Où une dernière voix se dévoile
Je remplis les pots de glace d'un geste mécanique, un sourire forcé sur les lèvres. Toujours là pour satisfaire les clients quelle que soit mon humeur ! Néanmoins, ils semblent avoir remarqué mon mal être ces jours derniers car ils sont moins nombreux que d'habitude.
—Hugo ! Tu viendras me voir dans le bureau après ce client, m'interpelle mon boss.
—Oui patron.
Je sers le dernier client, une boule parfum « cœur de glace », et demande à ma collègue de me remplacer. J'ôte mon tablier et rejoins le bureau du chef. Je pénètre dans la pièce en refermant la porte derrière moi avant de me retrouver face à un homme mince qui me fixe, assis sur une chaise en forme de cône de glace. Je n'ai toujours pas réussi à percer le secret de sa corpulence, comment un homme peut-il manger autant de glace et rester aussi maigre ? Je le surprends souvent dans la chambre froide, en train de racler les bacs vides et pourtant il ne semble pas prendre un seul gramme.
—Assieds-toi.
Je prends place sur le siège face à lui, une boule de glace rose un peu décolorée. Il se penche par-dessus le bureau et appuie ses coudes sur les paquets de feuilles entassés, les mains jointent et les sourcils froncés. Rien de bien rassurant...
—On va parler business toi et moi. Tu sais quel est notre slogan ?
—Un sourire et une glace c'est mieux qu'un palace !
—Très bien. Et maintenant dis moi, quelle est la principale raison pour laquelle je t'ai embauché ?
—Mon sourire ?
—Ton sourire. Exactement !
Il se lève brusquement et commence à tourner autour du bureau, sans pour autant tourner autour du pot.
—Je t'ai choisi parce que ton sourire était terriblement vrai. Je vois tous les jours ces gens dans la rue avec de faux sourires sur le visage pour arriver à vendre leur camelote. Mais toi tu avais un vrai sourire ! Un sourire profond, revigorant et véritable.
Il marque une pause et s'arrête en face de la photographie de l'équipe, posant devant la boutique de glaces, souvenir de l'été dernier pour le lancement de l'entreprise. Mon visage se détache sur la droite de l'image, mon grand sourire me saute aux yeux. Mes cheveux bruns courts flottent au vent et mes yeux noisette brillent sous le soleil. C'est peut-être un peu égocentrique de dire ça, mais j'ai l'impression de briller sur ce cliché...
—J'irai droit au but, dit-il en se rasseyant, ton sourire a disparu depuis quelques jours. Je ne te demande pas de me dire pourquoi, je ne suis pas psy. Mais je te demande de prendre une semaine de congé, le temps de repartir du bon pied. Tu comprends ?
—Oui patron, je comprends...
—Je ne te vire pas, mais comprends bien que je ne peux décidément pas continuer à te présenter aux clients avec un visage de déterré. Tu peux partir tout de suite, mais laisse-moi t'offrir une glace avant.
Troublé, les larmes gelées prisonnières de mes lèvres, je me lève et attrape ma veste sur le porte manteau près de la porte. Il me suit et me prépare lui-même un cornet de glace. J'attrape froidement le cornet, lui sers la main et m'en vais. Mes sentiments sont confus et mes mouvements mécaniques, figés. Avec la soudaine impression d'être devenu une machine, je me retourne.
—A la semaine prochaine.
—A la semaine prochaine Hugo !
Je sors, accueilli par un vent doux de début printemps. Je croise les derniers clients, glaces à la main. Comment se fait-il qu'autant de gens mangent des glaces en hiver ? « Le sourire Hugo, le sourire... » la voix de mon patron empli l'espace de la réponse. Portant ma glace à mes lèvres, je m'imagine déjà gravir les trois étages de l'immeuble des Lucioles et me blottir sous une chaude couverture devant la télé. J'ai besoin de repos... Savourant ma glace parfum « cœur brisé », je parcours les rues de la ville, mes pas suivant instinctivement le chemin que j'ai choisi en déménageant ici.
Les arbres nus semblent trembler de froid autour de moi, l'herbe sous mes pieds reste cachée dans une terre plus chaude. Les fleurs tardent à sortir, je ne peux que les comprendre, qui voudrait sortir dans ce triste monde s'il a la possibilité de rester dans un endroit bien meilleur ? Mon optimisme disparu, je me fais peur à moi-même. Mes pensées s'amalgament et fondent en un mélange confus de sentiments. J'ai l'impression qu'on passe mon cœur dans un broyeur et mon corps complet dans un mixeur, tout en rajoutant une bonne dose de chagrin. Je devrais peut-être proposer cette recette au patron. Parfum « Amalgame de moi ».
Sortant du parc, je ne pense plus qu'à une chose : rejoindre mon lit. Je croiseun homme sur le perron, enrubanné dans une écharpe miteuse, il semble m'observercomme si j'allais tomber en poussière tout ses yeux. Tremblant, je monte lentementles escaliers et m'effondre au milieu des draps.
~~~
Bonjour les petits fours !
(Oui j'ai faim, et oui ça rime)
Vous savez quoi ?
Vous avez rencontré tous les personnages !
Leurs points de vues vont désormais s'alterner pour vous conter ce récit :)
Qu'avez-vous pensé d'Hugo ?
L'unique homme qui vous contera ses pensées vous plaît ? XD
Je vous attend mercredi et...
Bonne journée ❤️
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