Rouge Souvenir
En entendant le cri de Lilou, j'abandonne mon éponge sur la table à moitié lavée et presse le pas pour retrouver les filles. Lorsque je les aperçois, l'ainée est rouge pivoine et a le regard fuyant tandis que sa cadette affiche un rictus tout fier et m'interpelle.
— Regarde maman ! Regarde !
— Chut ! Mais parle moins fort je te dis, s'indigne Axelle.
— C'est pas ma faute si t'as taché ton pantalon !
Elle tire la langue à sa sœur et s'en retourne jouer avec son jumeau, fière de ne pas être l'instigatrice de la bêtise pour cette fois. Je me tourne vers Axelle, le regard teinté d'interrogation. Elle me montre l'arrière de son pantalon, tâché de sang. Je me décrispe et respire.
— Oh mais ce n'est rien ! On en déjà parlé Axelle tu sais bien. Avoir ses trucs est tout à fait normal !
Léna, qui avait entendu le cri de Lilou, arrive à côté de nous.
— Ses trucs ? Comment ça ses trucs ? demande-t-elle en plissant les yeux comme les inspecteurs râleurs des séries policières.
— Tu sais bien, les trucs de fille...
A priori cette réponse n'est pas celle que mon amie attendait puisqu'elle commence à s'insurger :
— Ces trucs comme tu dis ce sont les règles ! Et c'est un phénomène tout à fait normal dont on ne devrait pas avoir honte ! Pas besoin donc, de leur donner des surnoms superficiels.
Mal à l'aise, je ne sais plus où me mettre. Elle n'a pas tort, mais est-il nécessaire de le crier sur tous les toits ? Alerté, Guillaume accourt :
— Du calme les filles ! Axelle ça va ? C'est la première fois que tu les as ?
Ma fille hoche la tête pour toute réponse.
— Ok... Il peut arriver que tu aies des douleurs, au niveau du ventre, de la poitrine, des jambes. Enfin, ça dépend des personnes mais tu pourras en parler avec ton médecin. En attendant si tu as besoin d'un doliprane j'en ai toujours un qui traine donc n'hésite pas à demander !
Avec l'air d'avoir la situation bien en mains il poursuit sur sa lancée en nous jetant un regard impatient :
— En attendant, est-ce que l'une de vous aurait la gentillesse d'offrir à cette jeune fille une protection hygiénique correcte ?
Léna et moi rougissons, honteuses d'avoir fait passer ce point important en arrière-plan. Je pars fouiller dans mon sac mais n'en trouve pas. Je n'en ai plus vraiment besoin après mon opération à la suite de la naissance de Rosie. Je reviens bredouille.
— Je n'en ai pas...
— Moi non plus, affirme Léna, j'utilise une cup.
Les bras ballants, nous réfléchissons à une solution. Le papier toilette n'est pas vraiment confortable... Et il ne s'agit pas non plus de la faire stresser pour rien. Notre dernier espoir, Julie, est introuvable. Les solutions commencent à manquer.
C'est le moment que choisit Monique pour réapparaitre.
— Dites-moi, j'ai entendu dire qu'une jeune fille avait un besoin urgent de protections hygiéniques...
Elle nous présente son sac grand ouvert et demande :
— Serviette ou tampon ? Il y a différentes tailles et marques, j'ai un peu tout mélangé.
Ahuries, Léna et moi la regardons avec des yeux aussi ronds que l'horloge qui indique dix-neuf heures. Avec désinvolture, elle hausse les épaules et déclare :
— C'est souvent les personnes auxquelles on pense le moins qui nous sauvent la mise. J'ai déjà aidé pas mal de personnes avec ma banque de protections secrète... Bon alors, serviette ou tampon ?
— Vous êtes une sainte Monique ! s'écrit Léna.
Je la remercie vivement avant d'attraper une serviette et de la tendre à Axelle.
— Tu sais comment faire, je t'ai déjà montré. Allez vas-y, on t'attend là !
Léna lui désigne une porte renfoncée un peu plus loin et nous la suivons des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
Hugo, qui balayait plus loin, revient vers nous, fier d'avoir chassé la poussière et les dernières miettes oubliées par Léna. Il nous fixe et, ayant sûrement entendu nos cris, s'exclame :
— Finalement Monique n'a pas que de mauvais côtés !
L'intéressée s'arme de son poing et l'abat sur le crâne du médisant. Hugo laisse échapper un cri faiblard, entre souffrance et surprise, tandis que Monique le réprimande :
— Ça t'apprendra à te moquer d'une vieille dame comme moi !
Elle s'éloigne en rouspétant et se laisse tomber lourdement sur une chaise restée au milieu du passage.
— Puisque c'est comme ça, je ne bouge plus d'ici.
Hugo ricane et Monique croise les bras en le toisant du regard. Ces deux là font vraiment la paire... C'est en observant la sauveuse d'Axelle que je m'aperçois de la présence d'un homme non loin de là. Adossé contre une bibliothèque, il se fond dans l'obscurité des environs et nous observe de loin, tel le spectateur d'une mauvaise pièce de théâtre.
Remarquant que je l'observe, l'homme sort de l'ombre et s'avance à ma rencontre. Je reconnais alors la silhouette du sans-abris souvent assis sur le perron de l'immeuble. Il me sourit et se présente :
— Bonjour Emma, je suis Olivier.
Il me tend sa main et je la serre un peu à contre-cœur.
— Je vois que vous me connaissez déjà, les présentations en sont donc écourtées.
Son sourire ne bouge pas. Au contraire, j'ai presque l'impression qu'il s'agrandit encore (chose qui me semblait impossible).
— Les secrets le restent rarement très longtemps. Si le mensonge prend l'ascenseur, la vérité prend l'escalier. Elle finit toujours par arriver...
Je hoche la tête, pas déstabilisée pour un sou. Si cette vérité tient pour moi, elle tient deux fois plus pour lui.
— Dans ce cas, je vais tâcher de court-circuiter l'ascenseur pour découvrir la vérité plus vite, dis-je en souriant de toutes mes dents.
Il se met à rire. D'un rire fuyant et hésitant certes, mais il rit et c'est ce qui trahit sa faiblesse sous mes yeux. M'écartant de sa compagnie, je retourne auprès de l'éponge que j'avais laissée en plan sur la table désormais sèche. Je reprends ardemment mon nettoyage et ne laisse aucune chance aux maigres taches qui batifolent là.
Axelle m'arrache à mon travail quelques minutes plus tard.
— C'est bon maman, je m'en suis sortie. Julie m'a demandé de l'aider à ranger les chaises et on doit ranger les tables maintenant. Je pense que tu les as assez lavées, ajoute-elle en riant.
Julie nous rejoint et nous amenons les tables dans la réserve. Épuisées, nous ressortons dégoulinantes de sueur et les yeux tombant de fatigue. Nous apercevant, Léna lance à la cantonade :
— Je crois que c'est bon maintenant ! On va pouvoir rentrer chez nous. Merci à tous de votre aide précieuse !
Son sourire réveille un peu les âmes endormies et Julie se lève la première pour saluer tout le monde. Franchissant la porte, elle est suivie de près par Olivier qui se contente d'un « Aurevoir » poli.
Léna éteint la lampe et la bibliothèque est plongée dans le noir. Nous la suivons à la queue leu leu jusqu'à la sortie. Hugo en second, suivit de près par Guillaume puis Monique. Derrière elle, les jumeaux se tiennent la main en sautillant, visiblement épargnés par la fatigue. Ils sont suivis d'Axelle qui tient une Rosie endormie dans ses bras, tandis que je ferme la marche.
Après que Léna a refermé la porte, notre petit bataillon s'élance sur les chemins du parc, sous une lune éclatante de blancheur. On pourrait presque la faire jouer dans une pub pour le dentifrice. Monique marche en silence à mes côtés, les yeux fixés sur Léna et Guillaume qui rigolent ensemble en face de nous.
— Et tu te souviens de la fois où on avait mis du savon dans le bocal de Jimmy en soufflant avec une paille pour faire monter les bulles ? le blond éclate de rire. Ta mère nous avait hurlé dessus en rentrant ! Heureusement ta sœur avait sorti le poisson sain et sauf de son vase préféré...
— Sauf qu'elle l'avait cassé en voulant le vider dans l'évier, le rire de Léna résonne dans la nuit froide. On n'a pas pu se voir pendant trois semaines après ça !
— Les pires semaines de ma vie ! confirme Guillaume.
Mon amie soupire avant de renchérir :
— Vous alliez vraiment bien ensemble elle et toi... J'aurais aimé que ça continue comme ça.
Une sorte d'ombre s'abat sur Guillaume. Sa joie semble être retombée, pourtant il poursuit sur le ton de l'humour :
— Oh crois moi, j'aurais fait un bien piètre beau-frère ! Et le mariage aurait sûrement fini en bataille de gâteau...
Leurs yeux se croisent et se sourient, avant de retomber faiblement à terre. Un fantôme semble flotter entre eux.
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Bonjour tout le monde !
Me voilà rentrée de vacances :)
Et vous ? Vous partez ou êtes parti ?
Je dois vous avouer que ce chapitre ne me plaît pas vraiment, il mérite une belle réécriture. Mais je n'ai pas eu le temps de la faire et je voulais quand même le poster, en espérant que vous pourriez m'apporter votre avis ^^
J'espère qu'il vous aura tout de même plu !
Les prochains chapitres sont... TROP BIENS ! (oui je suis totalement fan de ce que j'ai écrit XD)
Sérieusement j'ai trop hâte de vous montrer ça ! Vous allez bien rire ! (et pleurer peut-être... De rire ou de tristesse je ne sais pas)
Sur ces bonnes paroles, je vous souhaites une bonne journée et à la semaine prochaine <3
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