse, les salua une voix masculine.
— Alors, vous êtes arrivés ? s’enquit Neru des étoiles dans les yeux.
— Oui… Mais Yoko ne va pas très bien, le voyage l’a un peu secouée je pense. Vous devriez venir demain dans la journée, vous pourrez nous aider à déballer les cartons.
Neru et son ami échangèrent un regard concerné. Celui-ci intervint :
— Mais on avait prépa-
— D’accord, le coupa-t-elle en lui faisant signe de se taire. On viendra dans l’après midi, le temps que vous vous reposiez tous les deux !
Après quelques bavardages, Masahiro lui pria d'embrasser sa mère de sa part, et demanda à avoir Nahoshi à l’appareil, sous prétexte qu’il n’avait pas eu de ses nouvelles depuis un bon bout de temps. Neru se leva pour inspecter l’état de la cuisine. Elle savait que le père de son amie mentait, il avait déjà eu Nahoshi au téléphone la veille.
Mais…
【 04 : 00 ]
Hitoshi ouvrit les yeux. Quelle banale nuit d'insomnie.
Mais je pense que je ne regrette pas de l'avoir rencontré.
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私が盲目になるまで
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by @swenriss シ︎
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