Le Tissu de L'amitié
J'ai passé la journée d'hier à essayer de trouver une tenue convenable pour ma sortie du jour. Je ne vais tout de même pas me rendre à un rassemblement dans une tenue de grand-mère ! J'ai fini par retrouver, par chance, une robe bordeaux agrémentée de dentelle rose pâle sur le bas des manches et le long du col ; accompagnée d'une fine ceinture noire. C'est une tenue que j'ai portée il y a longtemps pour le mariage de mon fils, par un extraordinaire miracle il s'avère que je rentre encore dedans.
Je m'apprête à sortir en attrapant mon sac à main mais me reprends avant de poser la main sur la poignée. Hugo a promis de venir me chercher, je vais l'attendre. Ne sachant que faire, je reste pantelante dans le corridor et observe une énième fois les tableaux de Victor affichés là. Une fine couche de poussière stagne par-dessus les coups de pinceau adroits de l'artiste, tandis que la peinture commence à craqueler.
Victor aimait beaucoup faire « comme avant » : peinture à l'huile, pointillisme et réalisation de paysages et petites scènes de vie. C'était là notre plus grosse différence, j'aimais avancer, il préférait reculer. Nous avons stagné ainsi pendant des années avant d'avoir notre premier enfant. Victor était un homme qui savait d'où il venait, j'étais une femme qui savait où elle allait. Lui était venu du ventre de sa mère, il était reparti dans une tombe. Moi j'allais vers les étoiles et je suis resté sur Terre...
Quatre légers coups font vibrer la porte, je me précipite sur le verrou et souris de toutes mes dents pour accueillir...
— Hugo !
— Monique ? Ne semblez pas si surprise, je vous ai dit que je passerai vous prendre.
Il m'examine de la tête aux pieds et un sourire sincère étire ses lèvres.
— Vous êtes resplendissante Monique.
— Arrête, tu vas me faire rougir, répondis-je en le poussant sans ménagement pour refermer la porte.
Comme dans un vieux film romantique, il me tend son bras et nous descendons les escaliers au coude à coude. Des étoiles plein les yeux, je m'élance à ses côtés sur la route terreuse du parc lorsqu'il me chuchote tout à coup :
— Monique, je ne voudrais pas vous effrayer mais... Je crois qu'on est suivis.
Ses yeux esquissent de furtifs mouvements vers l'arrière mais nous continuons notre route comme si de rien n'était. Hugo commence à accélérer et la bibliothèque me semble à des années lumières d'ici alors que mon souffle s'épuise. Exaspérée, je vérifie une dernière fois que la personne est toujours sur nos traces et me retourne vivement en arrachant un cri de surprise à Hugo.
J'avance à pas rapides vers la silhouette qui se détache dans mon champ de vision et rencontre une maigre femme avec un foulard étoilé entre les mains. Ses cheveux noirs ondulent le long de ses joues et masquent ses yeux alors qu'elle marche tête baissée. Je me rapproche d'elle et l'interpelle vivement tandis qu'elle lève son regard vers moi :
— Eh ! On peut savoir pourquoi vous nous suivez ? Ne nous faites pas croire qu'on se trompe, on vous a vu nous suivre depuis l'immeuble là-bas.
Je pointe du doigt le bâtiment qui se dessine derrière les branches des arbres et observe sa réaction. La femme blêmit et ses yeux se teintent de peur. Sa voix tremblote lorsqu'elle me répond :
— Mais enfin, jamais je ne... J'habite moi-même dans cet immeuble !
Je perçois tout à coup la présence d'Hugo à mes côtés qui prend le relais de la conversation :
— Dans quel appartement habitez-vous dans ce cas ? Quel est votre nom ?
Je lui donne un petit coup de coude dans les côtes et souffle :
— Tu y vas peut-être un peu fort là non ?
Il ne répond pas et laisse la femme nous dévisager avec des yeux arrondis par la peur.
— Emma. Je m'appelle Emma, répète-elle comme pour elle-même. J'habite au numéro 6...
Je me tourne vers Hugo et en essayant de m'exprimer avec un air détaché, j'affirme :
— C'est bon. Je pense qu'on peut arrêter l'interrogatoire là. Tu vois bien qu'elle ne nous suivait pas.
Il soupire et reste figé, le regard plongé dans celui d'Emma. Pour toute réponse, il offre une nouvelle question :
— Alors où est-ce que vous alliez comme ça ?
Un grain de colère me chatouille le nez. Décidément, il ne lâche rien le bougre.
— À la bibliothèque, réponds-elle en tentant de détacher son regard de mon voisin. Je dois apporter ça à Léna.
Elle lui montre le foulard comme s'il s'agissait d'une pièce à conviction. Hugo trésaille.
— Léna ? Oui c'est bon. Puisque nous allons au même endroit vous n'avez qu'à vous joindre à nous.
Perplexe, notre nouvelle camarade n'a pas l'air de savoir quoi répondre. Elle se contente donc d'un :
— Vous pouvez me tutoyer vous savez ?
Mon compagnon secoue la tête. On dirait presque qu'Emma vient de lui demander la lune. Je rétorque :
— À force de faire trembler ton petit cerveau dans ta grosse tête il va finir en purée.
Je fais mine de lui ôter des pellicules de l'épaule et termine :
— Remarque tu devrais essayer un autre shampoing, les pommes de terre sont rarement si nombreuses.
Mon sens de la répartie manque d'entrainement mais la mâchoire d'Hugo se crispe et il se retourne d'un coup sec pour partir à grandes enjambées. Je soupire en étouffant un ricanement et regarde ma nouvelle amie :
— Il est un peu susceptible...
— Si peu, élude-t-elle ironiquement.
Nous rions ensemble et nous élançons sur la route côte à côte. La silhouette d'Hugo s'efface devant nous pour laisser place à des bâtiments grisâtres ayant, pour la plupart, une fonction de logement. Comme en réponse à mes pensées, Emma m'interroge :
— Pourquoi des lieux nommés « lieux de vie » sont-ils si ternes ? Finalement aussi bien extérieurement qu'intérieurement d'ailleurs...
Je souris inexplicablement et ne répond qu'après quelques secondes de réflexion :
— Peut-être qu'on leur a donné ce nom uniquement pour faire espérer l'inexprimable.
Ses sourcils se lèvent vers le ciel et ses yeux prennent une lueur interrogative. Je balaie l'air d'une main, lui signifiant que ma réponse est sans importance, bien qu'elle semble penser le contraire. Finalement, elle baisse le regard vers le sol et continue d'avancer en silence, jouant avec le foulard entre ses mains.
Nous traversons la rue et prenons à droite avant de tourner à gauche. A l'angle, un petit cri de stupeur m'échappe lorsque nous nous retrouvons face à Hugo.
— Je vous attendais, déclare-t-il comme si c'était la chose la plus sensée au monde.
— Ta susceptibilité a attendu avec toi ? Parce j'ai une préférence de discussion avec les gens comme cette jeune dame qui ne s'offusquent pas à chacune de mes phrases, dis-je en désignant Emma.
Je crois bien que mon interlocuteur va s'étouffer avec sa propre incivilité. Il se met à tousser, comme ayant avalé de travers son poison intérieur, et me lance un regard plus noir que le charbon. Pendant ce temps, Emma retient une crise de rire qui menace d'éclater dans ses yeux.
— Ça va, pas besoin d'en rajouter... Allons-y, lâche-t-il amèrement.
Nous échangeons un regard malicieux et rieur puis emboitons le pas à l'homme qui nous tient galamment la porte d'entrée de la bibliothèque. Je me tourne vers lui d'un geste brusque et plante mes yeux dans les siens en m'écriant :
— Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait d'Hugo ?
Je fais semblant de défaillir dans ses bras pendant qu'Emma explose de rire. Mon compagnon balbutie :
— Mais... Enfin Monique, ne parlez pas aussi fort !
— C'est la seule chose que tu as à dire pour ta défense ? ricané-je.
Il ne répond rien et s'adresse à Emma :
— Alors, où est Léna ?
Une lueur soupçonneuse teinte le regard de celle-ci et elle plonge ses yeux dans ceux d'Hugo. Je crois que je viens de trouver une camarade d'espionnage et une nouvelle enquête sur l'activité suspecte de Cupidon.
— Je vais la chercher ! dit-elle en s'éloignant, et un sourire malicieux vient étirer ses lèvres.
Nous la suivons de loin. Je l'aperçois soudain au bout de la salle, en train de discuter avec une jeune femme un peu floue à mes yeux, elle semble lui offrir le foulard pendant que l'autre sourit.
Une longue table prend place à côté d'elles avec divers objets et panonceaux dont je distingue mal l'identité précise. Hugo et moi continuons d'avancer tout en observant les alentours. Je ne suis jamais venu ici, mais l'odeur des livres et l'ambiance amicale qui règne dans la bibliothèque m'arrache un soupir d'extase.
Tout à coup, Hugo se tend à côté de moi et commence à parler par chuchotis, comme s'adressant à lui-même. Son regard est fixé sur l'interlocutrice d'Emma qui commence à avancer vers nous.
— Les amis, je vous présente...
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Heylo les amis 🌟
J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu ! 💕
À votre avis, qui Emma va-t-elle leur présenter ? (Bon ok c'est facile 😂) Mais pourquoi Hugo est-il si étonné ?
Qu'avez-vous pensé de la rencontre entre mes personnages ? J'ai hâte de vous montrer les prochains chapitres !!!
(Je me suis éclatée à les écrire !)
Je dois vous avouer que j'ai eu du mal à choisir l'image du chapitre... J'en ai trouvé bien trop XD
Bonne journée ❤️🍀
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