Le brouhaha de la taverne recouvrait presque le bruit de ses propres pensées. Il sirotait tranquillement sa bière, les yeux dans le vide. Sa cape balayait le sol, et son sac était coincé entre ses pieds, pour éviter de se faire voler son bien. Il était seul à sa table, située dans un coin entre le mur et la cheminée.
     Un brusque mouvement de foule vers le coin opposé de la taverne le fit revenir à la réalité. Il chercha à comprendre ce qu'il se passait sans bouger de sa place, et comprit quand les premières notes emplir la taverne, la foule étant devenue soudainement silencieuse. Le rythme lent de la première mélodie fit se balancer lascivement le publique, et l'homme tapa la mesure du bout des doigts sur la table.
     Les morceaux s'enchaînèrent, devenant de plus en plus entraînant. Pour le dernier morceaux, toutes les tables furent poussées contre les murs pour dégager une piste de danse, et tous s'agitèrent en suivant le rythme de la musique. L'homme était entré en transe, tapant de plus en plus rapidement sur la table, les yeux clos, sans pour autant dénoter avec la musique.

  

     Les musiciens arrêtèrent de jouer, et se dirigèrent vers le bar, pour recevoir boisson et repas en récompense. L'homme atterrit brutalement dans la réalité dans un même temps, et repris une posture neutre, le regard dans le vide. Une des musiciens vint le retrouver, pour le féliciter de son sens du rythme, mais il leva à peine les yeux sur elle.

     Un marchand l'approcha ensuite, après que toutes les tables eurent retrouvées leur place d'origine, et lui lança un regard entendu, tout en sortant une boîte longiligne d'une poche interne de sa cape. Il la posa délicatement face à l'homme, puis la poussa vers lui, l'encourageant d'un signe de tête à ouvrir la boîte.

« Qu'est-ce ? demanda l'homme, en caressant la boîte du bout des doigts.

- Celle qui me la vendue m'a dit que cela servait à mesurer la température.
- Vraiment ? Interrogea, surpris, l'homme tout en ouvrant la boîte, une lueur étrange dans le regard.
- Je ne sais pas vraiment, je ne l'ai pas testé.
- Un thermomètre... souffla l'homme, incapable de détacher ses yeux de l'objet.
- Pardon ? fit le marchand, n'ayant pas bien compris ce que voulait dire son interlocuteur.
- Rien. Vous le vendez combien ?
- Deux pièces d'or pour vous. Ou alors...
- Deux pièces d'or, donc, le coupa l'homme, avant de sortir sa bourse, et chercher les pièces.
- Ou alors.. retenta le marchant.
- Non, hors de question que je vous cède cette machine. »

     Un troisième homme vint les rejoindre, salua le marchand, puis demanda à l'homme de se lever, et de le suivre. Ce que l'autre ne fit pas. Le nouveau venu tapa du pied impatiemment, puis se pencha vers l'oreille du premier homme pour lui glisser un mot qui le fit changer d'avis. Il lança les deux pièces d'or au marchand, puis empocha le thermomètre, et sortit de la taverne aux côtés de l'autre homme, qui salua d'un hochement de tête les musiciens attablés à côté de la sortie.

« Où allons-nous ? Où se trouve cette avancée ? Interrogea l'homme.
- Vous verrez bien.
- Et qui êtes-vous ? tenta-t-il de faire la conversation.
- On me nomme le Voyageur, répondit l'autre avec un sourire mystérieux.
- Vous voyagez où ?
- Nulle part et partout, fit son interlocuteur, lui faisant un signe pour qu'il se taise. »

     Ils marchèrent une bonne demi-heure, avant d'atteindre une porte où figurait un symbole étrange aux yeux de l'homme.

« Nous y sommes. Mon temple préféré, sourit son guide. Pensez à sauter en entrant, il y a un tremplin, prévint-il, en poussant l'homme vers la porte.
- Un quoi ? s'étonna-t-il, avant de chuter en avant de l'autre côté de la porte, puis de rebondir sur le sol, de façon totalement désarticulé.
- Encore un de trop avide, soupira son guide, avant de sceller la porte, et de repartir vers une autre époque. »