Montée vers le passé
Les rideaux gris volent sur mon visage. Le vent s'engouffre dans ma gorge déjà sèche et me fait tousser. Les rayons du soleil s'infiltrent dans la pièce obscure. Je me lève difficilement, j'ai besoin de faire quelque chose d'utile. Je me rassois sur mon lit, une étrange douleur au cœur. C'est fou ce que l'amour peut nous faire...
Pour une fois dans ma vie, je décide de regarder plus loin. Plus loin que moi, plus loin que nous, plus loin que tout. Derrière la vitre, au-delà des murs, avant moi. Dans un futur plus que présent, bientôt passé peut-être...
Des bruits de pas lourds tremblent à l'étage. Je me redresse avec la sourde idée d'aller voir là-haut ce que la vie peut m'offrir. Je m'habille et sort prudemment de ma zone de confort, prêt à découvrir un nouveau monde.
En frappant à la porte de l'appartement 42, je suis accueilli par une femme d'âge sûr qui me prends pour un vendeur ambulant, quelle idée ! Dépité je m'assois sur le sol et sans comprendre pourquoi, sens une déchirure en moi qui libère toutes mes paroles, comme une flèche en plein cœur qui déverse une rivière écarlate de souvenirs. La vieille femme revient et m'invite finalement à entrer pour me consoler. La pitié peut parfois faire de belles choses...
Son habitat semble tremblant, comme son cœur. Elle me conforte et m'offre son aide alors que c'est la mienne que je venais proposer, pourtant je sens en elle un gouffre vide qui n'attend que des réponses pour se combler. Je joue la carte de l'humour contre un adversaire que je connais peu, ravi d'avoir un nouveau joueur dans la partie et prêt à le faire plier. En deux temps trois mouvements, les manches remontées et le font en sueur, je me retrouve à chasser la poussière et les souvenirs dans l'appartement de Monique.
C'est un nouveau monde que je découvre à travers les babioles collectionnées au fil du temps par cette femme de caractère qui ne veut me voir toucher qu'avec les yeux des souvenirs disparus sous les grains grisonnants du temps. Elle ne parle pas, ne dit rien, je monopolise tout l'espace de discussion avec des blagues peu drôles qui la font néanmoins sourire. J'ai l'impression de la connaître plus que moi-même à travers les souvenirs que portent ses trouvailles d'ancien temps. Chaque marque, chaque bosse, chaque trou, chaque pelote de poussière contient un souvenir inoubliable qui en apprend plus que n'importe quelle parole sur l'identité de son propriétaire. Le temps fait l'affaire d'une vie quand on reste à regarder le sable se répandre en-dehors du sablier.
Après un sacré ménage et un bon repas, je salue Monique en lui faisant la promesse de revenir, tel un pendule qui retourne toujours là où il était l'instant d'avant. Je rentre me changer et dans un élan d'idée nouvelle, j'emporte mes livres et descends les marches une à une pour déconstruire le passé et reconstruire le présent. Sur le perron je retrouve l'homme du hall. Monique l'appelle « L'homme aux Etoiles », le regard toujours plongé vers les spectres étincelants du firmament, il a des airs de marchand de sable perdu, comme si la vie l'avait roulé dans la poussière. En plein hiver, emmitouflé dans des couvertures décousues, il ressemble à un pharaon déchu enseveli dans sa pyramide de sable.
En passant à côté de lui, je le salue d'un air enjoué et m'arrête devant lui, prêt à lancer une discussion avec L'homme aux étoiles. Il lève ses yeux vers moi et je sens son regard scruter au plus profond de moi-même, retournant chaque parcelle de mon cœur pour trouver les derniers flocons de glace à chasser. Dans un frisson je me détourne de lui. Quelle est cette puissance qui me fait trembler de la tête aux pieds ? Un secret est fait pour rester enfoui, je ne veux pas le déterrer. Je sers mes livres dans mes bras comme une bouée qui m'empêcherait de couler. Stoppé net dans mon élan vers la discussion avec le messager des astres, je pars à grandes enjambées.
Mes pas me guident d'eux-mêmes à la bibliothèque de la ville. Mon esprit s'est vidé de toute pensée logique et seul le sourire de la jeune bibliothécaire me maintient sur Terre. Est-il possible qu'un regard puisse remuer autant, voire plus, que des paroles ? J'ai voulu me cacher derrière mon sourire, mais la vérité m'a rattrapée. « Les yeux sont le miroir de l'âme » comme on dit. Je ne sais pas ce qui l'a conduit à vivre dehors, ni qui il est, mais je sais qu'un regard comme celui-ci ne peut pas être celui d'un homme heureux...
Sans vraiment me rendre compte des paroles qui passent mes lèvres et du temps qui passe, je me retrouve dans la rue, un livre à la main et le doux vent me caressant le visage comme un chat qui se frotte à vous pour être nourrit. J'ouvre doucement l'ouvrage à la couverture fleurie, le vent fait tourner les pages d'un mouvement vif et simple. La bourrasque passée, je regarde la page à laquelle le livre est resté ouvert. La première phrase résonne étrangement en moi, comme quoi la nature fait bien les choses !
« Le passé contient souvent plus de réponses que le futur, pourtant on cherche à l'oublier. Ma grand-mère me disait toujours que l'univers est un grand châle tissé avec les liens entre les gens, des fils élastiques qu'on ne peut pas couper. Il suffirait de tirer dessus pour retrouver un peu d'avant, et elle concluait en disant : cela ne sert à rien d'oublier, car la vérité revient toujours plus vite que le mensonge... »
Feuille volantes et souvenirs envolés, pieds l'un devant l'autre jusqu'au nuage des âges, la vie, le vent, c'est moi qui fuis.
Assis sur un banc, j'observe l'herbe verte enfin sortie de son épisode de Blanche-Neige. Le printemps revient doucement et comme tous les ans j'attends avec impatience de voir réapparaitre les douces couleurs des fleurs. Elles sont pour moi une grande source d'inspiration, dans ma création de parfum glacés elles sont un passage indispensable vers la réussite. Aujourd'hui c'est le parfum « printemps givré » qui s'invite dans mes pensées. Des pétales de perce-neige, du sirop de rhubarbe et une pincée de graines de fraises. Pourquoi pas ? Quel goût cela peut-il bien avoir ?
Le livre glisse sur le banc et le froid s'invite sur mes cuisses à sa place. Une image me revient tout à coup, celle de la bibliothécaire qui m'a conseillé ce livre. Des yeux bruns accrocheurs, couleur chocolat fondu avec un sourire chamallow s'apparentant à un tsunami de douceur. Des cheveux comme l'automne, couleur brun nuancé. Elle aurait tout pour remplacer Anna, mais le visage de cette dernière tourne en boucle dans mon esprit. Comme un tourbillon de souvenirs vagues, des images flous surgissent et emportent avec elles les quelques grains de magies qu'il me restait après les fêtes. L'esprit vague je déambule dans les allées terreuses du parc.
Son visage et nos souvenirs me hantent. « Les meilleures photos sont faites avec le cœur » disait mon père, mais papa où sont nos photos à nous désormais ? Les larmes et le temps ont tout emporté quand tu es parti. Comme un tsunami, le chagrin a tout détruit... Un carnet photo trempé de larmes et une faille de douleur qui se transforme en rivière, voilà ce qu'il reste de mon cœur. C'est un peu comme une gare, on entre, on sort, j'essaie de retenir quelques minutes encore ces personnes qui me sont chères : « Le train est en retard ! », toujours la même réponse : « D'accord, j'attendrai sur le quai ». Le quai de mes rêves oui...
Et dans le port de mon corps, on accoste à tout heure sans vraiment s'accrocher, juste déverser une marque, un son, un cri qui résonne jusqu'au bout de la mer. Le phare tournoie, ma tête aussi avec toutes ces questions sans réponses qui se ruent sur les poissons oubliés, comme des mouettes en quête de survie.
J'ai l'esprit en berne et le cœur à la dérive...
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Bonjour cher lecteur !
J'espère que ta journée se passe bien ;)
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Arrivez-vous mieux à comprendre Hugo ?
Je suis en train de réfléchir à ralentir le rythme de publication parce qu'en ce moment j'ai beaucoup de boulot et j'ai du mal à trouver le temps d'écrire pleinement. De plus, avec le travail sur ordinateur mes yeux sont en permanence sur un écran et ils fatiguent donc très vite.
Ainsi, mon nombre de chapitres d'avance diminue rapidement, j'ai peur de ne plus pouvoir tenir un rythme correct de publication (2 fois par semaine). Je risque donc de passer à 1 fois par semaine d'ici peu.
Bonne journée à vous !
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