Secrètement Livre
Je me réveille, l'esprit encore éclairé par la lune blanche d'hier soir. Le réveil a sonné, il est temps de me lever. Toujours emballée dans mes habits de la veille comme une peluche dans un papier cadeau, je prends une douche rapide et enfile un chemisier blanc à fleurs roses avec un jean foncé. Fouillant dans les placards de la cuisine, je déniche un paquet de cookies chocolat-noisettes. Ce n'est peut-être pas très diététique mais c'est bon. Veste sur le dos, paquet de gâteaux à la main ; j'attrape mon sac et ferme la porte, fuyant vers le boulot. Devant les portes en verre de l'entrée, l'homme d'hier soir est toujours là.
—Bonjour !
Il se tourne vers moi surpris, puis sourit et me salue.
—Bonjour, bien dormi ?
—Très bien merci. Un cookie ?
—Volontiers merci.
—Vous dormez là tous les soirs ?
—Oui. Nous pourrions peut-être nous tutoyer non ?
—Si vous le souhaitez.
Toujours debout, mangeant des cookies entre deux paroles, j'observe cet homme si calme. Une étrange énergie s'échappe de lui et a le pouvoir de m'apaiser profondément. Il rit et reprend :
—Pourquoi me vouvoies-tu encore dans ce cas ?
—Je vouvoie toujours les inconnus, car l'inconnu est pluriel... Pluriel de sentiments.
Il acquiesce d'un mouvement de tête et je lui tends un nouveau gâteau.
—Maintenant si tu veux bien m'excuser, je dois te quitter. Le travail m'attend. Bonne journée !
—A toi aussi et merci !
Je traverse le parc à pas feutrés, comme craignant de réveiller une nature en hibernation. J'ai l'impression de connaître ce parc depuis toujours. Chaque matin et chaque soir à le traverser, m'arrêter sur un banc pour lire ou manger, stopper un instant cette course contre le temps pour respirer l'air frais, contempler les couleurs de la vérité, observer la vie entre les branches de ces géants verts en oubliant le maïs... Et repartir. Mais toujours revenir et pour longtemps encore je l'espère.
A la sortie du parc, je tourne à droite, puis à gauche, avant d'apercevoir la façade de mon lieu de travail :
« Bibliothèque de Sperona »
La porte tinte lorsque je la pousse, la petite cloche prévenant des arrivées est là depuis au moins cinquante ans je crois.
—Salut Léna !
Ma collègue apparait derrière une pile de livres.
—Salut Julie ! Quoi de neuf ?
—On vient de recevoir notre commande. Vingt livres à ranger, ouvre la boutique et viens m'aider à classer tout ça.
Je tourne l'écriteau sur la porte et retourne au bureau sur la gauche, armée d'un rouleau de scotch et d'une paire de ciseaux, prête à couvrir tous les livres qui auront le malheur de croiser mon regard. C'est-à-dire à peu près tous les ouvrages du bâtiment...
Julie me pose les livres à couvrir devant les yeux et je me mets au travail. Moi au bureau, elle dans les rayons. Un duo de choc. Pourtant je me rends compte que je ne la connais pas vraiment en dehors de ça, notre relation s'arrête aux murs de cette bibliothèque.
La clochette retentit et me coupe dans mes pensées. Un client entre chargé de livres. C'est un homme entre deux âges, la peau encore jeune, mais le regard vieillissant. Après l'avoir salué, je fais rouler ma chaise vers la droite et attrape ses livres, prête à faire chauffer l'ordinateur.
—Euh... S'il vous plait ? me demande-t-il.
Je relève la tête vers lui.
—Oui ?
—J'aurais besoin d'un conseil.
—Je vous écoute, de quoi s'agit-il ?
—D'une soudaine envie de vérité.
Je m'arrête tout à coup dans l'enregistrement des livres, étonnée par une telle réponse, dont je ne saisis pas tout à fait le sens.
—Pardon ?
—On est toujours en train de nous cacher des tas de choses, un secret de famille, un secret d'état ou juste une bricole de quartier. J'ai besoin de quelque chose qui fasse tomber tout ça, qui me fasse revenir à la vérité brute, aux sentiments sincères. Je n'en peux plus des sentiments cachés, des fautes inavouées, des départs précipités. J'ai besoin de me poser, de m'arrêter de courir et de rester là, à contempler l'univers jusqu'à ce que les étoiles s'éteignent.
Stupéfiée par une pareille demande, je ne réponds pas pendant un instant et observe l'homme avec une attention non dissimulée. Dans la trentaine je crois, pourtant ses yeux plein de désespoir le vieillissent et me font douter de mon intuition. Les cheveux bruns courts, une barbe naissante, une légère cicatrice sur le côté du nez, ses yeux bruns noyés dans un océan de tristesse et un sourire forcé sur les lèvres ; il plonge son regard dans le mien, comme un naufragé cherchant à s'accrocher à une bouée de sauvetage. Une vague de chagrin me parvient, je me relève en tanguant.
—Suivez-moi.
Je le guide dans les allées grandies de livres aux couvertures de multiples couleurs, saisis un ouvrage et le lui tend. Dans un échange silencieux il le prend, m'effleurant la main au passage. Et c'est dans cet effleurement que je prends contact avec la lueur d'espoir qui brille encore en lui. Faible, recroquevillée, mais toujours en vie.
J'enregistre le livre et il repart. Je ne suis pas une grande adepte des histoires d'amour, mais je crois que Cupidon vient de me toucher. Un coup de foudre dans la tempête....
Julie revient vers moi, ayant suivi l'échange de loin.
—Il était pas moche lui dis donc. Encore toute chamboulée du coup de foudre ?
—Comment... Qu'est-ce que tu ... ? NON !
—Ne me dis pas non, je sais que c'est vrai. J'ai tout vu...
—Ok je capitule, il me plait. Mais je ne veux pas d'une relation, pas maintenant.
—Pourquoi donc ? Tu es très jolie, célibataire et encore jeune. C'est tout à fait le moment !
—Julie...
—Quoi ?
—J'ai un cancer.
Je détourne le regard sur ces derniers mots. Une vague de honte m'envahit. Julie se tait. Un silence pesant tombe. Le mur de différences entre nous gagne un étage dans un lourd fracas, elle vient de faire tomber les livres qu'elle avait entre les mains.
—Oh Léna ! Je suis affreusement désolée...
Je distingue dans ses yeux bleus une autre nuance que le ciel ensoleillé : celle d'une mer agitée.
— Julie... Je ne te dis pas ça pour que tu me prennes en pitié.
Les yeux clos j'essaie de retrouver mon calme et de retenir les larmes.
—C'était insensé de te dire ça, je te demande pardon...
—Non ne t'excuse pas, pardonne ma réaction c'est juste que je ne m'y attendais pas. Il va me falloir un peu de temps, mais si tu as besoin de quoi que ce soit n'hésite pas.
—Merci.
Elle s'éloigne, tremblante, les livres qu'elle a ramassés entre les mains. J'observe face à moi ceux qui attendent encore d'être rangés et c'est peut-être ce qui m'empêche de m'effondrer.
Midi sonne à l'horloge, on se sépare pour aller manger. A notre retour, l'après-midi se passe dans un silence assez lourd, le poids de ma maladie semble se répercuter sur les étagères même. Un navire prêt à sombrer.
En fin de journée alors que je m'apprête à partir, quatre enfants arrivent, la plus petite est en pleurs et alors que les cadets cherchent à la calmer, la plus grande s'avance vers moi, les yeux fuyants.
—Bonjour les enfants, je peux vous aider ?
—Bonjour, nous sommes désolés de vous déranger, mais j'ai perdu mes clefs et notre mère ne rentre pas avant longtemps. Il me semblait vous avoir croisée plusieurs fois alors je me suis dit que peut-être vous pourriez nous venir en aide.
—Où habitez-vous ?
—A l'immeuble des Lucioles madame.
Face à ces regards d'anges, je ne peux pas dire non. Je sèche les larmes de la plus jeune, lui prends la main et sort avec toute la fratrie.
—Je raccompagne ces jeunes gens Julie ! Je te laisse fermer, à demain.
~~~
Bonjour bonjour !
Comment allez-vous aujourd'hui ?
J'espère que le chapitre du jour vous a plu ^^
Que pensez-vous de Julie ?
A votre avis qui sont les enfants ?
On se revoit samedi pour plus de réponses ;)
Bonne journée !
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