Deux jours plus tard, le Phénix, aérostat de type dirigeable rigide flottait au-dessus du lac Léman. Le zeppelin de fabrication allemande avait été transformé par les artisans genevois qui l'avaient nommé la neuvième merveille du monde. Il avait détrôné le Graf Zeppelin de dix-neuf cent vingt-huit dont la taille d'antan aurait fait jouet playmobil à côté du Phénix qui mesurait quatre cent vingt-cinq mètres de long pour un volume de cent quatre-vingt-cinq milles mètres cubes. Dans le salon VIP, Grégoire buvait un thé glacé en observant le lac en contrebas. Un homme en jean, blouson moto prit place à sa table pour s'adosser avec provocation sur le dossier.

— J'attends quelqu'un, veuillez changer de table, ordonna Grégoire.

L'autre croisa les bras pour le fixer. Grégoire détestait ce genre d'homme, athlétique, belle gueule, tempérament arrogant.

— Grégoire De Monfoit ?

— Oui.

— Ils font les mêmes vestes pour homme ?

— Je ne vous permets pas, s'offusqua-t-il en se levant.

L'arrivant lui fit signe de se rasseoir.

— On a le même employeur, pose ton cul.

— Changez de ton, ordonna-t-il en le dévisageant méchamment.

— Écoute guignol, on m'a imposé cette entrevue, alors abrégeons la visite au strict minimum.

— Alors, qui est le dindon de la farce ?

Le motard s'approcha pour poser les doigts sur la table, il dévisagea avec rancœur son hôte qui détourna le regard pour observer au-dehors. Grégoire rugissait de colère, il devinait la raison de la présence de cet inopportun personnage. Il devrait s'en accommoder, pour l'instant !

— Comment dois je vous appeler, demanda Grégoire.

— Ne m'appelez pas. Donnez-moi le dossier, s'exclama Adrian.

Il lui tendit une clé USB.

— Elle se nomme Mina Hope. Mais la cible prioritaire est sa cousine, Lisbeth d'Angelo qui dit être Sergent au 2e REP, Légion étrangère. Je n'ai pu en vérifier la véracité.

— Normal, assura Adrian en affichant un rictus narquois.

Grégoire était incapable de supporter autant d'affronts, il fit tourner un stylo entre ses doigts.

— La différence entre vous et moi reste évidente, le maître, le serviteur.

— Oui, bwana !

— Votre attitude irrespectueuse a-t-elle comme simple raison de rassurer votre virilité ?

Adrian esquissa un sourire en faisant demi-tour.

— Nous n'atterrissons que dans une heure.

— Rien ne m'oblige à rester à vos côtés, annonça le visiteur en traversant la salle.

Dans le couloir, Adrian longeait l'immense baie vitrée quand son oreillette vibra.

— Louis Philippe !

— Comment s'est déroulée la rencontre ?

— Qui te dit qu'elle est terminée ?

— Elle l'est.

Adrian scruta le couloir pour découvrir le globe d'une caméra implanté au plafond.

— Tu sais que je déteste être surveillé.

— Tu n'es pas en mesure de contester quoi que ce soit.

Adrian frappa la baie vitrée d'un coup de poing brutal, puis se tut un court instant.

— C'est Cornélia qui est venue à moi, pas l'inverse.

— Je t'avais prévenu !

Il brandit un poing en direction de la caméra de surveillance.

— Attention, Louis, me discréditer ne te mettra pas à l'abri. Ce sera la dernière mission.

— Que tu crois.

Le mercenaire observa longuement le lac en contrebas.

— La légionnaire du 2e REP va compliquer l'affaire.

— N'es-tu pas un ancien de la légion ?

— Le major Mac Pherson ne se concentrait que sur les meilleurs.

— Tu connais la cible ?

— De réputation.

— Pourras-tu exécuter la mission ?

— Pas pour cinquante mille, mais cinq cent mille euros.

— C'est une blague !

— Je vérifierai le transfert d'argent dans une heure, prévint-il avant de couper la connexion.

Le mercenaire perdit ses pensées dans le contrat. La légionnaire avait une très mauvaise réputation, c'était une croqueuse d'hommes. Pas au sens littéral, mais véritablement. Un confrère de la guilde lui avait confié que sa tête avait été mise à prix par un lieutenant-colonel, on n'avait jamais revu le mercenaire... ni le commanditaire du contrat ! Ils avaient simplement disparu du jour au lendemain. Pour la première fois de sa vie, Adrian était envahi par le doute, serait-il de taille face à la croqueuse d'âme !