Chapitre 17 : Deeper
https://youtu.be/0I647GU3Jsc
Sun
Je souffrais. Je souffrais atrocement. Mes cheveux me faisaient mal, mon corps était douloureux, mes paupières se décollaient péniblement et j'écopais du rush de ce vendredi midi. J'avais attaqué mon service à la supérette à peine trente minutes plus tôt. J'étais coincé ici, jusqu'à vingt-trois heures, y compris samedi et dimanche, pour après profiter de deux jours de repos.
Le magasin ne désemplissait pas, bondé de personnes surexcitées, pressées de manger pour retourner à leur dernier après-midi de travail de la semaine. Ensuite, ça serait le tour des mioches en transition entre lycée et cours du soir à ne bouffer que des saloperies, et ce week-end je subirais les ivrognes. Tout ça, entrecoupé de temps morts où pas un chat ne mettrait un pied dans la rue, tandis que je m'emmerderais derrière mon comptoir. Je détestais ce job. Aujourd'hui, plus que d'habitude. Les événements de la veille m'avaient empêché de fermer l'œil et réduisirent au zéro absolu ma capacité de sociabilisation face à cette marée humaine hystérique.
Après avoir abandonné Kim endormi sur son canapé, j'étais rentré chez moi, m'étais démaquillé, douché afin d'enlever toute trace de luxure de mon corps. Comme à l'accoutumée, j'avais frotté à m'en laisser des marques rouges sur la peau, contorsionné dans des positions improbables pour atteindre la moindre parcelle, le tout accentué par la température d'une eau beaucoup trop chaude. Une fois propre et sec, j'avais vérifié mes messages, jeté un coup d'œil sur la caméra que Hoseok avait installé dans la chambre de Jimin deux jours plus tôt et, rassuré, je m'étais couché.
C'était sans compter sur mon cerveau, décidé à m'envoyer par flash, les highlights de ma soirée avec Kim. Dès lors, il avait été impossible de trouver le sommeil jusqu'à ce que je revêtisse le hoodie que j'avais emprunté en de rares occasions à mon client et qui s'était retrouvé dans mes affaires par mégarde. Il utilisait la même lessive que moi. Son parfum me rassura lorsque je rabattis la capuche sur ma tête, l'odeur de coton que je connaissais bien m'enveloppait, mélangée à celle, masculine, de Kim qui m'apaisa au point de m'endormir. En résultante ? Une nuit de deux heures, un teint de vampire et des cernes de zombie que le maquillage n'avait su camoufler.
Quarante-cinq minutes plus tard, après avoir répété une bonne dizaine de fois que « non, on n'avait plus de kimbap au bœuf », que « oui, j'étais sûr qu'il n'y avait pas de lactose dans la mayo » et que « non, le one plus one ne marchait pas sur cette marque-là de café en canette », je rendais enfin la monnaie au dernier relou de la matinée. Lessivé, avec une patience aux abonnés absents, je profitais de l'accalmie pour remplir à nouveau les rayons et refaire le facing que cette bande de sauvages avait anéanti. Je mis à jour le fichier de commande à destination de mon employeur et posai mes fesses derrière le comptoir. Je n'avais plus grand-chose à faire à part attendre un nouveau client — chose qui n'arriverait probablement pas avant quinze heures trente, si je me fiais à cette espèce de routine lancinante. Le collègue avec qui je partageais le rush en ce dernier jour de semaine finissait son shift dans quinze minutes. Quinze petites minutes et je serais tranquille.
Finalement, au bout d'une heure, la clochette de la porte me surprit dans ma lecture.
— Bonjour, que puis-je pour v...
Je me coupai dans mes salutations à la découverte du nouveau venu.
— Hey ! Su... Levi ! Tu vas bien ? se reprit bien vite mon interlocuteur alors que je lui désignais les caméras du magasin d'un mouvement discret des yeux.
— Qu'est-ce que tu fous là, gamin ?
— Hyung ! Ne m'appelle pas comme ça !
Je levai un sourcil l'air de dire « tu penses franchement que tes protestations vont m'arrêter ? » Puis, je réitérai ma question.
— Qu'est-ce qui t'amène ?
— Je rentre de ma séance de sport et Tae m'a appris que tu bossais dans cette supérette. Je me suis dit que j'achèterais ma bouffe ici maintenant.
— OK.
— Je viens surtout pour l'accueil vraiment incroyable et chaleureux.
— Tu m'en vois ravi !
— Il avait raison, tes expressions sont épiques !
— Quelles expressions ?
— Justement, tu n'en as pas. C'est ça qui est poilant.
Il était aussi chiant que son hyung. Mais j'avais à présent la certitude que Kim lui parlait de moi en dehors de la mission. Parfait.
— La nuit a été bonne ? Pas trop mal aux cheveux ce matin ? questionnai-je dans le but d'apprendre à quel point ma cible se confiait à lui.
— Pas autant que la tienne, visiblement.
Petit haussement de sourcils suggestif, il savait.
— Je ne vois pas ce que tu insinues.
— Laisse tomber, Tae m'a raconté.
Parfait.
— Ça ne me dérange pas, poursuivit-il.
— Quoi donc ?
— Que tu passes du temps avec mon meilleur ami. Je t'apprécie Hyung, c'est cool que vous vous entendiez « aussi » bien.
— On joue seulement aux cartes ensemble, rien de plus, précisai-je prudent à cause des caméras.
— J'ai pas de problème avec ça. Mais je suis surpris.
Dans l'incompréhension, je l'interrogeai implicitement, les sourcils froncés.
— Vu comme ton pote est jaloux, ça m'étonnerait qu'il te laisse jouer aux cartes à droite à gauche.
— C'est mon meilleur ami. Et il préfère les échecs.
— Mouais... Alors pourquoi il rage de te voir avec quelqu'un d'autre ? Hyung m'a dit qu'il ne faisait plus partie du game ?
— C'est un malentendu. Effectivement, il est out.
— Dommage. Avec Hyung, on pensait faire un petit truc à son appart avec toi, les filles. Tu les as déjà rencontrées, il me semble, précisa-t-il en pouffant. Ton pote est le bienvenu, tant qu'il garde ses mains dans ses poches. Entre nous, Téra risque de le tenir en joue toute la soirée. Ce chien est un psychopathe si tu veux mon avis.
L'occasion s'avérait beaucoup trop belle pour refuser l'invitation. C'était le prétexte idéal pour en apprendre plus sur cette Rosé, sa fille, leur implication avec Park, sans parler de mon rapprochement avec Kim.
— Je vais voir si je peux le convaincre. Je ne promets rien.
En réalité, je ne comptais pas l'informer de cette soirée. Moins il en savait à propos de Kim et mieux c'était. Son retrait à cause de pseudo-sentiments envers moi constituait un alibi parfait. Leur théorie se trouvait bien loin de la vérité et devait le rester.
— Génial. Du peu que j'ai parlé avec lui, il a l'air d'un chic type.
— Il l'est.
La porte du magasin s'ouvrit sur un groupe d'étudiants. Ils annonçaient la seconde vague et la fin de mon répit. Jungkook le comprit et décida de prendre congé après avoir réglé ses achats.
— On se voit bientôt, à plus Hyung, me salua-t-il.
Je lui fis un signe de tête pour confirmer tandis qu'il remontait déjà, à contre-courant, la marée de lycéens qui se pressaient devant ma caisse.
🌙
Moins de dix minutes avant la délivrance ! Dans six minutes, exactement, je serai libre de rentrer chez moi et de me vautrer sur mon lit. Le reste de la journée s'était déroulé calmement une fois le troupeau d'étudiants partis à leurs cours du soir. Mon réassort à jour ainsi que le ménage, j'attendais avec impatience la fin de ma peine.
De Moi à 10 h 54 :
« Alors comme ça je te manque déjà ? »
Je décidai de mettre à profit ces derniers instants pour continuer de tisser ma toile. Je fus cependant surpris par la rapidité à laquelle Kim me répondit.
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 54 :
« Levi ? »
Perspicace l'animal ! J'aimais sa vivacité d'esprit. Je lui avais envoyé mon SMS via le téléphone que j'utilisais sous cette identité afin de garder une cohérence relationnelle entre mes différents avatars. Non seulement, malgré le numéro inconnu, il m'avait reconnu, mais en plus, il avait de lui-même maintenu les apparences.
De Moi à 10 h 54 :
« Tu espérais que ça soit moi ? »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 54 :
« Pourquoi nier ? »
« Bien rentré ? »
De Moi à 10 h 55 :
« Impeccable »
« Je ne t'ai pas trop manqué ? »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 55 :
« Je survivrai... »
« Par contre, il paraît que tu as bavé en rêvant de moi toute la journée derrière ta caisse ? »
OK, le gamin lui avait déjà parlé de notre entrevue. Ils se racontaient vraiment tout. Je pourrai jouer de cet atout à l'avenir et distiller des idées dans la tête de Kim, via son ami.
De Moi à 10 h 56 :
« Tu diras à ton messager qu'il doit travailler sur la justesse de ses informations ! »
« D'après lui, tu veux qu'on se revoie ? »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 56 :
« J'aimerai ça en effet. »
« Quand serais-tu disponible ? »
De Moi à 10 h 56 :
« Pas avant lundi soir »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 57 :
« Les filles ne sont pas là lundi et j'ai une grosse soirée au bar mardi. »
« Mercredi ? »
De Moi à 10 h 57 :
« Tu vas pouvoir attendre jusque-là ? »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 57 :
« Dis celui qui devient beaucoup plus explicite sur ses envies par messages que face à moi... »
De Moi à 10 h 58 :
« Dis celui qui a le feu au cul, mais qui ne tente aucun move... »
De J'ai un beau cul et je le sais à 10 h 58 :
« À mercredi ! On verra si cette jolie bouche est aussi bavarde... »
Vingt-trois heures ! Il était temps de partir. Enfin. Putain. Il avait réussi à m'exciter.
🌙
— C'est moi qui ouvre !
Une voix de gamine résonna de l'autre côté de la porte, suivi de pas précipités sur le parquet. Le son de la serrure qui se déverrouille retentit et j'aperçus la « fille » de Kim derrière le battant de l'entrée, un grand sourire aux lèvres.
— Bienvenue chez mon papa ! Je m'appelle Yerim. Enchantée de faire ta connaissance.
https://youtu.be/ZKM-wqa5ENs
Je me trouvais devant la porte de mon client, invité à sa soirée entre amis, sous l'identité de Levi. Après ma journée de boulot, j'étais rentré me doucher et pris soin de forcer sur le maquillage pour masquer ma cicatrice le plus scrupuleusement possible. L'intimité du lieu me rapprocherait physiquement des autres convives. Mes racines blanches étaient redevenues noires, reteintes pour l'occasion. Je portais tout de même ma casquette, plus par réconfort que par réelle utilité cette fois-ci, et adoptait le look grunge, sûr de lui, de mon avatar. Tous ces artifices ne m'empêchèrent pas de me retrouver désemparé face à cette petite chose vivante et sautillante qui me scrutait avec de grands yeux ronds remplis de fantaisie. Mon hôte accourut à mon secours et attrapa l'enfant dans ses bras afin d'ouvrir la porte dans son intégralité.
— Laisse-le entrer Peanut.
Je restais figé sur le palier, curieux des interactions entre les deux.
— Je peux lui faire visiter la maison ?
— Il est déjà venu, tu sais ?
— Tu lui as montré ma chambre ?!
— Bien sûr que non ! Je ne me serais jamais permis sans ton accord.
— Je vais vérifier qu'elle est jolie.
La gamine s'échappa des bras de son père avec agilité et s'engouffra dans une des pièces sans attendre de réponse.
— Oui, fais donc ça.
Je n'avais toujours pas bougé ou prononcé un mot. J'observais cette nouvelle facette de lui qui n'enlevait rien à son charisme.
— Bonsoir Levi. Entre. Je suis content de te voir.
J'avais l'impression de me jeter dans la gueule du loup. Je quittai mes chaussures, après lui avoir tendu mes achats pour la soirée. Je le suivis dans la pièce à vivre et pu constater que seule la mère de la gamine était présente, occupée à tapoter sur les touches de son téléphone. Un sentiment étrange inexplicable me fit tiquer. Quelque chose avait changé depuis la dernière fois.
— Princesse, je te présente Levi. Levi, voici Rosé, ma meilleure amie.
La jeune femme, qui avait levé la tête à son surnom, s'approcha vers moi flanquée d'un sourire radieux. J'en profitai pour la détailler de plus près. Elle était sublime, savait se mettre en valeur sans paraître provocante. Elle puait le luxe avec ses vêtements de marque, ses cheveux lisses, brillants, et ses mains parfaitement manucurées qui donnaient l'impression de n'avoir jamais servi à autre chose que se faire belle. Arrivée à ma hauteur, elle me tendit la droite.
— Enchanté. Tae m'a beaucoup parlé de toi.
Je répondis à son geste, un sourire en coin adressé à mon hôte.
— Enchanté, m'exprimai-je pour la première fois de la soirée. J'ai également beaucoup entendu parler de toi.
— Oh ? En bien, je l'espère.
— Of course, déclara Kim occupé à ranger au frais les bouteilles de soju que je lui avais confié. Comment pourrait-il en être autrement ?
— Assieds-toi, m'invita la jeune femme en me désignant le canapé que je ne connaissais que trop bien.
Je m'installai à l'endroit indiqué tandis que Choi vint me rejoindre. Je restais sur mes gardes.
— Heureuse de te rencontrer, commença-t-elle, tournée vers moi. Avant toute chose, je désirerais apporter une précision.
Ma curiosité piquée au vif, je lui fis un signe de tête pour l'inciter à continuer.
— Je suis au courant de l'aide que tu fournis à Tae. Je souhaiterais mentionner ne pas vouloir y être mêlée, de près ou de loin. J'ai entièrement confiance en lui, plus qu'en n'importe qui. S'il t'implique dans cette histoire, c'est qu'il a de bonnes raisons. Tu n'es probablement pas sans savoir que ma situation me place dans une position délicate, c'est pourquoi j'aspire à en apprendre le moins possible. Je te demanderais de ne pas aborder ce sujet en ma présence, encore moins celle de ma fille. Cette soirée est l'occasion pour nous de profiter, de te connaître en tant qu'ami de Tae, de ne pas se prendre la tête.
Simple, clair, efficace. Elle allait droit au but, tournait ses phrases de sorte à ne pas trop en dévoiler. Elle avait le même niveau d'éducation que Kim, en moins coincée. Elle ne prêtait pas vraiment attention à l'opinion qu'on avait d'elle. Intéressant.
— Ça me convient tout à fait.
— Parfait. Tu m'en vois ravie. Je suis sûre que nous allons très bien nous entendre.
— Je le pense aussi, affirma Kim depuis la cuisine. Levi, que veux-tu boire ? Whisky, ou tu commences en douceur avec de la bière ?
— Une bière s'il te plaît.
— Quel type ?
— Je te laisse choisir. On va voir si tu as réussi à me cerner.
Une lueur de malice traversa ses pupilles et il se retourna vers le frigo pour attraper ma boisson.
— Pari relevé.
— Sais-tu pourquoi Kook n'est pas encore là ? questionna Choi. Ça ne lui ressemble pas d'arriver après tout le monde.
— Il vient accompagné. Il devait faire un détour pour passer la chercher.
Kim plaça son plateau sur la table basse et déposa un verre de vin rouge devant son amie, une bière face à moi ainsi qu'une autre pinte, visiblement de la même chose, qu'il garda en main.
— Une amie ? Je la connais ? Il est rare qu'il se montre avec ses conquêtes. Maintenant que j'y pense, c'est lui qui a proposé cette soirée. Crois-tu qu'il l'a organisé pour nous la présenter officiellement ?
— Aucune idée. Il ne m'a informé de sa présence que ce matin. Nous verrons bien.
— Oui. Trinquons, ça le fera v...
La jeune femme n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une porte s'ouvrit brusquement, suivi d'une tornade qui déboula dans la pièce.
— Monsieur ! Ma chambre est prête. Tu peux venir la visiter !
— Ma puce, laisse Levi tranquille s'il te plaît, la gronda gentiment sa mère.
— Mais maman !
Je jetai un regard un peu perdu à Kim, incertain. Ma sœur était la seule gosse dont je m'étais occupé et elle était autonome depuis longtemps maintenant. La petite me tirait par la manche et essayait de m'attendrir avec de grands yeux implorants.
— Elle a l'air de t'apprécier, railla mon client qui ne m'aidait pas du tout.
Si je l'envoyais bouler, je passerais pour un bourreau d'enfant. Si je la suivais, j'ouvrais la porte à une histoire sans fin.
— J'ai tout plein de peluches et de Lego aussi. Tu veux voir ?
— Des Lego ?
— Oui ! J'ai construit le château de sorciers !
— Excusez-moi un instant. Le devoir m'appelle.
C'est ainsi que je me retrouvais à suivre la petite, ou plutôt à me faire traîner, jusque dans une pièce que je n'avais jamais visitée. À l'intérieur, je découvris un monde magique digne des plus grandes histoires d'heroic fantasy. Le lit était installé en mezzanine, avec des rideaux en baldaquin. Des étoiles, accrochées dans les voilages, scintillaient lorsque l'air s'y engouffrait. En dessous, un tapis à fleurs, une table basse et des peluches le long du mur constituaient un coin cosy. Un énorme dragon occupait l'angle. Il y avait assez de place entre ses pattes pour que l'enfant puisse s'y prélasser. Je pouvais facilement l'imaginer en train d'y bouquiner avec Kim. Une étagère remplie de livres aux allures de grimoires ainsi que de fausses fioles de potions, ma foi très bien imitées, longeaient le plafond que formaient les lattes du sommier. En face, un tapis mousse en forme de pièces de puzzle délimitait l'aire de jeux réservée aux Lego. Mes yeux s'agrandirent face au monticule de jouets et surtout, le château. J'avais toujours rêvé de ces petites briques de construction afin de rendre réelles les scènes les plus folles de mon imagination. Lu aussi aurait mérité s'épanouir entourée de belles choses, elle avait d'ailleurs encore en elle ce côté enfantin qui ressortait lors des coups durs. Notre situation puis nos responsabilités, beaucoup trop lourdes pour notre âge à l'époque ne nous avaient pas permis de goûter à ce bonheur.
La gosse s'assit en tailleur sur le matelas de mousse et le tapota, signe de la rejoindre.
— Ta chambre est incroyable !
— C'est mon papa qui l'a faite.
— Wow la chance.
— Si tu veux, il t'en fera une aussi.
— Tu penses qu'il sera d'accord ?
— Je lui demanderais. Il ne peut presque rien me refuser. Je suis sa princesse numéro 1, dit-elle le doigt pointé sur son nez. Maman est la numéro 2. Oncle Kookie est mi-homme mi-chien.
Cette dernière révélation m'arracha un rire. Le gosse avait effectivement des airs de Border Collie parfois.
— Ça m'étonne que ton père te refuse certaines choses.
— Peut-être que tu peux le convaincre de me laisser dormir sans me brosser les dents toi ?
— Je ne pense pas détenir ce pouvoir.
Elle fit une petite moue boudeuse.
— Tu m'aides à finir mon château ?
— D'accord !
Elle m'expliqua en détail à quoi correspondait chaque partie de l'édifice, me tendit les pièces de Lego, m'indiqua où les placer et me donna des instructions claires quant au choix des couleurs. Je songeais à ma sœur, à cette innocence qu'elle n'avait jamais eue. Le moment que nous partagions la gamine et moi me pinçait le cœur tout autant qu'il m'attendrissait.
Nous avancions brique par brique dans les fondations de l'annexe destinée aux futurs amis du couple royal, quand la sonnette retentit.
— Oncle Kookie !
La petite se leva d'un bond, pour disparaître l'instant d'après comme par magie. Je suivis ses traces, bien plus lentement. Dans la pièce principale, mes pas se stoppèrent face aux nouveaux venus.
— Qu'est-ce que tu fous là ? grognai-je.
— Hyung ! C'est moi qui l'ai invitée, me répondit le gamin.
Je jetais aussitôt un regard noir à Kim. Celui-ci secouait la tête pour signifier qu'il l'ignorait.
— Lu, tu m'expliques ?
— Hyung ! C'est ma faute, ne te fâche pas. Je voulais vous faire la surprise.
— C'est à Luna que j'ai posé la question.
Le merdeux soupira et nous laissa face à face avec ma sœur pour rejoindre son amie sur le sofa et la saluer, un air déçu sur le visage. Cette dernière paraissait étonnée, mais n'était pas intervenue. Kim me pressa l'épaule sans rien dire, me contourna pour retrouver le salon tandis que Lu me regardait sans broncher.
Nous partîmes nous isoler dans le couloir où une confrontation explosive s'annonçait.
— Alors ?
— Il n'y a rien à expliquer, trancha-t-elle d'un ton sec.
Nos yeux se lançaient des éclairs. Aucun de nous ne voulait laisser l'autre dominer.
— Jungkook est mon ami. On court ensemble. Il m'a proposé une soirée entre potes chez Taehyung.
— Tu savais que je serais là ?
— Non, ça n'aurait rien changé. Je ne suis plus un bébé. Je n'ai pas besoin de ta permission pour passer du temps avec lui.
Un ami ? Un ami ! Depuis quand s'étaient-ils autant rapprochés ? Avais-je à ce point négligé mon rôle de grand frère ?
— Tu restes sous ma responsabilité. On réglera ça à la maison, ajoutai-je, pour éviter de m'étendre sur les raisons de mon mécontentement devant les principaux intéressés.
— Quelle maison ? Celle où tu ne vis pas ?
Elle s'avança vers nos hôtes pour les saluer. Jungkook fit les présentations alors que Kim me regardait d'un air inquiet. Au bord de l'explosion, je me joignis à eux, attrapai mon verre pour occuper mes mains agitées, et écoutais distraitement l'échange. Je ressassais les paroles de ma sœur quand une remarque de sa part me ramena à l'instant présent.
— Tera n'est pas là ?
C'est vrai ça ? Où était le chien ? D'habitude, il collait son maître comme son ombre. C'était ça le truc bizarre que je n'identifiais pas depuis mon arrivée.
— Je l'ai enfermé.
— Ah bon ? Pourquoi ? demandèrent Choi et le gamin en même temps.
— Hum... J'ignorais si l'ami de Levi l'accompagnerait. J'imagine que je peux le laisser sortir maintenant.
— Je vais ouvrir ! cria la fillette revenue de sa chambre sans que j'aie remarqué sa disparition.
— Ton ami a peur des chiens ? me questionna Choi.
— Il n'est pas en très bon terme avec Tera, intervint Kim, m'empêchant de répliquer quoi que ce soit. Rien de grave, rassure-toi. Je ne voulais pas le mettre dans une situation inconfortable, c'est tout.
L'animal fit son entrée à cet instant suivi de l'enfant qui courait derrière lui.
Comme un aimant, le chien se frotta à son maître en quête de caresses, imité par sa comparse qui grimpa dans les bras de son « père ».
— C'est qui ? chuchota-t-elle à son oreille.
— C'est la sœur de Levi, ma puce.
— Elle est belle !
— Elle l'est, tu as raison. Va te présenter.
Il la posa délicatement sur ses jambes. J'observais sa douceur qui contrastait avec son aura habituelle plus dominante. Kim était quelqu'un de patient, droit et visiblement dévoué envers sa famille. J'en obtenais la preuve encore une fois.
— Bonjour, je m'appelle Yerim et j'ai quatre ans !
— Salut toi, enchantée. Je m'appelle Luna et j'ai dix-sept ans.
— T'es trop belle !
— Oh merci. Mais c'est toi la plus belle.
— Je sais, c'est ce que mon papa dit tout le temps, surenchérit la fillette avec aplomb.
Tout le monde éclata de rire, moi y compris, devant l'assurance et la répartie de cette enfant.
— Tu vois le résultat, à la complimenter trop souvent ? rouspéta sa mère à l'intention de Kim.
Ce dernier haussa les épaules dans une tentative de se décharger de cette responsabilité.
— En même temps, c'est vrai, ajoutai-je, ce qui lui arracha un sourire.
— Je t'aime bien, m'avoua la gamine.
— Eh ! Et moi ? ronchonna Jungkook. Tu avais promis de te marier avec moi quand tu serais grande.
— Je suis toujours petite, expliqua-t-elle les mains écartées en signe d'impuissance.
La gosse était fascinée par les cheveux de Lu. Elle lui demanda de les brosser, ce que ma sœur accepta. La fillette semblait aux anges quand elle la coiffait pendant que nous papotions. À un moment, elle prit même une longue mèche touffue afin de les mettre sur sa propre tête.
— Toi aussi, tu ressembles à une princesse !
— Oh, tu trouves ? Trop cool ! T'as vu, je suis une princesse, ajouta Lu à mon encontre.
— Il te faut une histoire ! Et un prince !
— Tu as raison, commenta Kim. Tu le lui dessineras ?
— Oui ! Promis !
C'est dans cette ambiance beaucoup plus conviviale que l'on continua la soirée. Notre hôte avait préparé de quoi grignoter et après plusieurs débats animés et discussions très intéressantes, les vivres vinrent à marquer.
— Je propose que certains d'entre nous aillent à la supérette reprendre quelques trucs, annonça le gamin.
— Moi ! cria la gosse qui s'était assoupie la tête posée sur la cuisse de son père.
— Non, jeune fille, il est temps d'aller au lit !
— Mais maman ! J'ai pas sommeil, protesta-t-elle en se frottant les yeux.
— Obviously. Les princesses doivent se coucher tôt si elles veulent se réveiller en forme pour gouverner le lendemain.
La remarque de Kim fit glousser la petite qui ne répliqua pas et se mit en route vers la salle de bain.
— Je m'en occupe, intervint Choi déjà debout.
— D'accord, merci. Je me charge des courses alors.
— Je t'accompagne.
Je n'avais aucune envie de sortir à cette heure, toutefois je vis là l'occasion de me rapprocher de mon client.
— Je reste avec Luna, s'exclama le gamin.
Bah tiens ! Ça m'aurait étonné. Je lui lançai un regard sévère et emboitai le pas de mon hôte jusqu'à la porte.
— Je vous laisse Tera.
La boule de poils se prélassait sous les caresses de ma sœur qui ne nous prêta aucune attention et c'est ronchon que je partis sous le rire amusé de mon binôme.
— Tu n'es pas ravi de leur rapprochement, je me trompe ?
Je grognai, encore une fois, pour toute réponse.
— Kook est quelqu'un de sérieux. J'ignore si ça ira plus loin entre eux, mais il saura prendre soin d'elle. Il n'est pas l'homme volage et habitué des bars qu'il le laisse paraître.
— Pas comme toi, tu veux dire ?
Kim ne réagit pas à ma pique et me tint la porte du magasin un rictus au coin des lèvres. Il se mouvait entre les rayons, perdu dans ses pensées.
— Tu peux te détendre avec nous. Personne ne te jugera. Ils t'accepteront tel que tu es vraiment.
Sous ses mots, un peu vagues, transparaissait son envie que je laisse tomber mes barrières. Son « tel que tu es vraiment » pouvait être traduit par : sans maquillage. Hors de question que je sorte dans la rue sous ma véritable apparence, il en avait bien conscience, mais il m'encourageait à me dévoiler devant le gamin ou la fille de Choi. C'était beaucoup trop risqué. Il ne pouvait pas le savoir, comme il ignorait que son père avait mis ma tête à prix.
— Tu devrais te sentir flatté de faire partie du très peu de personnes à m'avoir vu sans artifices.
— Je le suis. Cependant, j'aimerais te connaître encore plus en profondeur, murmura-t-il à mon oreille, penché vers moi pour attraper le paquet de chips à côté de ma tête.
Son rictus en coin confirmait sa volonté de me chauffer en plein milieu du magasin. Le temps que je reprenne mes esprits, il avait déjà réuni et payé nos articles.
— On y va ? me sourit-il à quelques pas de la sortie .
Kim jouait avec le feu et il allait finir par se brûler.
🌙------------------------------------------🌙
Hello tout le monde !
Chapitre tout doux, sauf Sun le ronchon comme d'habitude, qui s'est malgré tout attendri face à la petite boule d'amour qu'est Yerim. J'ai beaucoup aimé l'écrire même si j'ai un pincement au cœur pour Sun et Luna. Entre leur enfance et la situation actuelle, j'aimerais qu'ils soient enfin heureux et en paix. Peut-être un jour ^^
Tenez-vous pret.es pour la semaine prochaine, ça va dépoter.D'ici là, prenez soin de vous !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro