Fantômes Nocturnes
Extraordinaire. Bien qu'à mes yeux rien ne soit ordinaire, le mot s'applique parfaitement à la situation. Le prénom que vient de prononcer Hugo tourne en boucle dans ma tête. Stella.
À côté de moi, mon ami me fixe étrangement. Si Monique avait été là, elle lui aurait sûrement déjà mit une baffe. Cette pensée me fait sourire et revenir à la réalité.
— Allons nous asseoir. J'ai quelque chose à te raconter.
Il me suit sans rechigner. Je nous guide vers un banc caché sous les branchages et me laisse tomber sur l'assise glacée. Là, je lui raconte l'histoire de l'homme aux étoiles. Ou plutôt celle d'Emma puisque c'est elle qui nous l'a partagé. Hugo m'écoute avec attention avant de porter son regard vers le ciel.
— On fond de nous, on savait tous que cet homme était un étrange personnage non ? Nous avons accepté de prendre part à l'histoire au moment même où nos chemins se sont croisés. Il n'est plus temps de reculer Léna. Je sais que toi aussi tu souhaites l'aider. Tu veux aider tout le monde. Je n'ai qu'une chose à te dire : n'oublie pas de t'aider toi-même.
Il plonge ses yeux dans les miens. Ses paroles se fraient un chemin dans mon esprit. Je ne crois pas qu'il ait déjà dit quelque chose de plus sensé dans sa vie. Si Monique avait entendu ça, elle aurait sûrement fait un arrêt cardiaque. Un sourire m'échappe.
— Pourquoi souris-tu soudain ? m'interroge Hugo.
— Je pense à Monique.
— Cette femme me haie.
Je ris et le rassure.
— Je crois que la seule personne qu'elle puisse haïr, c'est elle-même. Je n'ai pas encore percé le mystère, mais son cœur est lourd de remords. Ça, j'en suis certaine.
— Pourquoi est-elle si froide alors ? Si abrupte et sèche dans ses mots ?
— Elle a peur, Hugo. Peur qu'on s'attache à elle et qu'on soit détruit par sa mort. Elle ne fait pas ça par égocentrisme, mais en connaissance de cause. Son regard est triste, il a une tâche noirâtre indélébile : celle de la mort d'un être cher. Crois-moi, je parle en connaissance de cause.
Il attend la suite en restant figé sur mes lèvres.
— Monique s'est forgé une carapace qu'elle imaginait indestructible. Jusqu'à ce qu'on arrive et qu'on commence à la fissurer de toutes parts. Elle a déjà tant perdu... Elle refuse d'avoir encore quelque chose à perdre.
Ebahi, Hugo balbutie :
— Et... Tu as vu, enfin tu as compris tout ça rien qu'en la regardant ?
— Oui, je réponds en haussant le épaules. Les gens gardent des traces sur leur peau, dans leurs yeux surtout. Il suffit de savoir regarder pour comprendre. Les actes laissent leurs marques tu sais... Une fois que tu en as vu une, tu ne peux plus l'oublier. Elle reste lier à toi. J'en ai vu déjà, plusieurs. Elles sont restées encrées dans ma mémoire, elles n'échappent plus à mon regard. Je ne peux pas connaître l'histoire exacte du passé des gens de cette façon, mais je peux connaître l'histoire de leur présent.
Il ne répond rien. Je vois son regard s'assombrir et une question lui brûler les lèvres. Sachant qu'il n'osera pas la poser, je décide de lui répondre tout de même :
— Oui j'ai vu tes marques aussi, Hugo. Celles de la perte, de l'abandon, de l'incompréhension surtout. Et celle d'un manque d'amour qui te ronge jusqu'au cœur. J'ignore tout de ton passé, mais les flammes te dévorent encore de l'intérieur.
Je me lève. Cette discussion m'a fatiguée et je commence à avoir froid.
— On rentre ?
Hugo hoche la tête et se redresse lentement.
— C'est fou. C'est même complètement dingue. Il y a quelques minutes encore je croyais être amoureux de toi et maintenant j'ai peur de toi. Je n'arrive pas à savoir si découvrir mon passé reviendrait à réveiller mes démons ou si au contraire, cela m'aiderait.
Il se tourne vers moi, le regard vide, et désigne son poignet.
— Avec cette montre, mon passé m'ouvre les bras. Et ça me coûte de l'avouer, mais je suis terrifié à l'idée de devoir m'y confronter seul. Pour autant, je ne souhaite pas que quiconque m'accompagne dans cette aventure, il y a trop à perdre. Et si peu à gagner...
Je pose ma main sur son bras, priant pour qu'il ne se dégage pas. Je veux l'aider, il le sait. J'ai peur qu'il ne me laisse pas faire.
— Hugo, ton passé a attendu de nombreuses années dans l'ombre, je crois qu'il peut y rester encore un peu. J'ai souvent pensé que le passé devait être compris pour que le futur puisse être construit.
— Et tu ne le penses plus ?
— Je ne sais pas. Je crois que si. Mais je crois aussi qu'il y a des choses qui doivent rester incomprises et qu'il faut simplement l'accepter. Tu vois ?
Il hoche la tête, l'air pourtant pas très convaincu.
— J'ai vécu toute ma vie avec des démons en points d'interrogation. Je n'ignore pas que les questions sans réponse rongent notre existence jusqu'au jour où elle s'arrête. On a tous des énigmes non résolues dans notre dos, le plus dur est de savoir regarder vers l'avant en étouffant cette envie de se retourner sans cesse. J'essaie Léna, j'essaie sincèrement de regarder droit devant. Mais la tentation est trop forte. Je n'y arrive plus.
— Je comprends. Et crois-moi, c'est dur. C'est long, difficile et plus encore quand tu es seul. Je connais quelqu'un qui n'a de cesse de se retourner. Je crois que tous les deux, vous iriez bien ensemble.
Je me force à lui adresser un grand sourire.
— Qui est-ce ?
— Tu le sauras bien assez tôt, ne t'en fais pas.
Hugo acquiesce lentement, devant se contenter de ma réponse vague.
— Et si on rentrait maintenant ? je demande.
Cette discussion achevée dans le vent frais a fini par me glacer complétement. Hugo s'élance sur le chemin du retour et je le suis de près. Ma lampe commence à faiblir, j'aurais dû changer les piles avant de partir. Je m'efforce d'admirer le paysage nocturne sur la route, le chemin semble moins long qu'au départ. Nous arrivons bientôt devant l'immeuble et ses fenêtres obscures.
Une agitation inhabituelle attire mon regard devant l'entrée. Un homme affolé franchit les portes, les bras chargés d'un immense sac de course d'où dépassent des morceaux de vêtements de toutes sortes. Je l'arrête :
— Bonsoir monsieur, avez-vous besoin d'aide ?
— Je... Oui, s'il-vous-plait. La voiture là-bas, je dois partir. Vite.
J'attrape ses clés et ouvre le coffre d'une grande automobile vert foncé. Je cherche Hugo du regard et l'incite à interroger gentiment l'homme. Hors de question de laisser ma curiosité sur le côté.
— Je ne vous ai jamais vu par ici. D'où venez-vous ?
— Pas d'ici. Je suis là pour ma mère.
Il m'arrache les clés des mains et reprends son souffle.
— Crise cardiaque. Je n'ai pas le temps de vous parler, je dois retourner à l'hôpital.
Il s'installe au volant et met le contact. Je lui lance une dernière question :
— Comment s'appelle votre mère ?
— Monique. Mais je ne crois pas que vous la connaissiez. Elle a coupé les ponts avec tout le monde.
Mon cœur rate un battement. Je me rattrape à Hugo, mais son visage s'est décomposé lui aussi. Dans un élan de détermination, je me précipite du côté passager et ouvre la portière avant que le conducteur n'enclenche la marche arrière.
— Hugo ! Monte ! Je vais prévenir Emma. On vous rejoint vite !
Le fils de Monique commence à bougonner qu'il doit partir.
— Il est hors de question que je laisse monter l'un de vous ici ! Ma mère ne vous connait pas !
Je pousse Hugo sur le siège, ses yeux cherchent un point d'accroche, je vois bien qu'il ne sait pas trop quoi faire alors je prends la situation en main.
— Vous voulez rester en vie ? Alors emmenez-le ! Votre mère sera très heureuse, croyez-moi. Maintenant allez-y et taisez-vous.
Je claque la portière et me met à courir. Mon souffle est court, mes pensées encore embrouillées ; mais l'adrénaline me donne la force d'avancer. Je frappe à la porte d'Emma, en priant pour qu'elle soit encore éveillée et envoie un message à Guillaume par la même occasion.
Entre deux inspirations, je récite comme une litanie : « J'espère que tout ira bien. J'espère que tout ira bien... ». Le regard plongé dans l'obscurité du ciel au dehors, j'ai la curieuse sensation que les étoiles ne sont pas pour rien dans cette histoire.
~~~
Hey !
C'est début des vacances pour un certain nombre d'entre vous, alors je vous souhaite qu'elles soient belles et pleines de bonheur 🥰
Pas comme ce chapitre en somme 🤫
Qu'en avez-vous pensé ?
Je songe bien que beaucoup vont me haïr pour cette fin et j'en suis désolée 🥺
Le gang des cookies diaboliques revient bientôt 🍪
À votre avis, que va-t-il se passer dans le prochain chapitre ? 😮
Bonne semaine les lucioles ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro