Chapitre 19 : Behind your walls
Point de vue extérieur
— Désolé Lunard. Je pensais réellement que ça marcherait.
— Oh pardon. Mais ça valait le coup d'essayer ! On saura la prochaine fois que l'eau des toilettes ne suffit pas à colorer ta fourrure en noire.
Luna, trempée de la tête aux pieds, ne répondit pas aux moqueries de ses camarades de classe. Elle attendait que ça passe, les poings serrés, consciente de son impuissance, seule contre cinq.
— Quand même Jessy, balancer son sac avec ? Ce n'était pas cool.
— J'y suis pour rien, il m'a échappé des mains à cause de la peinture que tu as mise dessus !
— Mais je voulais lui donner un peu de peps ! Ce noir doit lui rappeler que ses poils sont morts.
— Regarde, ses affaires de sport sont trempées ! Elle ne pourra pas se changer. La pauvre.
— Je serais toi, j'attendrais de sécher, Lunard. Tu ressembles à un chien mouillé.
— Venez, les filles. Laissons-la tranquille. J'espère seulement que tu ne friseras pas comme un caniche. Ne t'en fais pas, ajouta celle qui dirigeait le petit groupe. On continue de chercher une solution pour ta couleur. On ne t'abandonne pas.
— Ouais, compte sur nous.
— À plus, Lunard.
Les cinq adolescentes délaissèrent Luna, les poings toujours serrés, son sac au fond de la cuvette d'une des toilettes. À peine dix secondes plus tard, la porte s'ouvrit à nouveau. La lycéenne se figea, imaginant que ses bourreaux revenaient à la charge. Il s'agissait d'une autre élève. Cette dernière marqua un temps d'arrêt face à l'état de Luna. Elle la dépassa, évita son regard en silence, sans même montrer un quelconque signe d'empathie. Elle se contenta de se laver les mains, se recoiffa rapidement et sortit, une fois satisfaite de son apparence.
https://youtu.be/MP9ELP-bjMs
Les bruits de pas s'éloignèrent, remplacés par les impacts sourds des gouttes d'eau qui ponctuaient les secondes au fond du lavabo. Luna était de nouveau seule. Plus que jamais. Elle avait perdu sa dignité, son courage, sa mère, peut-être même son frère. Il ne lui restait que sa rage. Une rage qui la motiverait à avancer coûte que coûte, qui la mènerait à atteindre son objectif. Elle récupéra ses affaires : ses cahiers complètement détruits, ses stylos à moitié fichus, ses papiers d'identité à deux doigts de se désagréger. Elle passa ces derniers sous le sèche-mains, dans une vaine tentative de les sauver et éviter de demander à son frère de lui en refaire. Il aurait posé beaucoup trop de questions. Heureusement, son téléphone, abandonné la veille, n'eut pas à subir le même sort. Elle attacha ses cheveux en chignon désordonné, à l'aide de l'élastique qu'elle gardait toujours au poignet et se rinça le visage à l'eau claire. Sans vérifier son reflet, elle rangea son portefeuille dans la poche intérieure de sa veste d'uniforme et, le sac humide sur l'épaule, quitta son centre de détention, sous le regard moqueur de certains, étonné d'autres, ou encore indifférent de la plupart.
Luna préférait éviter le studio dans cet état et l'appartement d'Hoseok pour se changer, de peur d'y croiser son frère prêt à lui sauter à la gorge. Elle descendit du bus un arrêt plus tôt. À destination, elle poussa la porte de la salle de sport et se présenta à l'accueil.
— Bonjour, Jungkook est là ?
— Bonjour, oui, il donne un cours de boxe un peu plus loin, lui répondit la vieille dame au guichet. Tu as besoin de quelque chose ?
— Non, merci, je veux juste parler à Jungkook.
— Tu peux l'attendre, il ne devrait plus en avoir pour très longtemps, proposa-t-elle les yeux rivés sur la pendule accrochée au mur.
— Merci.
Luna s'assit sur l'un des bancs en bois situés à côté d'un distributeur. Elle renifla la goutte qui pendait au bout de son nez, sans tenir compte de l'odeur âcre de transpiration et de renfermé. Malgré les températures estivales, elle tremblait. De froid, de rage, de dégoût. Ses lèvres violettes découvraient ses dents blanches qui s'entrechoquaint, ses phalanges trémulaient et l'attente la rendait nerveuse.
Deux minutes plus tard, la vieille dame, qui de près, ne paraissait plus si vieille, s'approcha, une boisson de la machine à la main.
— Tiens, prends ça.
— Merci.
Luna attrapa le chocolat chaud avec reconnaissance. Elle s'y agrippait comme à sa propre vie afin de ne pas craquer. Ses doigts serraient le gobelet, ignorant le contraste de températures entre ceux-ci gelées et le breuvage qui lui brûlait la peau à travers le carton. Surtout ne rien montrer !
— Tu es au lycée principal ? constata l'hôtesse, les yeux accrochés à l'écusson sur l'uniforme de la jeune fille.
Celle-ci hocha la tête.
— Ce n'est pas trop dur ? Apparemment, le niveau est très exigeant, mais si tu valides ton diplôme, tu es assurée de travailler où tu veux ensuite.
Luna reconnut, dans sa façon d'être, que cette femme venait probablement de l'Underground. Elle avait un instinct pour ces choses-là.
— Ça va.
— C'est que tu dois être très intelligente alors.
La vieille lui souriait et s'installa à côté d'elle. Luna se contenta de hausser les épaules. Elle ne se trouvait pas plus brillante ou plus bête qu'un autre. Il aurait été compliqué de se comparer à ses amis. Elle n'en avait pas. Ses notes se révélaient bonnes, trop pour que ses camarades la laissent tranquille. Comme si la méchanceté due à sa différence ne suffisait pas. Comparée perpétuellement à un chien savant.
— Ah ! Le voilà. Kookie, tu as de la visite.
— Adjuma ! Ne m'appelle pas comme ça devant les clients, ronchonna le coach.
— Et toi, cesse d'utiliser l'ancien dialecte à tout bout de champ. Tu vas finir par avoir des problèmes.
— Mmhh.
Jungkook salua son élève qui partit en direction des vestiaires et porta son attention sur la personne cachée par cette vieille dame affectueuse.
— Luna ?
La jeune femme se leva pour se planter devant lui.
— Apprends-moi à me battre ! lâcha-t-elle sans plus de cérémonie.
— Hein ?
Sonné par cette requête inattendue, il eut du mal à assimiler le sens de ces mots.
— Apprends-moi à me battre.
— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Tu trembles !
— Apprends-m...
— Stop, la coupa-t-il. Déjà, tu dois prendre une douche chaude et te changer. Ensuite, on en discute. Adjuma, dans combien de temps est mon prochain cours ?
— Dans trois minutes, le renseigna la femme qui retourna consulter son planning sur l'écran de l'ordinateur. Tu as une heure de training avec monsieur Lee. C'est le dernier client de la journée.
— Merci. Viens, s'adressa-t-il à Luna.
Ils sortirent du complexe sportif au moment où le fameux prospect entrait.
— J'arrive tout de suite, monsieur Lee, l'interpella Jungkook. Mettez-vous en tenue, je vous retrouve devant les poids.
Il longea le bâtiment, le poignet de son amie dans la main et se stoppa devant un escalier de service.
— J'habite là-haut. Le code, c'est zéro, un, zéro, neuf, dièse. Tu as de quoi te changer ?
Luna secoua la tête, les lèvres pincées et les yeux rivés au sol.
— OK, alors tu peux fouiller dans mes affaires, prends ce qu'il te faut. Je suis désolé, j'ai pas le temps de monter avec toi, c'est un gros client. Les serviettes sont sous le lavabo de la salle de bain. Fais comme chez toi, je te rejoins dès que j'ai fini.
Jungkook repartit en courant. Luna gravit les marches, complètement amorphe.
Dans le studio, elle survola du regard la pièce à la recherche de l'armoire sans prêter attention au reste du mobilier. Elle ne trouva qu'une commode d'où elle piocha des vêtements au hasard. Elle ne réalisa qu'à ce moment-là que ses ongles avaient marqué au sang l'intérieur de ses paumes.
Aucune larme ne fut versée. Ni pendant sa recherche de serviette, ni sous la douche, ni même à la découverte d'un dessin d'elle, au-dessus d'une pile de magazines sur la table basse. La fille de Choi et Kim l'avait représenté en princesse, avec ses longs cheveux blancs et une robe à en faire pâlir toute la monarchie.
Jungkook entra dans le studio, une minute exactement après la fin de son cours. Luna se releva de la position droite et statufiée qu'elle avait maintenue pendant tout ce temps.
— Apprends-moi à me battre, quémanda-t-elle encore une fois.
Jungkook soupira, attrapa son visage en coupe et plongea ses yeux dans les siens.
— Qu'est c'qui s'est passé ?
— Apprends-moi à me b...
— Chut, murmura-t-il en la serrant dans ses bras. OK, c'est bon. Je vais t'apprendre. Mais pas à te battre. À te défendre.
— Merci.
— Maintenant, tu t'assois. Je nous prépare quelque chose à manger et tu me racontes.
— Il n'y a rien à raconter.
— Me prends pas pour un con. C'est encore les grognasses de l'autre fois ?
Malgré ses mots, son ton était doux et sa voix rassurante.
— Luna ? Interpella-t-il devant le silence de celle-ci.
— Elles ou d'autres ? Qu'est-ce que ça change ?
— Et avec ton frère ? Ça s'est passé comment ? Il ne t'a pas trop soulé à cause d'hier soir ?
Encore une fois, Luna ne répondit pas et se contenta de tourner la tête dans la direction opposée.
— Je vois.
Il la força à s'asseoir et partit préparer deux cups de nouilles, dans le silence le plus total et le besoin de calme de son amie.
— Tiens, bon appétit.
— Merci, bon appétit.
Ils mangèrent en toute tranquillité, la pièce remplie de bruit d'aspiration de nouilles. Luna, sortie de son état second pour découvrir la décoration. L'espace était restreint, mais le nécessaire était présent. Un minuscule coin cuisine à côté de l'entrée. Un matelas une place soulevé par deux palettes, servait de lit et de canapé. Une troisième palette plus étroite jouait le rôle de table basse. Une télévision au-dessus de la commode en bois. Elle vit un petit miroir à moitié embué à travers la porte unique de la salle de bain, un lavabo et des toilettes aux battants relevés. Le tout devait faire à peine vingt mètres carrés, pourtant, elle s'y sentait à l'aise. Pour la première fois depuis des semaines, elle n'étouffait pas.
Le repas terminé, Jungkook nettoya rapidement leurs déchets, lava la vaisselle puis se tourna vers Luna.
— Suis-moi.
Il l'entraîna jusqu'au bâtiment du dessous, vide à cette heure, et referma derrière eux. Il arpenta les couloirs, la jeune femme sur les talons, avant de s'engouffrer sur la droite.
— Enlève tes chaussures, somma-t-il en éclairant la salle.
Luna s'exécuta et il en fit de même. Il la rejoignit au centre de la pièce, se positionna derrière elle et plongea ses yeux dans les siens à travers le grand miroir qui habillait tout un pan de mur.
— Qu'est-ce qu'on fait ici ?
— À ton avis ? Que peut-on faire dans une salle de danse, le soir ?
— Tu ne m'apprends pas à me battre ?
— Si, soupira-t-il dépité par l'obstination de ce bout de femme. Mais d'abord, tu dois laisser sortir cette tension que tu gardes en toi. Tu es prête à exploser. Si je t'enseigne quoi que ce soit dans cet état, tu vas te blesser.
— Tu sais danser ?
— Peu importe. On n'est pas là pour moi.
Jungkook se déplaça vers les enceintes, y brancha son téléphone et enclencha la musique.
https://youtu.be/jZvmXSgzZZ8
— Laisse-toi aller, laisse tout sortir, comme ça te vient, insista-t-il, alors que Luna restait les bras ballants, sans bouger d'un millimètre. Fais n'importe quoi, remue ton corps, cours, peu importe.
Toujours rien.
— Je peux partir si tu es trop gênée.
— Non ! réagit-elle enfin de peur qu'il quitte réellement la pièce. C'est bon !
Jungkook acquiesça, toute son attention portée sur la belle aux cheveux blancs. Il ne la lâcha pas une seule seconde du regard. De ses premiers élans, presque timides, réservés, au rythme de la mélodie, à sa montée en puissance sur le refrain. Jungkook était émerveillé. Il la voyait, la femme cachée derrière cette carapace. Cette force dont il avait conscience, que tout le monde semblait ignorer. Il la trouvait magnifique, puissante, sûre d'elle, émouvante, gracieuse. Il la trouvait vraie.
Il était hypnotisé par ce corps expressif, attiré au point de ne pas se rendre compte de l'avoir rejoint. Il attrapa ses mains et accompagna ses mouvements sans les guider. Surprise de le voir danser, elle marqua un temps d'arrêt avant de replonger rapidement dans ce sentiment unique d'être elle-même. Jungkook s'était invité dans son monde et Luna l'y accueillit avec sa chaleur, ses couleurs. Le solo se transforma en duo à l'alchimie naturelle, évidente. Leurs mouvements s'associaient, s'ajustaient de façon différente, harmonieuse, complémentaire.
La musique s'interrompit avec eux, le souffle court, leurs cœurs battant à l'unisson. Ils restèrent face à face, tandis qu'une nouvelle chanson se lançait. Jungkook caressa la joue de Luna avec tendresse, attrapa une mèche blanche du bout des doigts pour la replacer derrière son oreille. Une connexion que ni l'un ni l'autre n'avait jamais ressentie s'installait, sans qu'aucun des deux ne prononce un mot. Il la contourna, lentement, vint se positionner dans son dos et la poussa pour s'approcher du grand miroir. Il plaqua son torse contre elle, enroula ses bras autour de son corps. En rythme, il la berça le plus tendrement possible, ses prunelles plantées dans le reflet marron de celles de Luna.
— Tu es tellement magnifique, chuchota-t-il.
Il lui embrassa la tempe et la jeune femme émit un hoquet de surprise. Peu à peu, toutes ses réminiscences lui revinrent en tête. Les moqueries de ses camarades, sa solitude, l'ignorance de ses professeurs, les engueulades avec son frère.
« Merci de penser que je ne mérite pas l'intérêt que, pour une fois, on me porte ! J'avais oublié que mon seul attrait, c'était d'être ta sœur ! »
Le souvenir de sa mère veillant sur elle et son frère. Elle n'avait de cesse de leur répéter qu'elle les aimait, qu'ils étaient beaux et qu'elle était fière d'eux.
« Mes astres, vous illuminez tellement mon quotidien. Mon soleil qui traverse les nuages... Ma lune toujours scintillante qu'importe la nuit. »
Une larme s'échappa de ses yeux, emporta la peine et la souffrance ressenties, gardées au fond d'elle. Ces quelques mots, prononcés par Jungkook, réchauffèrent son cœur, comme ceux de sa mère à l'époque, comme le torse du jeune homme contre le sien en cet instant.
— Laisse tout sortir. Je suis là.
Les jambes de Luna ne la retinrent pas plus longtemps, elle s'écroula, accompagnée dans sa chute par des bras forts et rassurants qui lui permirent d'atterrir en douceur. Il s'assit au sol avec elle, resserra son étreinte. Elle tourna son corps frêle face à lui, perdu au milieu de ses grands vêtements, pour enfouir son visage dans son cou. Cette nuit-là, Luna pleura en silence jusqu'à s'endormir d'épuisement.
🌙
Sun
Deux semaines s'étaient écoulées depuis le fameux appel de Kim. Jimin avait parlé. Parler était un bien grand mot. Grommeler serait plus approprié. Dans tous les cas, il revenait peu à peu à lui, ce qui impliquait que le traitement et la « purge » étaient efficaces.
Au cours de ces derniers jours, son état avait doucement évolué. Il avait d'abord émis quelques sons quand l'infirmier se trouvait à proximité, témoins de sa lucidité. Ses yeux suivaient parfois les mouvements des personnes présentes. Maintenant, on comprenait qu'il essayait de communiquer, mais que son corps ne répondait pas encore complètement. L'infirmier infiltré veillait à ce que sa condition continue de s'améliorer sans éveiller les soupçons. Il avait conseillé à mon client d'éviter d'augmenter la fréquence des visites. D'une part, pour ne pas le surstimuler et d'autre part, afin de ne pas alerter le reste de l'établissement. De mon côté, je passais mes journées à le surveiller via la caméra installée dans sa chambre et ce, où que je sois : dans mon appart, au travail, chez Kim, au bar. J'avais toujours un œil discret qui traînait sur le verre de la monture de mes lunettes, retransmettant les images en direct. Je m'occupais aussi d'effacer du système de sécurité de l'hôpital toute information — disparition de médicament, visite, séquence compromettante — pour couvrir nos traces.
En ce qui concernait ma « relation » avec Kim, je ne savais comment la définir. Nous étions devenus des plans cul, sans le cul ? Je l'avais revu pour régler certains détails de la mission et nous avions, une fois de plus, fini par nous sauter dessus. Sauf qu'aucun de nous deux ne voulait céder la position de dominant à l'autre. Nous couchions ensemble, sans pénétration, à l'image de la première fois sur son canapé. Nous y trouvions une façon de satisfaire nos pulsions, avec néanmoins certaines frustrations par rapport à nos envies.
J'avais retiré le traceur du portable de Luna qui ne m'adressait plus la parole. Sans aucun moyen de la suivre, j'attrapais les informations là où je le pouvais. Hoseok m'assurait de sa sécurité et, à ses dires, elle traînait beaucoup avec le gamin à la salle de sport. Elle souhaitait apparemment canaliser la rage si caractéristique des membres de notre famille. La fille Choi passait plus de temps dans l'appartement au-dessus du bar. J'avais alors profité d'un moment où Kim prenait sa douche après l'un de nos ébats, pour intégrer une mini caméra au meuble TV de son salon. Je pouvais ainsi surveiller les agissements de celle-ci, avoir des nouvelles du gamin et donc de ma sœur. Si la caméra était découverte, je n'aurais qu'à prétexter vouloir vérifier que personne ne tentait à nouveau d'infiltrer les lieux.
Nous étions vendredi et je ne commençais le travail qu'à dix-sept heures. Ma matinée avait été employée à épier la visite hebdomadaire de Kim et Choi à l'hôpital. Je les avais ensuite localisés dans un restaurant grâce à son portable et les images sur l'écran de mon ordinateur m'indiquaient à présent qu'ils venaient de rentrer à l'appart. Je n'avais pas eu de contact avec lui depuis l'avant-veille, jour où je l'avais rencontré à la caserne après qu'il m'ait chauffé par texto.
— Je te fais couler un café ? entendis-je Kim proposer à son amie.
— Avec plaisir, merci. J'ai besoin d'énergie pour ma réunion.
— Sereine ?
— Pas vraiment. Ce sont de vieilles connaissances de mon père. Ils ont du mal à « parler affaires avec une femelle ».
Je la vis mimer les guillemets avec ses doigts tandis que son vis-à-vis levait les yeux au ciel.
— Ils ne se rendent pas compte qu'ils ne trouveront jamais meilleure commerciale que toi. Ils ne te méritent pas.
— Tu es adorable. Que veux-tu, cette société me dégoûte. En tout cas, merci de t'occuper de Yerim ce soir.
— Avec plaisir. Tu sais bien que j'affectionne passer du temps avec elle, explicita-t-il d'une voix un peu triste.
— Tae, le fait que Jimin se réveille ne changera rien. Tu seras toujours son papa et tu pourras la voir quand tu le souhaites.
— I know. J'aimerais qu'il soit déjà en mesure de nous parler. J'ai tellement de choses à lui dire, de questions à lui poser.
— Pareillement. On n'a jamais été aussi proche du but. En attendant, tu sais que tu peux tout me dire. Je peux peut-être te conseiller ?
— Je doute que tu puisses m'éclairer sur certains points, pouffa-t-il.
— Pourquoi ça ?
https://youtu.be/LvofNApz01I
— ...
Il hésita un instant, tourna sa cuillère dans son café, qu'il prenait sans sucre.
— C'est au sujet de Levi ?
— C'est compliqué.
— Je croyais que vous vous étiez mis d'accord tous les deux ?
— Plus ou moins. Tacitement.
— Mais encore ?
Sous l'air sérieux de sa confidente, Kim se décida à lui expliquer la situation. Je me repositionnais correctement dans mon fauteuil, attentif à ce qui allait suivre.
— Nous sommes attirés l'un par l'autre, mais discordants sur la manière d'aborder les choses.
— Je ne suis pas certaine de tout comprendre.
— Aucun de nous ne veut être bottom, précisa Kim simplement.
— Oh ! Je vois. Pourquoi ça ?
— Dans son cas, je ne sais pas vraiment. Son passé doit sûrement y être pour quelque chose.
Kim était un homme intelligent. Il avait évidemment fait les connexions avec ses connaissances récentes de l'Underground.
— Il te l'a dit ?
— Non, j'ai remarqué son malaise dès qu'il perd le contrôle.
— Et pour toi ?
Cette fois, il ne répondit pas, se mordit la lèvre, touilla son café, probablement froid maintenant.
— Je vois. Un homme viril ne pratique pas ce genre de choses, n'est-ce pas ?
— Je... Je ne suis pas prêt pour... cela.
Sa déclaration corroborait son comportement. Outre la pénétration anale qui était à proscrire, il évitait d'approcher son visage de mes parties intimes. Il ne semblait pas avoir de problème avec le sexe oral, tant que c'était moi qui lui administrais.
— C'est un homme aussi, tu sais ? reprit Choi.
— Merci, j'avais remarqué !
— Pour quelqu'un qui se dit pansexuel, tu as encore des idées préconçues bien ancrées.
Son ton n'était pas réprobateur, elle se faisait douce, compatissante, elle le connaissait bien. Il avait besoin d'entendre les choses pour les intégrer. J'en avais éprouvé les effets.
— Cette société t'a plus matrixé que je ne le pensais. Écoute, on a eu la même éducation, je sais donc les injonctions avec lesquelles tu as grandi. Je peux te parler que de ma propre expérience, mais quand tu le pratiques avec la bonne personne, il n'est pas question de soumission ou de domination. Oui, ces rôles existent et on peut en jouer, si les deux, ou plus, sont d'accord. Mais dans la découverte de l'autre, il s'agit surtout de confiance, de sensations, de partage et de lâcher-prise. Peu importe qui fait quoi. Tant que vous êtes consentant. En tant que femme, je devrais être la soumise, car c'est moi qu'on pénètre ? Laisse-moi rire. Ce n'est pas que préliminaires, pénétration et éjaculation. J'en ai marre des schémas préconçus sur le sexe.
Kim eut un sursaut, probablement peu habitué à ce genre de formulation de la part de son amie.
— Je peux t'affirmer qu'il m'arrive souvent de « dominer » l'échange, avoua-t-elle. Cela ne fait pas de mon partenaire une mauviette et il éprouve quand même du plaisir.
— C'était comment avec lui ?
— Tout simplement magique. Nous n'avions pas besoin de mots pour nous comprendre. Notre confiance en l'autre était tellement puissante que c'était naturel.
J'ignorais qui ils évoquaient, mais cette personne avait l'air essentielle à ses yeux, au vu de la nostalgie qui envahissait la scène.
— Chaque relation est différente, se reprit-elle, chassant une larme qui perlait au coin de son œil. Si tu as besoin de mots, d'exprimer clairement les choses alors libère-toi. Ce n'est pas parce que tu parles pendant l'acte que tu vas casser le moment ! L'important, c'est d'être au clair sur ce que tu veux et sur tes limites. Verbalise-lui. Accepte les siennes. Vos choix de pratiques ne vous définissent pas. Et puis peut-être que tu apprécieras, ou peut-être pas. Et ce n'est pas grave, essayez autre chose. Ne vous enfermez pas dans un seul schéma. Et pour ton information, Jimin aimait changer de position.
— C'est vrai ? sursauta Kim.
Il marqua un temps d'arrêt, perdu dans ses pensées pendant que son amie confirmait ses propos. Quelque chose se jouait dans son esprit. J'imaginais le conflit interne entre ses convictions et cette découverte. Peut-être ne connaissait-il pas aussi bien son frère que ce qu'il croyait et cela le perturbait ? Était-il en train de remettre son amour envers lui en question maintenant que cette révélation avait éclaté ?
— Comment l'as-tu su ?
— On en a parlé une fois. Mais bientôt, tu pourras le lui demander. Tae, je t'aime énormément. Je veux que tu sois heureux. Tu as l'air de tenir à cet homme. Alors, montre-lui.
Je devais avouer que l'ouverture d'esprit de cette femme et la facilité avec laquelle elle abordait le sujet m'épataient. Pour quelqu'un de ce genre de milieu, elle avait su forger ses propres opinions, établir ses valeurs et s'affranchir du superflu. Son voyage à l'étranger n'y était peut-être pas pour rien.
Je repassais le fil de la discussion, sans prêter davantage attention à leur conversation. Ses paroles me faisaient réfléchir. Si seulement nous vivions dans une société où tout le monde pensait ainsi. Où on ne nous jugeait pas sur nos choix, où nos pratiques sexuelles ne nous définissaient pas. Où cet acte ne servait pas au commerce et à assouvir les plaisirs malsains de certains.
Quand je relevais les yeux sur l'écran, Choi était partie. Kim restait assis au coin du canapé, devant sa tasse, les bras posés sur ses genoux, le visage enfoui dans ses paumes. Finalement, il saisit son téléphone et pianota dessus. Une minute plus tard, le mien sonna.
De J'ai un beau cul et je le sais à 14 h 17 :
« Tu finis à quelle heure ce soir ? »
Sur l'écran d'à côté, Jimin levait la main en direction de la fenêtre, les rayons du soleil baignaient ses traits. On aurait pu croire qu'il souhaitait attraper l'astre.
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Bon dimanche !
Pas facile pour la jeune Luna. Heureusement, Jungkook et Hoseok veillent sur elle.Petit cours de sexologie de la part de Rose, on la remercie. Stop aux injonctions. Il est important de s'informer, de s'écouter, se respecter et respecter son/ses partenaires. Et bien sûr on se protège et on se dépiste.Prenez soin de vous !
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