Parce qu'aucune lumière ne s'éteint jamais vraiment
1 mois plus tard...
Je monte les marches quatre à quatre et déboule, essoufflée, en haut des escaliers.
— Je suis en retard ! Pardon ! je hurle.
Quatre visages se tournent vers moi, abasourdis. Trois d'entre eux m'arrachent un petit cri de surprise. Guillaume hoche la tête.
— Ma beauté fait toujours cet effet, dit-il. Mais je pensais que pour toi c'était passé.
Hugo lui donne un coup de coude dans les côtes avant de me saluer.
— Salut, Léna.
Emma esquisse un sourire dans ma direction, que je prends comme un bonjour, puis le quatrième visage m'empêche de formuler mes questions à haute voix :
— Si vous voulez bien me suivre, nous allons commencer. J'espère que vous avez tous les papiers que je vous avais demandé d'apporter.
Nous hochons la tête de concert tandis qu'il nous fait asseoir dans son bureau.
— Bien. Alors, nous allons pouvoir parler de la raison de votre venue : le testament de Madame Monique.
Je lance un regard à mes compagnons. Ils ne semblent pas surpris. Suis-je la seule qui n'étais pas au courant ? J'essaie de faire comme si je le savais, mais mon jeu d'acteur doit être médiocre car Guillaume se tourne vers moi et hausse un sourcil :
— Pourquoi es-tu si surprise ? semble-t-il dire.
— Je ne savais pas, j'articule silencieusement.
Il hausse les épaules.
— Tu n'avais qu'à lire. Tout était écrit.
Je lève les yeux au ciel.
— Merci Guillaume, toujours d'une aide précieuse.
Il sourit et m'adresse un clin d'œil.
— Toujours là pour te servir. Tu ne pourrais pas te passer de moi, hein ?
Je secoue la tête et reporte mon attention sur l'homme en face de nous. Dans la cinquantaine, il semble savoir ce qu'il fait. Heureusement, car je n'ai pas écouté un traître mot de ce qu'il a dit.
— Maintenant, il faut que vous signiez là. Avant que je ne puisse vous lire ce qu'elle m'a demandé de vous partager.
Cette fois-ci, je ne semble pas être la seule surprise par ces paroles. Monique aurait-elle eu assez de cœur pour nous laisser un mot avant de mourir ?
Nous signons tour à tour très rapidement, pressés d'entendre ce que le notaire a à nous lire. Lorsque sa voix s'élève, grave et monocorde, nous dressons tous l'oreille :
Mes amis, mes Lucioles.
Pendant ces quelques semaines, vous m'avez éclairée mieux que toutes les étoiles du monde, sans vouloir les vexer.
J'écris ce soir ces mots, alors que nous venons de clore l'un des plus beaux chapitres de notre histoire. L'océan a semblé guider mes pas jusqu'à une porte que je croyais close. Olivier, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble, s'est présenté à moi avec une offre. Il me faisait propriétaire des Lucioles, en échange d'un tableau de Victor.
Au premier abord, cette demande m'a fait tiquer. Mais, à son drôle de sourire, j'ai compris que cette demande était plus que ce que je voulais croire. Voilà une chose que j'ai appris ce soir : on croit souvent que le passé n'est retenu que par nos esprits, mais ce sont surtout les objets qui en gardent le souvenir.
Les marques dans le bois, la trace d'un verre dans la poussière... nous laissons d'immenses traces derrière nous. Quoique invisibles la plupart du temps.
Alors, j'ai offert un de ces tableaux à Olivier ; et je décide d'offrir le reste de ma collection à Léna.
Je laisse échapper un hoquet de stupeur. Moi ? Mais pourquoi ? Le notaire me lance un regard dénué d'émotions avant de continuer à lire. Emma appuie sa main silencieusement sur mon épaule. Je suis là, Léna.
J'imagine que cette décision va te surprendre, toi qui n'as jamais été fichue de comprendre à quel point tu fais du bien au monde. Léna, ton sourire fut l'une des choses les plus précieuses de ma vie. Alors retrousse tes lèvres plutôt que tes manches et souris au monde. Tu vas guérir !
Une larme solitaire s'échoue sur ma joue, alors qu'un immense sourire se dessine sur mon visage. Oui, Monique. Je continuerai de sourire au monde toute ma vie.
À Emma, qui a, contre toute attente, été l'une des personnes qui me comprenaient le mieux ; j'offre une part de ma fortune (bien que je ne sois pas si riche que j'en ai l'air). Parce que tes enfants ont été les premiers à m'appeler Mamie et que j'ai pour eux nombre de Noëls à rattraper.
La main d'Emma sur mon épaule se crispe un instant, puis un sourire épanoui nait sur son visage. Oui, Monique. Vous avez toujours su faire les choses bien.
À Hugo, le pire des amis du monde, mais surtout la meilleure personne sur laquelle tester ses moqueries ; et à l'homme de ta vie, du moins je l'espère, Guillaume. Je vous offre l'autre partie de ma fortune.
Les garçons s'échangent un regard étincelant et leurs mains se rejoignent presque automatiquement. Oui, Monique. Je crois que vous ne vous trompez pas en disant qu'ils sont des étoiles sœurs.
Et enfin, à vous quatre, dont je ne crierai jamais assez fort le nom pour que vous m'entendiez du ciel ; je lègue l'immeuble des Lucioles. Un merci ne servira à rien, je ne pourrai plus vous envoyer de pique désormais. Haïssez moi tant que vous voulez maintenant, je vous en donne le droit.
Nos yeux se croisent, nous échangeons des sourires à la fois heureux et crispés. Qu'allons-nous faire, sans elle ? Qu'allons-nous faire de cet immeuble qui portera toujours son ombre ? Oui, Monique. Vous avez encore une fois réussi à nous faire sourire.
Enfin, ne vous inquiétez pas pour le reste. J'ai fait tout ce qu'il fallait. Si vous vous demandez ce qu'il va rester à ma famille, je répondrai « pas grand-chose ». Ils n'avaient besoin de rien, si ce n'est d'un dernier souvenir avec moi. Et c'est chose faite, grâce à vous.
PS : Léna, pense à t'occuper du comité festif, l'académie des sourires a besoin de sa reine !
Le notaire se tait. Il relève ses yeux vers nous, mais son regard semble nous traverser. J'examine mes compagnons avant de me risquer à poser la question qui me taraude :
— C'est tout ?
L'homme semble sortir d'une longue nuit de sommeil lorsqu'il me répond mollement :
— Oui.
Je fais mine de me lever, étant donné qu'il ne semble rien avoir à ajouter, et attrape mon manteau.
— Attendez ! dit-il rapidement.
Désormais debout, campée sur mes deux jambes je me retourne, fuyant les regards interrogateurs de mes amis.
— Oui ? je demande.
Il tire sur une des poignées de son bureau et se met à fouiller dans le tiroir. Après quelques secondes, il en sort un petit boitier.
— Une boîte à bijoux ? je m'exclame.
Il hoche lentement la tête, ce qui me donne vraiment envie de le secouer pour le réveiller, pour de bon cette fois.
— Elle m'a laissé ça en me disant de le donner à celui de vous quatre qui serait le plus à même de le comprendre.
Je regarde mes amis en haussant un sourcil, mais ils sont aussi étonnés que moi. Je décide de me rasseoir.
— Comprendre qui ? je demande.
— Comprendre quoi, me corrige-t-il.
Il soulève le couvercle de la boîte et en extirpe un petit pendentif : un croissant de lune argenté qui semble embrasser un soleil doré. Hugo se penche en avant, l'air intéressé.
— Je suppose qu'on peut les détacher, dit-il.
Le notaire hoche la tête pour approuver ses propos. Hugo se renfonce dans son siège, à côté de Guillaume, et semble étrangement serein lorsqu'il déclare :
— La lune représente Monique. Le soleil, Victor.
Deux astres inséparables et à la fois étrangement opposés.
Je jette un regard en coin à Guillaume et Emma alors que l'homme face à nous se penche sur un petit papier au fond de la boîte à bijoux.
— C'est exact, finit-il par dire.
Et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, presque jusqu'aux larmes.
— Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
Hugo me fixe avec un air courroucé. Je ne peux m'empêcher d'afficher un rictus condescendant lorsque je réponds :
— Si Monique avait su que c'est toi qui répondrais, je crois qu'elle se serait tapé le front contre un meuble.
Déconcerté, le notaire tend le boîtier à Hugo alors que nous éclatons tous de rire. De cela je suis certaine, Monique ne cessera jamais de nous hanter. Tout comme la lune hante nos nuits et le soleil, nos jours.
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Hey les lumières ❤️
Ça y est, nous entamons le dernier round 🥺
J'espère que vous ne me tuerez pas après avoir lu ce chapitre, et qu'il ne vous a pas trop fait pleurer ✨
On se retrouve la semaine prochaine 🍀
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