III
On ne se rend compte de la valeur des choses que quand elles nous sont arrachées violemment. Avant que cela n'arrive, on vit dans un rêve éveillé où tout n'est que beauté. Elle dessine les arabesques folles de notre bonheur et fait scintiller notre ciel étoilé de mille feux. Nous flottons dans la douceur des nuages qui nous chatouillent délicieusement les chevilles. En apesanteur dans le ciel, tout nous paraît splendide et spectaculaire et on ne s'imagine pas que sous nos pieds, le malheur croupit et se multiplie, prêt à nous sauter dessus et nous engloutir dans les profondeurs de l'enfer. Luhan vivait dans cette candeur, cette bulle, dans ce ciel sans ombre éclairé par la lueur pure du soleil, il n'avait simplement pas prévu qu'un beau jour, ses ailes se consumeraient et que sa chute lui serait fatale.
« « Tu comptais me le dire quand ?! » »
Une chute plus que douloureuse qui avait déclenché son flot de sanglots et entre ses mains tremblotantes la chose qui avait brûlé ses belles plumes blanches, une simple feuille de papier. Face à lui, impuissant, pris à court se tenait le grand brun, le coeur comprimé par les pleurs bruyants et convulsifs de son amant.
« « T'avais prévu de crever sans rien me dire et me laisser seul comme un con avec mon putain de coeur brisé ? » »
Un millier de couteaux que l'on plante dans son coeur, voilà ce qu'il ressentait en ce moment même. Il partageait la peine de l'autre et ressentait en plus les effets de ce qui l'accablait. Il avait le souffle court et les yeux remplis de larmes. Le simple fait de voir le visage déformé par la peine du blond le rendait totalement impuissant. Il ne voulait plus voir ces perles salées ruisselant le long de ses belles joues blanches, il voulait simplement son bonheur.
« « Je ne voulais pas te faire souffrir. J'avais juste envie pour une fois que tu sois heureux avec moi... » »
Luhan laissa un rire amer sortir du fond de sa gorge. Un son si fade et dénué d'émotion qu'il en fit frissonner le plus jeune. Le blond n'avait jamais été aussi vide, lui qui incarnait la joie à l'état pure. Son amant ne se lassait jamais d'entendre son rire cristallin semblable à la douce mélodie d'une berceuse. Oui. Sa voix le berçait et l'apaisait de ses moindres maux. À ses côtés il oubliait ses plus sombres malheurs et ses plus durs moments. Il le rendait heureux rien qu'avec l'ombre de ses sourires. Un sentiment de plénitude l'enrobait chaque fois qu'il sentait sa présence proche de lui et ce sentiment était réciproque.
« « Sehun... Tu n'as toujours pas compris que le simple fait de t'avoir à mes côtés me rend heureux... » »
Sa douce voix se brisa à la fin de sa phrase, comme un verre trop fragile qu'on aurait fait tomber. Son coeur de cristal aussi était tombé au sol et était désormais en miette. Des torrents de larmes tombaient à flot de ses yeux que Sehun aimait tant et malgré les bras réconfortants de ce dernier enlaçant fortement le petit blond, celui-ci ne parvenait pas à tarir ses larmes. Il avait peur, si peur de ce que l'avenir leur réservait, si peur de leur temps qui était compté, de ce dont son amant souffrait. Des secondes puis des minutes et enfin des heures passèrent jusqu'à ce que cette pluie de larmes cesse de tomber et que le plus petit se calme. Désormais, seul le bruit de leur respiration confondue résonnait dans l'immensité de la pièce entourée par l'obscurité. Un silence apaisant qui caressait leur peau de satin régnait, ils se fixaient avidement sans jamais n'oser briser cette accalmie, douce et bienveillante. Et dehors les fines gouttes avaient cessé de tomber comme si leurs maux soulagés avaient stoppé le déchaînement du ciel obscurci par les nuages grisonnants.
« « Il te reste combien de temps ? » »
Il avait finalement trouvé le courage de poser la question fatidique. Cette question dont on préfère ne pas connaître la réponse. On préfère rester dans l'ignorance pour faire durer le rêve un peu plus longtemps, dans l'espoir de ne jamais se réveiller et réaliser le cauchemar dans lequel on est plongé. Aucun signe extérieur n'aurait pu trahir son désarroi intérieur, ses traits fins reflétaient une neutralité des plus complexes à interpréter pour le plus grand. Devait-il lui répondre ? Lui dire la vérité ? Il ne pouvait plus rien cacher après la découverte du petit blond. Il ne voulait pas partir avec le souvenir d'un petit bout d'homme qu'il aimait tant nourrissant pour lui une haine grandissante.
« « Les médecins ne me donnent pas plus de deux mois... » »
Luhan avait retenu son souffle. Ses yeux vitreux n'exprimaient eux non plus aucune émotion. On n'y décelait pas même l'ombre d'une larme. Il était aussi vide qu'une coquille et aucune réaction ne se dégageait de lui. Il était semblable à une statue de pierre, immobile, sans vie. Pourtant, à l'intérieur de lui tout se déchaînait, son ventre se tordait douloureusement et son coeur gonflait de remords et de regrets jusqu'à ce que ses parois fines et fragiles se déchirent ne laissant plus que des morceaux de chair éparpillés. Ses poumons n'arrivaient plus à prendre l'air nécessaire à sa survie. Oui, Luhan ne vivait plus, il survivait. Aucun mot ne sortait de sa bouche comme si elle avait soigneusement été cousue par un fil incassable. Le silence était devenu pesant et l'ambiance s'était dégradée. Il ne sentait plus les battements de son coeur mais ceux réguliers de la dure et froide vérité qui l'assaillait de plein fouet.
Sehun allait mourir. Il ne lui restait plus que deux mois.
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